Et si la culture était une banque ?

Allo­cu­tions des repré­sen­tants du sec­teur cultu­rel pro­non­cées lors de la mani­fes­ta­tion du 5 décembre 2012 face au cabi­net de la Ministre de la Culture Fadi­la Laanan

À l’ex­cep­tion du jour­na­liste Guy Duplat, de la Libre Bel­gique, force est de consta­ter l’o­mer­ta média­tique sur la pour­suite de la mobi­li­sa­tion qui sou­lève actuel­le­ment le sec­teur cultu­rel en Bel­gique. Alors que la presse domi­nante semble ne relayer que les com­mu­ni­qués minis­té­riels, parle de vic­toire du sec­teur et pointe l’i­nu­ti­li­té de la pour­suite de la mobi­li­sa­tion, Zin Tv publie ici l’en­tiè­re­té des allo­cu­tions pro­non­cées ce mer­cre­di 5 décembre 2012, devant les bâti­ments du cabi­net de la Ministre de la Culture Fadi­la Laa­nan. Cette mani­fes­ta­tion a ras­sem­blé sous la pluie 1500 per­sonnes. Les dif­fé­rents inter­ve­nants ont expri­mé leurs craintes quant à l’a­ve­nir du sec­teur cultu­rel, mais ont éga­le­ment repo­si­tion­né ces coupes bud­gé­taires dans le contexte euro­péen, ins­cri­vant ain­si leur lutte spé­ci­fique dans un refus glo­bal des poli­tiques d’aus­té­ri­té en cours actuel­le­ment dans toute l’Europe.

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Chers Amis,

Voi­là trois semaines que nous ten­tons de nous faire entendre.

Voi­là trois semaines que nous essayons de faire per­ce­voir la noci­vi­té des mesures bud­gé­taires ima­gi­nées par le minis­tère de la culture.

Hier soir, après 20 jours de mobi­li­sa­tion exem­plaire et achar­née, une pre­mière réponse nous a enfin été donnée.Les coupes désor­mais déci­dées ne tou­che­ront pas à l’emploi artis­tique. Nous nous en réjouissons.
Nous savons que nous devons cette déci­sion à votre réac­ti­vi­té, à votre mobi­li­sa­tion, à l’union sans faille dont nous avons fait preuve tous ensemble. Nous pou­vons en être fiers.

Néan­moins, rien n’est acquis aujourd’hui.

Après une mobi­li­sa­tion excep­tion­nelle, nous ne récol­tons que quelques mesu­rettes d’urgence, qui, si elles ont le mérite de nous sor­tir pro­vi­soi­re­ment d’une situa­tion inac­cep­table, ne péren­nisent rien et ne nous garan­tissent aucun avenir.L’épée de Damo­clès plane plus que jamais au-des­sus de nos têtes ; l’épée est lourde et le fil fra­gile. Le retour aux mon­tants non ajus­tés et l’indexation des enve­loppes ne sont pas encore à l’ordre du jour. Les aides à la créa­tion dont dépendent direc­te­ment nos emplois et l’équilibre de tout le sec­teur res­tent offi­ciel­le­ment des dépenses facul­ta­tives, donc des variables d’ajustement à la mer­ci des cir­cons­tances éco­no­miques et financières.

Avec une déter­mi­na­tion sans faille, por­tés par la for­mi­dable éner­gie qui s’est mise en marche, nous redi­sons donc que nous ne vou­lons plus nous sen­tir mépri­sés. C’est aujourd’hui qu’il faut réaf­fir­mer sans ambi­guï­té ce que nous sommes et la place que nous sou­hai­tons occu­per dans notre société.
Nous ne sommes pas des égoïstes oisifs récla­mant de quel­conques pri­vi­lèges dans ces temps offi­ciel­le­ment dif­fi­ciles. Nous sommes des tra­vailleurs au tra­vail qui chaque jour voyons se creu­ser le fos­sé entre notre appli­ca­tion à la tâche et la recon­nais­sance sociale dont nous bénéficions.

Nous ne sommes pas des doux rêveurs décon­nec­tés des réa­li­tés ter­restres. _ Nous sommes des tra­vailleurs au cœur de la socié­té qui chaque soir pro­dui­sons de la richesse pour nos conci­toyens : richesse éco­no­mique, richesse intel­lec­tuelle, richesse émo­tion­nelle, richesse sociale.
Nous ne sommes pas des râleurs aigris en quête de révolte facile. Nous sommes des tra­vailleurs qui pla­çons nos com­pé­tences réso­lu­ment du côté de l’énergie, du par­tage des savoirs, des émo­tions, de l’imagination, de la ren­contre de l’altérité, de la dif­fé­rence, de l’intelligence et de la sensibilité.

Nous sommes une force de travail.

Nous sommes une source de rayon­ne­ment pour notre Fédération.

Nous fai­sons plei­ne­ment par­tie de cette Fédé­ra­tion, for­més dans ses écoles, enga­gés par ses théâtres, ses centres cultu­rels, ses salles de concerts, ses salles des fêtes, s’adressant soir après soir à nos conci­toyens ou en deve­nant les portes-voix à l’étranger. Nous vou­lons tra­vailler léga­le­ment, dans des condi­tions décentes et en pleine lumière.Nous refu­sons que les pou­voirs publics tentent à nou­veau de divi­ser notre secteur.

Com­ment de telles mesures ont-elles pu être envi­sa­gées ? Pour­quoi a‑t-il fal­lu trois semaines de mobi­li­sa­tion de la base pour que leur absur­di­té et leur cynisme apparaissent ?

