Conférence de presse du mardi 22 mars 2011
ARAU (Action urbaine) — Bruxelles Fabriques / Brusselfabriek — Comité de uartier Marie-Christine, Reine, Stephanie
Avenue du Port : la Région peut-elle gaspiller 12 millions d’euros pour un mauvais projet ?
L’avenue du Port. Ces pavés, ce sont notre patrimoine. Il faut les redresser et améliorer le partage de l’espace public pour les piétons et les cyclistes. Nous ne voulons pas du projet actuel en béton armé. Il est cher et conçu prioritairement pour les voitures et les camions.
Actuellement, l’avenue du Port a certes un profil en partie défoncé. C’est parce que la dernière remise à niveau des pavés remonte à 40 ans. Aucune voirie n’aurait résisté à un tel traitement. 40 ans d’abandon qui amènent maintenant la Région à vouloir réaliser un projet de bétonnage intégral, sous prétexte de route industrielle indispensable, avec, excusez du peu, plus de 11 mètres de large rue Claessens!. Le permis délivré le 9 octobre 2008 ‚et prorogé le 9 novembre 2009, justifiait le choix du béton armé de 90 cm d’épaisseur par l’implantation du BILC (Brussels International Logistic Center) à Tour et Taxis. Le projet de BILC a été abandonné en 2010 parce que les associations ont réussi à démontrer son inadéquation avec l’environnement urbain à cet endroit. Il doit en être de même de ce projet peu urbain pour l’avenue du Port.
Pourquoi ?
Le coût de 12 millions d’euros en fait le projet le plus cher du Plan stratégique Travaux publics et Transports 2010 – 2014 de la Région (mis à part celui la chaussée de Gand ‑qui est deux fois et demie plus longue…)
Par les temps budgétaires qui courent il importe de remettre sur le métier une alternative plus réaliste et moins chère.
L’ARAU, BruxellesFabriques et le comité Marie-Christine/Reine /Stéphanie veulent le maintien du profil actuel de l’avenue du Port, avec une remise en place dans les règles de l’art des pavés centenaires taillés par les ouvriers wallons. Il faut aménager sous les arbres des trottoirs confortables, et sur les côtés de la chaussée, des bandes cyclables roulantes séparées. Bruxelles est une ville riche, mais qui compte 20% de chômeurs. Plus de 40% des jeunes dans le quartier Maritime sont au chômage. Bruxelles, manque cruellement d’emplois pour ouvriers. Consacrons une partie de ces 12 millions à former des paveurs qualifiés et à redresser ces voiries. Il y a 1.500.000 de pavés à relever avenue du Port. Il y a de l’emploi pour nos chômeurs. Il y a de la fierté à redonner pour un travail utile et bien fait.
L’ARAU, BruxellesFabriques et le comité Marie-Christine/Reine /Stéphanie veulent conserver les pavés parce que cela fait partie de notre paysage urbain belge, parce que c’est un matériau naturel, inusable, durable, réutilisable, parce que cela empêche les automobilistes de forcer leur vitesse, parce que cela ne fige pas l’espace public, mais permet sa flexibilité lors d’événements exceptionnels. Et parce que c’est beau, ce grand plan horizontal de couleur grise dont la tonalité varie en fonction du climat, confronté au plan vertical de couleur verte intense des platanes. La Région a d’ailleurs appuyé le maintien de la « mer de pavés » sur le site de Tour et Taxis[1].
Une surface lisse de béton armé, divisée en bandes de circulation, amène naturellement les automobilistes à forcer l’allure. A l’Allée verte, l’avenue voisine qui est déjà aménagée comme une autoroute urbaine, les radars automatiques de la police de Bruxelles ont en 2010 relevé 1460 excès de vitesse en direction du Centre et 2036 en direction de Laeken. Les pires excès ont été respectivement notés à 139 et 151 km/h, alors que la vitesse y est limitée comme partout en ville à 50 km/h. Il en sera de même avenue du Port si on réalise le projet de la Région tel qu’il est actuellement conçu.
Si l’on veut mélanger sur une même voirie des camions de 44 tonnes qui livrent des matériaux de construction, des voitures de tourisme, des autobus de transport en commun, sans doute un jour des trams, des piétons et des cyclistes, il est primordial de modérer les vitesses des plus rapides. Sur une autoroute, tout le monde roule en files parallèles à la même vitesse élevée : ce n’est pas trop dangereux. Mais en ville, où les circulations sont très diverses et les manœuvres nombreuses, un revêtement en pavés tels qu’avenue du Port constitue un gage de sécurité : les accidents n’y seront pas mortels.
Le bétonnage de l’avenue du Port est un non-sens économique, et un non-sens écologique. Le béton consomme beaucoup d’énergie pour sa fabrication, et est pauvrement récupérable en fin de vie. Il doit être d’autant plus résistant (et donc coulé en couches épaisses) qu’il permet des vitesses élevées. Les réparations, prévisibles du fait du sous dimensionnement des égouts au vue des développements immobiliers annoncés à Tour et Taxis, mobiliseront des travaux lourds, chers et visibles.
La Région veut réaliser ce projet, simplement parce que le permis est délivré. Ce n’est pas de la bonne gestion. Cette autoroute industrielle était destinée à desservir le BILC (Brussels International Logistic Center), qui ne sera finalement pas construit. Nous voulons un boulevard urbain pavé de meilleures intentions, bien refait, avec de bons trottoirs sous les arbres, avec des bandes cyclables roulantes séparées en bord de chaussée, avec le minimum de marquages routiers. Nous voulons une avenue du Port qui ressemble à une avenue de ville.
Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il est trop tard : il n’est jamais trop tard pour prendre une meilleure décision. La STIB est en train d’étudier 7 tracés de trams pour desservir le nord de Bruxelles, dont un passe par l’avenue du Port…cela signifie qu’il faudrait défaire et refaire quand elle se sera décidée à boucher les trous de son réseau. Que la Région prenne d ‘abord les décisions relatives à la desserte en transports en commun, comme les associations le réclament depuis 2004, et puis qu’elle attribue la place qui restera aux camions et aux voitures (et non l’inverse comme envisagé à travers ce projet).
[1] « Les revêtements pavés font intrinsèquement partie de l’histoire de Bruxelles et contribuent à la perception de l’échelle du bâti », Rapport annuel 2009 de la Commission Royale des Monuments et des Sites, page 63.