ZIN TV : Une télé pour l’action collective !

Le paysage audiovisuel belge ne s'arrête pas aux grands médias nationaux. Et heureusement d'ailleurs ! On retrouve ZIN TV ! Télévision associative, et centre de formation audiovisuel.

Dos­sier pré­sen­tant ZIN TV publié dans le cadre du jour­nal de la JOC, le Red’Ac­tion n°20. Pro­pos recueillis par Véro­nique Laurent, juillet — Août — Sep­tembre 2013

Le pay­sage audio­vi­suel belge ne s’ar­rête pas aux grands médias natio­naux. Et heu­reu­se­ment d’ailleurs ! Dans le pay­sage des médias alter­na­tifs, on retrouve ZIN TV ! Télé­vi­sion asso­cia­tive, et centre de for­ma­tion audio­vi­suel, ZIN TV met au centre de son pro­jet d’ac­tion col­lec­tive ! Nous avons vou­lu en savoir plus, et poser quelques ques­tions à Ron­nie Rami­rez, cinéaste, ensei­gnant et co-fon­da­teur de ZIN TV. 

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Véro­nique : ZIN TV, mais qu’est-ce que c’est ? 

Ron­nie : « ZIN TV est une télé­vi­sion asso­cia­tive basée à Bruxelles et qui dif­fuse sur le web, pour l’instant. On y voit les luttes sociales qui se mènent, mais aus­si le monde pro­gres­siste en mou­ve­ment. C’est une vitrine du monde citoyen belge où l’on porte un regard sur ses ini­tia­tives cultu­relles, intel­lec­tuelles et poli­tiques. Et cela, avec une dimen­sion par­ti­ci­pa­tive. C’est un relais pri­vi­lé­gié des mou­ve­ments sociaux. On ratisse large et cela nous donne une fonc­tion sym­bo­lique de tiret d’union entre elles. ZIN TV est aus­si la conti­nui­té d’autres expé­riences d’émancipation dans l’histoire du ciné­ma. Ces pra­tiques sont nos réfé­rences prin­ci­pales dans nos for­ma­tions. Le volet péda­go­gique est fon­da­men­tal car on y forme le par­ti­ci­pant au lan­gage audio­vi­suel afin qu’il puisse se l’approprier, deve­nir auto­nome et s’il le sou­haite, deve­nir un col­la­bo­ra­teur de ZIN TV. On a aus­si l’ambition de fédé­rer les médias alter­na­tifs en Bel­gique afin de pou­voir tra­vailler un jour en coor­di­na­tion. Et, par ailleurs, on s’articule déjà avec le réseau inter­na­tio­nal des télé­vi­sions asso­cia­tives, comme ALBA TV et VIA CAMPESINA TV, entre autres. » 

Véro­nique : Depuis quand exis­tez-vous ? Com­ment ZIN TV est-elle née ? 

Ron­nie : « Nous exis­tons for­mel­le­ment depuis sep­tembre 2009, mais nous venons de plus loin. Pour cer­tains, il faut comp­ter une dizaine d’années d’ateliers vidéo dans les quar­tiers popu­laires à Bruxelles et une envie folle d’offrir une suite hono­rable à ceux que l’on forme. D’autres, comme moi, ont eu la chance de connaître de près l’expérience des médias com­mu­nau­taires au Vene­zue­la. Les autres viennent du monde asso­cia­tif et aus­si pro­fes­sion­nel. Disons que la télé­vi­sion clas­sique, tel que nous la connais­sons actuel­le­ment, crée un ima­gi­naire que la plu­part d’entres-nous rejettent car il est basé sur l’audimat : un mode de fonc­tion­ne­ment com­mer­cial qui com­porte donc une vision de la socié­té et des valeurs idéo­lo­giques qui ne sont pas les nôtres. Ceux qui ont fon­dé ZIN TV sont essen­tiel­le­ment des citoyens qui croient qu’un autre monde est pos­sible, donc d’autres médias aus­si. Ce pro­jet glo­bal com­mun, il se pense et se maté­ria­lise. Ensuite, la néces­si­té poli­tique de don­ner une voix et une image au mou­ve­ment social, invi­sible ou ridi­cu­li­sé par les médias tra­di­tion­nels a don­né une légi­ti­mi­té à notre action. ZIN TV est un espace de résis­tance cultu­relle, de liber­té et de pou­voir citoyen face à une mono-culture hégé­mo­nique et globalisée. »

Véro­nique : Com­ment est consti­tuée votre ”équipe” ?