Nous exi­geons à l’avenir être mieux recon­nus, mieux finan­cés, mieux représentés.

Aujourd’hui, il y a ici des artistes, des tech­ni­ciens, des tra­vailleurs de petites et de grandes struc­tures, des étu­diants, des spec­ta­teurs, des Wal­lons, des Bruxel­lois, des Fla­mands ; leurs sen­si­bi­li­tés artis­tiques, comme leur rap­port à l’institution sont divers et mul­tiples ; tous par­tagent la convic­tion qu’une socié­té qui ne sou­tient pas la créa­tion est une socié­té qui se trompe gravement.

Cette magni­fique mobi­li­sa­tion n’est qu’une pre­mière étape. La réflexion exi­geante sur l’organisation de notre sec­teur, amor­cée grâce à la mobi­li­sa­tion, doit avoir lieu. Elle passe, entre autres enjeux, par une redé­fi­ni­tion de la place de la créa­tion indé­pen­dante à l’intérieur de l’institution. À terme, elle pas­se­ra aus­si, néces­sai­re­ment, par un refi­nan­ce­ment de la culture.

Nous, tra­vailleurs de la culture, citoyens et élec­teurs, en totale soli­da­ri­té avec tous les tra­vailleurs et tous les citoyens dont l’intégrité sociale est aujourd’hui injus­te­ment mépri­sée par les poli­tiques mises en place, affi­chons plus que jamais notre refus mas­sif, total et radi­cal des mesures d’austérité.

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Michael Delau­noy

Aujourd’hui, le pire a été évité.

Et nous pou­vons être fiers. Nous pou­vons être fiers de Conseil­dead, qui a réus­si à mobi­li­ser avec intel­li­gence, avec sang froid toute la profession.
Nous pou­vons être fiers de cette pro­fes­sion, de cet élan de solidarité.
Nous pou­vons être fiers d’être ici, aujourd’hui, debout.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : les nou­velles mesures bud­gé­taires du minis­tère de la culture, si elles per­mettent d’éviter la catas­trophe sociale et artis­tique qu’aurait entraî­né une dimi­nu­tion des aides aux pro­jets, ces mesures ne sont pas struc­tu­relles. Le bud­get de la culture a bel et bien été dimi­nué. Le minis­tère de la culture a revu sa copie, le Gou­ver­ne­ment de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles, non ! Les mesures bud­gé­taires de la ministre Laa­nan sont des amé­na­ge­ments de for­tune à l’intérieur d’une enve­loppe amputée.

Pour­quoi cette amputation ?

Parce que notre sec­teur, dit-on , doit par­ti­ci­per aux efforts de crise. Afin que la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles revienne à l’équilibre en 2015.
A‑t-on oublié que les enve­loppes dévo­lues à la créa­tion étaient déjà en dimi­nu­tion constante ? Pas d’indexation de l’aide aux pro­jets depuis 2000. Pas d’indexation des contrats-pro­grammes et des conven­tions en 2009, 2010, 2012 et, nous le savons main­te­nant, en 2013.

Ce qui touche direc­te­ment les parts des aides récur­rentes dévo­lues à la créa­tion. Et donc de plein fouet, les tra­vailleurs les plus précarisés.
Pour­quoi une pro­fes­sion qui, dans sa très large majo­ri­té, tra­vaille sous contrats à durée déter­mi­née, pour­quoi une pro­fes­sion déjà mal­me­née par ces absences d’indexation des sub­ven­tions, pour­quoi une pro­fes­sion qui subit de façon hon­teuse les tra­cas­se­ries et les vexa­tions de l’ONEM, pour­quoi cette pro­fes­sion devrait-elle encore faire des efforts ?

Et que repré­sentent ces efforts en terme d’économies pour la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, alors que les bud­gets de la culture ne repré­sentent qu’une part infime du bud­get glo­bal de la Fédération ?
Il s’agit donc d’une ques­tion de prin­cipe. D’une ques­tion de morale, en quelque sorte. Même si cela ne rap­por­te­ra que des caca­houètes, il est néces­saire que vous, tra­vailleurs des arts de la scène, soyez soli­daires avec les autres sec­teurs, avec les autres tra­vailleurs eux aus­si touchés.
Les tra­vailleurs des arts de la scène ne sont pas plus égoïstes que les autres. Et si des efforts équi­ta­ble­ment répar­tis doivent être faits dans un objec­tif de soli­da­ri­té, nous pou­vons l’entendre. Mais est-ce vrai­ment cela qui est en jeu aujourd’hui ?

L’austérité qui ravage l’Europe est bien autre chose qu’un pro­blème de soli­da­ri­té qui per­met­trait de reve­nir à une saine ges­tion. Les gou­ver­ne­ments ont lais­sé la finance et la spé­cu­la­tion prendre les rênes du pou­voir. Alors même qu’on demande aux citoyens de faire des efforts, on trouve en un cla­que­ment de doigts plu­sieurs mil­liards d’euros pour ren­flouer Dexia. Com­ment faire admettre cela aux citoyens ?

« Si ce n’était pas fait, ce serait encore pire », entend-on.
Est-ce là ce qu’on appelle la puis­sance publique ?
Le com­bat que nous menons aujourd’hui est sec­to­riel. Mais pas seulement.
Oui, nous devons lut­ter pour que les bud­gets de l’aide à la créa­tion ne soient désor­mais plus facul­ta­tifs. (La ministre a décla­ré le vou­loir aus­si. Nous serons à ses côtés dans ce combat-là.)

