Amérique Latine : croissance, stabilité et inégalités. Leçons pour les Etats-Unis et l’Europe

Par James Petras (Information Clearing House)

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9 octobre 2011

Les médias domi­nants et les per­sonnes édu­quées décrivent d’Amérique Latine comme une région de fré­quents coups d’état, de révo­lu­tions pério­diques, de dic­ta­tures mili­taires, avec une alter­nance de booms et de fias­cos éco­no­miques et la pré­sence éter­nelle du Fond Moné­taire Inter­na­tio­nal (FMI) pour lui dic­ter sa poli­tique économique.

A l’opposé, les mêmes fai­seurs d’opinion ain­si que leur homo­logues uni­ver­si­taires pré­sentent les Etats-Unis et l’Europe comme des socié­tés stables avec des crois­sances éco­no­miques régu­lières, une amé­lio­ra­tion pro­gres­sive des acquis sociaux, des com­pro­mis consen­suels pour résoudre les pro­blèmes et des pra­tiques fis­cales saines.

Récem­ment, au cours de la plus grande par­tie de la der­nière décen­nie, ces images sont deve­nues des dogmes idéo­lo­giques qui n’ont plus rien à voir avec la réa­li­té. En fait on peut dire que les rôles se sont inver­sés : les Etats-Unis et l’UE sont en crise per­pé­tuelle et l’Amérique Latine, au moins pour la plus grande par­tie, jouit d’une sta­bi­li­té et d’une crois­sance qui fait envie (ou devrait faire envie) aux experts de Washing­ton et aux com­men­ta­teurs finan­ciers. Ce ’ren­ver­se­ment des rôles’ est recon­nu par beau­coup d’investisseurs et de mul­ti­na­tio­nales éta­su­niennes, euro­péennes et asia­tiques, alors même que les jour­na­listes soi disant res­pec­tables du Finan­cial Times, NY Times et Wall Street Jour­nal conti­nuent de par­ler de la fra­gi­li­té, du dés­équi­libre et autres failles de la région tout en recon­nais­sant à contre coeur le dyna­misme de sa croissance.

Les cercles pro­gres­sistes sont aus­si fau­tifs car ils se concentrent sur les ’avan­cées’ des régimes de gauche mais ignorent les dyna­miques sou­ter­raines qui affectent la plus grande par­tie de la région et perdent ain­si de vue les nou­veaux points de conflit et de dispute.

Notre pro­jet est de mettre en lumière ce qui oppose le “Nord” (Etats-Unis/UE) en crise au “Sud” (Amé­rique du sud) dont la crois­sance est sou­te­nue. On se deman­de­ra s’il est pos­sible de trans­fé­rer l’expérience de l’Amérique du sud au nord et quels ’ajus­te­ments struc­tu­rels’ seraient néces­saires pour extir­per les Etats-Unis et l’UE de la spi­rale néfaste de la stag­na­tion et des vio­lents conflits qui ont carac­té­ri­sé ces deux régions pen­dant la plus grande par­tie de la der­nière décennie.

La décen­nie per­due, le style des Etats-Unis et de l’Europe

Les pays de l’Amérique Latine ont subi des crises longues et pro­fondes au cours de années 1980 qui se sont tra­duites par des crois­sances néga­tives, des niveaux de pau­vre­té plus impor­tants et un lourd endet­te­ment qui ont per­mis à leurs débi­teurs (comme le FMI) de leur impo­ser de mesures d’austérité sévères et régres­sives et des poli­tiques “d’ajustements struc­tu­rels” qui ont pris le nom de ’néo­li­bé­ra­lisme’. Ces mesures com­pre­naient la pri­va­ti­sa­tion des entre­prises publiques stra­té­giques les plus lucra­tives et la fin des plans d’état direc­teurs pour l’industrie. Pour les pay­sans, la classe ouvrière et la classe moyenne le “boom” néo­li­bé­ral éphé­mère des années 1990 a été la conti­nua­tion de la ’décen­nie per­due’ des années 1980. Les poli­tiques néo­li­bé­rales des années 1990 étaient basées sur des fon­da­tions struc­tu­relles défec­tueuses, et l’augmentation des inéga­li­tés de reve­nus et des dépenses publiques se sont concré­ti­sées par d’énormes trans­ferts de reve­nus vers le capi­tal et la baisse des salaires et des ser­vices sociaux. Les régimes néo­li­bé­raux sont entrés dans une crise pro­fonde au début des années 2000 pro­vo­quant des sou­lè­ve­ments popu­laires majeurs. Tout cela a engen­dré de nou­velles confi­gu­ra­tions poli­tiques et de nou­velles équa­tions du pou­voir social qui ont abou­ti à des nou­veaux régimes post-néo­li­bé­raux, au moins dans la plu­part des prin­ci­paux pays d’Amérique Latine.

