Photo : La vice-ministre vénézuélienne Aloha Nuñez accueillie par la communauté Sioux (Dakota) dans le cadre de l’aide en gasoile de chauffage du gouvernement de Hugo Chavez aux communautés indigènes des Etats-Unis.
Interview par Brasil de Fato de la vice-ministre vénézuelienne pour les peuples indigènes Aloha Núñez
vendredi 27 mai 2011
De passage au Brésil ou elle assistait a une réunion de l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne (OTCA), la vice-ministre du Pouvoir Populaire pour les Peuples Indigènes du Venezuela, Aloha Nuñez (photo) a conversé avec « Brasil de Fato ».
La vice-ministre Aloha Núñez, 27 ans, est une indigène Wayuu (état du Zulia).
Par : Vinicius Mansur de Brasília (DF)
Q/ A combien s’élève la population indigène au Venezuela ?
R/ Selon le recensement effectué en 2001, nous sommes entre 2 et 3 pour cent de la population, c’est à dire un peu plus de 500 mille indigènes. Mais ces chiffres ne correspondent pas à la réalité car ce recensement ne parvient pas à rendre compte de toutes les communautés. Le fait est qu’il n’était pas facile de s’avouer indigène ; c’étaient les débuts de la révolution et avant celle-ci, pas question de droit ni de reconnaissance pour les peuples indigènes. Dire que l’on était indigène provoquait le rejet. Aujourd’hui les choses sont différentes. Il existe une Loi Organique pour les Peuples Originaires. Nous avons des droits. En 2001, le recensement faisait état de l’existence de 36 peuples indigènes . A présent, 44 ont été reconnus ainsi que 2800 communautés indigènes contre 2400 à l’époque.
Q/ Il y a‑t-il un mouvement indigène organisé au Venezuela ?
R/ Oui, il existe plusieurs organisations indigènes tant au niveau régional que national. Chaque peuple ou tout du moins chaque région compte avec des organisations représentant leur état respectif. Au niveau nationale, nous comptons sur des organisations comme le Conseil National Indigène du Venezuela, le Front Indigène Waike’puru ou la Confédération Bolivarienne Indigène du Venezuela.
Q/ Comment décrire la relation de ces mouvement avec la révolution bolivarienne ?
R/ La lutte des peuples indigènes a commencé il y a très longtemps. C’est à travers notre mobilisation sur tout le continent américain, quand commença la lutte pour les droits des peuples originaires à l’ONU, quand la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail fut obtenue, que les organisations indigènes acquirent une certaine visibilité. Ensuite vint la révolution. Avant d’être élu à la présidence, le commandant Chavez s’était engagé auprès des peuples originaires afin de faire tout ce qui était possible afin d’arriver au règlement de la dette historique accumulée. L’ouverture du président vis-à-vis des communautés indigènes date des débuts de la révolution. Elle se manifesta à travers cet engagement et ensuite, dès son arrivée au pouvoir, quand il convoqua l’assemblée constituante et y impliqua la population indigène.
Q/ Parlez nous de ce processus.
R/ Des députés indigènes prirent part à la constituante et la nouvelle constitution contient un chapitre spécial pour les peuples et communautés indigènes. C’est un droit dont ils n’ont jamais joui auparavant. Précédemment n’existait qu’un article qui promettait… « l’incorporation progressive des indigènes à la vie de la Nation ». Ils n’étaient même pas reconnus comme faisant partie de la société ! Par conséquent, la Constitution bolivarienne de 1999 ouvrit toute grande la porte. Il y est établi que 3 députés indigènes doivent être élus à l’Assemblée Nationale pour les régions sud, orient et occident. En outre, dans chaque municipalité indigènes il y a des conseillers municipaux indigènes et dans chaque état où vivent des communautés indigènes, il y a des législateurs indigènes.
Les peuples originaires ont la garantie de disposer d’un poste au moins dans chacun de ces espaces. Ensuite, vint la création de la loi de délimitation et de garantie de l’habitat et des territoires indigènes. Suivirent la mission Guaicaipuro destinée à la prise en charge des besoin sociaux des ces populations ainsi que la promulgation de la Loi Organique des peuples et des communautés indigènes. Je ne connais pas d’autre pays ayant des lois établissant autant de droits à ces populations, dépassant de fait les exigences de la convention 169 de l’OIT.
Par la suite a été créé le Ministère du Pouvoir Populaire pour les peuples indigènes avec à sa tête Nicia Maldonado, une indigène yekuana de l’Amazonie. Ceci démontre sans aucun doute, une réelle volonté politique. Dans les autres pays, il n y pas de ministères indigènes. Tout au plus des fondations dépendantes de l’État et qui bien souvent ne sont même pas dirigées par des indigènes. Par conséquent, on ne peut que constater la profondeur de l’engagement du commandant Chavez envers les peuples originaires et la réalité des avancées obtenues par les indigènes fruit de cette lutte commune.
Q/ Où en est-on avec la délimitation des terres ?
R/ Elle se poursuit. Au Venezuela, la délimitation des terres est organisée à partir d’une demande des communautés ou à l’initiative de la Commission Présidentielle Nationale de Délimitation qui se charge conjointement avec une commission régionale de l’étude des dossiers. Nous avons déjà remis 40 titres de propriété collective mais il y a encore beaucoup à faire. Ces titres sont accompagnés d’un plan d’appui afin de pourvoir tous les outils nécessaires pour arriver à l’autosuffisance de ses communautés qui par la suite pourront, à leur tour, aider le pays.
Q/ Existe-t-il une politique de promotion de la culture indigène ?