Ron­nie : « Par­mi nos membres, il y a bien-sûr des pro­fes­sion­nels de l’audiovisuel, des cinéastes, des artistes et des jour­na­listes qui ont envie de don­ner un sens noble à leur métier et cette pas­sion se trans­met à tra­vers les for­ma­tions qui se donnent au sein de ZIN TV. De cette dyna­mique, se construit un modèle de com­mu­ni­ca­tion de par­ti­ci­pa­tion citoyenne qui carac­té­rise l’identité de ZIN TV et regroupe des per­sonnes avec un cer­tain pro­fil. Le noyau dur de l’équipe s’est consti­tué au départ par des affi­ni­tés nées au cœur du tra­vail de ter­rain. Je parle des ate­liers vidéo, des confé­rences don­nées, des inter­ven­tions publiques, etc. Ensuite, comme il y a des per­sonnes qui offrent ponc­tuel­le­ment leurs ser­vices et qu’il y a 40.000 choses à faire en plus de prendre une camé­ra, nous nous sommes ouverts à d’autres réseaux : celui des pro­fes­sion­nels, des artistes et des mili­tants asso­cia­tifs. Ceci nous a don­né l’idée de créer ”les zamis de zin tv” ».

Véro­nique : Com­ment choi­sis­sez-vous les sujets que vous couvrez ? 

Ron­nie : « Le monde citoyen ayant délé­gué sa repré­sen­ta­tion aux pro­fes­sion­nels de l’audiovisuel est res­té sans voix et sans image. On nous contacte donc sou­vent pour nous pro­po­ser de cou­vrir cer­taines de leurs acti­vi­tés qui par­fois sont cou­vertes par d’autres médias tra­di­tion­nels. Dans la mesure du pos­sible nous le fai­sons, mais on est plus que débor­dés, car en Bel­gique, il y a des ini­tia­tives citoyennes en per­ma­nence et au mètre car­ré ! C’est dire la richesse que nous avons en culture de résis­tance. Dans l’idéal, nous fai­sons tout pour que nos com­mu­ni­ca­teurs soient issus de ce monde-là, afin que peu à peu, émerge une armée de com­mu­ni­ca­teurs du monde citoyen. Cela veut dire que ces jour­na­listes d’un autre genre seront ancrés dans une réa­li­té et tra­vaille­ront avec elle. C’est pour cela que nous tra­vaillons à l’idée de créer une per­ma­nence vidéo des luttes sociales, com­po­sée de citoyens for­més dans le cadre de nos ate­liers de repor­tage social. Plus lar­ge­ment, nous notons trois axes autour des­quels pour­raient s’organiser les sujets venant des asso­cia­tions : des films édu­ca­tifs, des repor­tages sur des mobi­li­sa­tions et des films de créa­tion. Mais, on peut fil­mer tous les sujets, tout est ques­tion de point de vue et d’éthique : de ce qui se dit et comment. » 

Véro­nique : Par­lez-nous de vos for­ma­tions ? Com­ment choi­sis­sez-vous leurs thèmes ? Qui peut les suivre ? 

Ron­nie : « Nous offrons pour l’instant des for­ma­tions ponc­tuelles, adap­tées selon le public : sou­vent mili­tants syn­di­caux, alter­mon­dia­listes, mou­ve­ments sociaux, etc. Mais il est évident que pour faire sur­gir de nos rangs des com­mu­ni­ca­teurs avec une nou­velle vision autre que d’être un mili­tant de sa propre car­rière, il fau­dra arri­ver à un par­cours péda­go­gique plus appro­fon­di et de longue durée. Dans notre pra­tique péda­go­gique nous don­nons des sémi­naires sur des sujets spé­ci­fiques, des for­ma­tions de cap­ta­tion mul­ti-camé­ra, des repor­tages sociaux, du docu­men­taire de créa­tion et l’idée est d’arriver à faire, un jour, de la fic­tion. Les thèmes des for­ma­tions viennent sou­vent des orga­ni­sa­tions qui nous deman­dé au préa­lable de tra­vailler sur une ques­tion tech­nique, idéo­lo­gique ou méthodologique. »

Véro­nique : ZIN TV est à la fois un média asso­cia­tif mais aus­si un centre de for­ma­tion. Quels sont les ponts entre ces deux aspects ?