Oui, nous devons lut­ter pour un ren­for­ce­ment des moyens dévo­lus aux com­pa­gnies, à tra­vers l’aide aux pro­jets et les conven­tions. Afin que ces com­pa­gnies pèsent davan­tage face aux institutions.
Oui, nous devons mettre fin à toutes les chasses aux sor­cières qui cherchent à don­ner des tra­vailleurs du spec­tacle l’image de pro­fi­teurs des allo­ca­tions sociales.

Mais nous devons aus­si ins­crire notre com­bat dans un com­bat plus vaste. Nous devons être aux côtés de tous ceux qui sont tou­chés par l’austérité. Nous devons exi­ger de nos res­pon­sables poli­tiques qu’ils renouent véri­ta­ble­ment et non seule­ment en vœux pieux, avec la jus­tice sociale. S’ils ne le font pas, les popu­listes s’occuperont de nous, faites-moi confiance.
Et dans nos démarches artis­tiques, nous devons, cha­cun à notre niveau, dans le contraste bigar­ré de nos esthé­tiques, lut­ter contre le flux, contre le bruit média­tique domi­nant, contre ce tis­su de repré­sen­ta­tions men­son­gères qui nous endort et tue en nous ce que nous avons de plus beau. La capa­ci­té à nous mettre debout, comme nous le fai­sons aujourd’hui.

Nous devons don­ner à entendre d’autres paroles, don­ner à voir d’autres gestes, tra­vailler les formes pour qu’adviennent d’autres significations.
C’est notre rôle, notre mis­sion. Dans le domaine artis­tique, les sub­ven­tions publiques servent en pre­mier lieu à démo­cra­ti­ser l’accès à la culture. Nous ne devons jamais l’oublier. Mais ces sub­ven­tions servent aus­si à per­mettre l’éclosion et la péren­ni­té de démarches artis­tiques sin­gu­lières qui échappent, pour une part au moins, aux sacro-saintes lois du marché.
Dans cette pers­pec­tive, la culture n’est pas moins essen­tielle que l’éducation.
Notre tâche, comme le disait Hei­ner Mül­ler, est de tra­vailler à la différence.

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Olga de Soto

Ce mou­ve­ment est né de notre mécon­ten­te­ment face aux cou­pures bud­gé­taires qui avaient été annon­cées et qui avaient été envi­sa­gées par le gou­ver­ne­ment de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, dans le sec­teur de la culture, et notam­ment dans les enve­loppes allouées aux aides au pro­jet dans l’ensemble des sec­teurs des arts de la scène, cou­pures qui allaient tou­cher prin­ci­pa­le­ment les plus jeunes et les plus faibles d’entre nous. Cepen­dant, même si nos craintes se voient très pro­vi­soi­re­ment sou­la­gées, suite à l’annonce faite hier par la Ministre, il nous semble impor­tant de sai­sir l’occasion pour deman­der qu’un vrai débat de fond soit mené afin qu’une réelle Poli­tique d’Emploi soit mise en place dans le sec­teur cultu­rel, et afin que le tra­vail artis­tique soit recon­nu à sa juste valeur, pour que les poli­tiques de pré­ca­ri­sa­tion aux­quelles nous sommes confron­tés depuis des trop nom­breuses années cessent.

En 2001, l’UNESCO a adop­té la Décla­ra­tion Uni­ver­selle sur la Diver­si­té Cultu­relle. Il est affir­mé que “les res­sources cultu­relles d’une com­mu­nau­té peuvent être trans­for­mées en richesse éco­no­mique car elles génèrent emplois et salaires”. Et que “les seules forces du mar­ché ne peuvent garan­tir la pré­ser­va­tion et la pro­mo­tion de la diver­si­té cultu­relle, gage d’un déve­lop­pe­ment humain durable”. Nous deman­dons que le rôle que nous jouons dans la socié­té en tant que créa­teurs d’emplois et de salaires, soit enfin reconnu.

Cepen­dant, dans le contexte actuel de crise éco­no­mique dans lequel l’Europe se trouve plon­gée, il nous semble impos­sible de ne pas regar­der les cou­pures bud­gé­taires qui avaient été envi­sa­gées, sous le prisme des poli­tiques qui sont actuel­le­ment déve­lop­pées en Europe, et par les­quelles nous assis­tons à une démis­sion en cas­cade des poli­tiques des états, qui semblent prêts à sacri­fier l’Europe sociale, accep­tant aujourd’hui de se sou­mettre aux lois des marchés.