Au contraire, et en par­tie grâce aux oppor­tu­ni­tés finan­cières offertes par la crise de la dette et la néo­li­bé­ra­li­sa­tion de l’Amérique Latine dans les années 1990 (et dans l’ex Union Sovié­tique, l’Europe de l’est et les états Baltiques/Balkans) les Etats-Unis et l’Europe ont pros­pé­ré. En Amé­rique Latine, plus de 5 000 indus­tries d’exploitation des res­sources natu­relles, banques, télé­com­mu­ni­ca­tions et autres indus­tries lucra­tives sont pas­sées aux mains de mul­ti­na­tio­nales étran­gères et de capi­ta­listes locaux. Des inté­rêts éle­vés sur les bonds, les prêts et les loyers de trans­ferts tech­no­lo­giques ont enri­chi les capi­ta­listes du Nord alors même que la pau­vre­té aug­men­tait dans le Sud. Les années 1990 ont été “l’âge d’or” du capi­tal occi­den­tal car les pro­fits ont explo­sé et les par­tis de gauche et les syn­di­cats tra­di­tion­nels se sont révé­lés inca­pables d’empêcher la ’vague’ du capi­ta­lisme pré­da­teur de prendre le contrôle des sec­teurs clés de l’économie.

Les suc­cès mêmes des Etats-Uni­set de l’UE, les énormes pro­fits réa­li­sés sans effort grâce au pillage, à la spé­cu­la­tion et à l’exploitation ont conduit à la domi­na­tion du capi­tal finan­cier et à la croyance en un “nou­vel ordre mon­dial” irré­ver­sible. La domi­na­tion des Etats-Unis et de l’UE a pour ori­gine leur supé­rio­ri­té mili­taire sou­te­nue par des régimes clients néo­li­bé­raux dociles et com­plai­sants. Le ’nou­vel ordre’ a duré moins de dix ans : les crises éco­no­miques de 1999/2000 ont détruit les illu­sions d’une siècle de gran­deur impé­riale. Les mar­chés se sont effon­drés et avec eux les régimes élec­to­raux oli­gar­chiques d’Amérique Latine (appe­lés “démo­cra­ties”) qui avec l’élite finan­cière et mili­taire for­maient la triple alliance qui garan­tis­sait la supré­ma­tie occi­den­tale. Le coup final a été les crises éco­no­miques de 2001 – 2002 aux Etats-Unis et dans l’UE qui ont pro­fon­dé­ment éro­dé leur capa­ci­té à inter­ve­nir pour sou­te­nir leurs clients d’Amérique Latine contre les masses rebelles qui vou­laient s’en débarrasser.

La pre­mière décen­nie du nou­veau mil­lé­naire a été la ’décen­nie per­due’ du Nord. Pen­dant les onze der­nières années, le Nord a souf­fert de stag­na­tion et de réces­sion sans aucun signe de reprise. Les états capi­ta­listes ont sau­vé les banques tem­po­rai­re­ment mais ils ont été inca­pables de faire redé­mar­rer l’économie.

Les agences de sécu­ri­té ont bais­sé la côte de cré­dit de l’économie des Etats-Unis. Le chô­mage et le sous-emploi touchent près du cin­quième de la main d’oeuvre, des chiffres simi­laires à ceux des pays stag­nants du tiers monde. Les pro­grammes sociaux sont sévè­re­ment ampu­tés aux Etats-Unis et dans toute l’Union Euro­péenne, annu­lant des décen­nies de gains sociaux accu­mu­lés. Les défi­cits com­mer­ciaux et bud­gé­taires sont deve­nus chro­niques aux Etats-Unis et les prê­teurs pri­vés et publics sont de plus en plus réti­cents à consen­tir des prêts dans la pers­pec­tive actuelle de réces­sion pro­fonde. Le sec­teur finan­cier des Etats-Unis et de l’UE est un nid de fraudes à grande échelle, d’escroqueries, de mau­vaise ges­tion et de balances comp­tables fal­si­fiées, une situa­tion qui était autre­fois l’apanage des éco­no­mies d’Amérique Latine. Les guerres pro­li­fèrent. Les dépenses mili­taires dépassent lar­ge­ment les inves­tis­se­ments pro­duc­tifs ponc­tion­nant l’économie amé­ri­caine d’une façon qui rap­pelle les dépenses d’armement des sei­gneurs de guerre afri­cains et des dic­ta­tures mili­taires d’Amérique Latine. Dans l’UE, des mil­lions de tra­vailleurs et de jeunes chô­meurs de Grèce, Por­tu­gal, Espagne et Ita­lie qui doivent faire face à des coupes dras­tiques dans leurs salaires, leurs retraites et leurs emplois ont enva­hi les rues. Des grèves géné­rales, qui menacent la sta­bi­li­té de régimes de plus en plus iso­lés, rap­pellent les sou­lè­ve­ments popu­laires qui ont pro­vo­qué des chan­ge­ments de régime en Amé­rique Latine à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Aux Etats-Unis les mani­fes­ta­tions publiques sont le signe d’un mécon­ten­te­ment gran­dis­sant : plus de 75% de la popu­la­tion a une opi­nion néga­tive du Congrès et 60% de la Mai­son Blanche. La méfiance crois­sante à l’égard des poli­ti­ciens dans l’électorat éta­su­nien est com­pa­rable à la perte de confiance popu­laire dans les gou­ver­ne­ments d’Amérique Latine pen­dant les “décen­nies per­dues” 1980 – 2000.

