Qui est responsable des nerfs à vif de certains migrants et demandeurs d’un abri pour la nuit ? Qui pousse à bout ces exilés ou sdf bruxellois qui viennent demander un repas, un lit, une douche et un petit déjeuner ?
La Dernière Heure a récemment publié un article qui cherche à démontrer que le centre d’hébergement pour migrants la porte d’Ulysse met en danger la vie de ses travailleurs et cache des incidents réguliers en son sein. Françoise Nice, ancienne journaliste de la radio La Première et régulièrement présente en tant que volontaire au centre d’hébergement, a pris le temps de répondre à la “journaliste” de la DH, Nawal Bensalem.
Chère Nawal Bensalem,
Je suis allée une fois ou l’autre offrir un coup de main à la porte d’Ulysse. J’ai déjà publié des textes sur Facebook après ces rencontres impressionnantes. Je n’ai pas envie d’écrire une fois de plus. Mais votre article pour la DH est très loin de la réalité que j’ai pu constater, le matin ou le soir. C’est sûr, n’étant plus salariée par une rédaction, ni soumise aux contraintes de temps, de format et d’audimat, je peux être plus soigneuse et scrupuleuse. Mais enfin, le B.A‑Ba déontologique est le même pour tou.te.s, d’active ou en retraite.
Vous voudriez casser le mouvement de solidarité que vous ne vous y seriez pas prise autrement. Vouliez-vous effrayer et dissuader les migrants et les bénévoles de pousser la Porte d’Ulysse ?
Pour ma part, je suis allée bosser à la Porte d’Ulysse trois fois ce mois-ci. Et j’y retournerai. Pour l’intérêt des rencontres avec les réfugiés, pour partager cette énergie collective utile et dynamisante qu’est la solidarité en acte. Joyeuse le plus souvent. Un peu chaotique aussi. Oui j’ai vu un sdf européen déféquer devant le centre, un matin très tôt. Pas dans les buissons, non, sur les dalles devant l’immeuble. Furieux ? désaxé ? Les deux ? Oui, j’ai vu des tensions à l’extérieur du bâtiment, avec des gars non enregistrés préalablement au Parc comme prévu et qui se pointent trop tard ou quand les 300 places ont été attribuées, mais le personnel et les ou le(s) vigile(s) ont géré avec calme et psychologie.
À l’intérieur j’ai vu des gars espérer à manger, les yeux brillants de faim, après 23h quand la cuisine est fermée et qu’il n’y avait plus un bout de pain à distribuer. Et deux fois, il a été trouvé de quoi répondre à la demande tardive. Pour ma part, je n’ai donc vu jusqu’ici que des petites tensions bien gérées. Les quelques salariés, les bénévoles et le service de sécurité gèrent plutôt bien ce genre de tensions inévitables.
J’ai admiré le sang-froid et le respect des uns et des autres.
Qui est responsable des nerfs à vif de certains migrants et demandeurs d’un abri pour la nuit ? Qui pousse à bout ces exilés ou sdf bruxellois qui viennent demander un repas, un lit, une douche et un petit déjeuner ? La plupart des hébergés sont calmes, dignes, reconnaissants et souriants. Ou se calment quand on leur explique la situation. Il suffit de visiter la consigne où les hébergés d’une nuit déposent leur sac à dos ou parfois un simple sac de plastique pour comprendre sans mot ni titre-choc leur énorme dénuement et leur stress accumulé.
Si on n’a pas encore compris, si on n’a pas échangé quelques mots avec les résidents d’un soir, la vision de cette pièce remplie de sacs numérotés achève de vous serrer le cœur. La violence de l’exil et de la rue, la violence d’une politique de non-accueil brutale et inefficace s’entassent dans cette pièce. Quant à vos sources,et le secret doit en être préservé, des témoignages dites-vous de travailleurs du centre, elles me paraissent suspectes autant qu’unilatérales.
Je n’ai rencontré pour ma part qu’une trop petite équipe flanquée de bénévoles qui font de leur mieux et improvisent généralement avec bienveillance et respect. Un ex travailleur du Samusocial m’a dit son enthousiasme à bosser à la Porte d’Ulysse, en expliquant que les réfugiés sont un public nettement plus « cool » que celui qu’il s’efforçait d’aider au Samusocial.
Je crois aussi que si certain.e.s ne sont pas d’accord avec la gestion de la Porte d’Ulysse et le mode de résolution des tensions, ils ou elles auront à cœur d’aborder la question en interne plutôt que d’aller s’épancher à la Dernière Heure. Enfin, ce n’est peut-être pas un hasard que ces incidents se soient passés en l’absence des deux principaux animateurs de la Plateforme, Mehdi Kassou et Adriana Costa Santos, qui avec leur bon sens, leur charisme et leur efficacité généreuse dénouent semble-t-il pas mal de crispations.
Le vouliez-vous ? ce que vous frappez et insultez, c’est une expérience de solidarité citoyenne inédite et perfectible de jour en jour. En attendant que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités, à tous les échelons.
Françoise Nice
ancienne journaliste de la radio La Première
Sur le même sujet, Mehdi Kassou de la plateforme citoyenne de soutien aux migrants a été contacté par la rédaction de payknow.eu Voici sa réponse :
On étouffe rien, il y a des bagarres
Des insultes
Mais depuis décembre… On a jamais connu d’incident qui nécessite une communication
On a banni des mecs agressifs
Des cas psys…
Et bordel, dans 90% des cas
C’étaient même pas des migrants
Mehdi Kassou nous explique aussi ne pas avoir été contacté par la journaliste de la DH. Aucun membre du conseil d’administration du centre n’a été contacté.
Nawal Bensalem a fait l’objet de plaintes fondées à plusieurs reprises au conseil de déontologie journalistique :
Parquet de Bruxelles c. N. Bensalem / SudPresse
Enjeux déontologiques : méthodes déloyales (art. 23), atteinte à la vie privée (identification et droit à l’image – art. 25), atteinte à la dignité (art. 26)
J.-M. Tinck c. SudPresse
Enjeux déontologiques : respect de la vérité (art. 1 du Cddj) ; atteinte au droit à l’image (art. 24) ; atteinte à la vie privée (art. 25)
B. Van Breedam c. N. Bensalem / SudPresse
Enjeux déontologiques : vie privée, identification, défaut de vérification, droit à l’image, falsification d’image.
Nawal Bensalem oeuvrait également dans l’émission polémique de Benjamin Maréchal « C’est vous qui le dites » avec des positions tout aussi nuancées sur certains sujets :
Nawal Bensalem, lauréate du Prix du journalisme pour la presse écrite
Source : payknow
Photos :
Frédéric Moreau de Bellaing
Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés de Bruxelles
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