Alors qu’ils entamaient leur 8ème jour de grève, les travailleurs du métro d’Athènes doivent faire face à un ordre de réquisition générale. Malgré les risques d’arrestation et de prison, ils ne semblent pas vouloir obéir.
Après les squats, les travailleurs grévistes qui se dressent contre les mesures d’austérité, il est clair que l’Etat grec aux ordres de l’UE et du FMI, a décidé d’utiliser la manière forte pour briser les espaces de résistance et d’organisation collective qui s’opposent à la politique du capital…
Alors, la nouvelle phase des politiques de « gestion » de la crise et de contention des luttes sociales, c’est ça ? La prison pour tous ceux qui refusent la misère et osent entrer en lutte pour contester l’austérité ?
Jeudi 24 janvier 2013, le gouvernement de coalition a pris la décision de recourir à la réquisition de tous les travailleurs du métro d’Athènes. Le ministre du Développement, Costis Kadzidakis, après une rencontre avec le Premier ministre et avec le soutien du pouvoir judiciaire, a pris cette mesure afin de réprimer la grève menée par les travailleurs contre les baisses de salaires, la suppression de leur convention collective et l’élimination de leurs droits de travailleurs. L’ordre de « mobilisation civile » [réquisition] prendra également effet pour les travailleurs des autres transports publics, dans le cas où des grèves se poursuivraient en solidarité avec leurs collègues et camarades.
Les travailleurs du métro d’Athènes sont en grève depuis le jeudi 17 janvier. Depuis six jours, les travailleurs des autres moyens de transport public se sont joints à leurs mobilisations avec des débrayages de plusieurs heures et des grèves de 24 heures. Lundi 21 janvier, la direction de la société privée qui gère le service de métro d’Athènes a déposé plainte en justice contre les syndicats, et sans surprise, la grève a été déclarée illégale. La décision de justice rendue avant-hier contre le syndicat des travailleurs du métro a donné le feu vert au gouvernement pour activer des « pouvoirs d’urgence » propres à un régime dictatorial.
La nouvelle de l’ordre de réquisition à peine connue dans la matinée du jeudi 24 janvier, les travailleurs se sont rassemblés dans le dépôt central du métro de Sépolia et s’y sont barricadé pour défendre la grève. Ils ont disposé des chariots élévateurs derrière les grilles d’entrée du dépôt. De leur côté, les travailleurs des bus ont cessé l’assemblée qu’ils étaient en train de tenir pour se rendre au dépôt et se solidariser avec les grévistes. Les travailleurs des tramways, trolleybus, des trains de banlieue et du train urbain de surface ont fait de même, ainsi que beaucoup de personnes solidaires. Jeudi dans l’après-midi, plus aucun moyen de transport en commun ne circulait dans la métropole athénienne. Les syndicats de tous les moyens de transport public ont prolongé les arrêts de travail qui devaient s’achever dans la soirée, jusqu’à minuit ce jeudi 24 janvier et ont appelé à une grève de 24 heures pour le vendredi 25 janvier. La grève est soutenue par les associations de travailleurs et les Centres de travail d’Athènes et du Pirée, qui ont appelé à la mobilisation et à un arrêt de travail de quatre heures pour le même jour.
Les travailleurs se battent contre une nouvelle baisse de leur salaire, qui peut atteindre jusqu’à 25%. Depuis le début des mesures d’austérité et de coupes dans les salaires en 2009, ils ont déjà perdus jusqu’à 45% de leur revenu annuel si l’on prend en compte l’ensemble des salaires et des primes de fin d’année.
Le gouvernement a procédé à la réquisition des travailleurs du métro d’Athènes en se fondant sur une loi promulguée en 1974, amendée en 2007, pour faire face à « des situations d’urgence en temps de paix ». Selon la procédure prévue par cette loi, la police doit afficher un avis comportant l’ordre de réquisition sur la porte d’entrée du domicile de chacun des 2500 travailleurs. Selon cette même loi, au cas où les travailleurs ne retourneraient pas au travail, ils risquent d’être arrêtés, d’être poursuivis en flagrant délit et d’être condamnés à des peines de trois mois à cinq ans mois d’emprisonnement. L’ordre de réquisition débute à 5 heures du matin, ce vendredi 25 janvier. Ils peuvent aussi être licenciés.
Le premier ministre Antonis Samaras a déclaré : « le peuple grec a fait d’énormes sacrifices, je ne peux tolérer aucune exception ». Pendant que le parti de la Gauche démocratique (membre de la coalition) appelait à plus de dialogue et regrettait le « choix extrême » de la réquisition, le chef de file du Pasok (Parti Socialiste), Evangelos Venizelos a exprimé jeudi soir son soutien à la décision du gouvernement, décrivant la grève comme « inacceptable ».
La lutte des travailleurs des transports publics va continuer. Les syndicats ont clairement fait savoir qu’ils vont braver l’ordre du gouvernement. Ils ont déjà défié l’ordonnance du tribunal qui, il y a deux jours, avait déclaré hors la loi une de leurs grèves consécutives de 24 heures. Le mardi 21 janvier, alors qu’ils faisaient grève contre une décision de la « justice » ayant illégalisé la grève de la veille, le tribunal, saisi une nouvelle fois par la direction, a une fois de plus déclaré illégale cette nouvelle grève de 24 heures. Le mouvement gréviste s’est toutefois poursuivi.
Dans les bus, la grève doit se poursuivre jusqu’à mardi, tandis que les syndicats des chemins de fer et du train de banlieue desservant l’aéroport ont lancé un mort d’ordre d’arrêt du travail jusqu’à lundi. La réponse qu’a donnée hier l’un des représentants syndicaux des travailleurs à l’ultimatum que le gouvernement avait lancé au jeudi 24 janvier aux grévistes pour qu’ils abandonnent la grève et retournent au travail, est significative : « Á cet ultimatum, nous répondons que nous n’avons plus rien à perdre, nous avons tout perdu. Nous allons résister, même s’ils viennent nous arrêter. Nous sommes déterminés. Les gens sont avec nous. J’ai vécu d’autres périodes, comme les sept années de la dictature des colonels, et je vois que ceux de maintenant sont pires qu’à l’époque. Qu’ils sortent les tanks. Nous résisterons ».
Après une vague récente d’expulsion de squats [ voir La bataille pour les squats à Athènes ], qui s’est encore poursuivie par une nouvelle décente de flics le 15 janvier dans un lieu occupé historique, « Lelas Karagiani », où 16 personnes ont été arrêtées mais qui a pu être réoccupé dans la soirée, le gouvernement continue sa politique répressive en s’en prenant cette fois frontalement à un des secteurs traditionnellement les plus combatifs de la classe ouvrière de Grèce : les travailleurs du métro et ceux des transports en commun d’Athènes.
Des ordres de réquisition ont été utilisés plusieurs fois ces dernières années, en particulier en octobre 2011 contre les employés municipaux du nettoyage (ramassage des ordures) dans la région d’Athènes sans que cela ne se traduise dans les faits par des mesures de rétorsions contre les grévistes : cela fait partie des menaces utilisées pour contraindre les travailleurs à reprendre le travail. C’est ainsi qu’en 2010, une grève de transporteurs routiers (dont les camions citernes d’essence fournissant les stations service) s’est terminée immédiatement à la suite d’une mesure similaire. En sera-t-il différemment cette fois-ci avec les travailleurs du métro, des bus, trams, trains de banlieue, etc. ?
Grèce : réquisition des travailleurs du métro d’Athènes en grève