Les Etats-Unis comme l’Europe ont décli­né radi­ca­le­ment pen­dant la ’décen­nie per­due’ de ce siècle. Sur le plan éco­no­mique, poli­tique et social, le ’Nord’ s’est ’Lati­ni­sé’ : une élite poli­tique cor­rom­pue règne sur l’instabilité sociale, la stag­na­tion éco­no­mique, l’aliénation poli­tique, la pau­vre­té et les inéga­li­tés croissantes.

Signes de temps meilleurs : l’Amérique Latine

Récem­ment le ministre des finances du Bré­sil a évo­qué la pos­si­bi­li­té que les BRIC (Bré­sil, Rus­sie, Inde et Chine) par­ti­cipent au “plan de sau­ve­tage” des éco­no­mies euro­péennes en crise. Bien que cette remarque ait davan­tage une por­tée sym­bo­lique que pra­tique, elle reflète une cer­taine réa­li­té : A la dif­fé­rence du Nord qui s’enfonce dans des crises de plus en plus pro­fondes et durables, les éco­no­mies latines s’en sortent assez bien.

A l’exception des pays Latins qui sont encore sous la domi­na­tion des Etats-Unis, comme le Mexique et la plus grande par­tie de l’Amérique cen­trale, le reste de l’Amérique Latine non seule­ment a évi­té les crises qui affectent le Nord mais a joui d’une crois­sance trois fois supé­rieure à celle des Etats-Unis au cours de la décen­nie. Depuis le début du nou­veau mil­lé­naire, (sur­tout entre 2003 et 2011 et sauf pour une courte période en 2009) on constate dans ces pays une forte crois­sance, une pros­pé­ri­té géné­rale, un boom des expor­ta­tions, des impor­ta­tions en hausse, une plus grande coopé­ra­tion inter régio­nale et une impor­tante réduc­tion de la pauvreté.

Rien qu’au Bré­sil le nombre des pauvres a dimi­nué de 30 mil­lions. Des élec­tions régu­lières, rela­ti­ve­ment hon­nêtes et com­pé­ti­tives garan­tissent une alter­nance poli­tique légi­time et stable. A l’exception du coup d’état sou­te­nu par les Etats-Unis au Hon­du­ras et leur inter­ven­tion à Haï­ti et au Vene­zue­la, les prises de pou­voir vio­lentes ont dis­pa­ru pen­dant cette décen­nie. Les ins­ti­tu­tions régio­nales se sont déve­lop­pées grâce aux avan­cées de UNASUR (Union des Nation Sud Amé­ri­caines) et de la banque régio­nale d’Amérique Latine.

Grâce aux contrôles fis­caux et à la régu­la­tion des banques, le fruit des leçons des crises des décen­nies per­dues (1980 – 2000), l’Amérique Latine a peu souf­fert du crash finan­cier de 2008 – 2011aux Etats-Unis et en Europe. Les échanges com­mer­ciaux de l’Amérique Latine ont dou­blé, spé­cia­le­ment avec l’Asie, por­tés par la crois­sance à deux chiffres de la Chine. La demande de matières pre­mières agro-miné­rales a tri­plé. La crois­sance géné­rée par l’exportation est la clé de l’indépendance éco­no­mique de l’Amérique Latine. Cela lui a per­mis de diver­si­fier ses mar­chés en pro­fi­tant de nou­velles oppor­tu­ni­tés et de réduire sa dépen­dance aux Etats-Unis. L’accent mis par l’Amérique Latine sur la crois­sance éco­no­mique, les nou­veaux mar­chés et les nou­veaux inves­tis­se­ments lui a per­mis de res­ter à l’écart des nom­breuses guerres colo­niales coû­teuses déclen­chées par les Etats-Unis et l’Union Européenne.

Pen­dant que les Etats-Unis et l’UE impriment de plus en plus de billets et aug­mentent leur dette pour cou­vrir leur défi­cit com­mer­cial, l’Amérique Latine a qua­dru­plé ses réserves de devises étran­gères. Cela la met à l’abri des fluc­tua­tions et de la dépen­dance au FMI, l’architecte des décen­nies per­dues de 1980 et 1990.

En Amé­rique Latine, le pro­blème de la pau­vre­té a été trai­té avec un suc­cès inégal. La direc­tion géné­rale, selon l’exemple du Vene­zue­la de Cha­vez, a été l’augmentation, géné­ra­le­ment par paliers, des bud­gets sociaux avec dans cer­tains pays des efforts plus impor­tants qu’ailleurs. Sauf au Mexique, il n’y a pas eu en Amé­rique latine, de coupes sociales comme aux Etats-Unis et en Europe. Les avan­cées struc­tu­relles les plus impres­sion­nantes ont eu lieu au Vene­zue­la et dans une moindre mesure en Argen­tine. Le reve­nu mini­mum et les retraites ont aug­men­té de manière signi­fi­ca­tive ain­si que les aides sociales aux plus dému­nis (les mère céli­ba­taires, les han­di­ca­pés et les miséreux).

