“Gros” n’est pas un gros mot

Queen Mafal­da

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Gras Poli­tique

Je ne suis pas une grosse acceptable.

Je suis drôle et spi­ri­tuelle. C’est pas moi qui le dis.

Mais c’est peut être parce que ça fait par­tie du cahier des charges de la grosse dame, t’as vu. Sexy, mais pas trop, il ne s’agirait pas de décou­vrir ton cuis­sot cre­vas­sé de cel­lu­lite. La poi­trine opu­lente dou­ce­ment en avant. Genre maman salope. Récon­for­tante et ban­dante à la fois. La grosse est apprê­tée. Du rouge à lèvre appuyé et l’œil de biche. La Pin Up comme arché­type accep­table de la grosse en forme de 8. Gros cul, gros seins. Parce que si tu te négliges en jog­ging et t‑shirt troué, tu n’es plus que le bout de gras fei­gnant qui se laisse aller. Tu n’es plus bonne madame ! Tu ne passes pas le label de la bandante.

Ta légi­ti­mi­té dans l’espace public passe par le degré d’élévation du chibre mal à l’aise de gon­fler devant une grosse. Mais pas trop. Genre bien en chaire, celle qui offre de quoi cro­quer. Je ne suis pas accep­table. Je porte des mini-jupes trop petites pour moi. Je me fous que ce t‑shirt moule mon gras, que ces lignes ne soient pas dans le bon sens et que le néon ça élar­git. Et l’acceptation de mon corps ne pas­se­ra pas par sa sexua­li­sa­tion. Pas celle-là en tout cas. Pas celle faite par et pour les corps nor­més. Celle où les grosses dames rentrent le ventre, prennent la pose pour contrô­ler la courbe d’une gros sein qui ne tom­be­ra pas. La vali­da­tion par la bite, c’est pas pour moi. Parce qu’à chaque fois que je vois ces corps, je me rap­pelle qu’il ne sont pas les miens, je me rap­pelle que je ne rentre pas dans les fron­tières du gras qu’ont des­si­né les corps qui en ont moins que le mien. Et qu’en plus, je suis gouine fémi­niste. La vali­da­tion de ta bite n’existe presque pas dans ma construc­tion. Et pour le peu qu’il en reste, j’élimine, le plus possible.

Je ne suis pas accep­table parce que je fais quoi une fois que j’ai ma mini jupe et mon short taille 52 ? Est ce que grâce à eux je me sens accep­tée dans l’espace public nor­mé ? Est ce que j’ai des modèles qui ne me font pas sen­tir comme une freak ? Est ce que mon cul rentre tout à coup dans les blouses de l’hôpital ? Est ce que mon méde­cin ne me dira pas chaque fois que j’ai mal au coude que je vais mou­rir dans mon gras  ? Est ce qu’on va m’embaucher dans cette bou­tique, parce que non vrai­ment une grosse ça colle pas au plan mar­ke­ting ? Est ce qu’on va me prendre comme ser­veuse dans ce res­tau­rant ? Non parce qu’avec ma graisse je vais dis­sua­der les clients de prendre un des­sert. Et puis je serai trop lente.

La grosse accep­table ne serait-elle pas clas­siste ? Com­ment je fais pour m’habiller conve­na­ble­ment moi, si j’ai pas le temps, si j’ai pas l’argent, si j’ai 4 gamins et pas de conjoints ? Si j’habite à Tri­fouillis-Les-Belles-Mirettes et qu’à part les leg­gins et tuniques à fleurs du mar­ché du jeu­di matin, j’ai accès à pas grand chose ? Com­ment je fais moi ? Je crève dans ta gros­so­pho­bie ? Parce que je suis pas bonne, parce que je m’en fous, parce que c’est pas dans mon plan de car­rière de me prendre en pho­to en lin­ge­rie fine. Parce que je pré­fè­re­rais plu­tôt que ma gyné­co ne me regarde pas comme un tas de sain­doux. Que le dis­pen­saire du vil­lage ait un ten­sio­mètre à ma taille.

Mais je m’en fous non ? Je suis bonne dans mon poum poum short.

Queen Mafal­da