Yasser Arafat, Mister Palestine for ever

Retour sur une vie de combat d’un homme sans lequel la Palestine aurait été rayée de la carte du monde

Yas­ser Ara­fat, Mis­ter Pales­tine for ever est un docu­ment paru le 9 novembre 2009, réac­tua­li­sé le 10 sep­tembre 2011 par René Naba

naba.pngIllus­tra­tion : Avec le pré­sident pales­ti­nien Yas­ser Ara­fat au Som­met des non-ali­gnés à Harare (Zim­babwe), juin 1988, à la suite du dis­cours dans lequel le chef de l’Organisation de Libé­ra­tion de la Pales­tine sous­cri­vait pour la pre­mière fois à la réso­lu­tion 242 du Conseil de sécu­ri­té de l’ONU pres­cri­vant un règle­ment d’ensemble du conflit israélo-palestinien.
Source de l’ar­ticle : blog de René Naba

Epi­logue de 63 ans de com­bat, le pré­sident pales­ti­nien Mah­moud Abbas pré­sente le 23 sep­tembre 2011 la demande d’adhésion à part entière d’un Etat de Pales­tine aux Nations unies en vue de cre­ver l’abcès d’un demi siècle de pro­cé­dés diplo­ma­tiques dila­toires, en pla­çant les états occi­den­taux devant leurs propres res­pon­sa­bi­li­tés dans cette tra­gé­die ; une démarche qui marque tout à la fois le triomphe post­hume de Yas­ser Ara­fat, la deuxième mort sym­bo­lique du géné­ral Ariel Sha­ron, son enne­mi le plus irré­duc­tible, trans­for­mé depuis cinq ans en « légumes » et le test des véri­tables inten­tions amé­ri­caines à l’égard d’Israël, un pays dont ils paraissent sou­vent en être l’otage.

Retour sur une vie de com­bat d’un homme sans lequel la Pales­tine aurait été rayée de la carte du monde.

Rien, abso­lu­ment rien, ne sera épar­gné à celui que l’on a sur­nom­mé par­fois, à juste titre, « le plus célèbre res­ca­pé poli­tique de l’époque contem­po­raine », et ce prix Nobel de la Paix, un des rares arabes à se voir attri­buer un tel titre, boi­ra la coupe jusqu’à la lie. Mais le chef pales­ti­nien décé­de­ra le 11 novembre 2004, sans pour­tant n’avoir cédé rien sur rien, sur aucun des droits fon­da­men­taux de son peuple, pas plus sur le droit de dis­po­ser de Jéru­sa­lem comme capi­tale que sur le droit de retour de son peuple dans sa patrie d’origine.

Sa sta­ture sans com­mune mesure avec celle de son terne suc­ces­seur, Mah­moud Abbas, un bureau­crate affai­riste sans enver­gure et sans cha­risme, hante encore la conscience occi­den­tale, sept ans après sa mort.

Car­bo­ni­sé par ses ater­moie­ments dans l’affaire du rap­port Gold­stone sur Gaza, l’offensive diplo­ma­tique contrainte de Mah­moud Abbas face à la démis­sion amé­ri­caine face à la colo­ni­sa­tion ram­pante de Jéru­sa­lem jus­ti­fie a pos­te­rio­ri le scep­ti­cisme du chef his­to­rique des Pales­ti­niens à l’égard des pays occi­den­taux et porte condam­na­tion de la com­plai­sance de son suc­ces­seur à l’égard de la dupli­ci­té occi­den­tale, en même temps qu’elle révèle la ser­vi­li­té de la diplo­ma­tie amé­ri­caine et de son chef, Hil­la­ry Clin­ton, secré­taire d’état, à l’égard d’Israël. La renon­cia­tion de Mah­moud Abbas à une nou­velle man­da­ture pré­si­den­tielle appa­raît d’autant plus cruel­le­ment pathé­tique qu’elle a coïn­ci­dé avec une cin­glante leçon de cou­rage que lui ont assé­née de jeunes pales­ti­niens et des paci­fistes israé­liens en opé­rant, non sans risque, une per­cée dans le mur d’apartheid à l’occasion de la com­mé­mo­ra­tion du ving­tième anni­ver­saire de la chute du mur de Ber­lin, une action qui a reten­ti comme un camou­flet à Mah­moud Abbas, un défi à Israël un défi à la léthar­gie des ins­tances inter­na­tio­nales, condui­sant le suc­ces­seur à renon­cer à bri­guer un nou­veau man­dat, et, dans un contexte dyna­mi­sé par le « prin­temps arabe » à jouer son solde de tout compte dans cette cam­pagne diplo­ma­tique internationale.

A. Le kef­fieh pales­ti­nien, c’est lui.

Le kef­fieh pales­ti­nien, c’est lui. Son por­trait en lunettes noires et Kef­fieh, en cou­ver­ture du maga­zine « Time », dans la fou­lée du pre­mier fait d’armes pales­ti­nien contre l’armée israé­lienne, lors de la légen­daire bataille d’Al-Karameh, le 20 mars 1968, pro­vo­que­ra un choc psy­cho­lo­gique majeur au sein de l’opinion inter­na­tio­nale, contri­buant gran­de­ment à la prise de conscience de la lutte du peuple pales­ti­nien pour la recon­nais­sance de son iden­ti­té nationale.

Plu­sieurs dizaines de fedayin pales­ti­niens, sous le com­man­de­ment direct de Yas­ser Ara­fat pré­sent dans le camp assailli, se lais­se­ront ce jour là déci­més sur place for­çant l’armée israé­lienne à battre en retraite sous le regard impas­sible de l’armée jor­da­nienne, demeu­rée durant la pre­mière phase de la bataille l’arme au pied dans la val­lée du Jourdain.

La bataille d’Al Kara­meh tire son nom, par un curieux clin d’oeil du des­tin, du lieu de la loca­li­té d’Al Kara­meh, la bour­gade où s‘est dérou­lée ce fait d’armes. Acte fon­da­teur du com­bat pales­ti­nien sur le plan inter­na­tio­nal, elle sera per­çue et vécue comme « la bataille de la digni­té retrou­vée » en ce qu’elle lave­ra dans l’imaginaire arabe la trau­ma­ti­sante défaite de juin 1967, infli­geant aux israé­liens des pertes humaines plus impor­tantes que celles subies sur le front jor­da­nien un an plus tôt (1). Elle gal­va­ni­se­ra long­temps la jeu­nesse arabe dans son com­bat poli­tique et pro­pul­se­ra la lutte du peuple pales­ti­nien au sein de la jeu­nesse du Monde. Par sa por­tée sym­bo­lique, elle pas­se­ra à la pos­té­ri­té pour l’équivalent pales­ti­nien de l’antique bataille des Ther­mo­pyles (2), en ce qu’elle signait par le sang et le sacri­fice suprême l’esprit de résis­tance des pales­ti­niens et leur déter­mi­na­tion à prendre en main leur propre combat.

Publiée par la revue amé­ri­caine, la pho­to du chef pales­ti­nien jusque là ano­nyme popu­la­ri­se­ra et le porte-parole de la cause pales­ti­nienne et le sym­bole de l’identité pales­ti­nienne. Elle pré­ci­pi­te­ra la mise à l’écart de son cala­mi­teux pré­dé­ces­seur Ahmad Chou­kei­ry et pro­pul­se­ra, dans le même temps, le Kef­fieh, la coiffe tra­di­tion­nelle pales­ti­nienne, au rang de sym­bole uni­ver­sel de la révo­lu­tion. Le Kef­fieh, à l’origine en damier noir et blanc, sera décli­né depuis lors dans toutes les cou­leurs pour finir par deve­nir le point de ral­lie­ment de toutes les grandes mani­fes­ta­tions de pro­tes­ta­tion à tra­vers le monde de l’époque contemporaine.