A l’exception de la Colom­bie (le prin­ci­pal allié mili­taire des Etats-Unis dans la région) qui demeure la capi­tale du monde des assas­si­nats de mili­tants des droits de l’homme, de syn­di­ca­listes et de mili­tants pay­sans, les vio­la­tions des droits humains ont décli­né. Tan­dis que les vio­la­tions des droits humains des Etats-Unis et de l’UE ont aug­men­té en pro­por­tion inverse par le biais des nom­breuses guerres colo­niales en Irak, Afgha­nis­tan, Libye, Pakis­tan, Soma­lie, Yémen et des ’opé­ra­tions’ secrètes d’assassinats ciblés, les vio­la­tions de l’Amérique Latine à l’étranger se limitent prin­ci­pa­le­ment à leurs forces d’occupation à Haï­ti —qui sont là sur l’ordre des Etats-Unis et de l’UE. Cepen­dant la répres­sion des mou­ve­ments popu­laires, sur­tout des peuples indi­gènes, des mou­ve­ments pay­sans et des étu­diants, a aug­men­té en Boli­vie, Chi­li, Bré­sil et autres pays où le main­tien de la crois­sance l’emporte sur les droits des com­mu­nau­tés et les dépenses sociales.

Grâce à la sta­bi­li­té poli­tique actuelle de l’Amérique Latine et à sa crois­sance dyna­mique, les inves­tis­se­ments ins­ti­tu­tion­nels et pri­vés affluent dans la région. Au contraire, les Etats-Unis et l’Europe souffrent du dés­in­ves­tis­se­ment et de la raré­fac­tion des inves­tis­se­ments pri­vés. En d’autres termes, le déve­lop­pe­ment de l’Amérique Latine est l’autre face du sous-déve­lop­pe­ment des Etats-Unis et de l’Europe.

Amé­rique Latine : nou­velles contradictions

La lutte des classes reste la force motrice du pro­grès social en Amé­rique Latine. Mais à la dif­fé­rence des Etats-Unis-UE, la lutte des classes en Amé­rique Latine est offen­sive et a pour but de s’approprier une plus grande par­tie des pro­fits géné­rés en obte­nant des aug­men­ta­tions de reve­nus sociaux et sala­riaux. Aux Etats-Unis et en Europe la lutte des classes est ’défen­sive’ : c’est un com­bat pour empê­cher la réduc­tion de leurs reve­nus, de leurs emplois et de leurs retraites.

Les actions mili­tantes comme l’occupation des terres, les mani­fes­ta­tions et les grèves font tou­jours par­tie de l’arsenal social de la classe ouvrière mais elles s’opèrent dans le cadre poli­tique des ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques. En Europe, par contre, les élites ont pris l’habitude d’ignorer les mani­fes­ta­tions de masse et les grèves et d’imposer des poli­tiques d’austérité dic­tées par des ban­quiers et des créan­ciers non élus.

les limites et les ’contra­dic­tions’ qui affectent les pays d’Amérique Latine appa­raissent dans les inéga­li­tés entre les classes sociales. Avec l’augmentation du reve­nu natio­nal et le boom des expor­ta­tions, les inéga­li­tés entre la classe capi­ta­liste domi­nante et la masse des sala­riés ont aug­men­té. Au début les inéga­li­tés étaient mas­quées par l’amélioration géné­rale du niveau de vie et de l’emploi mais avec le temps les sala­riés et les ouvriers com­mencent à trou­ver insuf­fi­santes des aug­men­ta­tions qui dépassent à peine le taux d’inflation. L’amélioration du niveau de vie a dépas­sé les attentes. Le pour­cen­tage de pauvres a dimi­nué mais vivre avec un peu plus de quatre dol­lars par jour est deve­nu inac­cep­table. Des classes aupa­ra­vant exclues du sys­tème et aujourd’hui inté­grées au sys­tème mais exploi­tées, n’ont qu’une seule arme : les orga­ni­sa­tions de classe, pour faire avan­cer leurs inté­rêts économiques.

C’est clai­re­ment le cas du Chi­li actuel où la crois­sance sur le long terme s’accompagne d’inégalités pro­fondes com­pa­rables à ce qu’il y a de pire dans l’OCDE. Depuis juillet 2011 des mani­fes­ta­tions mas­sives d’étudiants contre le coût éle­vé de l’éducation publique et pri­vée et les bas niveaux d’aides sociales ont déclen­ché des actions syn­di­cales mas­sives dans tous les sec­teurs de l’économie, des ensei­gnants aux mineurs du cuivre.

Qui ver­ra ses reve­nus aug­men­ter ? Voi­là la nou­velle ques­tion explo­sive qui occupe les diri­geants et le peuple dans la plu­part des pays à forte crois­sance d’Amérique Latine. Les ques­tions de classes sociales sont sur le devant de la scène pour quelque temps.

La crois­sance, la sta­bi­li­té et les luttes de classe démo­cra­tiques carac­té­risent la plu­part des prin­ci­paux pays mais pas tous. Dans plu­sieurs nations, l’héritage de vio­lence et d’autoritarisme des dic­ta­tures demeure pré­gnant. La pra­tique colom­bienne de tuer des syn­di­ca­listes, des lea­ders pay­sans, des jour­na­listes et des mili­tants des droits de l’homme ne fai­blit pas : plus de 30 syn­di­ca­listes ont été assas­si­nés pen­dant les 8 pre­miers mois de 2011.

