Les sables radiologiques du désert

Par AIPRI

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blog de AIPRI

EN LIEN :

Asso­cia­tion Inter­na­tio­nale pour la Pro­tec­tion contre les Rayons Ioni­sants. L’AIPRI a pour but la divul­ga­tion scien­ti­fique dans le domaine de la phy­sique nucléaire et des dan­gers radio­lo­giques de la conta­mi­na­tion interne.

Du sable ramas­sé dans le mas­sif du Jura a été ana­ly­sé par un labo­ra­toire près de Rouen en Nor­man­die. On y retrouve des traces des essais nucléaires fran­çais au Saha­ra au début des années 60.

Les tem­pêtes de sable du désert d’Afrique du Nord remettent en sus­pen­sion la radio­ac­ti­vi­té des retom­bées des essais ato­miques que la France a com­mis dans le Hog­gar entre 1960 et 1961 et qui ont conta­mi­né toute la région. C’est un phé­no­mène récur­rent aus­si iné­luc­table que cer­ti­fié. La lit­té­ra­ture savante atteste même de la pré­sence de l’éternel plu­to­nium aux côtés de l’immanquable césium 137 dans les retom­bées en France et Europe de ces sables du désert qui ali­mentent la pla­nète en sels miné­raux main­te­nant radio­ac­tifs… Toute ana­lyse radio­lo­gique poin­tue de l’imposante tem­pête qui vient de teindre en jaune les neiges des Alpes ne sau­rait par voie de consé­quence qu’en renou­ve­ler la détec­tion. Comme ses pré­dé­ces­seurs, cette tor­nade ini­tiée au Niger a néces­sai­re­ment sou­le­vé un peu des dépôts radio­ac­tifs des 4 « explo­sions sol », les plus pol­luantes de toutes et vou­lues telles en les déto­nant « bas », accom­plies au moyen de dis­po­si­tifs de fis­sion bap­ti­sés Ger­boise bleue (69 kt), Ger­boise blanche (20 kt ou 1,6 kt), Ger­boise rouge (20 kt ou 1,6 kt) et Ger­boise verte (1 kt).

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Une explo­sion ato­mique dont la boule de feu touche terre aspire dans son panache autour de 5000 tonnes « de sol » par kt qu’elle emporte à plu­sieurs km d’altitude après en avoir fon­du autour de 180 à 200 tonnes et vapo­ri­sé de 1,5 à 25 tonnes. Une bombe du désert de 69 kt comme Ger­boise Bleue a du reste pro­ba­ble­ment convoyé autour de 345 mille tonnes de sable à quelque 10 km de haut en un peu plus de 3 minutes. Une fois par­ve­nue à son point culmi­nant, cette masse consi­dé­rable de pous­sières refroi­dies, désor­mais conta­mi­nées, com­mence à pré­ci­pi­ter à terre avec une par­tie de la radio­ac­ti­vi­té accu­mu­lée durant sa tur­bu­lente ascen­sion dans le dan­tesque chau­dron ato­mique à l’air libre. De très « pesantes » retom­bées locales et régio­nales oblongues s’en suivent durant 24 – 48 heures le long du tra­jet du nuage avant d’en venir bien plus tard et plus léger aux retom­bées mon­diales. Mais toute la radio­ac­ti­vi­té pro­duite par les bombes ne retombe néan­moins pas, même lors de ces énormes déver­se­ments à terre de par­ti­cules de plus ou moins grosse taille. En réa­li­té 80% de la très radio­toxique par­tie non consom­mée des charges à l’uranium ou au plu­to­nium reste indé­fi­ni­ment sus­pen­due. Ultra-frac­tion­née en par­ti­cules nano­mé­triques, elle ne sédi­mente pas. Plus de 40 tonnes de plu­to­nium 239 et le double au moins d’uranium 235 flottent du reste tou­jours dans l’atmosphère depuis la fin des sui­ci­daires essais ato­miques aériens. C’est ce que nous res­pi­rons chaque jour depuis. C’est ce qui si petit va des pou­mons au sang. C’est ce qui par dizaines de mil­liers voire bien plus se dépose par­tout dans l’organisme, par­fois dans cer­tains organes plus que dans d’autres. C’est ce qui, pos­sé­dant un puis­sant rayon­ne­ment Alpha capable de bles­ser gra­ve­ment l’Adn de quelques cel­lules dont celles repro­duc­tives, est en mesure d’enclencher un pro­ces­sus de dégé­né­res­cence géné­tique à niveau cel­lu­laire dont les effets ne com­pa­rai­tront à niveau macro­sco­pique que long­temps après et trop tard pour l’individu comme pour l’espèce.

NB : Ce qu’il reste de Ger­boise bleue (12,39 mille Curie sur les 69 mille mil­liards de Curie pro­duits à l’ex­plo­sion), bombe ato­mique  à 10% de ren­de­ment de fis­sion et bombe radio­lo­gique à dis­per­sion d’environ 35,6 kg de plu­to­nium 239 non consom­mé de la charge (2226 Curie équi­va­lant à 9,8 mil­liards de Sie­vert par inha­la­tion selon l’I­CRP). Aujourd’hui 61 ans après, le reli­quat nucléaire de cette bombe, phy­sique oblige, est 4 fois plus radio­ac­tif, 3221,8 fois plus radio­toxique par inha­la­tion, 21,9 fois plus radio­toxique par inges­tion que le Cs137 qu’il contient et qui émarge aujourd’­hui encore 3062 Curie avec un poten­tiel de 4,4 mil­lions de Sie­vert par inha­la­tion. Cher­chez le plu­to­nium.