« Tout cela était pos­sible à cause de la jeu­nesse, d’être le point le plus lumi­neux parce que le plus aigu de la révo­lu­tion, d’être pho­to­gé­nique quoi qu’on fasse, et peut-être de pres­sen­tir que cette fée­rie à conte­nu révo­lu­tion­naire serait d’ici peu sac­ca­gée : les Fedayine (les volon­taires de la mort) ne vou­laient pas le pou­voir, ils avaient la liber­té », pro­phé­ti­sait déjà en ces termes l’écrivain fran­çais Jean Genêt, un de leur nom­breux com­pa­gnons de route de l’époque, qu’il immor­ta­li­sa dans son inou­bliable repor­tage sur le mas­sacre des camps pales­ti­niens de Sabra-cha­ti­la, dans la ban­lieue de Bey­routh. (Cf. Jean Genêt « Quatre heures à Sabra-cha­ti­la », in Revue d’Etudes Pales­ti­niennes, N° 6 Hiver 1983).

Dans une séquence his­to­rique arabe riche de per­son­na­li­tés cha­ris­ma­tiques, (décen­nies 1960 ‑1970), Gamal Abdel Nas­ser (Egypte), Hafez Al-Assad (Syrie), Houa­ri Bou­me­diene (Algé­rie), Sad­dam Hus­sein (Irak), Fay­sal d’Arabie, beau­coup lui en tien­dront rigueur de sa popu­la­ri­té et de son pres­tige. Israël, d’abord et tou­jours, constam­ment, sans répit, vou­dra neu­tra­li­ser la charge explo­sive de la mys­tique révo­lu­tion­naire que le mou­ve­ment natio­nal pales­ti­nien véhi­cu­lait au sein du tiers monde.

Dans le camp arabe, le Roi de Jor­da­nie, Hus­sein le Haché­mite, s’appliquera en pre­mier, en sep­tembre 1970, à le mettre au pas dans un épou­van­table bain de sang, le pre­mier du sup­plice pales­ti­nien, alors que les autres pays arabes s‘emploieront à limi­ter sa marge de manœuvre, en infil­trant la cen­trale pales­ti­nienne, l’Organisation de Libé­ra­tion de la Pales­tine, de mou­ve­ments fan­toches, désor­mais fos­siles, à l’instar d’Al-Saika pro syrienne, du Front de Libé­ra­tion Arabe pro-ira­kien ou du Front de libé­ra­tion de la Pales­tine pro égyp­tien ou encore de la dupli­ci­té maro­caine qui com­pen­sait un sou­tien affi­ché à la cause pales­ti­nienne par une col­la­bo­ra­tion sou­ter­raine avec les ser­vices maro­cains. De tous les grands pays arabes, seule l’Algérie accor­de­ra un sou­tien sans faille à la gué­rilla pales­ti­nienne, « Zali­man kana aw Maz­loum », oppres­seur qu’il soit ou oppri­mé, selon l’expression du pré­sident Bou­me­diene (3).

La guerre d’octobre 1973 et la des­truc­tion des for­ti­fi­ca­tions israé­liennes de la ligne Bar lev, le long du Canal de Suez, met­tront en sour­dine les conflits inter­arabes don­nant du répit à la gué­rilla pales­ti­nienne, déga­geant la voie à l’envol de Yas­ser Ara­fat sur la scène inter­na­tio­nale. Pre­nant par sur­prise New York au saut du lit, Yas­ser Ara­fat débarque le 13 novembre 1974 d’un avion spé­cial algé­rien dans la métro­pole amé­ri­caine pour s’adresser, fait sans pré­cé­dent dans les annales diplo­ma­tiques, devant l’assemblée géné­rale des Nations unies, pré­si­dée à l’époque par le frin­gant ministre de affaires étran­gères de Bou­me­diene, Abdel Aziz Bouteflika.

Fraî­che­ment sacré par ses pairs arabes porte-parole exclu­sif des Pales­ti­niens, le chef de l’OLP plaide la cause de son peuple, inexis­tant juri­di­que­ment, et inau­gure solen­nel­le­ment une stra­té­gie com­bi­nant la lutte armée et l’action diplo­ma­tique – « le fusil et le rameau d’olivier », selon sa for­mule, pour retrou­ver une patrie, la Pales­tine, rayée depuis un quart de siècle de la géo­gra­phie politique.

Dans ce dis­cours réper­cu­té depuis la plus grande ville juive du Monde jusqu’aux confins de la Pénin­sule ara­bique, le diri­geant pales­ti­nien, dix ans après la fon­da­tion de son mou­ve­ment au Caire, en 1964, évoque timi­de­ment la pos­si­bi­li­té d’une coexis­tence judéo arabe. Ara­fat est au Zénith, secon­dé par la nou­velle puis­sance pétro­lière arabe révé­lée par la guerre d’octobre 1973.

Dans la brèche ouverte par l’OLP, dix sept mou­ve­ments de libé­ra­tion afri­cains se ver­ront recon­naître le sta­tut d’observateur à l’ONU. Cinq d’entre eux, ceux de Gui­née por­tu­gaise, d’Angola, de Mozam­bique, de Zim­babwe notam­ment condui­ront quelques années plus tard leur pays à l’indépendance.

L’euphorie sera de courte durée. Six mois après son sacre onu­sien, la guerre éclate à Bey­routh, sombre pré­sage, le 13 avril 1975, dans la quin­zaine qui voit la chute de Pnom-Penh et de Sai­gon, les deux bas­tions amé­ri­cains en Asie. A son corps défen­dant, Ara­fat s’y engouffre, puis inexo­ra­ble­ment s’embourbe dans ce qui n‘était au départ qu’une guerre inter fac­tion­nelle et qui se trans­for­me­ra en pre­mière guerre civile urbaine de l’époque contem­po­raine. Les rebon­dis­se­ments de ce conflit à pro­jec­tion régio­nale et inter­na­tio­nale vont faire voler en éclats, au fils de sept années (1975 – 1982), la cohé­sion liba­naise, la coha­bi­ta­tion liba­no pales­ti­nienne et la soli­da­ri­té arabe.

L’Egypte fait la paix avec Israël et l’Amérique se lie par la clause Kis­sin­ger, qui subor­donne tout contact avec l’OLP à des condi­tions équi­va­lant, selon les Pales­ti­niens, à une capi­tu­la­tion sans condi­tion. Hap­pé par la tour­mente, Ara­fat tou­che­ra le fond de l’abîme, en juin 1982, dans Bey­routh assié­gée, deve­nue pour ses adver­saires le « foyer du ter­ro­risme inter­na­tio­nal », et, pour ses sym­pa­thi­sants, le « vivier de l’opposition tiers-mon­diste ». Aban­don­né de tous, il assure avoir humé dans son ancien sanc­tuaire trans­for­mé en camp retran­ché les « sen­teurs du para­dis » (Rawaeh al Jan­na), le pres­sen­ti­ment de l’au delà. Il quitte son fief de Bey­routh avec les hon­neurs de la guerre, mais, exsangue, son orga­ni­sa­tion, le plus impor­tant mou­ve­ment de libé­ra­tion du tiers monde, qua­si­ment désarticulée.

Douze ans après le sep­tembre noir jor­da­nien (1970), où les bédouins du Roi haché­mite s’étaient don­nés à cœur joie contre les Fedayine pales­ti­niens, les Israé­liens se livrent, à leur tour, à une chasse aux Pales­ti­niens, dans Bey­routh, haut lieu de la contes­ta­tion arabe, assié­gée sous le regard impa­vide des diri­geants arabes. Pour la deuxième fois de son exis­tence, Yas­ser Ara­fat, au prix de pro­diges diplo­ma­tiques et d’une résis­ti­vi­té à tout crin, se sort d’un siège mili­taire dans lequel vou­laient l’enterrer ses ennemis

Fort du capi­tal de sym­pa­thie qu’il a accu­mu­lé au cours des 65 jours de siège, il se lance alors à la quête d’une nou­velle consé­cra­tion inter­na­tio­nale. C’est la période de la diplo­ma­tie volante. Reçu en grande pompe par un aréo­page de chefs d’état arabes à Fès (Maroc), puis par le pape Jean Paul II, le pré­sident ita­lien San­dro Per­ti­ni, en sep­tembre 1982, les pays d’Europe du Nord, le Som­met des non-ali­gnés de New Del­hi, en février mars 1983, il butte, à l’instigation des Etats-Unis, sur les réti­cences du noyau cen­tral de l’Europe occi­den­tal : la France, le Royaume Uni et la RFA, mus, selon les Pales­ti­niens, par une sorte de « soli­da­ri­té expia­toire » à l’égard d’Israël, lui refu­se­ront un droit de cité.