Le régime diri­geant hon­du­rien, mis en place par un coup d’état cha­peau­té par les Etats-Unis, et ses alliés par­mi les milices para­mi­li­taires des pro­prié­taires ter­riens ont tué des dizaines de pay­sans et de mili­tants poli­tiques et sociaux en faveur de la démocratie.

Les tue­ries mexi­caines sont célèbres : plus de 40 000 per­sonnes ont été tuées par la police, l’armée et les gangs de la drogue dans une ’guerre de la drogue’ vou­lue par Oba­ma et mise en oeuvre par le pré­sident Calderon.

Ce que ces régimes ont en com­mun c’est qu’ils conti­nuent d’obéir aux dik­tats de Washing­ton et demeurent des pays très mili­ta­ri­sés avec une forte pré­sence de l’armée et de la police éta­su­niennes sous forme de bases, de conseillers et d’interventionnisme poli­tique. Ces trois états ont négli­gé de diver­si­fier leurs mar­chés et conti­nuent d’être gran­de­ment dépen­dants du mar­ché éta­su­nien stag­nant. Tous ont déjà signé ou sont en passe de signer des trai­tés com­mer­ciaux bila­té­raux au lieu de déve­lop­per des liens fruc­tueux avec les mar­chés asia­tiques dynamiques.

Ces trois régimes réac­tion­naires n’ont pas connu les sou­lè­ve­ments popu­laires qui ont abou­ti aux régimes de centre gauche qu’on trouve dans la plus grande par­tie de l’Amérique latine. Au Mexique, des can­di­dats pro-démo­cra­tie out été par deux fois spo­liés de leur vic­toire élec­to­rale, d’abord en 1988 puis en 2006. Au Hon­du­ras, le pré­sident pro­gres­sif démo­cra­tique qui cher­chait à diver­si­fier les mar­chés a été ren­ver­sé par un coup mili­taire cha­peau­té par le régime d’Obama en 2010. En Colom­bie, le meurtre de 5 000 mili­tants et lea­ders de l’Union Patrio­tique pro-démo­crate entre 1984 et 1986 puis l’assassinat de plu­sieurs mil­liers de mili­tants sociaux ont empê­ché une ouver­ture démo­cra­tique. La fin bru­tale des négo­cia­tions de paix en 2002 et la mili­ta­ri­sa­tion totale du pays (2002 – 2011) finan­cée par 6 mil­liards d’aide mili­taires éta­su­nienne, l’a pri­vé du chan­ge­ment social et poli­tique qui a dyna­mi­sé la crois­sance sou­te­nue du reste de l’Amérique Latine et y a ouvert la porte à la ’lutte des classes démocratique’.

La plu­part des pays d’Amérique Latine ont pris de l’avance et ont lar­ge­ment évi­té les crises éco­no­miques et l’instabilité dont souffrent les Etats-Unis et l’UE, mais leur héri­tage et les actuelles inéga­li­tés génèrent une nou­velle série d’obstacles struc­tu­rels à la conso­li­da­tion d’une crois­sance à long terme et à la sta­bi­li­té sociale et poli­tique. La contra­dic­tion struc­tu­rale la plus pro­fonde réside dans le couple forte croissance/inégalités crois­santes, un modèle éco­no­mique basé sur “l’alliance des 3 et demi” : capi­tal étran­ger-capi­tal natio­nal-état pla­ni­fi­ca­teur et syndicalistes/leaders pay­sans coop­tés. Les pro­fits et les inves­tis­se­ments de cette confi­gu­ra­tion de pou­voir pro­viennent de l’augmentation des expor­ta­tions agro-miné­rales, de la hausse des prix des matières pre­mières, des faci­li­tés de cré­dit et de la régu­la­tion éta­tique des mar­chés finan­ciers. L’essentiel des pro­fits de la crois­sance a été confis­qué par les trois pre­mières com­po­santes, “les trois gros”, en s’offrant par des pots de vin les ser­vices d’une petite mino­ri­té de tra­vailleurs orga­ni­sés pri­vi­lé­giés. Les “miettes” servent à ’sor­tir les pauvres’ de la misère abso­lue. Ces inéga­li­tés crois­santes ont été “dis­si­mu­lées” par l’amélioration géné­rale du niveau de vie, les faci­li­tés de cré­dit et l’amélioration des ser­vices publiques. Mais la hausse des reve­nus a engen­dré de nou­veaux conflits de classe qui seront exa­cer­bés quand les prix des matières pre­mières bais­se­ront et que les gou­ver­ne­ments ne pour­ront plus finan­cer des amé­lio­ra­tions pro­gres­sives. Déjà main­te­nant, l’extraction pré­da­trice entre sérieu­se­ment en conflit avec la forêt, et les mul­ti­na­tio­nales avec les Indiens/paysans du Pérou, Equa­teur, Boli­vie, Bré­sil, Colom­bie et Chi­li. Ces luttes par­fois vio­lentes entre état/multinationales et pay­sans dans ’la cam­pagne péri­phé­rique’ pour­raient être le déto­na­teur d’un conflit plus vaste dans les villes prin­ci­pales si les reve­nus de l’exportation diminuaient.

