par Olivier Laurent
wsws.org
Des soldats mutinés dirigés par le capitaine Amadou Sanogo ont pris le pouvoir jeudi matin dans la capitale du Mali, Bamako, décidant de dissoudre les institutions, de suspendre la Constitution, d’instaurer un couvre-feu et de fermer les frontières pour une durée indéterminée.
Le coup d’Etat qui avait débuté mercredi aurait fait 40 morts dont plusieurs civils. Il n’est toujours pas certain que la junte ait réussi à s’emparer de tous les leviers du pouvoir.
Le porte-parole de la junte, Amadou Konaré, est lieutenant ; il ne semble pas y avoir de hauts gradés dans les rangs de la junte, ceux-ci ont soit été arrêtés, soit n’ont opposé aucune résistance.
Ils reprochaient au président Amadou Toumani Touré, au pouvoir depuis 2002, d’être « incompétent » face à la rébellion des Touaregs du Nord du pays. Celle-ci avait débuté le 17 janvier, mené par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et d’autres rebelles, renforcé par des vétérans lourdement armés de la guerre en Libye l’an dernier, qui ont combattu pour le compte du dictateur Mouammar Kadhafi.
Le 1er février, une manifestation de femmes, épouses et mères de militaires tués lors des combats entre l’armée malienne et les rebelles du MNLA, accusait le gouvernement d’avoir « envoyé leurs hommes à l’abattoir sans préparation ni matériel adéquat. » Cette manifestation avait été motivée notamment par l’annonce de la découverte d’une fosse commune contenant les cadavres de 40 militaires alors que le gouvernement n’avait annoncé que 2 morts dans les affrontements.
Les combats entre militaires maliens et rebelles touaregs ont déplacé 206 000 personnes depuis la mi-janvier d’après le Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires, surtout vers la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et l’Algérie.
Touré, alors général, était arrivé au pouvoir par un coup d’état en 1991 contre le dictateur Moussa Traoré. Il avait rendu le pouvoir aux civils par les élections de 1992 qui avaient mis au pouvoir Alpha Oumar Konaré, issu du Rassemblement démocratique africain (RDA), lié au PCF. En 2002, après avoir quitté l’armée, Touré était devenu président par élection.
Si les Etats occidentaux et l’ONU ont proféré les remontrances d’usage, il transparaît que Touré n’était plus considéré comme un allié fiable par l’OTAN. Le 24 novembre dernier, l’Express citait un haut responsable français familier de la région, gardant l’anonymat, qui se plaignait : « Nous sommes très remontés contre les Maliens. Qu’il s’agisse des cellules d’Al-Qaida au Maghreb islamique opérant dans l’extrême nord du pays, de leurs liens avec les Touaregs ou du trafic de cocaïne latino-américaine en chemin pour l’Europe, ce n’est plus de la passivité, c’est de la complicité. Nous disposons de preuves irréfutables. [Al-Qaida] est aujourd’hui plus fort qu’avant le lancement, en 2008, du plan Sahel, dispositif anti-terroriste pour lequel Paris a consenti d’énormes investissements. »
Le mois dernier, Touré avait accordé un entretien à l’Express, déclarant : « S’agissant des rébellions arabo-touarègues locales, Kadhafi s’est engagé dans les médiations, le désarmement et la réinsertion. Sa chute laisse un vide … Très tôt, nous avons alerté l’OTAN et d’autres sur les effets collatéraux de la crise libyenne. Sans être entendus. »
En fait, Touré entretenait des liens très étroits avec Kadhafi, pour lesquels il dit n’avoir « aucun regret. La Libye a consenti chez nous des investissements substantiels dans l’hôtellerie, le tourisme, l’agriculture et la banque, contribuant à notre développement. »
La chute de Kadhafi a disséminé d’importantes quantités d’armes dans cette région et au-delà : le 15 octobre, la presse faisait était d’un premier convoi de 400 vétérans à bord de 80 véhicules militaires qui revenaient au Mali, le lendemain un premier soldat malien était tué dans une embuscade dans cette région.