Les Etats-Unis, meilleurs alliés d’Israël dans le Monde, paient le tri­but le plus lourd de la radi­ca­li­sa­tion du Proche-orient. En deux ans, 1982 – 1984, l’ambassade des Etats-Unis à Bey­routh Ouest, le quar­tier géné­ral des Marines, puis la mis­sion amé­ri­caine dans le réduit chré­tien, seront tour à tour balayés par des atten­tats meur­triers, la cel­lule Moyen-orient de la CIA déca­pi­tée, de même que le quar­tier géné­ral des Fran­çais, ain­si que le quar­tier géné­ral pha­lan­giste des milices chrétiennes.

Dans le même temps, cer­tains des prin­ci­paux pro­ta­go­nistes de l’intervention israé­lienne dis­pa­rais­saient de la scène publique : Alexan­der Haig, secré­taire d’état et son ami le pre­mier ministre israé­lien Mena­hem Begin, le chef des milices chré­tiennes liba­naises, Bachir Gemayel, l’officier félon liba­nais pro israé­lien Saad Had­dad, alors qu’Ariel Sha­ron, l’artisan de l’invasion du Liban, était contraint à la démis­sion pour sa res­pon­sa­bi­li­té dans les mas­sacres des camps pales­ti­niens de Sabra-cha­ti­la, en sep­tembre 1982.

Les sur­vi­vants de cette héca­tombe poli­tique – Ara­fat et le pré­sident syrien Hafez Al Assad, le grand vain­cu de l’été 1982 revi­go­ré par l’armement sophis­ti­qué sovié­tique- se livrent alors à un impi­toyable règle­ment de compte. La cen­trale pales­ti­nienne est secouée de forces cen­tri­fuges, ampli­fiées par les déboires de leur chef dans sa poli­tique d’ouverture vers l’Occident et les paci­fistes Israé­liens, dont les mas­sacres de Sabra-cha­ti­la, dans la ban­lieue sud de Bey­routh, en seront l’illustration tragique.

Pre­mier coup de semonce, Issam Sar­ta­wi, l’homme de l’ouverture pro-occi­den­tale, est assas­si­né, puis, fait incon­ce­vable à l’époque, deux des plus fidèles lieu­te­nants d’Arafat ‑Abou Saleh et Abou Mous­sa- entrent en dis­si­dence, plus grave encore, le chef de l’OLP, fait unique dans l’histoire, est expul­sé de Syrie en juin 1983.

C’est la fêlure : les gué­rille­ros se muent en des­pe­ra­dos. Des Pales­ti­niens portent les armes contre d’autres Pales­ti­niens. Pour la troi­sième fois de son exis­tence mou­ve­men­tée, Ara­fat, comme il y a treize ans à Amman et l’année pré­cé­dente à Bey­routh, est assié­gé à Tri­po­li (Nord Liban), cette fois par les Syriens et les Israéliens.

Pri­vé désor­mais de toute auto­no­mie ter­ri­to­riale, il est sau­vé in extre­mis, pour la deuxième fois en un an, par les Fran­çais agis­sant sous le cou­vert des Nations Unies. La presse inter­na­tio­nale évoque le cré­pus­cule du chef pales­ti­nien. Il réus­sit néan­moins au Som­met isla­mique de Casa­blan­ca à entre­bâiller la porte du retour de l’Egypte dans le giron ara­bo-isla­mique d’où elle était exclue depuis cinq ans. De son exil de Tunis, à deux mille km du champ de bataille, il tente de recol­ler les mor­ceaux de ce qui demeure le vec­teur de la reven­di­ca­tion natio­nale palestinienne.

Le pré­sident Assad ne déco­lère pas, mal­gré les bons offices de l’Algérie, du Sud Yémen et de l’Union sovié­tique. Par quatre fois cette année, Ara­fat est contraint, à l’automne 1984, de renon­cer à convo­quer le par­le­ment pales­ti­nien en vue de se faire confir­mer son lea­der­ship et évi­ter l’atrophie de la cen­trale pales­ti­nienne. Par crainte de scin­der défi­ni­ti­ve­ment son mou­ve­ment, mais faute aus­si de trou­ver l’hospitalité d’un pays pour y tenir ses assises. Une situa­tion para­doxale pour un chef jadis incon­tes­té d’une orga­ni­sa­tion recon­nue par cent dix Etats. Para­doxale pour le sym­bole même de l’exil du peuple pales­ti­nien de se vouer à la recherche d’un refuge pour ses par­le­men­taires en exil, cruelle iro­nie de l’histoire, illus­tra­tion tra­gique du drame palestinien.

Ampu­té de ses deux prin­ci­paux adjoints, Kha­lil Wazir, Abou Jihad, l’adjoint opé­ra­tion­nel sur le plan mili­taire, et, Abou Iyad, le res­pon­sable des ren­sei­gne­ments, de son homme de confiance, Ali Has­san Sala­meh, offi­cier de liai­son auprès de la CIA, tous trois éli­mi­nés par les ser­vices israé­liens pour tuer dans l’œuf tout dia­logue entre Pales­ti­niens et Américains,Yasser Ara­fat va faire l’objet d’un pro­ces­sus de dia­bo­li­sa­tion, qui débou­che­ra quinze ans plus tard sur son confi­ne­ment arbi­traire sur ordre du bou­cher de Sabra-cha­ti­la, le géné­ral Ariel Sha­ron, sous le regard indif­fé­rent des pays occidentaux.

L’invasion du Koweït par l’Irak, en 1990, fera fondre sur lui le souffle du bou­let. Plu­tôt que de se ran­ger dans un camp conte un autre et accen­tuer la divi­sion du Monde arabe, Ara­fat choi­si­ra d’endosser le rôle de média­teur entre Sad­dam Hus­sein et le Roi Fahd d’Arabie, talon­né par l’Egyptien Hos­ni Mou­ba­rak trop heu­reux par son acti­visme bel­li­queux de res­tau­rer le rôle moteur de l’Egypte sur la scène diplo­ma­tique arabe et jus­ti­fier sa fonc­tion de sous trai­tant régio­nal de la diplo­ma­tie amé­ri­caine. Yas­ser Ara­fat sera mis au ban de la com­mu­nau­té arabe et inter­na­tio­nale, plus pré­ci­sé­ment au ban de la coa­li­tion occi­den­tale, l’alliance de vingt six pays occi­den­taux et arabes mise sur pied pour châ­tier Sad­dam de son outre­cui­dance à l’égard d’une prin­ci­pau­té pétro­lière, le Koweït. Il ne devra son salut qu’à l’accord israé­lo-pales­ti­nien d’Oslo conclu qua­si­ment à l’insu des chan­cel­le­ries occidentales.

L’homme, pour son audace, se ver­ra gra­ti­fier du Prix Nobel de la paix, le 14 octobre1994, en com­pa­gnie des co-auteurs israé­liens des accords d’Oslo, le pre­mier ministre Itz­hak Rabin et le ministre des affaires étran­gères Shi­mon Pères. Conclu le 13 sep­tembre 1993, l’accord d’Oslo devait conduire à l’autonomie de la bande de Gaza et la zone de Jéri­cho (Cis­jor­da­nie) avant de débou­cher cinq ans plus tard sur la pro­cla­ma­tion d’un Etat palestinien.