La seconde contra­dic­tion oppose les “tra­vailleurs pauvres mar­gi­na­li­sés” à une nou­velle classe moyenne ain­si qu’à une nou­velle classe d’affaires toutes deux locales qui ont inves­ti leurs “éco­no­mies” dans des entre­prises minières étran­gères et locales. Conser­va­teurs et étroi­te­ment liés aux mul­ti­na­tio­nales avides, ces nou­veaux inves­tis­seurs de la classe moyenne se sont enri­chis grâce au pillage sans foi ni loi des res­sources natu­relles et à la conta­mi­na­tion des com­mu­nau­tés rurales voi­sines. Le jour où le prix des matières pre­mières chu­te­ra, les régimes devront faire face à une classe moyenne hys­té­rique à la recherche d’un sau­veur poli­tique qui n’existe pas, du moins dans les par­tis existants.

La dérive à droite des régimes de centre gauche et leurs liens oppor­tuns avec le monde des affaires sur­tout au Bré­sil, Uru­guay, Boli­vie, Equa­teur et Para­guay a pro­vo­qué la cor­rup­tion des plus hauts éche­lons du pou­voir. La libé­ra­li­sa­tion et les salaires exor­bi­tants des diri­geants d’entreprise ont été accom­pa­gnés de pots de vin à des offi­ciels du sec­teur public. La cor­rup­tion a éro­dé la morale sociale des poli­ti­ciens de centre gauche et l’a rem­pla­cée par l’obsession “d’attirer de nou­veaux inves­tis­se­ments plus impor­tants” à coups de tri­pa­touillages et de pots de vin. La cor­rup­tion est des­cen­due du som­met vers la base, faci­li­tant l’arrivée des inves­tis­seurs étran­gers mais dimi­nuant cer­tai­ne­ment la confiance et la loyau­té des employés et des tra­vailleurs titu­laires ou non qui étaient exclus du ’cercle magique’ où s’échangeaient les pots de vin. Le “clien­té­lisme” et les dis­tri­bu­tions d’argent aux plus pauvres peuvent empê­cher ceux qui reçoivent de l’argent de pro­tes­ter contre la cor­rup­tion des élites ; cepen­dant, en temps de crise éco­no­mique, elle peut inci­ter les peuples à se sou­le­ver pour deman­der un chan­ge­ment de régime.

La troi­sième contra­dic­tion oppose le haut niveau de dépen­dance aux expor­ta­tions de matières pre­mières (qui ont été jusqu’ici l’élément dyna­mique de crois­sance) au déclin rela­tif et abso­lu de la pro­duc­tion et des expor­ta­tions indus­trielles. L’augmentation des pro­fits tirés des matières pre­mières a entraî­né la rééva­lua­tion de la mon­naie, ce qui a dimi­nué la com­pé­ti­ti­vi­té des pro­duits fabri­qués sur le ter­ri­toire natio­nal et pro­vo­qué une baisse bru­tale des pro­fits et par­fois la banqueroute.

Les fabri­cants-expor­ta­teurs asia­tiques —sur­tout chi­nois et dans une moindre mesure indiens et coréens— déversent de plus en plus de pro­duits finis moins chers sur les mar­chés latins, ce qui “dés­in­dus­tria­lise” les éco­no­mies latines. Des capi­ta­listes d’Amérique Latine cherchent à inves­tir en Asie à moindre coût dans le but de réex­por­ter les pro­duits vers leurs “mar­chés natio­naux”. L’industrie bré­si­lienne qui a le plus souf­fert, a mis en place des mesures “pro­tec­tion­nistes” comme des taxes doua­nières, des règles qui pres­crivent que les pro­duits doivent com­por­ter 65% de matière locale et des sub­ven­tions d’état pour contre­car­rer la des­truc­tion de la diver­si­fi­ca­tion de l’économie.

La qua­trième contra­dic­tion est à trou­ver pré­ci­sé­ment dans le suc­cès de la crois­sance éco­no­mique et les hauts pro­fits qui ont atti­rés les capi­taux pour la spé­cu­la­tion et la “prise de contrôle des entre­prises” en même temps que les capi­taux pour les inves­tis­se­ments pro­duc­tifs. Les spé­cu­la­teurs s’enfuiront et désta­bi­li­se­ront le sys­tème finan­cier aux pre­miers signes de ralen­tis­se­ment. La pro­prié­té étran­gère dimi­nue­ra la capa­ci­té du gou­ver­ne­ment de prendre des déci­sions d’investissement en période de crise. Les inves­tis­se­ments pro­duc­tifs répondent aux mar­chés en expan­sion mais ils ne les créent pas.

