Yuichi Ishii a un drôle de métier : il loue ses services de père, de mari, de collègue à ceux qui en ont besoin. Un journaliste américain de The Atlantic a rencontré ce Japonais pour tenter de décrypter cette étrange pratique, et ce qu’elle révèle d’une société en mal de communication.
L’argent n’achète peut-être pas l’amour, mais il peut acheter l’apparence de l’amour, et, comme le souligne l’élégant Yuichi Ishii, tout est dans l’apparence. Cet homme charmant et séduisant de 36 ans est bien placé pour le savoir, lui dont l’activité consiste à jouer le rôle d’autres personnes. Selon votre demande, il peut devenir votre meilleur ami, votre mari, votre père, voire un proche éploré à vos funérailles.
Family Romance, la société qu’il a créée il y a huit ans, propose à ses clients les services d’acteurs professionnels capables de tenir n’importe quel rôle dans leur vie privée. Avec un catalogue d’environ 800 comédiens, comprenant aussi bien des enfants en bas âge que des personnes âgées, l’agence se flatte de pouvoir parer à pratiquement toutes les situations imaginables.
Selon son fondateur, Family Romance aide les gens à combler des absences insupportables ou ce qu’ils considèrent comme des failles dans leur vie. Dans une société de plus en plus isolée et assistée, où les relations à la carte deviennent la nouvelle norme, ce type d’activité devrait connaître une croissance exponentielle.
“Je suis le seul père que l’enfant connaisse”
J’ai rencontré récemment Yuichi dans un café de la banlieue de Tokyo pour discuter de son activité, et du sens qu’il convient de donner à la devise de son entreprise,
“Dépasser la réalité”.
Roc Morin : Pour éviter tout malentendu, vous êtes bien ici en tant que Yuichi, n’est-ce pas ?
Yuichi Ishii : Oui, en ce moment, je ne suis que moi-même.
R. M. : Quel a été votre premier rôle ?
Y. I. : J’avais une amie mère célibataire qui voulait inscrire son fils dans une école privée, mais ses demandes avaient été rejetées pour l’unique raison qu’il n’avait pas de père. Pour protester contre l’injustice de la société japonaise, je me suis présenté comme le père.
R. M. : Votre démarche a‑t-elle abouti ?
Y. I. : Non, pas cette fois-là. Mais ça m’a donné l’idée de créer une agence.
R. M. : Quel a été votre premier succès ?
Y. I. : Quand une mère célibataire a fait appel à moi pour jouer le père de sa fille de 12 ans, qui était harcelée parce qu’elle n’en avait pas. Depuis, je joue ce rôle. Je suis le seul père que l’enfant connaisse.
R. M. : C’est toujours le cas ?
Y. I. : Oui, je la vois depuis huit ans. Elle vient juste de sortir du lycée.
R. M. : Est-ce qu’elle sait que vous n’êtes pas son vrai père ?
Y. I. : Non, sa mère ne le lui a pas dit.
R. M. : D’après vous, comment réagirait-elle si elle venait à l’apprendre ?
Y. I. : Je pense qu’elle serait choquée. Tant que ma cliente ne lui révélera pas la
vérité, je devrai continuer à jouer mon rôle. Être son père lorsqu’elle se mariera, puis devenir le grand-père de ses enfants. C’est pourquoi je demande toujours à mes clients s’ils sont prêts à soutenir un mensonge. C’est le plus gros problème qui se pose à nous.
R. M. : Donc vous pourriez avoir à vous occuper de cette fille toute votre vie.
Y. I. : Le risque est qu’elle découvre un jour la vérité. Chez nous, un acteur ne peut jouer que cinq rôles en parallèle. C’est la règle. Pas seulement pour que le secret soit bien gardé. Le client demande toujours le mari idéal, le père idéal. Ce sont des rôles très difficiles à tenir sur la durée.
R. M. : Pour vous, qu’est-ce qu’un mari ou un père idéal ?
Y. I. : Nous avons un formulaire où le client doit indiquer toutes ses préférences : coiffure, lunettes, barbe, style vestimentaire… Chic ou décontracté. Tendre ou sévère. Bavard ou fatigué après une longue journée de travail.
