La police ayant obligé un reporter de ZIN TV d’effacer toutes les images tournées, détruisant ainsi sa journée de travail.
Communiqué de presse de ZIN TV
Bruxelles, le 16 octobre 2015
C’est avec indignation que nous vous faisons parvenir ce communiqué de presse afin de vous informer de l’arrestation d’une de nos équipes de tournage lors de la manifestation contre le traité transatlantique à Bruxelles, le jeudi 15 octobre 2015. La police ayant obligé une équipe de ZIN TV à effacer toutes les images tournées, détruisant ainsi sa journée de travail. La police visait à faire disparaître délibérément, illégalement et impunément les preuves de son action.
Voici le témoignage de Thomas Michel, REPORTER pour ZIN TV et ATTAC :
13h30 : 70 à 90 personnes participent à une action place Meiser : Elles collectent des barrières, des grilles, des panneaux trouvés sur la route, afin de bloquer les artères principales menant au Conseil européen. Au moins 4 personnes filment.
Parcours : Place Meiser, Avenue Eugène Plasky, Avenue Léon Mahillon, Place des chasseurs Ardennais, Rue Charles Quint, Avenue de la Brabançonne, Square Ambiorix, Avenue Palmerston, Square Marie-Louise, Avenue Livingstone, Rue Joseph II, Rue Ortélius, Rue de Spa.
Des blocages approximatifs ont lieu au Square Ambiorix et dans la rue Joseph II. La police nous repousse jusqu’à la rue Ortélius, puis nous sommes encerclés rue de Spa. La répression est soudaine mais sans violence véritable. Les militants refusant d’obtempérer se font maîtriser fermement.
Environ 65 personnes se retrouvent encerclées par la police qui nous nasse à l’aide de boucliers. Nous nous signalons comme une équipe de tournage mais ça n’empêche pas notre arrestation. L’arrestation administrative est déclarée à 14h30. Nous arrêtons de filmer à ce moment là.
Puis, un par un, les policiers nous attachent les mains avec des colsons en plastique et nous placent au sol, sur le trottoir, assis les uns derrières les autres, entre des poteaux et le mur de la rue, par groupes de cinq. Nous avons attendu l’arrivée des bus une bonne heure sous la pluie. Une fois les bus sur place, hommes et femmes sont séparés, le bus des hommes étant rapidement complet, un groupe d’hommes est placé dans le bus des femmes.
Vers 16h45, nous arrivons à la caserne d’Etterbeek. On nous enlève les colsons. Les sacs sont fouillés, les identités contrôlées. Les manifestants sont répartis dans 3 cellules, placés en « privation de liberté ». A peu près tous les manifestants signent des déclarations d’arrestation administrative.
Retour à Bruxelles-Capitale en bus de police (commune de l’arrestation), arrêt Porte de Hal, vers 19h30. Cinq policiers sont avec nous, je filme au moins 4 plans dans le bus.
Nous descendons un par un, par l’avant du bus. J’étais dans les premiers à descendre et je sors aussitôt ma caméra pour filmer la descente du bus. Une dizaine de manifestants sont descendus et un policier s’avance vers moi pour saisir ma caméra. Il me demande de supprimer les images de la descente du bus, certains des visages des policiers apparaissant dans le cadre. Je finis par supprimer devant lui cette séquence. Néanmoins, une fois cette séquence supprimée, il me prend la caméra des mains, pour en vérifier le contenu. En découvrant les séquences filmées dans le bus, le policier monte dans celui-ci avec ma caméra et supprime l’ensemble de mes images.
Les manifestants protestent mais les policiers rétorquent qu’ils ont le droit de supprimer toutes les images sur lesquelles ils peuvent être identifiés, justifiant que leur mission est de niveau 3 sur 4 sur l’échelle des risques de terrorisme. Parmi les manifestants, un étudiant en droit leur explique qu’ils n’ont pas du tout le droit de supprimer mes images. Les policiers nous maintiennent à distance durant la suppression des images. Le policier me rend la caméra, toutes mes images ont disparu.
Nous rappelons qu’il est illégal d’être saisi de ses sources, c’est une violation du secret professionnel et la justification de niveau 3 sur 4 sur l’échelle des risques de terrorisme est simplement bidon. Comme le rappelle le juriste et membre de l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits de l’Homme, Matthieu Beys, dans son ouvrage ‘Quels droits face à la police’ publié chez couleur livres :
Page 314 : J’ai le droit de cacher et de refuser de communiquer “tout renseignement, enregistrement et document” qui pourrait permettre aux policiers notamment de découvrir l’identité de mes informateurs, la nature ou la provenance de mes informations, l’identité de l’auteur d’un texte ou d’une production audiovisuelle ou le contenu des informations et des documents eux-mêmes si ceux-ci permettent d’identifier un informateur. Les policiers n’ont pas le droit de me cuisiner dans le but de découvrir mes sources d’informations.
Je ne pourrai jamais être poursuivi pour avoir caché mes sources, même si j’ai des données ou documents qui ont été volés ou détournés par mes informateurs (ou d’autres personnes), ou si mes informateurs (ou d’autres personnes) ont violé leur secret professionnel.
MAIS exceptionnellement, les policiers peuvent enquêter sur mes sources si trois conditions sont réunies : 1. un juge leur a demandé ; 2. les informations demandées sont d’une importance cruciale pour empêcher des infractions constituant une menace grave pour l’intégrité d’une ou de plusieurs personnes (par exemple, un attentat terroriste menaçant des vies humaines) ; 3. les policiers ne peuvent obtenir ces informations “d’aucune autre manière”.
(…) Page 460 : “il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Il est légitime que des citoyens et journalistes filment ou photographient des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements et ce n’est en principe pas une infraction, lorsque les policiers filment une intervention, eux-mêmes ou par des caméras de surveillance, il arrive que les scènes de leurs brutalités soient malencontreusement absentes du film ou indisponibles pour des raisons techniques. Comme le dit l’autorité de contrôle de la police en France (une espèce d’équivalent du Comité P), les forces de l’ordre “doivent considérer comme normale l’attention que des citoyens ou des groupes de citoyens peuvent porter a leur mode d’action. Le fait d’être photographié ou filmé durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des règles déontologiques”.
ZIN TV est une WebTV de participation citoyenne à caractère culturel, éducatif et informatif. Nous sommes délibérément engagés socialement afin de donner à connaître les initiatives issues de la société civile. ZIN TV est également une organisation d’éducation permanente reconnue par la Fédération Wallonie Bruxelles qui offre des outils concrets, pratiques et théoriques à des citoyens impliqués dans le tissu associatif.
En détruisant le matériel filmé par ZIN TV, la police non seulement avorte violemment un film, bafouant délibérément la liberté d’expression, mais montre également son mépris envers la presse. Il faut agir et aider à renforcer le contrôle démocratique de la police par celles et ceux qu’elle est censé protéger et servir.