En résu­mé, la décen­nie de crois­sance dyna­mique de l’Amérique Latine a cer­tai­ne­ment per­mis de dépas­ser les Etats-Unis et l’Europe dans toute une série de domaines éco­no­miques, sociaux et poli­tiques. Cepen­dant, cette crois­sance même a engen­dré de nou­velles contra­dic­tions et la néces­si­té de cor­ri­ger des “dés­équi­libres” qui s’aggravent : la demande popu­laire pour une meilleure répar­ti­tion des pro­fits, la pres­sion des indus­triels pour appuyer l’économie sur la fabri­ca­tion au lieu de la finance et des matières pre­mières et la demande des pauvres des villes pour de meilleurs ser­vices publics, notam­ment la sécu­ri­té sociale et des classes moins sur­char­gées. Ces chan­ge­ments passent par une modi­fi­ca­tion de la struc­ture du pou­voir. Les dés­équi­libres éco­no­miques reflètent la concen­tra­tion crois­sante du pou­voir poli­tique aux mains des capi­ta­listes miniers, ban­quiers et inves­tis­seurs de la classe moyenne locale des grandes villes. Les fonc­tion­naires, les tra­vailleurs, les pauvres des villes, les pay­sans et les Indiens et éco­lo­gistes qui s’inquiètent pour l’environnement sont exclus des postes éco­no­miques clés. Il faut qu’ils sortent une fois de plus dans les rues avec de nou­veaux mou­ve­ments indé­pen­dants pour sou­le­ver deux ques­tions essen­tielles : Quelle sorte de crois­sance et pour qui ?

Les leçons de l’Amérique latine : Ecou­tez bien Yan­kees et Eurocrates !

Les expé­riences posi­tives d’Amérique Latine peuvent-elles four­nir un ’modèle’ aux Etats-Unis et à l’Europe ? Est-ce que ce modèle, dans sa tota­li­té ou en par­tie, peut-être appli­qué au Nord ou bien les deux régions sont-elles trop dif­fé­rentes pour cela ?

Il y a évi­dem­ment de grandes dif­fé­rences his­to­riques, cultu­relles, éco­no­miques et poli­tiques entre ces régions mais on peut tirer de la décen­nie de crois­sance dyna­mique de l’Amérique Latine de nou­velles idées pour contre­car­rer les options éco­no­miques néga­tives et vouées à l’échec des experts et poli­ti­ciens éta­su­niens et européens.

Com­men­çons par le com­men­ce­ment. L’essor de l’Amérique Latine a eu pour ori­gine une pro­fonde crise éco­no­mique, l’effondrement de l’économie, un chô­mage énorme et l’appauvrissement de la classe moyenne. Les crises ont com­plè­te­ment dis­cré­di­té ce qu’on appe­lait “le libre échange”, le modèle de capi­ta­lisme “néo­li­bé­ral” et non régu­lé”. Jusqu’ici c’est pareil : les Etats-Unis et l’UE vivent aus­si une pro­fonde crise éco­no­mique qui a mis en faillite le sud de l’Europe, plon­gé les Etats-Unis dans une réces­sion à double creux* et conduit à un taux de chô­mage de 20%. La ’classe poli­tique’ toute entière est lar­ge­ment dis­cré­di­tée aux Etats-Unis comme en Europe. Mais à par­tir d’ici les régions divergent.

En Amé­rique Latine, les crises ont pro­vo­qué des mani­fes­ta­tions de masse, des sou­lè­ve­ments popu­laires et des chan­ge­ments de régime. Sous la pres­sion popu­laire, les régimes de centre gauche post-néo­li­bé­raux, ont relan­cé l’emploi, inves­ti et mis en place des pro­grammes de tra­vaux sociaux pour réduire la pau­vre­té. L’Argentine, qui vivait une crise sem­blable à celle de la Grèce, a fait défaut de sa dette étran­gère et a uti­li­sé l’argent public à relan­cer l’économie. Conscients que la crise avait son ori­gine dans la spé­cu­la­tion finan­cière de Wall Street et de la City de Londres, les régimes latins ont ins­ti­tué des contrôles et des règles qui ont limi­té la vola­ti­li­té finan­cière. Les nou­veaux régimes, sous l’effet du boom des matières pre­mières, ont diver­si­fié leurs par­te­naires éco­no­miques en entrant dans le dyna­mique mar­ché asia­tique, ce qui a rap­por­té de gros pro­fits et sti­mu­lé la consom­ma­tion locale et les inves­tis­se­ments publics. Quelles leçons les Etats-Unis et l’UE enfon­cés dans la crise peuvent-ils tirer du réta­blis­se­ment spec­ta­cu­laire de l’Amérique Latine et de son expansion ?

D’abord, pour com­men­cer il faut une trans­for­ma­tion poli­tique. Un chan­ge­ment de régime qui soit une rup­ture com­plète avec le libre échange ’néo-libé­ral’ et les lea­ders poli­tiques et les par­tis qui ne font qu’un avec des ins­ti­tu­tions et des poli­tiques qui ont échoué. Un chan­ge­ment de régime pré­sup­pose la nais­sance d’organisations de masse dyna­miques, nou­velles et anciennes, impro­vi­sées et orga­ni­sées, capables de pas­ser de la pro­tes­ta­tion et de la résis­tance aux res­pon­sa­bi­li­tés politiques.