R. M. : Qu’a écrit cette mère ?
Y. I. : Elle voulait un père très gentil. Qui ne crie jamais. Le genre de père qui vous donne de bons conseils.
R. M. : Comment avez-vous créé ce personnage ?
Y. I. : Dans la vraie vie, je ne suis pas marié et je n’ai pas d’enfants. Au début, j’ai eu du mal à trouver en moi le père qu’elle souhaitait. Alors j’ai regardé beaucoup de films comportant des rôles paternels et je m’en suis servi pour façonner mon personnage.
Ishii Yuichi (Photo Roc Morin)
“Quand elle est avec moi, elle me demande toujours pourquoi je dois partir”
R. M. : Pouvez-vous décrire les moments que vous passez avec votre fausse fille ?
Y. I. : On mange parfois ensemble. On va dans des parcs d’attractions comme
Disneyland. Une fois par mois, on fait du shopping à Harajuku. La mère paie 20
000 yens — environ 150 euros — pour quatre heures, plus les frais.
R. M. : Quel prétexte donnez-vous à la fille ?
Y. I. : Je lui ai dit que je ne pouvais pas la voir souvent car j’avais ma propre famille.
R. M. : Qu’est devenu le vrai père ?
Y. I. : La mère elle-même ne le sait pas. Il était très violent et, après le divorce, elle a coupé les ponts.
R. M. : Utilisez-vous son nom ?
Y. I. : Oui, son nom et son prénom.
R. M. : Quand la fille est en colère ou triste, comment vous comportez-vous avec elle ?
Y. I. : Quoi qu’il arrive, je ne crie jamais. C’était spécifié dans le formulaire. En plus, si vous vous rappelez, elle a été harcelée ; elle peut donc avoir des réactions déconcertantes. Vers l’âge de 10 ans, elle a connu une époque de rébellion. Elle avait des problèmes avec sa mère. Quand elle est avec moi, elle me demande toujours pourquoi je dois partir. C’est désagréable, mais c’est une réaction logique.
R. M. : Est-ce qu’elle vous aime ?
Y. I. : Oui, c’est assez facile de lire ses sentiments à mon égard. Elle me parle de sa relation avec sa mère, elle me fait part de ses émotions, elle se confie à moi.
R. M. : Est-ce que vous laissez filtrer des aspects de vous-même ?
Y. I. : Non, car ça me gênerait dans mes relations avec elle.
R. M. : Avec les liens qui vous unissent, vous sentez-vous responsable d’elle
?
Y. I. : Ça dépend des moments. Même si ce n’est pas toujours au même degré,
j’éprouve toujours un sentiment de responsabilité.
R. M. : Vous contentez-vous de jouer votre rôle ou vos sentiments prennent-ils
parfois le dessus ?
Y. I. : C’est un travail. Je ne suis pas le père de cette fille vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais pendant une durée déterminée. Quand je suis avec elle, je n’ai pas vraiment l’impression de l’aimer, mais au moment de la quitter, je ressens une certaine tristesse. Des enfants me demandent parfois en pleurant pourquoi je dois partir. Dans ces cas-là, je regrette de leur mentir, je ressens une grande culpabilité. Quand j’ai fini mon travail et que je rentre chez moi, il arrive que je m’assoie devant la télévision en me demandant : “Est-ce le vrai moi, là, ou l’acteur?”
R. M. : Quelle est votre réponse ?
Y. I. : Je ne crois pas en avoir. Je me demande si je suis toujours la même personne qu’auparavant. Je sais que les acteurs se posent souvent cette question. Quand on est vraiment un bon acteur, qu’on est dans son rôle en permanence, ça peut être très perturbant.
“Parfois, dans le rêve, je lui révèle la vérité”
R. M. : Quand êtes-vous le plus vous-même ?
Y. I. : Quand je suis avec ma famille, ma vraie famille. C’est douloureux d’être seul et de se demander : “Est-ce vraiment moi en ce moment?” Les monologues intérieurs sont difficiles.
R. M. : Qui vous dit que votre propre famille n’est pas une famille de location ?
Y. I. : Bonne question ! Je n’en ai aucune certitude.
R. M. : Dans un de mes projets qui consiste à recueillir des rêves, le travail est un thème qui revient souvent. Rêvez-vous de votre travail ?
