Plusieurs enseignants nous ont alerté sur le contenu plus que tendancieux de l’épreuve d’espagnol du bac 2012. C’est un réquisitoire infâme contre Cuba qui présente une île où tout le monde meurt de faim, où règnent la censure et la répression.
Une amie enseignante membre de France Cuba a réagi en produisant un petit texte qu’elle nous à fait parvenir.
France Cuba s’associe pleinement à ce texte et envisage de s’adresser au ministre de l’éducation.
Je vous invite à le lire et à le diffuser largement autour de vous et notamment des enseignants.
Je joins également ES_S_Espagnol-LV1_2012.pdf”>le texte (pour les hispanisants) et les texte_bac_Cuba_consignes_de_correction‑2.pdf”>instructions une partie en français) concernant la correction de l’épreuve.
Dominique Leduc
Secrétaire de France Cuba
Paris, le 20 juin 2012
Depuis 10 ans que j’enseigne l’espagnol, je m’étonne de voir la place particulière qu’occupe Cuba dans nos manuels scolaires. L’île fait partie des rares pays à avoir longtemps bénéficié d’un chapitre entièrement dédié dans la plupart des manuels, tous éditeurs confondus.
Qu’un si petit pays bénéficie d’un traitement à part interroge. Les concepteurs sont-ils tous cubanophiles ? Connaisseurs de l’Amérique latine accordent-ils cette place particulière à Cuba pour son influence et l’importance que sa Révolution a pour les progressistes de ce beau continent ? Amateurs d’art et de littérature ressentent-ils le besoin de faire découvrir Nicolas Guillén, Alejo Carpentier ou Wilfredo Lam à nos élèves ?
Non. Cuba n’y est généralement présentée que comme une horrible dictature qui affame son peuple, imposant le rationnement. Les auteurs sont généralement des « journalistes » espagnols professionnels de la propagande anti-castriste ou Zoé Valdés dont la qualité littéraire et l’objectivité (voire la bonne fois) sont plus que discutables. Les uns comme les autres sont tellement obsédés par la condamnation de la révolution cubaine qu’ils en nient les acquis comme les évolutions.
En 10 ans d’enseignement, je m’étais habituée à cette propagande (c’est le mot) des éditeurs, éludant le sujet ou apportant mes propres documents permettant un autre regard sur Cuba.
Mais aujourd’hui à l’occasion d’une surveillance d’épreuve, j’ai découvert le sujet d’espagnol des candidats au baccalauréat des séries S et ES, le texte s’intitule : El muchacho de Camaguey, il évoque Cuba et l’auteur est espagnol (les littératures cubaine et latino- américaine doivent être trop pauvres !).
En quelques mots, l’auteur nous parle d’un cubain famélique qui se méfie des touristes suite à une mésaventure survenue quelques mois auparavant. Des policiers se faisant passer pour des touristes colombiens l’avaient piégé et arrêté pour avoir montré et parlé de sa faim et de son dénuement.
Il est touchant de voir que mes chers collègues s’émeuvent du manque de liberté à Cuba, ignorant la plupart du temps les assassinats et tortures politiques en Colombie ou les 50 journalistes « disparus » au Honduras (pour ne citer que ces 2 pays).
Ou peut‑être se sentent-ils proches du peuple cubain. Pourquoi alors ne pas parler des attentats dont l’île a été victime, du blocus imposé par les Etats Unis qui interdit l’accès à de nombreux médicaments et malgré lequel l’Etat garantit à tous un niveau de santé digne des pays riches.
Ils reprochent la censure et la propagande de l’Etat Cubain, mais que dire du harcèlement, du dénigrement systématique d’une révolution qu’un peuple souverain a voulu, a défendu et défend encore chaque jour !
Je croyais que les enseignants, et plus encore l’éducation nationale, devaient ouvrir les esprits de nos jeunes et non pas les manipuler, je me trompais.