En octobre toujours, le journal allemand Der Spiegel citait le président du Comité militaire des pays de l’Otan, l’amiral italien Giampaolo Di Paola. Celui-ci expliquait : « Plus de 10.000 missiles sol-air, qui représentent une sérieuse menace pour l’aviation civile, pourraient sortir de Libye et se retrouver dans de mauvaises mains du Kenya à Kunduz ». En juin les forces nigériennes avaient intercepté un convoi de plus de 600 kilos de Semtex venant de Libye.
Traditionnellement, les Touaregs ne réclamaient qu’une autonomie interne au Mali, ce n’est que depuis la chute de Kadhafi et l’établissement de liens prétendument plus étroits avec Al-Quaida qu’ils revendiquent une indépendance complète. En réaction à l’intensification de cette lutte, les Touaregs vivant au Sud du pays sont de plus en plus victimes d’actes d’agression raciste.
La situation économique du Nord du Mali explique en grande partie l’attrait de la rébellion pour la jeunesse touarègue. C’est l’un des 25 pays les plus pauvres du monde, avec un PIB annuel par habitant de $1300. Le taux d’inflation y est passé de 1 pour cent en 2010 à 3,6 pour cent l’an dernier. Le désert couvre plus de la moitié du pays et ne contient pas de pétrole ; l’essentiel de l’activité économique est concentré au Sud, autour du fleuve Niger. Les nomades représentent 10 pour cent de la population.
Pour Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des Mondes africains (CEMAF) : « Cela traduit leur amertume concernant ce qu’ils considèrent la marginalisation de leur région et l’échec des politiques d’intégration mises en oeuvre à leur profit depuis les années 1990. »
Touré expliquait, toujours à l’Express, que : « La pauvreté et la précarité offrent au terrorisme et à l’intégrisme un terreau fertile. Les djihadistes avancent tapis sous une couverture caritative. Ils ciblent intelligemment les familles démunies ou la jeunesse désoeuvrée. Le gars vole un 4 X 4 ou joue les guides non par adhésion idéologique, mais pour l’argent. Nos ennemis s’infiltrent par l’humanitaire, il faut leur répliquer par le développement ».
Loin de chercher à épargner la vie de leurs hommes, les dirigeants de la junte se sont lancés dans une bataille d’envergure autour de Kidal au Nord-Est contre des forces islamistes, tentant de battre militairement un mouvement qui trouve ses racines dans la crise économique et la déstabilisation de la région engendrée par la guerre de l’OTAN en Libye.
Coup d’État au Mali : manifestation en appui aux putschistes
Des partisans pro-putschistes attendent le capitaine Amadou Haya Sanogo, le 28 mars 2012 Des partisans pro-putschistes attendent le capitaine Amadou Haya Sanogo, le 28 mars 2012
Des milliers de manifestants ont pris la rue mercredi à Bamako, au Mali, pour appuyer la junte militaire qui a pris le pouvoir par un coup d’État la semaine dernière.
Les pro-putschistes brandissaient des pancartes où on pouvait lire : « À bas ATT », en faisant référence au président déchu, Amadou Toumani Touré, « À bas la France » et « À bas la communauté internationale ».
Ils criaient plutôt : « La solution de Sanogo », en faveur du chef de la junte militaire, Amadou Sanogo. Leurs protestations visaient la communauté internationale qui menace d’imposer des sanctions pour forcer les putschistes à se retirer du pouvoir.
« Je veux que la communauté internationale se taise. C’est notre révolution. Nous, la jeunesse, pouvons vivre sans la communauté internationale. Nous avons vécu avec les yeux fermés, maintenant nous nous réveillons. » — Oumar Diara, manifestant, dirigeant de la jeunesse
Un autre manifestant, Khalifa Sogo, s’est écrié : « Les chefs de la junte doivent rester pour prendre en charge les problèmes dans le nord, la corruption et l’éducation. »
Le seul parti d’opposition, Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) représenté à l’Assemblée nationale dissoute, est à l’origine de la manifestation de mercredi, la plus importante depuis que M. Touré a été délogé du pouvoir la semaine passée.