Y. I. : Je rêve de ma cliente qui pleure parce que je dois partir. C’est très émouvant.
R. M. : En quoi le rêve diffère-t-il de la réalité ?
Y. I. : Parfois, dans le rêve, je lui révèle la vérité.
R. M. : Que lui dites-vous ?
Y. I. : Je lui dis : “Je suis vraiment désolé. Je travaille pour l’agence Family Romance. Je ne suis pas ton vrai père.” Juste avant qu’elle puisse répondre, au moment où elle ouvre la bouche pour parler, je me réveille. Je redoute tellement sa réponse que je me réveille.
R. M. : Vous arrive-t-il d’être quelqu’un d’autre dans vos rêves ?
Y. I. : Dans la culture d’entreprise japonaise, il arrive qu’un salarié doive se rendre dans une autre société pour s’excuser d’une erreur en s’inclinant profondément devant son interlocuteur. Je rêve parfois que je suis dans cette situation.
R.M. : Dans la vie réelle, comment cela se passe-t-il quand vous devez vous excuser à la place d’un autre ?
Y. I. : En général, j’accompagne le salarié en me faisant passer pour lui et je me
répands en excuses pour l’erreur qu’il a commise. Avez-vous déjà vu comment on procède ? Il faut s’agenouiller et poser ses mains tremblantes sur le sol devant soi. Dans mon rêve, mon client se tient sur le côté et je me prosterne sur le sol en me contorsionnant. Le patron, tout rouge, me hurle dessus en m’abreuvant d’insultes. Parfois, je me demande si c’est vraiment moi qui agis ainsi.
R. M. : Que ressentez-vous ?
Y. I. : Je suis très mal à l’aise. Je me dis en moi-même que je suis innocent. Je veux montrer du doigt le vrai coupable en criant : “C’est lui le fautif!”
R. M. : Avez-vous eu à présenter des excuses dans d’autres situations ?
Y. I. : Oui, pour des problèmes relationnels. Par exemple lorsqu’une femme trompe son mari, il est fréquent que celui-ci veuille rencontrer l’amant, mais c’est très difficile car, généralement, l’homme préfère prendre la fuite. Dans de tels cas, on fait appel à moi.
R. M. : Comment cela se passe-t-il ?
Y. I. : Nous avons un manuel pour toutes les situations. Pour déterminer la meilleure approche possible, on tient compte de facteurs psychologiques. Dans ce cas précis, la tactique consiste habituellement à me faire passer pour un yakuza [un membre d’une organisation criminelle]. J’arrive avec la femme, le mari est déjà là et je m’incline devant lui pour lui présenter mes excuses. Normalement, le mari devrait m’insulter, mais, comme je suis censé être un yakuza, il ne va pas plus loin.
R. M. : Je crois savoir que vous jouez aussi le rôle de petit ami. Pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ?
Y. I. : Les clientes sont généralement plus âgées que moi. Auparavant, c’étaient
surtout des femmes d’une cinquantaine d’années, à présent elles ont plus souvent la trentaine.
R.M. : La relation est-elle sexuelle ou juste platonique ?
Y. I. : Il s’agit de simples rencontres. Il n’y a pas de rapports sexuels, même si
certaines femmes le croient au départ. Elles veulent juste avoir du bon temps avec un homme plus jeune, pour se sentir plus jeunes elles-mêmes.
R. M. : Pourquoi ces femmes louent-elles vos services, à votre avis ?
Y. I. : Elles disent que, dans une vraie relation, la confiance est très lente à venir. Il faut des années pour créer des liens solides. Pour elles, c’est beaucoup de problèmes et de déceptions. Imaginez que vous passez cinq ans avec quelqu’un, et que la personne finisse par vous quitter. Il est plus simple d’organiser des rencontres hebdomadaires de deux heures avec un petit ami idéal. Il n’y a pas de dispute, pas de jalousie, pas de mauvaises habitudes. Tout est parfait.
“Je leur réponds qu’elles sont amoureuses d’un formulaire”
R. M. : Après autant de fausses rencontres, comment se passent les vraies, dans
votre vie personnelle ?
