La violence du typhon Haiyan a provoqué une catastrophe humanitaire sans précédent dans l’archipel des Philippines. Comme toujours, face à une catastrophe d’une telle ampleur, la priorité à court terme est aux secours d’urgence. Toutefois, il est également important de tirer les leçons de telles catastrophes « naturelles » pour répondre au mieux aux besoins des populations locales et pour en atténuer les causes et les conséquences à terme.
La première leçon est que, face à de telles catastrophes, si la solidarité internationale est essentielle, l’action des populations locales l’est encore davantage. En effet, alors que les images apocalyptiques défilent sur nos écrans, les populations philippines sont les premières à multiplier les actions locales de solidarité et à chercher à sauver des vies. Il est donc essentiel que les actions d’aide humanitaire et de réhabilitation s’appuient sur les acteurs locaux qui doivent représenter les principaux acteurs de la reconstruction des zones dévastées.
La deuxième leçon est que, bien que ce type de catastrophe et les victimes qui en découlent soient largement le fruit de la fatalité, il n’en reste pas moins que les différentes régions du monde ne sont pas égales face aux excès de la nature. En effet, si au cours des trois dernières décennies, les pays riches ont été frappés par un nombre de désastres naturels comparable à celui des pays les plus pauvres, les deux populations étant à peu près équivalentes, c’est douze fois plus de victimes qu’il a fallu déplorer dans les pays pauvres. Les pays pauvres n’ont ainsi pas les mêmes moyens que les pays riches pour adapter leur environnement aux catastrophes naturelles potentielles. Le développement économique et humain est donc le paramètre clé de l’impact des désastres dits naturels. Le président philippin, Noynoy Aquino, a ainsi reconnu que la région dévastée n’avait pas été bien préparée à l’arrivée du typhon, avant de décréter l’état de catastrophe nationale. Le développement et la réduction des inégalités sociales sont donc de puissants facteurs de protection à long terme des populations face aux dégâts provoqués par les catastrophes climatiques.
La troisième leçon est que ce type de catastrophe risque d’être plus fréquent à l’avenir. Bien que le lien entre ce type de phénomène et les changements climatiques soit toujours débattu parmi les climatologues et les scientifiques, ces derniers prévoient que la formation de cyclones sera à la fois moins fréquente, suite à l’évolution de la structure des températures dans l’atmosphère, et plus puissante, suite à l’augmentation de la température et à l’élévation du niveau des océans. Au final, on prévoit une augmentation des risques liés aux cyclones du fait de leur violence accrue, mais aussi de l’accroissement des populations à proximité des côtes.
La quatrième leçon est que, face à de telles inégalités Nord-Sud et aux risques croissants de catastrophes climatiques à l’avenir, il est de plus en plus urgent que les gouvernements s’accordent pour mettre concrètement en œuvre un « fonds vert » pour l’adaptation des pays pauvres aux changements climatiques. Le fait que le typhon Haiyan ait frappé les Philippines quelques heures avant le lancement des négociations mondiales sur le climat qui se tiennent à Varsovie sonne comme un rappel à l’ordre. En effet, les gouvernements se sont accordés lors des sommets précédents pour mettre en place d’ici 2020 un tel « fonds vert » alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars, mais n’ont toujours pas déterminé comment ils comptaient l’alimenter. Il est évidemment crucial que les moyens ainsi mobilisés soient additionnels aux moyens prévus pour les budgets de coopération au développement, sinon, comme le craignait l’an dernier le négociateur de l’Union africaine sur le climat, cela équivaudrait à demander aux pays pauvres de choisir entre le financement d’une digue et d’une école. Il est donc nécessaire de mobiliser des sources novatrices de financement du développement, comme par exemple une taxe mondiale sur les émissions de gaz à effet de serre.
En définitive, il est important de tirer les leçons nécessaires pour répondre et s’adapter au mieux aux catastrophes climatiques comme celle qui vient de frapper les Philippines. D’une part, il est crucial, dans le contexte d’élan de solidarité internationale qui caractérise ce type d’événement tragique, de placer les populations locales au cœur des actions d’aide humanitaire et de reconstruction, afin de s’assurer que les solutions d’urgence ne deviennent pas permanentes et que ces solutions reflètent les attentes et les besoins de ces populations. D’autre part, il est urgent de prendre la mesure des moyens nécessaires pour que les pays pauvres, tout particulièrement vulnérables envers les catastrophes dites naturelles, puissent s’adapter à ces catastrophes et à leurs conséquences, appelées à se multiplier à l’avenir. Le sommet mondial sur le climat, qui se tient actuellement à Varsovie, représente une opportunité d’apporter des réponses politiques concrètes à cet enjeu.
Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11, auteur de « Mondialisation : qui gagne et qui perd » (La Muette, 2013, 560 p.).
Source de l’article : CETRI