Le soir du 13 novembre 2024, Jordan Bardella, président du parti français d’extrême droite RN a été accueilli pour une séance de dédicace de son livre à la maison de Hongrie, située rue de la Loi. Les forces de l’ordre avaient pris position sur toute la largeur de la rue (autopompe, barbelés, etc.) afin de bloquer les manifestants qui arrivaient de plus en plus nombreux. La Coalition antifasciste de Belgique (CAB) et l’Action antifasciste Bruxelles (AFA Bxl) ont organisé un rassemblement pour dénoncer la venue de Bardella, symbole d’une normalisation de l’extrême droite. La mobilisation a été violemment réprimée par la police et l’équipe de tournage de ZIN TV n’a pas échappé aux agressions policières, l’empêchant de documenter ces exactions. Plusieurs plaintes au pénal ont été déposées.
Ce soir-là, 40 personnes ont été privées de liberté parce qu’elles avaient participé à une manifestation, parce qu’elles filmaient les actes de répression ou même tout simplement parce qu’elles n’étaient pas au bon endroit. Le média indépendant et collaboratif Bruxelles Devie qui — à l’instar de ZIN TV — documente l’actualité politique et les luttes sociales en Belgique a recueilli de nombreux témoignages qui révèlent des violences physiques, verbales et psychologiques : matraquages, étranglements, humiliations, coups de poing, insultes racistes, sexistes, homophobes et transphobes, menaces de mort, arrestations arbitraires. Le nombre de violences commises ce soir-là par les forces de l’ordre est vertigineux. Certaines victimes ont dû être hospitalisées pour des blessures graves.
Trois personnes ont décidé de porter plainte au pénal pour agressions policières, traitement inhumain et dégradant, vol avec violence et extorsion. Parmi elles, notre collègue Nina qui couvrait l’événement pour ZIN TV. Elle se trouvait près de l’entrée du parc Maelbeek, en marge des affrontements survenus à la fin de la manifestation. Elle parlait au téléphone avec son équipe de tournage pour récupérer du matériel lorsque des fourgons ont surgi, des policiers en sont sortis, se précipitant brutalement sur toutes les personnes sans distinction pour les arrêter.
Nina a été contrainte de déposer sa caméra sur le sol avant d’être attrapée par les cheveux, plaquée au sol sans ménagement, menottée avec des colsons et alignée avec les autres femmes interpelées. Un des policiers a saisi sa caméra pour tenter d’enlever la batterie et arracher l’autocollant ZIN TV présent à l’arrière de l’écran de visualisation. Les agents de police ont fini par s’emparer d carte d’enregistrement présente dans la caméra prétextant une « saisie administrative » afin d’identifier les personnes qui ont participé à la manifestation. Nina a été finalement relâchée une demi-heure plus tard après de nombreuses discussions entre les policiers. Les conséquences physiques et psychologiques lui ont valu jours d’interruption de travail.
Valentin a lui aussi déposé plainte. Il passait en trottinette à proximité du parc au moment des arrestations. Il a tenté de filmer l’intervention à distance avec son téléphone. Plusieurs policiers ont d’abord cherché à l’intimider, lui ordonnant d’arrêter de filmer et de dégager. Alors qu’il restait de l’autre côté du trottoir, n’entravant en rien l’action policière, un policier a traversé la rue parce qu’il continuait à filmer. Non content de le bousculer et de l’agresser verbalement, le policier l’a aspergé de spray irritant. A son tour, Valentin a été violemment plaqué au sol et immobilisé par d’autres policiers arrivés par derrière. Les agents lui ont confisqué son téléphone avant de lui attacher les mains avec un colson très serré. L’appareil ne lui a été restitué et il a retrouvé ses lunettes piétinées sur la chaussée, le lendemain, après avoir passé la nuit en cellule.
Il est de notre devoir en tant que média indépendant de dénoncer ces faits de violences et d’intimidation. Nous avons donc décidé avec ZIN TV de nous constituer partie civile par intervention aux côtés des plaignant·e·s. Il est particulièrement préoccupant de constater cherche à actions répressives. La liberté de filmer et de rendre compte des événements, notamment lors d’actions policières, est un droit fondamental qui avait déjà été rappelé lors du procès opposant une équipe de ZIN TV à des policiers pour des faits similaires datant de 2015 lors des actions menées contre les traités de libreéchange TTIP et CETA. Les deux policiers concernés ont été condamnés pour vol d’usage pour avoir saisi la caméra des reporters de ZIN TV. Le comité P avait par ailleurs rappelé dans cette affaire « qu’un policier ne peut pas supprimer lui-même ou imposer la suppression des images ou des vidéos à la personne les ayant réalisées ». Identifié, le policier avait fait l’objet d’un rappel à la norme.
Sur le terrain, nous observons, ces dernières années, une dérive inquiétante de la répression des mouvements sociaux. A l’heure où les cordons sanitaires sautent les uns après les autres, nous dénonçons fermement l’entrave à la liberté de manifester et d’informer. Journalistes, cinéastes, militant·e·s et tout·e·s citoyen·ne·s ont le droit d’observer, d’enregistrer et de dénoncer les abus de pouvoir et les violences de la police.
Bruxelles, le 22 janvier 2025
ZIN TV