Y. I. : Je n’ai pas de vraie petite amie en ce moment. J’ai l’impression de travailler quand je fais de vraies rencontres, quand je m’attache à une vraie personne.
R.M. : Comptez-vous fonder une famille un jour ?
Y. I. : Honnêtement, je suis saturé. J’ai assez de familles comme ça. Ça fait beaucoup à gérer. Il arrive que des clientes me demandent d’être à leur côté lorsqu’elles accouchent. Une fois j’ai accepté, car la jeune femme préférait que ce soit moi plutôt que ses parents. Dans d’autres cas, je refuse, mais c’est très difficile de dire non.
R. M. : Pourquoi ?
Y. I. : Beaucoup de femmes me disent qu’elles veulent m’épouser. Je leur réponds qu’elles sont amoureuses d’un formulaire, que celui qu’elles aiment ce n’est pas moi mais mon personnage. Si j’en épousais une, je devrais continuer à jouer. Certaines de ces femmes sont merveilleuses, mais la personnalité que je leur montre n’est pas véritablement la mienne. Aussi je ne peux et ne veux pas les épouser.
R. M. : Préférez-vous jouer un rôle qu’être vous-même ?
Y. I. : J’aime jouer le père affectueux. Je joue avec les enfants même quand je suis fatigué. C’est très dur quand vous êtes épuisé, mais vous restez là pour essayer de les rendre heureux. C’est le genre de père que j’admire, même quand c’est moi.
R. M. : Quel est votre rôle favori ?
Y. I. : C’est assez rare, mais il arrive que je joue le marié. Quand des parents veulent faire pression sur leur fille pour qu’elle se marie – si elle est lesbienne, par exemple –, ils organisent un faux mariage. À l’exception de la famille du client, toutes les personnes présentes sont des figurants, les amis et tous les autres invités. Une cinquantaine de figurants qui prétendent être des personnes réelles. Le coût est de 2 millions de yens [15000 euros] pour toute l’équipe.
R. M. : Combien de fois avez-vous été marié ?
Y. I. : Trois fois.
R. M. : Et les mariées, elles ne vous revoient jamais ?
Y. I. : Non, on ne se revoit pas.
R. M. : Elles ne sont pas émues de devoir épouser un inconnu ?
Y. I. : En général, les femmes n’aiment pas me montrer leur émotion, mais parfois je me sens ému. Tous les invités de mon côté sont des collaborateurs et ils fêtent tous mon mariage. À un moment, tout ça finit par me sembler très réel.
“Auparavant, on avait de grandes familles. Aujourd’hui, on mange seul”
R. M. : D’après vous, pourquoi ce genre d’activité se développe particulièrement
au Japon ?
Y. I. : Les Japonais ne sont pas des gens expressifs. Ils souffrent d’un déficit de
communication. Dans les conversations, nous n’exprimons pas nos opinions, nos émotions. Les autres passent avant nous, avant nos propres désirs. Il y a aussi la diminution de la taille de la famille. Auparavant, on avait de grandes familles. Aujourd’hui, on mange seul.
R. M. : Comment voyez-vous l’avenir de votre société ?
Y. I. : La demande augmente. Un nombre croissant de gens veulent paraître
populaires sur les réseaux sociaux. Récemment, un homme a payé une somme
énorme juste pour se rendre à Las Vegas en compagnie de cinq de nos employés et publier les photos sur Facebook.
R. M. : Avez-vous, vous ou vos employés, loué vous-mêmes des acteurs dans votre propre vie ?
Y. I. : Cela arrive. Des employés font appel à des acteurs pour chanter leurs louanges en présence de gens qu’ils veulent impressionner. Moi-même, quand je dois intervenir dans des séminaires, j’emmène des figurants pour étoffer l’assistance.
R. M. : Tout le monde est-il remplaçable ?
Y. I. : C’est une très bonne question. Je ne suis pas sûr. On a eu un homme d’une soixantaine d’années qui, après la mort de sa femme, nous a commandé un double. On lui en a fourni un.
R. M. : Et il a appelé la nouvelle femme du nom de l’ancienne ?
Y. I. : Oui. Et il a voulu qu’elle-même l’appelle comme le faisait sa femme, par le terme otosan, qui signifie “père”. Au Japon, il est assez commun d’utiliser ce vocable pour son mari.