La quasi-totalité de la classe politique malienne est opposée à la junte et condamne le coup d’État.
Coup d’État La junte militaire a pris le pouvoir le 22 mars parce qu’elle n’approuvait pas la gestion de la rébellion des Touaregs dans le nord du pays depuis janvier. La rébellion avait pris de l’ampleur dans les dernières semaines et avait infligé des pertes dans l’armée malienne.
Réaction de l’Afrique de l’Ouest
Une délégation de chefs d’États ouest-africains doit se rendre jeudi à Bamako pour discuter d’une transition avec la junte, qui serait dirigée par Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale dissoute.
Afin de préparer sa venue, plusieurs chefs d’état-major des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont arrivés dans la capitale. La CEDEAO a suspendu le Mali mardi « jusqu’à ce que l’ordre constitutionnel revienne ».
Des dirigeants d’Afrique de l’Ouest ont dit être préparés à avoir recours aux sanctions et même à la force pour déloger les chefs de la junte si les négociations tournent mal.
Communauté internationale
L’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays occidentaux ont retiré leur aide au Mali, soit des centaines de millions de dollars, à l’exception de l’aide d’urgence aux régions aux prises avec la sécheresse et une pénurie alimentaire.
« Le Mali a une bonne réputation en terme d’élections démocratiques depuis les 20 dernières années et j’espère que le pays reviendra sur la bonne voie le plus tôt possible. » — Navi Pillay, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme
Les États-Unis appellent la junte militaire à se retirer du pouvoir. Washington s’est adressé à M. Sanogo en ces termes : « Il n’est pas trop tard pour revenir sur vos pas, de permettre au pays de redonner le pouvoir aux civils », comme le rapporte Victoria Nuland, porte-parole du Département d’État des États-Unis.
La junte militaire au pouvoir
Les putschistes ont annoncé mardi une nouvelle Constitution qui écarte les membres de la junte des prochaines élections, une levée du couvre-feu nocturne et une réouverture des frontières, dans le but de montrer que le pays revient à la normale.
La junte promet le retour de la démocratie, mais a suspendu les élections prévues pour le 29 avril sans déterminer une nouvelle date.
Le dirigeant déchu du Mali a annoncé, dans sa première apparition publique mercredi, qu’il était libre et indemne, quelque part à Bamako. Il a lancé un appel pour une solution rapide de la crise.
« Je suis bien évidemment ce qui se passe. Je souhaite de tout mon coeur que la paix, la démocratie triomphent au Mali. Je n’ai rien d’autre à dire pour le moment », a indiqué M. Touré.