Nous tenons à dire notre indi­gna­tion face à l’ensemble de cou­pures qui sont actuel­le­ment déci­dées et mises en place par les gou­ver­ne­ments euro­péens, les­quelles, de près ou de loin, sont en train de pré­ca­ri­ser les sec­teurs de la san­té, de l’éducation, de la culture et de la recherche, sec­teurs tous indis­pen­sables au bon fonc­tion­ne­ment et à l’avenir de nos sociétés.
Nous assis­tons aujourd’hui à des prises de déci­sions poli­tiques qui ne semblent moti­vées que par l’économie et les finances. Nous tenons à dénon­cer des poli­tiques qui semblent oublier que la fonc­tion de la culture est le déve­lop­pe­ment des per­sonnes, leur évo­lu­tion en tant qu’individus et en tant que groupe, que la culture sert à don­ner sens à l’existence humaine. Nous refu­sons des poli­tiques qui trans­forment les êtres humains en seules mar­chan­dises et en uni­tés de pro­duc­tion. Nous refu­sons une concep­tion de la socié­té qui com­pren­drait la culture seule­ment comme pro­duit de diver­tis­se­ment, où les êtres et leurs indi­vi­dua­li­tés spé­ci­fiques dérangeraient.
Nous pen­sons que dans ce monde de plus en plus déshu­ma­ni­sé l’économie doit être au ser­vice de la socié­té dans son ensemble et non pas le contraire.
Nous tenons à dénon­cer des poli­tiques éco­no­miques qui tentent de trans­for­mer tout en mar­chan­dise, et nous tenons à rap­pe­ler que — citant encore la Décla­ra­tion Uni­ver­selle sur la Diver­si­té Cultu­relle — “les acti­vi­tés, biens et ser­vices cultu­rels ont une double nature, éco­no­mique et cultu­relle, parce qu’ils sont por­teurs d’identités, de valeurs et de sens et ils ne doivent donc pas être trai­tés comme ayant exclu­si­ve­ment une valeur commerciale”.
Nous refu­sons des poli­tiques selon les­quelles le déve­lop­pe­ment ne serait syno­nyme que de crois­sance éco­no­mique et tenons à deman­der qu’un vrai tra­vail de réflexion soit fait, afin que la culture soit ancrée dans toutes les poli­tiques de déve­lop­pe­ment, qu’elles concernent l’éducation, les sciences, la com­mu­ni­ca­tion, la san­té, l’environnement.

Pour finir, en tant que citoyens et citoyennes tra­vaillant dans le sec­teur de la culture, dans le contexte actuel il devient urgent de deman­der à notre gou­ver­ne­ment, de deman­der aux gou­ver­ne­ments euro­péens et de nous deman­der aujourd’hui, quel ave­nir vou­lons-nous, quelle Europe vou­lons-nous, quel monde vou­lons nous aujourd’hui pour demain.

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Claude Semal : Nou­nours au cabinet 
(acces­soire : un nounours)

Les amis, bonne nou­velle. L’austérité, ça ne marche pas !
Pour nous, gens de spec­tacle, la Grèce sym­bo­li­sait le ber­ceau du théâtre, le vieux masque sia­mois de la tra­gé­die et de la comé­die. La Grèce est aujourd’hui deve­nue le labo­ra­toire de l’austérité, un enfer à ciel ouvert, où les salaires ont bais­sé de 40%, où le chô­mage a explo­sé de 8 à 26%. Eh ! bien, après dix plans d’austérité, la dette de la Grèce a été mul­ti­pliée par trois et demi ! L’austérité, CA NE MAR-CHE PAS ! La fameuse règle d’or, c’est l’or pour les banques, et la règle, je vous laisse ima­gi­ner où les peuples peuvent se la mettre.

Dans cette bataille contre l’austérité, cha­cun se bat, d’abord, dans son sec­teur, là où « le fer le blesse ». C’est vrai pour les artistes comme pour les métal­los. Nous tenons la bar­ri­cade dans notre rue. Cela ne nous empêche pas de nous pré­oc­cu­per de ce qui ce passe dans la rue d’à côté, en Bel­gique comme dans le monde. C’est ain­si, qu’une conscience col­lec­tive se construit et s’organise.

Cette coupe dans les bud­gets cultu­rels inter­vient pour nous à un moment très par­ti­cu­lier, où le pays lui-même est sur des sables mou­vants. Si une majo­ri­té indé­pen­dan­tiste s’exprimait en Flandre aux élec­tions de 2014, cela signi­fie­rait la fin de la Bel­gique. Et à ce moment-là, quand il nous fau­dra réin­ven­ter dans l’urgence un espace sym­bo­lique com­mun, croyez-moi, ils auront besoin des artistes, et en pre­mière ligne ! Nous ne vivrons éter­nel­le­ment dans une petite pro­vince colo­ni­sée, un mar­ché pas­sif qui importe 95% de ses livres, de ses disques et de ses films. Nous devons être capables d’entendre et de valo­ri­ser les mille voix métis­sées qui montent de ce pays zin­neke, parce que ces voix sont les nôtres, et que demain, pour vivre ensemble, nous aurons besoin de culture comme de pain.

On me dira, oui, bon, peut-être, d’accord, mais.… il faut faire des économies.
D’accord. Ca fait com­bien, l’amputation du bud­get culture ? 580 000 euros ? Vous avez vu pas­ser comme moi ces chiffres ahu­ris­sants. Ver­mei­ren, dépu­té OPEN VLD : 660 000 euros de primes de départ du Par­le­ment. José Hap­part, en 2009 : 520 000 euros de prime de départ. Et ce sont les mêmes per­sonnes qui nous parlent d’austérité, et qui, en une nuit, abra­ca­da­bra, trouvent 3 mil­liards pour finan­cer Dexia ! Si la culture était un seul dépu­té libé­ral fla­mand, elle serait déjà refi­nan­cée. Si la culture était un seul dépu­té socia­liste wal­lon, elle serait refinancée.

Et si la culture était une banque, elle serait déjà finan­cée PENDANT 6000 ANS ! 6000 ans !

Mais la culture… est la culture, et cer­tains n’ont visi­ble­ment pas encore très bien com­pris à quoi ça pou­vait ser­vir. A ce sujet, je constate qu’un des bud­gets sup­pri­més pour refi­nan­cer la CAPT est la jour­née « portes ouvertes » du 27 sep­tembre. Il semble avoir échap­per à nos émi­nences que le 27 sep­tembre n’était pas seule­ment une queue de bud­get facul­ta­tive, mais le jour de la Fête de la Com­mu­nau­té Wal­lo­nie Bruxelles. Eh ! bien, puisque les poli­tiques nous aban­donnent ce jour-là, fai­sons-en une jour­née natio­nale d’action de tout le sec­teur cultu­rel ! Non, la culture n’est pas un bud­get « facultatif » !

