Le combat pour la paix ne revête plus les habits d’autrefois. Souvent, il évoque les grandes manifestations pacifistes contre la guerre du Vietnam, ou le mouvement hippie. L’indignation face aux massacres commis dans des pays lointains, le refus de laisser des centaines de milliers de jeunes mourir pour des guerres dont on ne voit pas le sens.
Quelle guerre aujourd’hui ?
Aujourd’hui la guerre est différente. La guerre, au sens militaire, se mène maintenant avec peu d’hommes, mais beaucoup de moyens. Sa déclaration se fait avec peu de publicité, mais son déroulement de nombreuses victimes, exclusivement loin de ceux qui les décident. Dans des salons ministériels, on décrète désormais « l’intervention » dans tel ou tel pays. Pour y défendre la démocratie, les droits de l’homme ou, comble de l’oxymore, la paix.
Son opposition est réduite par ses instigateurs à de l’égoïsme. Obama est lâche de ne pas intervenir en Syrie, alors que le gouvernement belge est « solidaire » avec les Syriens dès lors qu’il décide d’y envoyer des avions de chasse.
Or, je reste convaincu que la construction de la paix, passe, en définitive, par le refus de la guerre. Ce raisonnement ne part pas, comme on l’en accuse souvent, d’une déconnexion de la réalité, d’une non-acceptation béate de la violence ou d’une naïveté infantile sur les raisons d’être des conflits de guerre.
Refuser la guerre, vouloir la paix
Le refus de la guerre part d’un constat simple, c’est que les guerres ne servent à rien. Ou plus précisément, elles ne réussissent pas à instaurer la paix et la fin de la violence. Je laisse à d’autres la tâche de démontrer quels intérêts, financiers ou géopolitiques, elles ont réussis à servir.
Que l’on regarde les interventions militaires en Libye, qui ont mené à la destruction du pays, à la guerre civile généralisée et au massacre de centaines de milliers de personnes ; que l’on interroge l’efficience des militaires de l’ONU en Afrique ; que l’on se remémore le bombardement de Sarajevo lors du démembrement sanglant de la Yougoslavie ; que l’on détaille l’anéantissement inouï de l’entièreté d’un pays et d’un peuple comme l’Irak ; un bilan se dessine : la guerre amène la guerre.
Elle amène la violence, le chaos, la loi du plus fort, le pillage barbare des ressources, la négation de tout droit et de toute sécurité. Elle échoue inéluctablement aux objectifs de construction de stabilité, de paix, de respect des droits ou de la sécurité des populations concernées.
Dans les pays non-Occidentaux on récolte des morts, du chaos et du sang. Par chez nous, on récolte coûts budgétaires faramineux, propagande nauséabonde et l’abolition de la vérité et du débat.
Où que l’on soit, comme le déclarait Rudyard Kipling « la première victime de la guerre, c’est la vérité ». Les discussions se nourrissent de chiffres faussés, de faits incorrects, de vues partielles et partiales.
Pacifisme et radicalité
Le terme « radical » est aujourd’hui sali, en particulier par les mouvements islamistes et leurs sbires. Que peut donc bien vouloir dire être « radicalement pacifiste » ? Être radical, c’est prendre les problèmes à la racine. Et quelles sont les racines de la guerre ?
Si les bandes armées, les meurtres et le sang en sont les embranchements et le feuillage, les racines de la guerre sont indiscutablement les production et vente d’armes, à qui peut se les offrir, la déstabilisation systématique des régimes étrangers, les manœuvres d’ingérence extérieure, de financement d’organisations locales, et l’état d’inégalité commerciale et géopolitique permanent dans lequel sont maintenus, joug sur la nuque, des milliards d’êtres humains.
En exemples concrets, ce sont entre autres les achats de diamants issus de la région des Grands Lacs, les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, le financement de groupes djihadistes à des fins géopolitiques en Syrie ou encore la désagrégation manu militari du régime libyen par des forces militaires occidentales.
Dans la jeunesse…et dans la rue ?
Le combat pour la paix a souvent été l’apanage de la jeunesse. Dans l’imaginaire collectif en ce qui concerne la guerre du Vietnam, comme dans l’histoire récente lors des manifestations de masse contre la guerre en Irak en 2003, aux USA et ailleurs.
Chez les jeunes, la guerre est rarement populaire, et c’est tant mieux. Mais est-t-on pour autant opposés à la guerre ? Favorables à la paix ? De nombreux jeunes ont par exemple l’impression d’avoir une position qui permet moins de violence et moins de morts lorsqu’ils se déclarent favorables à des interventions ci-et-là dans le monde. Si cet état de fait existe, c’est autant la faute des journalistes médiocres que des politiciens hypocrites.
Démasquer, et imposer
Pour se lever et atteindre cette aspiration de paix, grandiose mais indispensable, le pacifisme radical doit pénétrer la jeunesse dans toutes ses couches et toutes ses composantes, et ne pas se limiter aux cercles restreints de l’activisme traditionnel. La jeunesse peut dès aujourd’hui se lever.
Contre les bombardements en Syrie, vecteurs de guerre et de chaos. Contre l’achat d’avions de chasse par son gouvernement, en contexte d’austérité et de sous-financement systématisé de tout ce qui fait, en réalité, dès lors qu’on s’éloigne du discours patriotique pédant et agressif, la grandeur d’un pays : son éducation, ses soins de santé et son développement humain.
Si la jeunesse peut se lever contre ces atrocités et ces indignités, alors elle le doit. Mais c’est aussi le défi que la jeunesse, avec d’autres, doit relever aujourd’hui : démasquer les faiseurs de guerre, et imposer une réelle politique de paix.
Nicolas Pierre, étudiant en médecine à l’UCL
Photos : [collectif Kasnyi
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