Source : radio canada
Ordonnance N°0001 du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat portant Acte Fondamental de l’Etat du Mali
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE)
Considérant que la République du Mali, proclamée le 22 septembre 1960, a connu une évolution constitutionnelle et politique diversifiée depuis son accession à la souveraineté internationale ;
Que trois Républiques se sont succédé sous trois régimes politiques ;
Que les changements successifs de régimes politiques n’ont pas entamé la détermination du peuple malien à rechercher dans son génie propre les valeurs de civilisations culturelles, philosophiques et spirituelles qui animent les formes de son patriotisme et de son unité ;
Que les acquis démocratiques de la Révolution du 26 Mars 1991 ont consacré l’avènement de la Constitution de la Troisième République dont la violation systématique de l’esprit et du texte a entraîné la suspension et la dissolution des institutions qu’elle a mises en place par la déclaration du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat en date du 22 mars 2012 ;
Considérant la volonté du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat de redonner confiance au peuple, d’assurer la réconciliation nationale et de garantir l’intégrité du territoire national et l’avènement d’une ère de renouveau démocratique ;
Considérant la nécessité de fixer l’organisation provisoire des pouvoirs publics ;
A adopté l’Acte Fondamental dont la teneur suit : PREAMBULE
Le peuple malien :
- Réaffirme son opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel ;
- Exprime sa ferme volonté de défendre et de sauvegarder sa dignité et de retrouver sa place et son rôle de pionnier de la démocratie et des droits de l’Homme ;
- Affirme solennellement sa détermination par le présent Acte de perpétuer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Malien dans toute sa dimension culturelle, temporelle et spirituelle ;
- Réaffirme son attachement aux principes de la démocratie et des droits de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations Unies de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples adoptée en 1981 par L’Organisation de l’unité africaine, et dont les dispositions font partie intégrante du présent Acte fondamental ;
- Affirme sa volonté de coopérer dans la paix et l’amitié avec tous les peuples qui partagent ses idéaux de liberté, de justice, de solidarité sur la base des principes d’égalité, d’intérêt réciproque et de respect mutuel de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale ;
- Proclame son attachement sincère à la cause de l’unité africaine et s’engage à tout mettre en œuvre pour réaliser l’intégration sous-régionale et régionale ;
- Réaffirme son attachement à la protection de l’environnement ;
- Exprime son attachement à la consolidation de la famille, à la promotion de la femme et de l’enfant et à la protection des couches les plus défavorisées ;
- Réaffirme la consolidation des libertés individuelles et collectives, la préservation de la pluralité des opinions, des courants et partis politiques, des droits syndicaux, de la diversité culturelle et linguistique de la communauté nationale.
TITRE PREMIER DE L’ÉTAT ET DE LA SOUVERAINETÉ
Article premier :
- L’Etat du Mali est une République indépendante et souveraine, démocratique, laïque et sociale ;
- La capitale de la République du Mali est Bamako ; • L’emblème national est composé de trois bandes verticales et égales de couleurs vert, or et
rouge ;
- L’hymne de la République est « Le Mali» ;
- La devise de la République est « Un Peuple – Un But – Une foi» ;
- La langue officielle est le français.
Article 2
La République du Mali est une et indivisible. Son principe est : le Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Article 3
La souveraineté nationale appartient au peuple. Aucune fraction du peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La souveraineté s’exerce conformément au présent Acte fondamental qui est la loi suprême de l’État. Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus.
Article 4
Les partis politiques, non exclusivement, concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la charte des partis politiques. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de la laïcité et de l’intégrité territoriale de l’Etat.
Article 5
Le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux Maliens des deux sexes âgés de dix-huit ans révolus et qui jouissent de leurs droits civils et politiques. La loi détermine les conditions d’éligibilité.
TITRE II DES DROITS ET DES DEVOIRS DE LA PERSONNE HUMAINE
Article 6
Les droits et les devoirs proclamés et garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine font partie intégrante du présent Acte Fondamental et du droit Malien.
Article 7
La personne humaine est sacrée et inviolable.
L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à tous les citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi.
Article 8
Tout être humain a droit au développement et au plein épanouissement de sa personne dans ses dimensions matérielle, temporelle, intellectuelle et spirituelle, pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne les lois et les bonnes mœurs.
Article 9
Toute personne a droit à la culture. L’Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation tant matérielles que spirituelles, ainsi que les langues et traditions nationales.
Article 10
Toutes les communautés composant la Nation Malienne jouissent de la liberté d’utiliser leurs langues parlées et écrites et de développer leur propre culture tout en respectant celles des autres.
L’Etat doit promouvoir le développement des langues nationales d’intercommunication.
Article 11
L’Etat et les collectivités publiques garantissent l’éducation des enfants et créent les conditions favorables à cette fin.
Article 12
L’Etat pourvoit à l’éducation de la jeunesse par des écoles publiques. L’enseignement primaire est obligatoire. L’Etat assure la gratuité de l’enseignement public.