Un accord de dupe qui ne tien­dra pas un an. Beau­coup des cen­seurs du chef pales­ti­nien lui repro­che­ront cette pré­ci­pi­ta­tion alors que le rap­port de force était en train de chan­ger, qui fra­gi­li­se­ra l’Organisation de Libé­ra­tion de la Pales­tine et par­tant le sub­stra­tum juri­dique de la reven­di­ca­tion natio­nale pales­ti­nienne en ce qu’il n’offrait aucune garan­tie sur la fin de l’occupation et de la colonisation.

Les accords d’Oslo se révè­le­ront a pos­te­rio­ri une bombe à retar­de­ment et un piège : « Les accords d’Oslo, par leur impré­ci­sion, consti­tuaient une bombe à retar­de­ment et un piège, dont Ara­fat en sera la pre­mière vic­time. Ces accords impré­cis entre des par­ties inégales favo­ri­saient la par­tie la plus forte parce qu’elle était la mieux armée pour impo­ser sa propre inter­pré­ta­tion. Oslo a été un piège car il repous­sait à des négo­cia­tions futures les pro­blèmes des fron­tières, de l’eau, des réfu­giés et de Jéru­sa­lem et aucun pales­ti­nien sauf Ara­fat n’aurait signé un tel accord, car aucun diri­geant israé­lien n’était dis­po­sé à accor­der aux Pales­ti­niens ce que Ara­fat avait pro­mis à son peuple », tran­che­ra le jour­na­liste pales­ti­nien Saïd Abu­rish auteur d’une bio­gra­phie sur le chef de l’organisation de Libé­ra­tion de la Pales­tine (3).

A tous égard, des accords frap­pés de malé­dic­tion, qui entrai­ne­ra l’assassinat d’un des cosi­gna­taires, l’ancien pre­mier ministre israé­lien Itz­hak Rabin, le confi­ne­ment de Yas­ser Ara­fat, un car­nage 18 ans plus tard sur les lieux mêmes des accords à Oslo, en juillet 2011, par un mili­tant de l’extrême droite euro­péenne, sym­bo­li­sant la nou­velle alliance contre nature entre La droite israé­lienne et la droite xéno­phobe euro­péenne, une alliance malé­fique entre les des­cen­dants du géno­cide hit­lé­rien et les héri­tiers spi­ri­tuels de leurs anciens bourreaux.

B- La coupe jusqu’à la lie

En 1995, Benya­min Neta­nya­hu, le chef de Likoud, nou­veau pre­mier ministre israé­lien, frei­ne­ra l’application de l’accord avant de le vider com­plè­te­ment de sa sub­stance dans l’indifférence des pays occi­den­taux. En toute impu­ni­té. C’est une nou­velle des­cente aux enfers pour Yas­ser Ara­fat dont le Nobel sera de peu de poids face aux ava­nies que les alliés occi­den­taux d’Israël vont lui infli­ger régulièrement.

Rien, abso­lu­ment rien, ne sera épar­gné à celui que l’on a sur­nom­mé, par­fois, à juste titre, « le plus célèbre res­ca­pé poli­tique de l’époque contem­po­raine », et ce prix Nobel de la Paix, un des rares arabes à se voir attri­buer un tel titre, boi­ra la coupe jus­qu’ à la lie.

C’est ain­si qu’à l’occasion des céré­mo­nies mar­quant le 50eme anni­ver­saire de la fon­da­tion des Nations Unies, Yas­ser Ara­fat, fraî­che­ment auréo­lé des accords israé­lo-pales­ti­niens d’Oslo et du Nobel de la paix (1993), celui qui sym­bo­lise pour la grande majo­ri­té des siens la renais­sance du peuple pales­ti­nien, le sym­bole de la reven­di­ca­tion natio­nale pales­ti­nienne, va être rabroué d’une céré­mo­nie à New York, fin octobre 1995, comme un vul­gaire intrus.

Suprême infa­mie, l’interdit pro­vien­dra du sul­fu­reux du Maire de New York, Rudolph William Louis Giu­lia­ni III, un ita­lo-amé­ri­cain, au motif que les mains du diri­geant pales­ti­nien étaient souillées du sang d’américains. Comme si les amé­ri­cains n’avaient pas sur la conscience la mort de pales­ti­niens. Comme si les amé­ri­cains n’avaient pas sur la conscience l’extermination des Indiens d’Amérique, dont l’éradication a per­mis à ce fils d’immigrés ita­liens de pros­pé­rer à New York sur la terre de leurs ancêtres spo­liés. Comme si des res­pon­sables amé­ri­cains n’avaient pas durant la Deuxième guerre mon­diale, pour pré­pa­rer le débar­que­ment en Ita­lie, pac­ti­sé avec la mafia d’origine ita­lienne sur­char­gée de sangs d’innocentes vic­times amé­ri­caines. Un autre diri­geant arabe, un chef fier, le pré­sident Solei­mane Fran­gieh, débar­quant à New York, en novembre 1974 pour par­rai­ner la pre­mière grande cam­pagne diplo­ma­tique de Yas­ser Ara­fat, avait eu droit à une fouille humi­liante de la part de la bri­gade canine de l’office de lutte contre les stu­pé­fiants. L’outrage fit du pré­sident liba­nais, le diri­geant poli­tique arabe le plus réso­lu­ment anti­amé­ri­cain. Et cette tra­di­tion s’est per­pé­tuée avec sa descendance.

Au vu de ces expé­riences, il parait dif­fi­cile de blâ­mer ceux qui, à l’habit diplo­ma­tique, conti­nuent de pré­fé­rer le treillis. Loin s’en faut qu’il s’agisse d’une simple coquet­te­rie ves­ti­men­taire. Fidel Cas­tro, par exemple. Le diri­geant cubain, un des der­niers sur­vi­vants de l’épopée révo­lu­tion­naire de l’après guerre, a eu droit à une ova­tion de douze minutes pour cinq minutes d’intervention devant l’assemble géné­rale de l’ONU à l’occasion du 50 me anni­ver­saire de la fon­da­tion de l’organisation inter­na­tio­nale, alors que le pré­sident William Clin­ton, pour un dis­cours de 17 minutes n’a eu droit, en cette cir­cons­tance, qu’à des applau­dis­se­ments de circonstance.

La suite est connue et porte condam­na­tion de l’Occident et de ses pra­tiques désho­no­rantes : la pres­sion finale mise par Bill Clin­ton, en 1999, pour arra­cher un accord israé­lo-pales­ti­nien en vue de redo­rer la fin de son man­dat écla­bous­sé par le scan­dale Moni­ka Lewins­ky. Décrié par ses enne­mis, déni­gré par ses faux frères arabes, Ara­fat, seul contre tous, face au déchaî­ne­ment média­tique sur les pré­ten­dues offres géné­reuses d’Ehud Barak, ne céde­ra pas, sur rien.

Deux ans plus tard, les atten­tats du 11 sep­tembre 2001 contre les sym­boles de l’hyper puis­sance amé­ri­caine mettent au goût du jour la thé­ma­tique de la « guerre conte le ter­ro­risme », une aubaine pour son impla­cable enne­mi Ariel Sha­ron et son dis­ciple amé­ri­cain George Bush qui dia­bo­li­se­ront à outrance Yas­ser Ara­fat pour en faire l’incarnation du mal abso­lu, quand bien même le com­man­di­taire de l’opération, Ous­sa­ma Ben Laden, le chef d’Al Qaï­da, n’était autre que l’ancien sous trai­tant des amé­ri­cains, celui là même qui aura détour­né vers l’Afghanistan des mil­liers de com­bat­tants musul­mans pour faire la guerre aux sovié­tiques, les prin­ci­paux alliés alors de Yas­ser Ara­fat du temps du siège de Bey­routh en 1982.