R/ La Loi reconnait les langues indigènes comme langues officielles. Dans les écoles des communautés originaires, les cours sont données dans les langues indigènes. Avant, tout était donné en espagnol. Dans les villes où réside une population indigène, il doit y avoir au moins un enseignant chargé d’impartir soit les cours en langue indigène ou alors ce qu’on appelle l’éducation interculturelle bilingue. Par ailleurs, nous comptons également sur une Loi pour l’artisanat indigène.
Q/ Aujourd’hui, quelles sont les principales revendications des peuples originaires ?
R/ Mener à bout le processus de délimitation des terres. Ceci est une revendication qui existe sur tout le continent. Pour nous, il s’agit d’une priorité et le président Chavez a beaucoup insisté pour qu’elle soit satisfaite. D’autre part, nous ne pouvons nier que nous avons encore des communautés en grande précarité qui demandent une assistance gouvernementale permanente. À cet effet, nous avons créé un système de co-responsabilité entre les communautés et l’État afin que les peuples assument un rôle de protagoniste dans le dépassement de leurs difficultés, en se libérant eux-mêmes de la misère et de l’analphabétisme pour arriver à jouir de « la plus grande somme de bonheur possible » comme le préconisait notre libérateur Simon Bolivar. Une grande quantité de nos communautés indigènes n’a pas encore réussi à obtenir cette libération. Quelques unes y sont arrivées. Nous vivons un processus révolutionnaire mais nous ne pouvons pas réparer miraculeusement le mal causé par 500 ans d’invasion et d’extermination, d’éducation perverse qui imposa l’image de l’indigène idiot, alcoolique et dangereux. Nous nous trouvons dans cette phase ou il nous faut remplacer l’ancienne vision par une nouvelle.
Q/ Existe-t-il des conflits entre les communautés indigènes et l’État au sujet de grands projets gouvernementaux d’exploitation des ressources naturelles ?
R/ Oui. Mais au Venezuela nous respectons la convention 169 de l’OIT qui prévoit le consentement libre des communautés. Par conséquent, chaque fois qu’un projet doit être réalisé dans une communauté indigène, celle-ci doit être consultée et informée au préalable. Si les communautés émettent des doutes, il est nécessaire de dialoguer afin de les éclaircir et de renoncer à la réalisation d’un projet si celle-ci s’y oppose.
Q/ L’État a‑t-il déjà renoncé à la réalisation d un projet ?
R/ Une fois, Il y a quelque temps déjà. Il s’agissait de concessions pour l’exploitation du charbon en territoire yukpa. Les indigènes étaient contre le projet et cela est arrivé aux oreilles du président Chavez qui organisa un meeting avec plus de 2 mille travailleurs du secteur pétrolier et il y annonça qu’il n’y aurait pas de concessions. Et en effet il n’y a pas eu de concessions. Cette histoire fut très manipulée car certaines ONG disaient que nous ne voulions pas délimiter les territoires yukpa. Ils espéraient gagner une certaine autonomie après la délimitation. Ces ONG ont alors poussé la communauté à expulser un dirigeant appelé Sabino Romero et l’on ensuite utilisé comme porte-parole des indigènes, transformant la lutte de toute un communauté en lutte personnelle. Ces ONG disaient de Sabino Romero qu’il était le cacique des caciques, le plus combatif de tous. Mais, quand vous parlez avec les membres de la communauté, il vous disent que ce n’est pas vraiment comme cela. Lors d’une de leur assemblée, la communauté en est arrivé au point de déclaré cette ONG « persona non grata ».
Q/ Quelle est la situation de ce cacique aujourd’hui ?
R/ Une des conséquence du conflit fut l’affrontement entre deux communautés indigènes et leur leader Sabino Romero et un autre camarade. Il y a eu un échange de coup de feu entre les deux camps et 3 personnes ont perdu la vie. À la suite de ses assassinats , Sabino et Alexander Romero furent arrêtés. C’est alors que les ONG commencèrent à les qualifier de « prisonniers politiques ». Un procès est en cours. Il est important de souligner que ce sont les propres yupka qui ont décidé que Sabino Romero devait être jugé par la justice ordinaire. Sous la loi yukpa, l’assassinat d’un membre de la communauté est puni par la mort. Nous nous trouvons dans un processus de transformation pour ne plus en arriver à de telles extrêmes. C’est pourquoi la communauté décida, lors d’une assemblée qui fut même télévisée, qu’il fallait le livrer a la justice ordinaire. Ceci aida à la compréhension de la situation car tout le monde avait tendance à victimiser Sabino Romero. Aujourd’hui il est en liberté conditionnelle. La communauté dit qu’elle ne veut plus de Sabino, lui réplique qu’il pourrait y avoir des morts si on lui interdit de revenir. Ceci préoccupe le gouvernement car nous ne voulons pas d’affrontement entre yukpa.
Q/ L’État reconnait-il la justice indigène ?
R/ Oui. La constitution et la loi organique des peuples et communautés indigènes reconnaissent la justice traditionnelle. Mais il y reste des zones d’ombre. Les lois indigènes sont faites à travers l’assemblée communautaire. Certaine choses doivent être normalisées : la peine de mort n’existe pas au Venezuela et jamais nous ne l’appuierions. Chaque communauté a ses particularités et nous les étudions afin de garantir qu’aucune n’applique des peines qui violent les droits de l’homme.
Source : [Brasil de Fato – edição 428 — de 12 a 18 de maio de 2011]. ADITAL, http://www.adital.com.br/site/notic…
Traduction française : Yerko Ivan, URL de cet article :http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1576