Pour conclure, et pour nous éclai­rer, je vais inter­vie­wer un jeune inter­mit­tent du spec­tacle que j’ai trou­vé ce matin devant la porte du Ministère.

— Bon­jour, Nounours…

— — Bon­jour… Où est la caméra ?

— On ne t’a pas beau­coup vu, depuis ton tour­nage avec Fadila

— M’en fous ! Avec un seul contrat, j’ai mon chômage.

— Ah ! non, Nou­nours, main­te­nant il en faut trois.

— Com­ment ?!

— Et pas des RPI à la SMART, ou tu perds tes droits

— Mais c’est dégueulasse !

— C’est l’austérité, Nou­nours. Tu devrais en par­ler à tes copains du cabi­net — Aux chiottes, le cabinet !

— Ne dis pas ça, Nou­nours… Ils vont croire que c’est moi !

—Fadi­la à Koh Lanta…

— Putain, Nou­nours, mes subsides…

— Nou­nours, avec nous, Fadi­la à Koh Lanta

— Tais-toi, la musique est encore en négociation.

— Allez, tous ensemble, NOUNOURS AVEC NOUS, FADILA A KOH LANTA ! NOUNOURS AVEC NOUS, FADILA A KOH LANTA !
(Il sort en bâillon­nant Nounours)

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Agnès Lim­bos

Chers amis, Cher Saint Nico­las, Cher père Noël,

Je vou­drai d’abord remer­cier toute l’équipe de Conseil­dead pour avoir su nous fédé­rer, nous ras­sem­bler et main­te­nir les débats dans le haut de gamme.

La ten­ta­tion est forte de réduire cette lutte à nos propres inté­rêts, iden­ti­taires ou minoritaires.

Ne pen­sons pas petit : Res­tons dans le haut de gamme, nobles et fiers ! belges quoi !

La place et les moyens que notre gou­ver­ne­ment donne au sec­teur non mar­chand est indé­cente, humi­liante et dépri­mante : » le sec­teur non mar­chand tel que défi­nit par l’arrêté royale du 14.2.2008 : il ras­semble des orga­ni­sa­tions sur­tout actives dans les branches de l’éducation, de l’action sociale,de la san­té, de la culture et des loi­sirs. Elles pour­suivent une fina­li­té non lucra­tive, c’est à dire une fina­li­té de ser­vice à leurs membres ou à la col­lec­ti­vi­té plu­tôt que la rému­né­ra­tion d’un capi­tal inves­ti. Elles recourent, au moins par­tiel­le­ment à d’autres types de res­sources que celles de la vente (sub­ven­tions publiques, dons, coti­sa­tions, béné­vo­lat … ) pour cou­vrir leur coût de production. »

Dans une socié­té que nous rêvions éga­li­taire et huma­niste, reven­di­quons encore et tou­jours et à tra­vers tout une place juste ‚n’ayons pas honte de ce que nous sommes et de ce que nous revendiquons.

Certes nous ne par­ta­geons pas les mêmes valeurs avec la poli­tique actuelle : “tu com­prends bien Agnès si je te donne à toi,il faut bien que j’en enlève aux autres” !!!! “avec ou sans notre aide, tu vas conti­nuer “…. Conti­nuer quoi ? à bri­co­ler, à bidouiller, à s’amuser, à aimer pas­sion­né­ment mon travail.

Cou­pons quoi ? cou­pons qui ?

Je pense que nous savons tous ce que nous vou­lons cou­per et à qui !!!
Mais putain bouge toi le cul, là haut, pour prendre là où il y en a du pognon : dans ces grandes opé­ra­tions de visi­bi­li­tés qui servent non pas à confor­ter, à récon­for­ter ceux qui tra­vaillent depuis des années dans l’ombre des grands édi­fices mais à mon­trer une image posi­tive de ce que vous croyez être la culture et cachent notre réalité.

Les efforts qu’on nous demande n’ont aucun sens et ne sont pas légi­times. Par­lons en de cou­rage ! C’est pas ça qui nous manque.

Et je ne parle pas des banques,ces sérial killer qui nous tuent sour­noi­se­ment et à petit feu à l’abri de la justice.

Chers amis le moyen age est de retour, nous nous sommes trom­pés d’époque ! Nous mar­chons à recu­lons : les maîtres et leurs cerfs, les châ­teaux et les douves !

Je vou­drai ajou­ter quelques mots, ici, en tant que admi­nis­tra­trice de la CTEJ (chambre des théâtres pour l’enfance et la jeu­nesse) asso­cia­tion qui regroupe 77 compagnies.

Oui je recon­nais que nous, qui tra­vaillons pour le jeune public, nous vivons dans de toutes petites mai­son, nous avons de tout petits enfants qui font de toutes petites études, nous man­geons de toutes petites tar­tines, nous avons de toutes petites culottes et nous fai­sons alors de tout petit caca, dis­crè­te­ment pour ne déran­ger personne !

Pour­quoi est ce que les aides à la créa­tion des théâtres jeune public serait elle moindre que celle pour les adultes ?
La sueur qui coule de mon front quand je crée, que je doute, que je m’obsessionne, serait elle plus petite que celle d’un artiste, d’un acteur,d’un met­teur en scène qui œuvre pour les adultes, plus lente si je tra­vaille pour les vieux, plus ryth­mée si je danse, plus chan­tante si je pré­pare un concert ?