2003, l’invasion amé­ri­caine de l’Irak offre à Ariel Sha­ron l’occasion de confi­ner Yas­ser Ara­fat dans sa rési­dence admi­nis­tra­tive, avec la com­pli­ci­té hon­teu­se­ment pas­sive des pays occi­den­taux, et, toute honte bue, cer­taines des plumes les plus répu­tées du Monde arabe, tels des mer­ce­naires de la presse, par­ti­ci­pe­ront à la curée.

Cal­feu­tré dans sa luxueuse rési­dence lon­do­nienne à l’abri du risque et du besoin, Jihad el Kha­zen, le plus en vue des jour­na­listes pétro monar­chiques, direc­teur du jour­nal « Al-Hayat » et cau­tion pales­ti­nienne du jour­nal saou­dien, récla­me­ra ain­si la démis­sion non du bou­cher de ses com­pa­triotes pales­ti­niens de Sabra-cha­ti­la, le géné­ral Ariel Sha­ron, ou de son com­plice George Bush, du tru­blion libyen ou des géron­to­crates du Golfe, tous les fos­soyeurs de la cause natio­nale arabe, mais, para­doxa­le­ment, la démis­sion de Yas­ser Ara­fat, le chef assié­gé du mou­ve­ment pales­ti­nien, celui là même qui était alors à por­tée des fûts des canons des chars israé­liens, le sym­bole de sa résis­tance natio­nale, la légende vivante du com­bat arabe.

Illus­tra­tion patho­lo­gique de la décom­po­si­tion men­tale d’une frac­tion de l’élite intel­lec­tuelle arabe gan­gre­née par les pétro­dol­lars monar­chiques, sa pres­crip­tion sau­gre­nue est inter­ve­nue le 18 mai 2004 au len­de­main de la des­truc­tion du camp pales­ti­nien de Rafah par l’aviation israé­lienne, moins d’un mois après les assas­si­nats extra­ju­di­ciaires des chefs cha­ris­ma­tiques du mou­ve­ment isla­mique pales­ti­nien Hamas, Cheikh Ahmad Yacine et Abdel Aziz Al-Ran­tis­si. Elle lui vau­dra de la part de l’étoile mon­tante du jour­na­lisme arabe, l’éditorialiste vedette d’«Al-Qods Al-Ara­bi », Abdel Bari Atwane, un robuste rap­pel à l’ordre déon­to­lo­gique sur les règles élé­men­taires de la décence dans le com­bat politique.

Dix huit mois de réclu­sion n’entameront pour­tant pas la volon­té de résis­tance du chef pales­ti­nien, qui décé­de­ra le 11 novembre 2004, sans n’avoir cédé rien sur rien, sur aucun des droits fon­da­men­taux de son peuple, pas plus sur le droit de dis­po­ser de Jéru­sa­lem comme capi­tale que sur le droit de retour de son peuple dans sa patrie d’origine. Mieux, comme un inter­signe du des­tin, son bour­reau, Ariel Sha­ron, sera réduit, treize mois plus tard, le 5 jan­vier 2006, à un état végé­ta­tif de mort-vivant, trans­for­mé en « légume » selon le jar­gon médi­cal, plon­gé dans un coma, à l’image de sa poli­tique belliciste.

Sa sta­ture sans com­mune mesure avec son terne suc­ces­seur, Mah­moud Abbas, un bureau­crate affai­riste sans enver­gure, sans cha­risme, hante tou­jours la conscience occi­den­tale, cinq ans après sa mort. Elle condui­ra les diri­geants occi­den­taux, sans crainte du ridi­cule, à de pathé­tiques contor­sions : Hil­la­ry Clin­ton, Secré­taire d’Etat amé­ri­cain, en tour­née au Moyen-Orient, de même que son pré­dé­ces­seur répu­bli­cain Condo­lee­za Rice, tel un rituel immuable, fleu­rissent régu­liè­re­ment à cha­cun de leur pas­sage à Bey­routh la tombe de Rafic Hari­ri, l’ancien pre­mier ministre liba­nais assas­si­né, mais per­sistent à négli­ger à leur pas­sage à Ramal­lah (Cis­jor­da­nie), le mau­so­lée de Yas­ser Ara­fat. Il en est de même de Nico­las Sar­ko­zy, auto­pro­cla­mé « ami du peuple pales­ti­nien », qui contour­ne­ra Ramal­lah, le siège du pou­voir légal pales­ti­nien, pour ren­con­trer Mah­moud Abbas à Jéri­cho, lors de son voyage en juin 2008. Comme si un Prix Nobel de la Paix pales­ti­nien consti­tuait une mons­truo­si­té infa­mante, comme si le porte éten­dard de la reven­di­ca­tion natio­nale pales­ti­nienne était pes­ti­fé­ré même au delà de la mort.

Qu’il est déri­soire de contour­ner sa conscience par un che­min de tra­verse. Pathé­tique de se voi­ler la face devant ses propres for­fai­tures : George Bush et Condo­lee­za Rice ont rejoint depuis belle lurette les oubliettes de l’histoire et leur com­père Ariel Sha­ron a déser­té depuis long­temps la mémoire des hommes, mais le mau­so­lée de Yas­ser Ara­fat trône, lui, tou­jours devant le siège de l’autorité pales­ti­nienne, objet de l’hommage régu­lier de tout un peuple, comme une marque de gra­ti­tude indé­lé­bile à l’égard de son com­bat pour la renais­sance de la nation palestinienne.

Au hit parade du lea­der­ship pales­ti­nien, Yas­ser Ara­fat pâtis­sait de l’aspect théâ­tral de cer­tains de ses com­por­te­ments, et sur ce cré­neau là, Abou Ammar était sup­plan­té par deux per­son­na­li­tés aus­si dis­crètes qu’efficaces : Georges Hab­bache, le cha­ris­ma­tique diri­geant de l’organisation mar­xi­sante Front popu­laire de Libé­ra­tion de la Pales­tine, à la voix de sten­tor, d’une rigueur de vie exem­plaire, le méde­cin des pauvres d’où son sur­nom « Al Hakim », l’ancien chef du mou­ve­ment natio­na­liste arabe, tom­beur du pro­tec­to­rat bri­tan­nique d’Aden (Yémen du sud), ain­si que Kha­lil Wazir, alias Abou Jihad, com­man­dant en chef adjoint de la gué­rilla pales­ti­nienne, et, à ce titre, l’animateur clan­des­tin de l’Intifada palestinienne.

Quelque soit des défauts et des erreurs qui lui sont impu­tables, Yas­ser Ara­fat a sou­te­nu quatre sièges mili­taires (Amman, sep­tembre noir 1970, Bey­routh (1982), Tri­po­li Nord Liban (1983), sans comp­ter sa réclu­sion hon­teuse à Ramal­lah (2003 – 2004). Pour un seul homme en une seule vie, cela fait une bonne moyenne qui ne sera sans doute jamais éga­lée. Quoi qu’on dise, il occu­pe­ra dans l’histoire une place infi­ni­ment plus consis­tante que ses enne­mis Ariel Sha­ron, George Bush, Hus­sein de Jor­da­nie ou même Bachir Gémayel, le pan­tin du tan­dem israé­lo amé­ri­cain. Mal­gré toutes les cri­tiques dont il a fait l’objet, il n’aurait, lui, jamais tenu le congrès de son mou­ve­ment, le Fatah, pour­tant déclen­cheur de la gué­rilla anti-israé­lienne, à l’ombre des baïon­nettes israé­liennes, dans une loca­li­té main­te­nue sous occu­pa­tion par ses propres bour­reaux. Avec Mah­moud Abbas et ses aco­lytes, le syn­drome de Stock­holm a atteint des pro­por­tions corrosives.