Ron­nie : « La par­tie roman­tique de ZIN TV est bien-sûr de prendre la camé­ra et d’aller fil­mer le monde avec ses réa­li­tés, mais les for­ma­tions nous aident à prendre du recul et à théo­ri­ser nos pra­tiques créa­tives. Il s’agit de déve­lop­per une praxis et de les enri­chir d’un ques­tion­ne­ment per­ma­nent, induit par le contact avec le par­ti­ci­pant et les lec­tures. Mais l’espace péda­go­gique est aus­si un espace labo­ra­toire d’où émergent des pro­po­si­tions. Rendre l’enseignement de l’audiovisuel acces­sible à tous et non plus à une élite, passe bien­sûr par sa démo­cra­ti­sa­tion. Nous publions, d’ailleurs régu­liè­re­ment sur notre site inter­net nous publions des docu­ments péda­go­giques dis­po­nibles pour tous. C’est la voca­tion d’éducation per­ma­nente de ZIN TV qui per­met de faire prendre conscience aux orga­ni­sa­tions citoyennes qu’il est indis­pen­sable de se for­mer aux outils audio­vi­suels, afin de créer ses propres pro­duc­tions et créer sa propre voix. »

Véro­nique : Dans le por­trait que Kai­ros consacre à ZIN TV, vous dites : “En mon­trant, on fait exis­ter, donc on sti­mule”. Cela pose donc cer­taines ques­tions sur le rôle des médias natio­naux. Auriez-vous envie de deve­nir un média de plus grande ampleur ? 

Ron­nie : « Les mou­ve­ments sociaux et les luttes concrètes n’ont pas besoin des jour­na­listes pour exis­ter, mais on peut les cri­mi­na­li­ser ou les ridi­cu­li­ser, on peut même y appor­ter un regard pro­sé­lyte. La ques­tion est de com­ment faire exis­ter un sec­teur de la popu­la­tion dans l’imaginaire col­lec­tif et de le figer dans une mémoire. Ce n’est pas juste en mous­sant le nar­cis­sisme des orga­ni­sa­tions ou des égos que l’on sti­mule les actions du mou­ve­ment social, mais c’est en créant une image com­plexe, éthique et juste. Nous mon­trons les ini­tia­tives issues du sec­teur pro­gres­siste qui portent le germe de la nou­velle socié­té à laquelle nous aspi­rons. C’est ain­si que notre slo­gan est né : “ZIN TV, une télé pour l’ac­tion col­lec­tive”. Nous com­bat­tons une édu­ca­tion sys­té­ma­ti­que­ment orien­tée vers l’i­so­le­ment de l’in­di­vi­du, indi­vi­dua­liste et des­ti­née à une rela­tion mer­can­tile, marque de fabrique du sys­tème capi­ta­liste. Nous sommes convain­cus que ZIN TV annonce la télé­vi­sion de demain, une télé­vi­sion réin­ven­tée, celle qui incarne les pré­oc­cu­pa­tions de démo­cra­tie des gens. Nous n’a­vons, dans ce sens, pas peur d’être ambi­tieux et nous disons que nous sommes le labo­ra­toire de la télé­vi­sion de ser­vice public de demain. On parle des médias comme le qua­trième pou­voir, (d’ailleurs sou­vent sans contre-pou­voirs), et l’emplacement stra­té­gique de ZIN TV à Bruxelles, nous donne en plus une voca­tion euro­péenne. Tous les jours, les mou­ve­ments sociaux du monde entier viennent frap­per à la porte du par­le­ment euro­péen sans que les médias tra­di­tion­nels ne s’en sou­cient. En fil­mant et dif­fu­sant cela, les réper­cus­sions dans leur pays d’origine sont sou­vent sur­pre­nantes. Et là, on sti­mule un sec­teur qui en as besoin ! L’ampleur de notre démarche devient assez grande et exige de notre part un sens de res­pon­sa­bi­li­té, d’éthique et de justesse. »

Véro­nique : Quels sont les futurs pro­jets de ZIN TV ? 