Mais nous, tous, payons de gros impôts !

ça suf­fit !

à tra­vail égal, sub­ven­tion égale !

Nous ne serons satis­faits que quand l’art aura repris une place juste dans ce pays et ne sera pas l’exclusivité de quelques uns ou ne dépen­dra pas du bon vou­loir des princes.

Nous vou­lons plussssssss que de l’argent de poche pour aller jouer !
Conti­nuons à cra­cher notre râle avant de pous­ser notre der­nier soupir.
Bel­gian got talents : look !

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Guillaume Istace

Madame la Ministre ,

je me pose une série de ques­tions sur la poli­tique cultu­relle de votre ministère.

En ce qui concerne les aides à la créa­tion, il s’agit d’un bud­get essen­tiel. Ce sont des sub­sides accor­dés à des com­pa­gnies par des conseils qui ont pour cri­tère prin­ci­pal la qua­li­té artis­tique du projet.

Dans le cas du CAPT, ces sub­sides per­mettent donc de dépas­ser la fri­lo­si­té de cer­tains théâtres qui doivent, légi­ti­me­ment d’ailleurs, s’assurer que leur salle soit rem­plie. Ce bud­get est donc celui qui per­met aux artiste nova­teurs d’émerger. On pour­rait com­pa­rer son domaine à celui de la recherche fon­da­men­tale. Ce sont ceux qui feront le théâtre de demain.

Et pour­tant, les bud­get d’aide à la créa­tion sont des bud­gets ridi­cules. Dans le cas du CAPT, il repré­sente un 33ème du bud­get glo­bal des arts de la scène. C’est-à-dire la moi­tié de celui du théâtre de la place, c’est à dire qua­si un quart de celui du Manège, c’est à dire moins d’un un cin­quième de celui du National.

Alors je vous pose la ques­tion : Madame la ministre, Pour­quoi votre minis­tère ne désire-t-il pas voir des artistes nova­teurs émerger ?
En ce qui concerne les conven­tions et les contrats-pro­gramme, dans le sec­teur du théâtre pour adulte, Un dixième seule­ment du bud­get des arts de la scène va direc­te­ment aux com­pa­gnies, tan­dis que la plus grosse par­tie de ce bud­get va dans les théâtres qui ont des murs.Et seule une petite ving­taine de com­pa­gnies reçoivent un sub­side récurrent

Com­ment les com­pa­gnie peuvent-elle être à même de déve­lop­per leur démarche artis­tique et de vendre leur spec­tacle si elle ne reçoivent pas ou peu de sub­sides récurrents ?

Alors je vous pose la ques­tion : Madame la ministre, pour­quoi votre minis­tère ne sou­haite-il pas voir les com­pa­gnies se déve­lop­per et dif­fu­ser leur spectacle ?

En ce qui concerne le sou­tien de votre gou­ver­ne­ment aux artistes. Quand une com­pa­gnie fait un spec­tacle accla­mé par tous, qu’elle fait une tour­née triom­phale, quand cette com­pa­gnie revient, pour­quoi ne reçoit-elle que peu, voire aucun, sub­side sup­plé­men­taire pour faire gran­dir sa démarche ? Pour­quoi ces com­pa­gnies se retrouvent-elles tou­jours en butte aux mêmes dif­fi­cul­tés qu’à leur début ?

Et que dire de la musique ? Là où la Flandre impose un quo­tas de 25% d’artistes fla­mands sur les ondes radio, là où la France impose un quo­ta de 40% d’artistes fran­çais, votre gou­ver­ne­ment impose un quo­ta de 4% d’artistes issus de la fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles.

Alors je vous pose la ques­tion, Madame la Ministre, Pour­quoi votre minis­tère ne sou­tient-il pas plus ses artistes ?

En ce qui concerne le poste de ministre de la culture, depuis que je suis dans le métier, seul un ministre a deman­dé à avoir ce poste, c’était Richard Mil­ler en 2000.

Alors je vous pose la ques­tion, Madame la ministre, Pour­quoi nos ministre de la culture ne conçoivent-ils cette res­pon­sa­bi­li­té que comme un fardeau ?
En ce qui concerne la poli­tique cultu­relle à l’oeuvre à Mons, Est-il nor­mal que dans cette ville qui compte 7 lieux dédiés à la danse, au théâtre et à la musique, tous soient sous la res­pon­sa­bi­li­té d’un seul direc­teur, en l’occurrence Yves Vas­seur ? Et que ce même direc­teur soit aus­si com­mis­saire de l’événement Mons 2015 (qui repré­sente à lui seul le double du bud­get des arts de la scène) ?.

Alors je vous pose la ques­tion, Madame la ministre, pour­quoi quand votre par­ti prend des ini­tia­tives pour sub­ven­tion­ner la culture, il ne laisse place à aucune diversité ?

Et pour­quoi ne conçoit-il la plu­part du temps l’art que comme un outil pour le déve­lop­pe­ment éco­no­mique d’une région ou pour la mise en valeur de la légis­la­ture d’un bourgmestre ?

Pour ter­mi­ner, Je vou­drais dire ceci :
En ces temps de crise, on est de plus en plus ame­né à jus­ti­fier le sub­ven­tion­ne­ment de la culture par l’emploi que ça crée par le déve­lop­pe­ment éco­no­mique que ça apporte ou le déve­lop­pe­ment tou­ris­tique que ça peut déve­lop­per dans une région.
Ce ne sont pas là des fac­teurs négligeables .