La gué­rilla pales­ti­nienne aura été la seule gué­rilla dans l’histoire des guerres de libé­ra­tion à devoir mener son com­bat sans assises ter­ri­to­riales solides, ni hin­ter­land stra­té­gique. Le com­bat pales­ti­nien a été au départ un conflit mobile par excel­lence et la stra­té­gie de conquête de l’opinion occi­den­tale, le fait d’une diplo­ma­tie volante. Le FLN sud viet­na­mien était chez lui, sou­te­nu par Hanoi ados­sé à la Chine. Le FN algé­rien était chez lui face à des colons, de sur­croît ados­sé au Maroc et à la Tuni­sie, l’Egypte (expé­di­tion de suez) et même au niveau de l’encadrement par la Syrie. La Jor­da­nie n’était pas le ter­ri­toire des Pales­ti­niens au regard du Droit inter­na­tio­nal bien que la Trans­jor­da­nie ait été déta­chée de la Cis­jor­da­nie pour la céder aux Haché­mites, et, le Liban non plus.

En dépit de la fla­grante dis­pro­por­tion des forces, une avia­tion sur­équi­pée de bombe à implo­sion, dou­blée d’une marine et d’une artille­rie de cam­pagne a pour­chas­sé pen­dant soixante cinq jours un homme assié­gé dans une grande métro­pole sous le regard impas­sible du monde, du jamais vu dan l’histoire de l’humanité. S’en sor­tir sans le moindre malaise vagal, sans renon­cer à son combat.

En dépit de l’auréole du prix Nobel de la paix, ce chef d’état en fin de vie, sera confi­né dans sa rési­dence sur­veillée aux condi­tions de vie rudi­men­taires, par un tan­dem Sha­ron Bush consi­dé­ré par une large frac­tion de l’opinion inter­na­tio­nale comme des « cri­mi­nels de guerre », avec la pas­si­vi­té com­plice des diri­geants de la fameuse « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale », alors que son pays d’origine est com­plè­te­ment gan­gre­né par l’occupation et sa popu­la­tion dépos­sé­dée de son iden­ti­té et de son patri­moine. Du jamais vu, là aus­si, dans l’histoire dans les annales diplo­ma­tiques internationales.

L’implosion poli­tique de Mah­moud Abbas, le 5 novembre 2009, à six jours de la com­mé­mo­ra­tion décès de Yas­ser Ara­fat, jus­ti­fie a pos­te­rio­ri le scep­ti­cisme du chef his­to­rique des Pales­ti­niens à l’égard des pays occi­den­taux et porte condam­na­tion de la com­plai­sance de son suc­ces­seur à l’égard de la dupli­ci­té occi­den­tale, en même temps qu’elle révèle la ser­vi­li­té de la diplo­ma­tie amé­ri­caine et de son chef, Hil­la­ry Clin­ton, secré­taire d’état, à l’égard d’Israël.

Car­bo­ni­sé par sa pas­si­vi­té lors de la guerre de des­truc­tion israé­lienne de Gaza, décembre 2007-jan­vier2008, et par la rebuf­fade amé­ri­caine à pro­pos des colo­nies de peu­ple­ment, sa renon­cia­tion à une nou­velle man­da­ture pré­si­den­tielle est appa­rue d’autant plus cruel­le­ment pathé­tique qu’elle a coïn­ci­dé avec une cin­glante leçon de cou­rage que lui ont assé­née de jeunes pales­ti­niens et des paci­fistes israé­liens en opé­rant, non sans risque, une per­cée dans le mur d’apartheid à l’occasion de la com­mé­mo­ra­tion du ving­tième anni­ver­saire de la chute du mur de Ber­lin, une action qui a reten­ti comme un camou­flet à Mah­moud Abbas et à Israël , un défi à la léthar­gie des ins­tances inter­na­tio­nales, un cadeau post­hume à Yas­ser Ara­fat, ini­tia­teur de la lutte armée palestinienne.

Yas­ser Ara­fat a foca­li­sé à lui seul la tota­li­té de l’ostracisme israé­lo amé­ri­cain, concen­trant sur sa per­sonne les vexa­tions infli­gées à tra­vers lui au peuple pales­ti­nien, sans doute en rai­son du fait qu’il pas­se­ra à la pos­té­ri­té pour avoir été l’homme sans lequel la Pales­tine aurait été rayée de la carte du monde.

Au regard de sa fin car­cé­rale, du bilan cala­mi­teux de Mah­moud Abbas, pour­tant pro­té­gé des Amé­ri­cains et des Israé­liens, de la cor­rup­tion vomi­tive de l’idole des Israé­liens, le res­pon­sable de la sécu­ri­té Mah­moud Dah­lan, expul­sé en juillet 2011 des rangs du Fatah, des exu­bé­rances média­tiques de Bas­sam Abou Ché­rif, des mani­fes­ta­tions diplo­ma­ti­co-mon­daines de Yas­ser Abed Rab­bo, la décence com­mande de ne pas acca­bler un homme au par­cours si extra­or­di­nai­re­ment com­plexe et éprou­vant, en butte à la plus vive hos­ti­li­té tant des pays occi­den­taux que des pays arabes.

C- Barack Oba­ma dans l’histoire : Un pré­sident Boun­ty sans des­sein, otage du lob­by pro israé­lien, ou le pre­mier pré­sident afro amé­ri­cain de la socié­té post raciale amé­ri­caine, por­teur des valeurs uni­ver­selles des Etats-Unis ?

Les Pales­ti­niens se sont réso­lus à se lan­cer, en sep­tembre 2011, dans une cam­pagne inter­na­tio­nale pour l’adhésion de l’Etat de Pales­tine à l’ONU, par­ti­cu­liè­re­ment la recon­nais­sance de leur sou­ve­rai­ne­té sur les ter­ri­toires dans les fron­tières de 1967, en vue de mettre tout un terme tout à la fois à l’expansionnisme ram­pant israé­lien et aux ter­gi­ver­sa­tions occi­den­tales, invo­quant tan­tôt leur refus que la Pales­tine serve de « base sovié­tique » ou que Gaza ne serve de « base ira­nienne » fei­gnant d’ignorer que le pro­blème pales­ti­nien a pré exis­té à la créa­tion de l’Union sovié­tique, anté­rieur de soixante ans à l’accession de l’Iran au seuil nucléaire et que de reven­di­ca­tions indé­pen­dan­tistes plus récentes ont déjà obte­nu satis­fac­tion telles le Koso­vo ou le Sud Sou­dan, au mépris là du prin­cipe de l’intangibilité des fron­tières issues de la colonisation.

Depuis la 3me guerre israé­lo-arabe de juin 1967 et l’occupation des ter­ri­toires arabes qui s’est ensui­vie, 80 pour cent du ter­ri­toire pales­ti­nien a été spo­lié et gan­gre­né par des colo­nies israé­liennes de peu­ple­ment, 80% des res­sources aqui­fères de Cis­jor­da­nie ponc­tion­née au pro­fit des Israé­liens, de même que les res­sources gazières au large de Gaza, au point que la Pales­tine est deve­nue la plus grande pri­son du monde de l’époque contem­po­raine avec ses dix mille pri­son­niers poli­tiques pales­ti­niens, qua­drillé par 750 bar­rages mili­taires et un mur dis­cri­mi­na­toire de sépa­ra­tion, alors que durant cette même période, 42% des hommes pales­ti­niens ont été au moins une fois interpellés.