L’objectif est de détour­ner les éco­no­mies éta­su­niennes et euro­péennes de la ’finan­cia­ri­sa­tion’ et du “mili­ta­risme” pour pri­vi­lé­gier les inves­tis­se­ments pla­ni­fiés de grande échelle dans l’industrie, la tech­no­lo­gie appli­quée, les infra­struc­tures civiles et les ser­vices sociaux ; les inves­tis­se­ments publics directs et les prêts des­ti­nés à des pro­jets géné­ra­teurs d’emplois ; la rejec­tion totale de la théo­rie du ruis­sel­le­ment** et des poli­tiques moné­taires qui ne passent jamais des banques pri­vées aux tra­vaux publics.

Il faut renon­cer à la men­ta­li­té mili­ta­riste sio­niste de guerre per­ma­nente pour créer des emplois ce qui est l’urgente prio­ri­té des deux tiers de la popu­la­tion des Etats-Unis. La “guerre contre le ter­ro­risme”, le dra­peau des sei­gneurs de guerre qui nous dirigent, n’est une prio­ri­té que pour seule­ment 3% des Eta­su­niens. Je le répète, le pas­sage du ’mili­ta­risme’ à une éco­no­mie civile en Amé­rique Latine a été le résul­tat de l’opposition popu­laire dans les rues et dans les urnes.

Il est clair qu’il a été plus facile aux éco­no­mies d’Amérique Latine de rééqui­li­brer leurs prio­ri­tés éco­no­miques en reje­tant des diri­geants mili­ta­ristes en échec et des poli­tiques néo-libé­rales dis­cré­di­tées. Les mou­ve­ments citoyens des Etats-Unis et des états impé­ria­listes d’Europe auront plus de mal à fer­mer des cen­taines de bases mili­taires, à chas­ser des poli­ti­ciens mili­ta­ristes sou­te­nus par de puis­sants lob­bys natio­naux et étran­gers et à rem­pla­cer les empires par des répu­bliques pro­duc­tives. Pour­tant c’est en se tenant à l’écart des guerres impé­riales étran­gères que les expor­ta­teurs d’Amérique Latine ont pros­pé­ré. Ils conti­nuent à recher­cher de nou­veaux débou­chés au Moyen-Orient et ailleurs au lieu de détruire les adver­saires d’Israël comme l’ont fait les Etats-Unis et l’UE par des guerres colo­niales en Irak et en Libye et par des sanc­tions contre l’Iran, la Syrie et le Venezuela.

La dif­fé­rence entre les résul­tats obte­nus par les bâtis­seurs d’empire Euro-Eta­su­niens et les répu­bliques latines est frap­pante. Il est temps que les Etats-Unis et l’UE renoncent à l’image de pays déve­lop­pés “cou­ron­nés de suc­cès” qu’ils ont d’eux-mêmes et aux sté­réo­types dépas­sés qui décrivent les états d’Amérique Latine comme des pays sous-déve­lop­pés “vola­tiles” et enclins aux coups d’états. Les Etats-Unis ont de graves pro­blèmes et se dirigent vers une crise éco­no­mique plus pro­fonde et plus incon­trô­lable encore sans avoir les moyens de s’en pro­té­ger. Ils sont de plus en plus iso­lés sur la scène inter­na­tio­nale et en conflit avec de poten­tiels par­te­naires éco­no­miques. Washing­ton fait corps avec Israël, s’aliénant de la sorte 1,5 mil­liards de Musul­mans riches et pauvres de l’Arabie Saou­dite au Pakis­tan en pas­sant par tous les coins du monde. Il se met à dos le Bré­sil par des inci­ta­tifs finan­cier*** et la sur­éva­lua­tion du real (la mon­naie bré­si­lienne) sans que cela pro­fite à l’économie étasunienne.

Les échecs natio­naux et inter­na­tio­naux se mul­ti­plient au fur et à mesure que la crise s’aggrave et rien de ce que pro­posent les diri­geants cor­rom­pus en exer­cice ni l’opposition hébé­tée n’offre de solu­tion valable.

Comme dans l’Amérique Latine des cinq pre­mières années de cette décen­nie, nous avons besoin d’une rébel­lion popu­laire : il nous faut un chan­ge­ment radi­cal de régime ; nous devons pri­vi­lé­gier les inves­tis­se­ments publics pro­duc­tifs et mettre fin aux pertes finan­cières monu­men­tales dues à la spé­cu­la­tion à Wall Street et au gâchis des res­sources publiques résul­tant de l’achat d’armes de destruction.

James Petras

James Petras est Pro­fes­seur Bartle (Eme­rite) de Socio­lo­gie à Bin­gham­ton Uni­ver­si­ty, New York. Il est l’auteur de 64 livres tra­duits dans 29 langues, et de plus de 560 articles dans des publi­ca­tion pro­fes­sion­nelles comme the Ame­ri­can Socio­lo­gi­cal Review, Bri­tish Jour­nal of Socio­lo­gy, Social Research, Jour­nal of Contem­po­ra­ry Asia, et Jour­nal of Pea­sant Studies.

Pour consul­ter l’original : Clea­ring House

Tra­duc­tion : Domi­nique Muse­let pour Le Grand Soir