Article 13
Les écoles privées, laïques ou confessionnelles, peuvent être ouvertes avec l’autorisation et le contrôle de l’Etat. Les écoles privées peuvent bénéficier des subventions de l’Etat dans les conditions déterminées par la loi.
Article 14
Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne.
Article 15
Tout ce qui n’est pas interdit par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Nul ne peut être arrêté ou inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés.
Aucun citoyen ne sera contraint à l’exil ou au bannissement.
Toute personne persécutée en raison de ses convictions politiques ou religieuses, de son appartenance ethnique, peut bénéficier du droit d’asile au Mali.
Article 16
Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par l’avocat de son choix est garanti depuis l’enquête préliminaire.
Toute personne faisant l’objet d’une mesure privative de liberté a le droit de se faire examiner par un médecin de son choix.
Article 17
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains et dégradants.
Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à quarante huit heures que par la décision d’un magistrat compétent auquel il doit être présenté.
Ce délai ne peut être prolongé que dans des cas exceptionnellement prévus par la loi.
Article 18
Tout individu, tout agent de l’Etat qui se rendrait coupable d’acte de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi.
Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques.
Article 19
Le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué de visites domiciliaires ou de perquisitions que dans les formes et conditions prévues par la loi.
Article 20
Le secret de la correspondance et des communications est garanti par la loi.
Article 21
Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement.
Article 22
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public, de la loi et des règlements. L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’Etat.
Article 23
La liberté de la presse est reconnue et garantie par l’Etat. Elle s’exerce et est protégée dans les conditions fixées par la loi.
Article 24
La liberté de création artistique et culturelle est reconnue et garantie.
Elle s’exerce dans les conditions fixées par la loi.
Article 25
La loi reconnaît et garantit, dans les conditions qu’elle fixe, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion et de manifestation.
Article 26
L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale.
L’Etat protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il veille sur les personnes handicapées et les personnes âgées.
Article 27
Toute personne a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement.
Article 28
Le stockage, la manipulation et l’évacuation des déchets toxiques ou polluants provenant des usines et autres unités industrielles ou artisanales installées sur le territoire national sont règlementés par la loi.
Article 29
Le transit, l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire national de déchets toxiques ou polluants étrangers et tout accord y relatif constituent un crime contre la Nation. Les sanctions applicables sont définies par la loi.
Article 30
L’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail et s’efforce de créer les conditions qui rendent la jouissance de ce droit effective et garantissent au travailleur la juste rétribution de ses services ou de sa production.
Article 31
La liberté syndicale est garantie. Les syndicats exercent leurs activités sans contraintes et sans limites autres que celles prévues par la loi.
Article 32
L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts, soit individuellement, soit collectivement par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi.
Article 33
La défense de la Nation et de l’intégrité du territoire de la République est un devoir sacré pour tout citoyen malien.
Article 34
Tous les citoyens de la République du Mali ont le devoir de travailler pour le bien commun, de remplir toutes leurs obligations civiques et professionnelles, de s’acquitter de leurs contributions fiscales.
Article 35
Tout citoyen malien, civil ou militaire, a le devoir sacré de respecter en toutes circonstances la bonne gestion des ressources publiques, sous peine de commettre un crime contre la Nation.
Les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen malien doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de dilapidation, ou d’enrichissement illicite est réprimé dans les conditions prévues par la loi.
Article 36
L’Etat protège à l’étranger les droits et intérêts légitimes des citoyens maliens.
TITRE III DU COMITÉ NATIONAL POUR LE REDRESSEMENT DE LA DÉMOCRATIE ET LA RESTAURATION DE L’ETAT (C.N.R.D.R.E)
Article 37
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat est l’organe suprême de la transition. Il est composé comme suit :
- Vingt-six (26) membres issus des forces armées et de sécurité ;
- Quinze (15) membres issus des forces vives de la Nation.