La chute du Mur de Ber­lin ne sau­rait occul­ter la nou­velle réa­li­té issue de la mon­dia­li­sa­tion des flux. Aux murs anciens séquelles de la guerre froide (Corée, Chypre, Saha­ra occi­den­tal, Ceu­ta et Melil­la, le filtre à l’immigration vers la riche Europe) se sont gref­fés de nou­veaux murs notam­ment entre les Etats-Unis et le Mexique, le long du Rio Grande, pour pro­té­ger l’Amérique de l’invasion lati­no amé­ri­caine, en Ara­bie saou­dite, pour pro­té­ger la pétro­mo­nar­chie tant de l’Irak que du Yémen que le Royaume a cher­ché à désta­bi­li­ser depuis un demi siècle ; voire en Irak même, dans la zone verte de Bag­dad, le péri­mètre amé­na­gé dans l’ancien palais pré­si­den­tiel ira­kien pour pro­té­ger les enva­his­seurs amé­ri­cains des coups de butoir de la gué­rilla ira­kienne. Mais de tous ces murs, seul le mur d’apartheid israé­lien a été édi­fié sur le ter­ri­toire d’autrui. Un véri­table « Mur de Jéri­cho moderne », qu’il impor­te­ra d’abattre, dont la Cour inter­na­tio­nale de Jus­tice de La Haye a invi­té à son déman­tè­le­ment par­tiel lorsqu’il rogne sur les ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés, esti­mant « illé­gal » cet édi­fice et « non conforme à plu­sieurs obli­ga­tions légales inter­na­tio­nales incom­bant à Israël ». En ciment armé d’une hau­teur de huit mètres, d’une lon­gueur de 750 kilo­mètres, trois fois plus long que le Mur de Ber­lin et deux fois plus haut, ce « Mur d’Apartheid » enferme plus de trois mil­lions de per­sonnes dans des dizaines de villes et vil­lages de Cis­jor­da­nie et de la région de Jérusalem.

En toute impu­ni­té, Israël a consa­cré en 44 ans, depuis 1967, plus de 17 mil­liards de dol­lars à la construc­tion de colo­nies. Les accords d’Oslo, en 1993, pré­voyait l’édification d’un état pales­ti­nien dans un délai de cinq ans. Mais en dépit de cet accord, le pre­mier accord direct israé­lo-pales­ti­nien, le nombre des colons israé­liens a tri­plé, pas­sant de 200 000 à près de 600.000. La « feuille de route » adop­tée par le Quar­tet, en 2003, appe­lait elle aus­si au gel de la colo­ni­sa­tion israé­lienne et au déman­tè­le­ment des colo­nies de peu­ple­ment, mais Israël a refu­sé de s’y plier. Le peuple pales­ti­nien compte près de dix mil­lions d’individus dans le monde.

Sans la moindre remon­trance, entre 1947 et 1948, quelque 800 000 Pales­ti­niens, soit 85% de la popu­la­tion pales­ti­nienne, ont été expul­sés d’environ 500 villes et vil­lages par les forces israé­liennes puis par Israël. Du fait de l’essor démo­gra­phique, plus de 4,8 mil­lions de réfu­giés pales­ti­niens vivent de nos jours en Jor­da­nie, au Liban, en Syrie et dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés, la popu­la­tion de réfu­giés la plus impor­tante au monde.

Illus­tra­tion sym­bo­lique du déra­ci­ne­ment et de la volon­té des Israé­liens d’extirper les Pales­ti­niens de leur terre ances­trale, Israël a adop­té dès 1950 une « loi des absents » per­met­tant à l’État israé­lien de s’approprier les biens vacants ou les biens deve­nus vacants par le départ for­cé de leurs pro­prié­taires pales­ti­niens. Depuis cette date, plus de deux cents mos­quées ont été pro­fa­nées et détruites, rem­pla­cées par des bars et des boites de nuit. Le mou­ve­ment s’est ampli­fié en 2009 avec la déci­sion israé­lienne de pro­cé­der à la désa­ra­bi­sa­tion des noms de 2.500 (deux mille cinq cents) villes et loca­li­tés arabes d’Israël, pro­hi­bant la com­mé­mo­ra­tion de la Nak­ba, la perte de la Pales­tine, en 1948, gom­mant même ce terme des ouvrages sco­laires, accé­lé­rant la colo­ni­sa­tion de la Cis­jor­da­nie et du sec­teur arabe de Jéru­sa­lem, dans le sou­ci de rendre irré­ver­sible la situa­tion sur le plan cadas­tral. Rien qu’en 2006, les Israé­liens ont déra­ci­né 13.572 arbres, détruit 787 silos, 788 fermes avec leurs ani­maux (14.829 chèvres et mou­tons, 12151 vaches, 16.549 ruches d’abeilles), détrui­sant 425 puits, 207 maisons.

Dans un geste de défi, sans faire l’objet de la moindre injonc­tion com­mi­na­toire, le gou­ver­ne­ment israé­lien, a don­né jeu­di 11 août 2011 son feu vert à la construc­tion de 4.300 loge­ments dans le péri­mètre du grand Jéru­sa­lem 1.600 à Ramat Shlo­mo, 2.000 à Givat Hama­tos et 700 à Pis­gat Zeev, trois quar­tiers de colo­ni­sa­tion de Jéru­sa­lem-Est. Près de 200.000 Israé­liens se sont ins­tal­lés dans une dou­zaine de quar­tiers de colo­ni­sa­tion à Jéru­sa­lem-Est, où vivent quelque 270.000 Palestiniens.

Près de cent ans après sa fon­da­tion, le Foyer Natio­nal Juif appa­raît ain­si rétros­pec­ti­ve­ment comme la pre­mière opé­ra­tion de délo­ca­li­sa­tion de grande enver­gure opé­rée sur une base eth­ni­co reli­gieuse en vue de sous trai­ter au monde arabe l’antisémitisme récurent de la socié­té occi­den­tale. Le refuge des juifs, des res­ca­pés des camps de la mort et des per­sé­cu­tés, le pays du Kib­boutz socia­liste et de la fer­ti­li­sa­tion du désert, des libres pen­seurs et des anti­con­for­mistes, est deve­nu aus­si, au fil des ans, un bas­tion de la reli­gio­si­té rigo­riste, des illu­mi­nés et des faux pro­phètes, de Meir Kahan­na (Ligue de la Défense Juive) à Baruch Gold­stein (l’auteur de la tue­rie d’Hébron, le 25 février 2004), des gangs mafieux et des repris de jus­tice, des Samuel Flat­to-Sha­ron, à Arca­dy Gay­da­mak, à Marc Rich (4). Un phé­no­mène ampli­fié par la décom­po­si­tion de l’esprit civique, gan­gre­né par l’occupation et la cor­rup­tion affai­riste des cercles diri­geants, maté­ria­li­sé par le nau­frage du part tra­vailliste (le « par­ti des pères fon­da­teurs »), et la cas­cade de démis­sion au plus haut niveau de l’état soit pour har­cè­le­ment sexuel, soit pour des faits en rap­port avec l’argent illi­cite. Et la Pales­tine, dans ce contexte, est deve­nue un immense défou­loir de toutes les frus­tra­tions recuites géné­rées des bas fonds de Kiev (Ukraine) et de Tbi­lis­si (Géor­gie) au fin fond de Brook­lyn (Etats-Unis), le plus grand camp de concen­tra­tion à ciel ouvert pour les Pales­ti­niens, les pro­prié­taires ori­gi­nels du pays.

Un tel bilan ne s’est accom­pa­gné de la moindre menace d’intervention huma­ni­taire en faveur des Pales­ti­niens, ni de la moindre menace de sanc­tions à l’encontre d’Israël. Mani­feste est le déca­lage entre le zèle huma­ni­ta­riste déployé dans la zone ara­bo afri­caine et l’impassibilité occi­den­tale à l’égard d’Israël, au point que la ques­tion de Pales­tine appa­rait désor­mais comme la ligne de frac­ture majeure entre le Nord et le sud, au point que le dépas­se­ment du conflit ne sau­rait pro­ve­nir que d’une ini­tia­tive auda­cieuse pro­po­sant l’inscription de la Pales­tine au patri­moine de l’humanité.

En pleine tour­mente contes­ta­taire arabe, l’Arabie Saou­dite, jusque là rela­ti­ve­ment épar­gnée, se trouve sur la ques­tion pales­ti­nienne devant une redou­table épreuve. Prin­ci­pal béné­fi­ciaire des coups de butoir d’Israël contre le noyau dur du monde arabe, l’Egypte, la Syrie, le Liban, l’Irak, les Pales­ti­niens, le meilleur allié arabe de l’Amérique appa­raît sinon le com­plice à tout le moins le « din­don de la farce » du duo israé­lo-amé­ri­cain, au point de se pla­cer, de même que les Etats-Unis en porte à faux de l’opinion arabe et musulmane.

