Par Daniel Martinez C.
29 novembre 2011
“Je laisse aux syndicats/ du cuivre, du charbon et du salpêtre/ ma maison des flots à Isla Negra./ je veux qu’ici reposent les bafoués, les malmenés/ de ma patrie, pillée par les haches et les traîtres. / profanée dans son sang, écarlatée / consumée en guenille volcaniques…”
Pablo Neruda (Testament, Canto General, Mexico 1950)
L’île noire, qui n’est ni une île, ni noire.
L’île noire est bien plus que la maison de Neruda, c’est un patrimoine culturel mondial et un trésor matériel de la vie du Prix Nobel. Il contient aussi des souvenirs de sa mort et témoigne de l’affection et le respect de chiliens au bon cœur. Isla Negra est une ville de 1600 habitants, mais où des millions de visiteurs viennent à la maison de Pablo pour y respirer l’air qu’il respirait, parcourir ses lieux aimés et donner un regard respectueux sur la tombe où il repose auprès de sa femme, Matilda.
Le poète est mort une semaine après le coup d’État du 11 septembre 1973, à peine la nouvelle s’est répandue que le pillage de ses maisons ont commencé. Livres, objets et documents ont disparu ou détruits. Curieusement, malgré le couvre-feu, les objets de grand volume n’ont pas été volés.
La dictature et même Pinochet n’ont jamais caché sa haine du Prix Nobel de Littérature pour son militantisme communiste et son amitié profonde avec Salvador Allende. Les excès contre les maisons de Pablo Neruda, qui ont subit des tentatives d’incendie ou d’inondation de “la Chascona”, entre autres, n’ont jamais l’objet d’une enquête mais plutôt stimulés.
Le retour du poète
Avec le retour de la démocratie au Chili, on a progressivement réécrit l’histoire. Sur la clôture en bois entourant la propriété on peut y lire des messages de solidarité à Neruda, des insultes contre la dictature de Pinochet et même des phrases des couples d’amoureux qui y venaient se jurer fidélité en prenant le poète comme témoin. On a également appris que chaque 23 Septembre, malgré la surveillance policière, des fleurs apparaissaient en son honneur.
Certains objets sont réapparus dans les mains de la police et des militaires. (Il en manque encore beaucoup), mais le plus poignant, ce sont ces mains discrètes et subtiles venus déposer des colis à l’extérieur de la maison à Isla Negra “restituant” ainsi les biens qui avaient été sauvés pendant les années de dictature et que les voisins ou les pêcheurs ont cachés courant des risques, par conséquent, tout ne fut pas saccage une bonne partie fut aussi protection.
En 1997, l’État du Chili a déclaré une partie importante de Isla Negra comme Zone Typique, instrument juridique qui vous permet de protéger et de préserver les lieux pour leur valeur culturelle et le patrimoine historique. Cette norme définit la gestion de la zone pour qu’elle soit traitée comme telle. Jusqu’à aujourd’hui, cela a été strictement respectée comme une tâche de tous les voisins de la maison de Neruda.
Nouvelle tentative d’assassinat
Le 31 mai dernier, le ministre de la Cour d’appel de Santiago, Mario Carroza, accueillit une plainte déposée par le Parti communiste du Chili (PCCh) afin de clarifier les responsabilités de la mort du poète Pablo Neruda, depuis que le soupçon que le prix Nobel aurait pu avoir été tué.
Carroza convoqua le témoin Manuel Osorio Araya, assistant de Neruda, qui déclare qu’une mystérieuse injection a été placé au poète durant son hospitalisation à la clinique Santa Maria, quelques jours après le putsch de 1973. L’ancien ambassadeur du Mexique au Chili, Gonzalo Martinez Corbalá, a déclaré dans une interview au quotidien La Jornada (Mexique) que « la veille de sa mort, Neruda n’a pas été catatonique » comme c’est mentionné dans le rapport officiel.
En Octobre de la même année, une société immobilière avec un financement de la Banque Nova Skotia du Canada a acheté la belle forêt qui entoure les lieux avec des espèces apportées de différentes parties du monde. Plus de 50% de sa superficie se trouve dans la zone protégée et le développement menace de construire un campus avec plus de 300 appartements à seulement trois pâtés de maisons de la maison du poète.
Cette infraction est tellement évidente que les populations locales et diverses institutions ont formellement fait appel au Conseil des Monuments Nationaux du Chili, le CNM, (organisme public qui veille sur ces espaces), auprès de la municipalité et toutes les autorités compétentes et même des parlementaires, de sorte que soit traité, en urgence, la concrétisation de toutes les mesures pour empêcher toute violation des normes établies et de respect pour ce lieu de grande valeur culturelle et historique inestimable.
La société est en violation de la loi sur les Monuments Nationaux à partir du moment ou elle refuse de présenter son projet à la CNM, le seul organe légalement habilitée à approuver toute intervention dans une Zone Typique.
Presque au même moment ou les soupçons d’assassinat de Neruda se confirment alors qu’il était admis dans une clinique de Santiago, la très douteuse Fondation Neruda et le gouvernement de Piñera se rendent complices dans les tentatives d’effacement de l’héritage de Neruda. Ce que Pinochet n’a pas réussi est maintenant tenté par des entrepreneurs immoraux protégés par le gouvernement actuel.
Source de l’article : Las casas y las muertes de Neruda.
Traduit par Zin TV