Mais pour­quoi tou­jours pen­ser que l’art doit ser­vir à quelque chose ?

Est-ce que l’oeuvre de Mozart sert à quelque chose ?

Est-ce que l’oeuvre de Tche­kov sert à quelque chose ?

Est-ce que l’oeuvre de Pina Bausch sert à quelque chose ?

Non, ces oeuvres sont belles !

Sim­ple­ment belles !

Et, comme le dit Gre­go­ry Mot­ton, « si une chose est belle, c’est parce qu’elle rend le futur possible.

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Itsik Elbaz

C’est en tant que pro­fes­seur d’art dra­ma­tique que je prends la parole devant vous aujourd’hui. Je don­nais cours le jour où j’ai appris les coupes bud­gé­taires visant le CAPT. Je don­nais cours quelques jours plus tard quand j’ai lu le tweet « COMBAT DE PAUVRES ». Immé­dia­te­ment , un malaise ter­rible face aux étu­diants. A quoi ça sert tout ça , à quoi ça sert de les accom­pa­gner là dedans ?

Être Artiste ce n’est pas une pose , c’est un choix de vie et un arti­sa­nat. C’est un métier , un métier qui s’apprend , un métier qui se trans­met et s’enseigne. C’est une profession.

Par la déci­sion poli­tique prise il y a 3 semaines, il nous a été décré­té publi­que­ment l’inutilité de la créa­tion. En tant que citoyen et artiste , je trouve cela extrê­me­ment inquié­tant et révélateur.

Hier soir , nous avons appris que le bud­get du CAPT ne bais­se­rait pas de 45% mais « seule­ment » de 13%. En tant qu’enseignant et tra­vailleur dans le sec­teur artis­tique , je ne peux pas me réjouir et consi­dère toute baisse dans le bud­get de la Culture comme inacceptable.

Si j’en crois la bru­ta­li­té de l’attaque menée contre la créa­tion via la poli­tique cultu­relle qui nous est pro­po­sée, je me demande si le minis­tère de la culture com­prend ce qu’il met en place. Cela révèle d’abord que le sec­teur n’est pas consi­dé­ré par ses diri­geants comme un sec­teur flo­ris­sant et pro­fi­table pour notre socié­té. Com­bien de jeunes for­més dans les écoles d’enseignement artis­tique n’auront même pas la pos­si­bi­li­té d’essayer de pra­ti­quer le métier qu’ils ont étu­dié pen­dant des années ? Du moins de le pra­ti­quer dans des condi­tions pro­fes­sion­nelles. Avec 13% de coupe bud­gé­taire dans le CAPT , et tant d’artistes d’expérience et de qua­li­té qui en dépendent encore, com­bien de jeunes artistes pas­sés par nos écoles n’auront même plus la pos­si­bi­li­té d’accéder aux outils de créa­tion ? Com­bien d’oeuvres qui pour­raient nous bou­le­ver­ser , nous faire rire , nous faire réflé­chir n’existeront même pas ? Le minis­tère compte t‑il sur les ins­ti­tu­tions pour accueillir ces jeunes ? Si oui , il se trompe lour­de­ment. Très lourdement.

Ces jeunes artistes , AUCUN D’ENTRE EUX NE REVE D’ALLER AU CHOMAGE. Les artistes en deve­nir ne sont pas des futurs chô­meurs , ce sont de futurs tra­vailleurs et aucune déci­sion ris­quant de les pré­ca­ri­ser et par exten­sion de fra­gi­li­ser l’avenir cultu­rel de ce pays ne peut être prise.

Com­pre­nez vous qu’avec cette poli­tique vous leur signi­fiez qu’ils ne sont pas les bienvenus ?

Com­pre­nez vous que VOUS leur indi­quez le che­min du béné­vo­lat et de la file du chômage ?

Com­pre­nez vous qu’en votre âme et conscience , le mes­sage que vous leur faites par­ve­nir est que le sec­teur dans lequel ils vont s’inscrire en tant que tra­vailleurs n’est pas pro­fi­table et essen­tiel à la société ?
Quelle est la socié­té qui place consciem­ment ses futurs artistes en marge d’elle même ?

J’invite toute per­son­na­li­té poli­tique qui le sou­haite à venir une jour­née dans n’importe quelle école de notre com­mu­nau­té pour voir de ses propres yeux si ce sont des chô­meurs que nous for­mons. Vous serez sur­pris par l’engagement de tous , élèves et pro­fes­seurs. Vous serez sur­pris par com­bien ces jeunes rêvent de trou­ver leur place dans la socié­té , dans le monde du tra­vail , dans le monde tout sim­ple­ment et com­bien ils sou­haitent s’inscrire dans la cité.

N’êtes vous pas fiers d’eux ? Pas même un peu ?

La poli­tique cultu­relle actuelle rend absurde et inco­hé­rent pour le pro­fes­seur que je suis l’enseignement artis­tique et la trans­mis­sion , elle risque de rendre la pro­fes­sio­na­li­sa­tion du sec­teur caduque. Vous faites de l’enseignement une imposture.

Aujourd’­hui ces jeunes sont inquiets et en dan­ger à cause des choix mal­adroits du gou­ver­ne­ment. Ils ont beau­coup de ques­tions à poser, quelles réponses le gou­ver­ne­ment va-t-il leur offrir ?