Une ordonnance prise par le Président du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat déterminera les modalités de désignation des membres du Comité.
Article 38
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat est chargé :
- d’assurer le maintien de l’intégrité du territoire et de l’unité nationale ;
- d’assurer la fonction législative ;
- de déterminer la politique de la nation ;
- de contrôler l’exécutif ;
de veiller au respect de la loi ; de veiller à l’application de l’Acte fondamental ; d’œuvrer à la mise en place de nouvelles institutions démocratiques.
Article 39
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat se réunit en session ordinaire ou en session extraordinaire.
Article 40
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat crée les commissions qu’il juge utiles pour l’accomplissement de sa mission.
Article 41
Les membres du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat jouissent de l’immunité parlementaire. Ils ne peuvent être ni poursuivis, ni arrêtés, ni traduits en justice sans l’assentiment du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
TITRE IV DU CHEF DE L’ÉTAT
Article 42
Le Président du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat assure les fonctions de Chef de l’Etat.
Article 43
Le Chef de l’Etat incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, du respect des traités et accords internationaux auxquels le Mali est partie. Il est le Chef suprême des armées. Il préside le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi qu’à la continuité de l’Etat.
Article 44
Le Chef de l’Etat préside le Conseil des Ministres. Il nomme aux hautes fonctions civiles et militaires sur proposition du Gouvernement.
Article 45
Le Chef de l’Etat signe les ordonnances adoptées par le Comité National de Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat. Il signe les décrets pris en Conseil des Ministres. Les décrets sont contresignés par le Premier Ministre et le cas échéant par les Ministres chargés de leur exécution.
Article 46
Le Chef de l’Etat accrédite les Ambassadeurs et les Envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères. Les Ambassadeurs et Envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui.
Article 47
Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Chef de l’Etat prend, en accord avec le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat et le Gouvernement les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances.
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat fixe la durée d’exercice des pouvoirs exceptionnels du Chef de l’Etat qui en informe la Nation par un message.
Article 48
Le Chef de l’Etat exerce le droit de grâce et propose la loi d’amnistie au Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
TITRE V DU GOUVERNEMENT
Article 49
Le Gouvernement est composé du Premier Ministre et des Ministres. Le Chef de l’Etat nomme le Premier Ministre et les Ministres et met fin à leurs fonctions.
Sur proposition du Premier Ministre, il fixe les attributions des Ministres.
Article 50
Le Premier Ministre est le Chef du Gouvernement. A ce titre il dirige l’action du Gouvernement. Il assure l’exécution des lois et règlements. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Article 51
Le Premier Ministre préside le Conseil de Cabinet. Il peut exceptionnellement remplacer le Chef de l’Etat pour la présidence du Conseil des Ministres en vertu d’une délégation expresse pour un ordre du jour déterminé.
Article 52
Sous réserve de l’article 45 du présent Acte Fondamental, le Premier Ministre assure le pouvoir réglementaire. Il est responsable devant le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat dans les conditions fixées par l’article 53.
Article 53
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat peut interpeller le Gouvernement. Il peut adresser des questions écrites et orales au Gouvernement qui est tenu d’y répondre.
Article 54
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat, le Premier Ministre et le Gouvernement tiennent périodiquement des séances de concertation sur la politique nationale et internationale.
Article 55
Les fonctions de membres du Gouvernement sont incompatibles avec celles de membre du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat, exception faite pour le Chef de l’Etat. Elles sont également incompatibles avec l’exercice de toute fonction publique ou privée.
TITRE VI DES RAPPORTS ENTRE LE COMITÉ NATIONAL DE REDRESSEMENT DE LA DÉMOCRATIE ET LA RESTAURATION DE L’ÉTAT ET LE GOUVERNEMENT
Article 56
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat a, concurremment avec le Gouvernement, l’initiative des ordonnances.