R. M. : La nouvelle femme avait-elle les mêmes souvenirs que l’ancienne ?
Y. I. : En partie, oui. Le client peut inscrire sur une page blanche certains souvenirs pour qu’elle puisse les mémoriser.
R. M. : En mimant un lien émotionnel si fort, vos employés ne risquent-ils pas de trop s’attacher au client ?
Y. I. : Pour éviter ce problème, il y a des règles. Nos employés ne peuvent pas avoir les coordonnées des clients. S’ils doivent jouer le rôle de petit ou petite amie, ils n’ont pas le droit de rester seuls dans une pièce avec la personne. Ils peuvent se tenir la main, mais pas se prendre dans les bras, s’embrasser ou avoir de rapports sexuels.
“Le but est de rétablir l’équilibre dans la société”
R. M. : Qu’est-ce qui distingue votre agence des autres ?
Y. I. : Nous avons un très large éventail d’acteurs et, comme le dit notre devise, nous nous attachons à “dépasser la réalité”. Récemment, on a eu le cas d’un homme à l’agonie qui voulait voir son petit-fils avant de mourir, mais comme le bébé n’était pas encore né, sa fille a décidé d’en louer un pour une journée.
R. M. : Que signifie “dépasser la réalité”?
Y. I. : C’est une situation où il y a moins d’inquiétudes, moins de malentendus et de disputes. Nos clients peuvent espérer de meilleurs résultats.
R. M. : Vous offrez une forme de réalité plus parfaite ?
Y. I. : Plus idéale, plus pure.
R. M. : Avez-vous rejeté certaines demandes ?
Y. I. : Sauf si on nous demande un acte criminel ou délictuel, on les accepte toutes. Il y a des anorexiques, par exemple, qui veulent voir des gens manger en face d’eux. Ça les réconforte. On répond même à ce genre de demande.
R. M. : Que signifie pour vous le mot “réalité”?
Y. I. : Je crois que le terme “réalité” n’est pas approprié. Prenez le cas des figurants sur Facebook, par exemple. Est-ce la réalité ? Même si les personnes qui figurent sur les photos ne sont pas payées, tout est si bien organisé que ça n’a pas d’importance.
R. M. : Pensez-vous que le concept de “réalité” ait perdu son sens ?
Y. I. : Je crois que le monde est toujours injuste et, si mon agence existe, c’est à cause de cette injustice.
R. M. : Vous êtes là pour la corriger ?
Y. I. : Une femme qui a un petit ami n’a pas besoin d’en louer un. Un homme qui a un père n’a pas besoin d’en louer un, non plus. Le but est de rétablir l’équilibre dans la société.
R. M. : Est-il possible de taire indéfiniment la vérité ?
Y. I. : La vérité doit éclater à un moment ou à un autre. Le bonheur n’est pas éternel, mais cela n’est pas sans intérêt pour autant. L’enfant a eu un père quand elle en avait le plus besoin. L’expérience aurait pu être plus brève — la fille pourrait déjà connaître la vérité — mais elle n’en a pas moins été positive pour elle.
R. M. : Dans votre vie personnelle, que désirez-vous que vous n’ayez pas ?
Y. I. : Je ne désire rien de plus. Je rencontre beaucoup de clients, je joue beaucoup de rôles pour eux. En faisant mon travail, je les aide à réaliser leurs rêves. Et les miens se réalisent aussi. Être utile, cela suffit à me combler.
Entretien Réalisé par Roc Morin
Journaliste, photographe et artiste multimédias vivant à San Francisco. Il est le curateur du World Dream Atlas (Atlas mondial du rêve), une collection de rêves du monde entier, l’auteur d’un livre de vignettes et le réalisateur du film Ephemera, une méta-exploration des pertes relationelles. Il a travaillé au SAMU de New York, enseigné la psychologie au City College of New York, et a été correspondant de guerre en Irak, Afghanistan et Ukraine/Donbass. Il est diplômé de la Rogue Film School (École du film voyou) de Werner Herzog
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Source : courrier international
Traduit par tlaxcala