En tant qu’en­sei­gnant, je ne vois aucune rai­son pour que ces jeunes héritent des consé­quences dra­ma­tiques de ces mau­vaises déci­sions, aucune rai­son qu’ils payent beau­coup trop cher leur choix de vie, qucune rai­son de leur signi­fier par ces choix poli­tiques qu’ils ont eu tort de s’en­ga­ger dans cette voie. Je suis heu­reux qu’ils soient pré­sents qujourd’­hui et soient témoins de l’u­ni­té de notre sec­teur. C’est aus­si pour eux que la mobi­li­sa­tion continue.

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Tomas Turine : Fédé­ra­tion des Auteurs Com­po­si­teurs Inter­prètes Réunis.
(FACIR)

Madame la Ministre,

Les artistes et tech­ni­ciens du sec­teur « musiques non clas­siques » ont décou­vert avec effa­re­ment votre inten­tion de dimi­nuer dras­ti­que­ment les aides à la créa­tion pour tous les Arts de la Scène : le Théâtre, la Musique et la Danse.

En ce qui nous concerne, le bud­get pas­se­rait ain­si de 475.000 euros en 2012 à 340.000 euros en 2013, soit une baisse de 28% du mon­tant alloué aux aides à la créa­tion de spec­tacles musi­caux, à la pro­duc­tion dis­co­gra­phique et à la pro­mo­tion d’un seul sec­teur ras­sem­blant l’ensemble des groupes de rock, de pop, de jazz, de chan­son fran­çaise, de musiques urbaines, de rap, d’électro, de folk, de blues, de musique du monde, de musiques de scène ou de chan­son jeune public, et des inclas­sables … de toute la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles.

Dans un rap­port de 40 pages com­man­di­té en 2000 par le minis­tère, et cosi­gné par le regret­té Pierre Rap­sat, les rap­por­teurs s’alarmaient déjà : « On ne peut que consta­ter l’état de déli­ques­cence de la pro­gram­ma­tion des artistes de Wal­lo­nie et de Bruxelles dans leurs propres médias ».
A bien des égards, c’est encore pire aujourd’hui.

Cette coupe sombre aura pour effet une pré­ca­ri­sa­tion crois­sante des métiers de la musique. Elle fra­gi­li­se­ra un peu plus un sec­teur qui vit déjà en per­ma­nence au bord de l’asphyxie, dans un contexte où culture popu­laire est dan­ge­reu­se­ment iden­ti­fée à culture de masse.
Nous ne pou­vons admettre cela.

Au-delà de notre refus radi­cal de cette sai­gnée bud­gé­taire, Madame la Ministre, il est urgent de réin­ter­ro­ger toute la filière « créa­tion / pro­duc­tion / diffusion ».

Nous vous deman­dons de renon­cer à ces ampu­ta­tions bud­gé­taires, et de prendre en compte les reven­di­ca­tions suivantes :

1° Nous vous deman­dons de mener une poli­tique cohé­rente de valo­ri­sa­tion des artistes de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles.

A l’heure où la Flandre bran­dit ses artistes comme autant « d’ambassadeurs cultu­rels » pour conqué­rir l’Europe, et s’affirme en tant que nation à tra­vers une poli­tique cultu­relle ambi­tieuse, il est regret­table que, chez nous, la culture semble n’être qu’une charge, une dépense super­flue, et jamais une richesse, un besoin social et un choix politique.
Com­pa­rez, Madame la Ministre, ces deux chiffres de la SABAM.

En Flandre, 25% des droits d’auteur retournent aux artistes et pro­duc­teurs fla­mands. Ce qui témoigne de l’existence d’un véri­table mar­ché « inté­rieur ». Ce chiffre tombe à moins de 5% en Bel­gique fran­co­phone. Ce qui signi­fie que nous sommes déjà deve­nus, sans jamais nous l’avouer, une petite colo­nie cultu­relle des indus­tries fran­çaises et anglo-saxonnes.

2° Nous vous deman­dons donc de valo­ri­ser les quo­tas des pro­duc­tions de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles dans tous les médias audio-visuels.
Les radios de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie Bruxelles doivent aujourd’hui, par décret (art . 61), pro­gram­mer de 4,5 à 10 % de pro­duc­tions musi­cales autoch­tones (ce der­nier chiffre concer­nant uni­que­ment les radios de la RTBF). A titre de com­pa­rai­son, ces quo­tas sont de 40 à 60% pour la France, dont 20% de nou­veaux talents ou de nou­velles pro­duc­tions, et de 25% en Flandre.

3° Nous vous deman­dons de cor­ri­ger les effets per­vers de l’actuel sys­tème des aides à la création.

Dans le sec­teur des musiques « non clas­siques », en 2011, ce sys­tème a consa­cré 36,21 % du bud­get aux Fes­ti­vals, 31,12 % aux struc­tures admi­nis­tra­tives et … 0,83% à la créa­tion de spec­tacles musi­caux. Est-ce vrai­ment la bonne répar­ti­tion entre ces dif­fé­rents postes ? Ou est-ce l’expression d’une époque qui, tou­jours, pri­vi­lé­gie l’emballage au conte­nu, le faire savoir au savoir-faire ?

Si vous n’avez plus de sous, Madame la Ministre, ayez au moins des idées ! Défen­dez le sec­teur dont vous avez la charge.

C’est pour­quoi, nous appe­lons tous les tra­vailleurs du sec­teur de la musique à signer cette péti­tion et à rejoindre le com­bat des sec­teurs de la danse et du théâtre pour nous oppo­ser radi­ca­le­ment à ces coupes bud­gé­taires et pour qu’en­fin soit mise en place une poli­tique cultu­relle claire et efficace.

ce der­nier texte fait l’ob­jet d’une péti­tion : https://12289.lapetition.be/

 

 

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