Relèvent du domaine législatif les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés Publiques, les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
- la nationalité, les droits civils, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, le régime des sociétés, l’expropriation ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure civile, commerciale et sociale, la procédure pénale, la police judiciaire, l’extradition, l’amnistie, la création des juridictions, le statut de la magistrature, le statut des officiers ministériels et des barreaux ;
- le statut général et les statuts particuliers de la fonction publique ;
- le statut général des militaires ;
- le régime d’émission de la monnaie, l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions.
Sont également du domaine législatif les principes fondamentaux :
- de l’organisation générale de la Défense et de la sécurité ;
- du droit du travail, de la sécurité sociale, du droit syndical, de l’organisation et de la compétence des ordres professionnels ;
- de l’enseignement et de la recherche ;
- de la comptabilité publique ;
- de la création des services et organismes publics ;
- de l’organisation administrative du territoire ;
- du régime électoral ;
- de la création des collectivités territoriales ;
- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
- de l’aliénation et de la gestion du domaine de l’Etat ;
- de l’organisation de la justice ;
- du régime pénitentiaire ;
- de la détermination des ressources et charges de l’Etat ;
- des nationalisations d’entreprises, des dénationalisations et du transfert de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ;
- de la protection du patrimoine culturel et archéologique. La loi de finances détermine les ressources et les charges de l’Etat.
Article 57
Les projets d’ordonnance adoptés par le Gouvernement sont transmis au Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat dans les huit jours qui suivent la séance du Conseil des Ministres ayant adopté lesdits projets.
Article 58
Les propositions d’ordonnance du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat sont notifiées pour information au Premier Ministre et au Gouvernement avant délibération et vote. Cette notification comporte la date à laquelle il est envisagé de délibérer ou de voter ce texte.
Le Premier Ministre adresse au Chef de l’Etat ses observations dans un délai de huit jours.
TITRE VII DU POUVOIR JUDICIAIRE
Article 59
Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour Suprême et les autres cours et tribunaux. Les Magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles. Le Chef de l’Etat est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est assisté par le conseil supérieur de la magistrature. Le pouvoir judiciaire est gardien des libertés définies par le présent Acte Fondamental. Il veille au respect des droits et libertés. Il est chargé d’appliquer dans le domaine qui lui est propre les lois de la République.
TITRE VIII DES TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX
Article 60
Le Chef de l’Etat négocie et ratifie les traités ; il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification.
Article 61
Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire ne peuvent être approuvés qu’en vertu de la loi.
Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées.
Article 62
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.
TITRE IX DES DISPOSITIONS DIVERSES
Article 63
Les dispositions nécessaires à l’application du présent Acte Fondamental sont prises soit par ordonnance, soit par décret pris en Conseil des Ministres.
Article 64
La législation actuelle en vigueur au Mali est applicable, sauf intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire au présent Acte fondamental. Le décret portant code de procédure civile, commerciale et sociale et les textes subséquents demeurent en vigueur jusqu’à l’adoption d’une loi.
Article 65
Le présent acte fondamental et les autres lois de la République s’imposent à tous les citoyens.
Article 66
Les institutions de la période de transition fonctionnent jusqu’à l’installation effective des organes issus des élections législatives et présidentielles qui seront organisées par le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
Toute personne ayant été membre du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat et du Gouvernement ne peut être candidat aux élections organisées par le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
TITRE X DE LA RÉVISION
Article 67
Le présent acte fondamental peut être révisé par le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
Article 68
Le principe de la révision doit être adopté à la majorité des 2/3 des membres composant ledit Comité.
Article 69
La proposition de révision doit être votée à la majorité des 2/3 des membres composant le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat.
TITRE XI DISPOSITION FINALE
Article 70
En attendant les élections générales et la mise en place des institutions, le présent Acte fondamental sera exécuté comme Constitution de l’Etat.
Bamako, le 26 mars 2012 Le Président du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat
Capitaine Amadou Haya SANOGO