Le chef de file de l’Islam sun­nite a por­té le fer aux quatre coins de la pla­nète pour le compte de son pro­tec­teur amé­ri­cain, mais le bailleur de fonds des équi­pées mili­taires amé­ri­caines dans le tiers monde (de l’Afghanistan au Nica­ra­gua) n’est jamais par­ve­nu à libé­rer l’unique Haut Lieu Saint de l’Islam sous occu­pa­tion étran­gère : la Mos­quée d’al Aqsa à Jéru­sa­lem, alors que son lea­der­ship est désor­mais concur­ren­cé par le nou­veau venu sur la scène diplo­ma­tique régio­nale, la Tur­quie et sa pos­ture néo-otto­mane, de même que l’Iran, puis­sance du seuil nucléaire. Le loyal ser­vi­teur de l’Amérique, auteur de deux plans de paix pour le Proche Orient, n’a jamais réus­si à faire enté­ri­ner par son pro­tec­teur amé­ri­cain et son par­te­naire israé­lien, les pro­po­si­tions visant à régler le conflit israé­lo-pales­ti­nien, ni à pré­ve­nir l’annexion ram­pante de Jéru­sa­lem, ni la judaï­sa­tion de la troi­sième ville sainte de l’Islam, pas plus qu’il n’a pu évi­ter le bas­cu­le­ment des grandes capi­tales arabes hors de la sphère sun­nite avec Jéru­sa­lem sous occu­pa­tion israé­lienne, Damas sous contrôle alaouite et Bag­dad, enfin, sous par­tage kurdo-chiite.

L’issue de cette bataille enga­gée à l’ONU déter­mi­ne­ra dans une marge mesure la cré­di­bi­li­té amé­ri­caine dans la sphère ara­bo musul­mane, de même que la place de Barack Oba­ma dans l’histoire, à savoir s’il lais­se­ra le piètre sou­ve­nir d’un « pré­sident Boun­ty sans des­sein », otage du lob­by pro israé­lien, ou s’il y pren­dra place comme le pre­mier pré­sident afro amé­ri­cain gra­vant dans la mémoire des peuples le sou­ve­nir du pre­mier pré­sident de la socié­té post raciale amé­ri­caine, por­teur des valeurs uni­ver­selles que les Etats-Unis se targuent d’incarner.

A un an des élec­tions pré­si­den­tielles amé­ri­caines, en novembre 2012, Barack Oba­ma pour­rait être ten­té de faire usage de son droit de veto afin de ne pas s’aliéner le vote du lob­by pro israé­lien aux Etats-Unis qui lui assu­re­rait une « vic­toire à la Phyr­rus », en ce que sa recon­duc­tion à un nou­veau man­dat, au détri­ment du droit et de la jus­tice, se ferait au détri­ment de sa pos­té­ri­té future, comme ce fut le cas pour de nom­breux diri­geants amé­ri­cains pro israé­liens, à com­men­cer par George Bush jr, « le pire pré­sident de l’histoire américaine ».

Face au groupe occi­den­tal fra­gi­li­sé par les crises cycliques de son éco­no­mie, les revers bud­gé­ti­vores des guerres d’Afghanistan, d’Irak et de Libye, la mon­tée en puis­sance de la Chine, la dyna­mique du « prin­temps arabe » et l’élimination des prin­ci­paux pivots de l’influence occi­den­tale dans la sphère ara­bo musul­mane (Com­man­dant Mas­soud Shah ‑Afgha­nis­tan, Bena­zir Bhut­to-Pakis­tan, Rafic Hari­ri-Liban, Hos­ni Mou­ba­rak-Egypte, Zine el Abi­dine Ben Ali-Tuni­sie), l’Etat pales­ti­nien qui se pro­file désor­mais iné­luc­ta­ble­ment à l’horizon, com­pen­sa­tion au rabais des tur­pi­tudes occi­den­tales à l’égard du peuple pales­ti­nien inno­cent, reten­tit aus­si rétros­pec­ti­ve­ment comme le triomphe post­hume de Yas­ser Ara­fat, un hom­mage rétro­ac­tif au com­bat du chef his­to­rique du mou­ve­ment natio­nal pales­ti­nien, un hom­mage au por­teur du kef­fieh pales­ti­nien, le sym­bole de l’identité pales­ti­nienne, pro­mu désor­mais au rang de sym­bole uni­ver­sel du com­bat contre l’oppression, au même titre que l’icône sud amé­ri­caine Ernes­to Che Gue­va­ra de la Sier­na et du sud afri­cain Nel­son Mandela.

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Réfé­rences :

1. Au soir du 20 Mars 1968, l’armée israé­lienne attaque par sur­prise le camp pales­ti­nien ins­tal­lé dans la bour­gade d’AL Kara­meh, dans la val­lée du Jour­dain, décla­rée par Moshé Dayan, alors ministre de la Défense, « repaire du Fatah ». Selon l’historien Ben­ny Mor­ris, les pertes israé­liennes se sont éle­vées à 33 tués et 161 bles­sés. Sur le plan maté­riel, Israël enre­gis­tre­ra la perte de quatre chars de com­bat, 3 half-tracks, 2 voi­tures blin­dés ain­si qu’un avion, au cours de cette bataille qui aura duré 15 heures. Du côté pales­ti­nien, Ken­neth Michael Pol­lack, ancien ana­lyste de la CIA, esti­me­ra les pertes pales­ti­niennes à 100 tués et 100 bles­sés, soit un tiers des com­bat­tants enga­gés tués ou blessés.

2. L’un des plus célèbres faits d’armes de l’histoire antique, la bataille des Ther­mo­pyles de 480 av. JC devien­dra l’emblème de la résis­tance grecque à l’envahisseur, car mal­gré la prise d’Athènes par les Perses, les Grecs purent faire recon­naître leur indé­pen­dance, après leur triomphe à Sala­mine, le 22 sep­tembre 480 av. JC. Trois cents spar­tiates com­man­dés par le roi Léo­ni­das Ier, pren­dront posi­tion à l’entrée du pas­sage des Ther­mo­pyles, et com­bat­tront jusqu’au sacri­fice, pour lais­ser aux Grecs le temps d’organiser leur défense. Au som­met du Kolonós, théâtre de l’ultime résis­tance spar­tiate, sur lequel fut éri­gé un mau­so­lée, une ins­crip­tion du poète Sémo­nide de Céos (556 – 467 av. JC), com­mé­more cette action : « Étran­ger, va dire à Sparte qu’ici trois cents des siens sont morts pour obéir à ses lois ».

3. « Yas­ser Ara­fat » Edi­tions Saint Simon Hors col­lec­tion Paris 2003. Saïd Abu Rish a été cor­res­pon­dant à Bey­routh du jour­nal bri­tan­nique Dai­ly Mail et de la Radio Free Europe, la radio anti­com­mu­niste émet­tant de Prague à des­ti­na­tion du bloc sovié­tique à l’époque de la guerre froide sovié­to-amé­ri­caine et finan­cée en sous main par la CIA, les ser­vices de ren­sei­gne­ments américains.

4. Marc Rich, spé­cu­la­teur finan­cier sur les matières pre­mières, a fait l’objet de pour­suite pour fraudes fis­cales et tra­fic avec l’Iran. Le mil­liar­daire s’enfuira pen­dant 17 ans des Etats-Unis pour échap­per à la jus­tice de son pays. Phi­lan­thrope des musées israé­liens, il sera gra­cié par le pré­sident Bill Clin­ton le jour de son départ de la Mai­son Blanche, en 2001, sur inter­ven­tion du pre­mier ministre israé­lien Ehud Barak du Maire de Jéru­sa­lem de l’époque Ehud Olmert.