Ron­nie : « Si nous vou­lons être cohé­rents, nous devons être ambi­tieux ! Nous vou­lons mul­ti­plier nos for­ma­tions et déve­lop­per le pôle péda­go­gique. Nous avons deman­dé en ce sens une recon­nais­sance de la Com­mu­nau­té Fran­çaise comme asso­cia­tion d’éducation per­ma­nente. Si tout va bien, cela conso­li­de­ra l’équipe péda­go­gique qui pour­ra s’armer d’une vidéo­thèque, d’une biblio­thèque, et pro­duire des outils péda­go­giques comme des articles, des livres et des émis­sions édu­ca­tives afin d’alimenter les for­ma­tions. Déve­lop­per le pôle pro­duc­tion veut dire mul­ti­plier les repor­tages sur les luttes sociales et les actions citoyennes, mul­ti­plier les films docu­men­taires et même arri­ver à pro­duire des fic­tions. Déve­lop­per le pôle dif­fu­sion veut dire per­fec­tion­ner notre site inter­net déve­lop­per le réseau citoyen de dif­fu­sion de film (trou­ver un vaste assem­blage d’associations dis­po­sées à dif­fu­ser des films dans des lieux non conven­tion­nels) et déve­lop­per ? nos contacts avec l’étranger. L’avenir de ZIN TV est inti­me­ment lié à la conso­li­da­tion de notre ? pro­jet et à son arti­cu­la­tion avec le monde citoyen. Tout indique qu’on est condam­né à gran­dir. Mais ZIN TV est un pro­jet qui sera tou­jours en mou­ve­ment et connai­tra cer­tai­ne­ment des étapes dans son évo­lu­tion. Notre rôle dans un pre­mier temps semble encore être voué à devoir réveiller les gens encore endor­mis pour essayer de deve­nir un moteur, géné­ra­teur de conscience ! »

Véro­nique : Com­ment les jeunes peuvent-ils s’im­pli­quer dans vos for­ma­tions ou vos projets ? 

Ron­nie : « Il suf­fit de nous contac­ter ou de s’inscrire à nos for­ma­tions à tra­vers notre page Inter­net ou, si d’autres pro­po­si­tions existent, de nous envoyer un mail avec des pro­po­si­tions concrètes. Le but final est de créer des uni­tés de pro­duc­tion vidéo auto­nomes en dif­fu­sant des films, en orga­ni­sant des débats sur le rôle des médias et de la com­mu­ni­ca­tion, des for­ma­tions, en nous envoyant des articles ou acti­vi­tés à publier sur notre site inter­net, etc. L’engagement est aus­si une affaire per­son­nelle, qui se palpe dans la pra­tique de cha­cun. Nous sommes tou­jours dis­po­sés à être sur­pris. La porte est donc ouverte à tout esprit construc­tif, sin­cère et dés­in­té­res­sé, tant qu’on puisse ain­si contri­buer à la construc­tion de ce grand édifice. » 

Véro­nique : Com­ment peut-on vous soutenir ? 

Ron­nie : « Il y a mille moyens de nous sou­te­nir. En tant jeunes de la JOC, il y a moyen de faire vôtre le pro­jet de ZIN TV : reven­di­quer la com­mu­ni­ca­tion comme un droit de l’homme, for­mu­ler des pro­po­si­tions concrètes et se sou­ve­nir qu’en 1977, le syn­di­cat chré­tien et socia­liste avaient ensemble fon­dés une télé­vi­sion qui s’appelait Canal-emploi, for­mant des chô­meurs et ayant une voca­tion de pro­duc­tion de films édu­ca­tifs. Connaître cette expé­rience peut nous apprendre beau­coup de choses pour l’avenir. La porte de ZIN TV est ouverte au dia­logue et aux pro­po­si­tions. Soyons créatifs ! »