N. L., Professeur certifié d’espagnol
Voir le texte original de l’épreuve : http://www.letudiant.fr/examen/baccalaureat/bac‑s/corriges-et- sujets-du-bac‑s/corrige-du-bac-s-le-sujet-de-lv1-espagnol.html
SUJET DE BAC OU PROPAGANDE ?
Le sujet d’espagnol LV1 pour les candidats au Baccalauréat S et ES 2011,
relève de la basse propagande et non de la pensée critique, du
questionnement et de l’analyse ouvertes, nécessaires…
Les impétrants doivent étudier un torchon tellement anti-cubain qu’il en
est ridicule pour qui connaît, mais qui bourrera le crâne, lobotomisera,
ceux qui doivent prétendument y “réfléchir”…Peut-on réfléchir sur un
tract du Front National ?
Les réalités cubaines sont si complexes, si évolutives, qu’elles peuvent
et doivent se prêter à approches plurielles, à confrontations fondées,
contextualisées…Bienvenus le doute, la critique, la démarche
rigoureuse, sourcée, bienvenue l’approche scientifique, en empathie ou
hostile… Mais pas le torchon.
Les candidats auraient pu réfléchir sur des auteurs cubains critiques
ou “révolutionnaires”, talentueux, dont il restera la qualité de
l’écriture et souvent du questionnement : Reynaldo Arenas, par exemple,
violent, mais grand écrivain, pamphlétaire , mais “con arte”, sans
parler du foisonnement passé et actuel de romanciers et poètes cubains
de qualité : les maîtres : Alejo Carpentier, Nicolas Guillen, Cabrera
Infante, Lezama Lima…et les générations d’aujourd’hui : Miguel Barnet,
Leonardo Padura ‚qui mériterait d’être “nobélisable” un jour, Anton
Arrufat, Nancy Morejon, Abilio Estévez, Ena Lucia Portela, Reinaldo
Montero, Julio Travieso, Alexis Diaz Pimienta…Aucun n’avait ni n’a le
doigt sur la coûture du pantalon…
Mais aller chercher un médiocre auteur espagnol, en visite touristique
dans l’enfer dictatorial cubain, où “Le muchacho de Camagüey” (titre du
texte), crèverait de faim et terminerait en prison, cela relève de la
crapulerie intellectuelle, de la guerre idéologique, du cliché
politicien usé, de la pensée unique…
Cuba n’est ni le “paradis socialiste”, ni le “goulag tropical”. Mais son
peuple, sa révolution, ses acquis, ses erreurs, ses manques, et son
histoire le luttes pour l’indépendance, la dignité, la souveraineté, la
justice sociale, méritent une vraie réflexion, pas du vomi, sassé et
ressassé par les plupart des médias-mensonges et malheureusement la
plupart des intellectuels et enseignants français, “aux ordres”,
parfois même sans s’en rendre compte.
Ce n’est pas à Cuba mais en France qu’un peuple a rejeté par référendum
un traité constitutionnel qu’on lui a finalement imposé. Ce n’est pas à
Cuba que la liberté médiatique relève de marchands d’armes, de canons,
d’avions de combat, de milliardaires du bâtiment et des travaux
publics… Ce n’est pas à Cuba que l’on chasse le Gitan, le sans-papiers,
l’immigré, que l’on brime le syndicaliste, l’universitaire trop
critique… C’est l’Espagne de l’auteur du torchon, Luisgé Martin, qui
possède le seul parc thématique fasciste au monde : le Valle de los
Caidos, où est enterré le dictateur Franco (domaine et mausolée
franquistes entretenus aux frais des contribuables).
L’auteur ou les auteurs du choix de ce sujet poubelle, devraient avoir
le courage de nous expliquer ce qui a motivé un choix si caricatural,
mensonger, dénigrant, si peu conforme à la réalité cubaine, si contraire
à notre esprit de la Renaissance, des Lumières, des philosophes, de la
Révolution française…, de notre “école laïque et républicaine”.
Oui au pluralisme, à l’approche critique, plurielle… non à
l’embrigadement , à la propagande “libérale” au sein du service public
d’Education Nationale.
Jean Ortiz
Universitaire
Cubaniste