Deux policiers renvoyés en correctionnelle

Par ZIN TV

La chambre du conseil de Bruxelles a déci­dé de ren­voyer en cor­rec­tion­nelle deux poli­ciers ayant sai­si la camé­ra d’une équipe de tour­nage de ZIN TV et effa­cé les don­nées des cartes mémoires, en octobre 2015, lors d’une mani­fes­ta­tion contre le TTIP à Bruxelles.

Il y a presque quatre ans, dans toute l’Eu­rope, des cen­taines de mil­liers de per­sonnes étaient des­cen­dues dans la rue pour pro­tes­ter contre l’aus­té­ri­té, contre la crise cli­ma­tique et l’é­va­sion fis­cale. Ce jour-là, le 15 octobre 2015, Bruxelles était au cœur de la résis­tance en Europe. Dès le 1er octobre, des mar­cheurs étaient par­tis de Grèce, d’Es­pagne, d’Ir­lande, de France, d’Al­le­magne (…). Ces marches étaient sou­te­nues par une large coa­li­tion euro­péenne et dénon­çaient les poli­tiques inhu­maines, anti­so­ciales et anti­dé­mo­cra­tiques des ins­ti­tu­tions euro­péennes. Toutes ont conver­gé vers Bruxelles et se sont don­nées ren­dez-vous sur la place Schu­mann pour encer­cler le Conseil Européen.

Ce jour-là, la Com­mis­sion euro­péenne avait comme objec­tif de faire rati­fier le CETA (trai­té de libre échange entre l’Eu­rope et le Cana­da) et de conclure les négo­cia­tions secrètes sur le TTIP (Trans­at­lan­tic Trade Invest­ment Part­ner­ship) avant la fin de l’année. Le mou­ve­ment contre le TTIP s’est joint aux actions pré­vues par de nom­breuses orga­ni­sa­tions belges et euro­péennes qui construisent des alternatives.

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15 octobre 2015 à Bruxelles

Le 15 octobre donc, par­mi les mani­fes­tants, il y avaient des agri­cul­teurs, des étu­diants, des syn­di­ca­listes et autres citoyens qui dénon­çaient les dan­gers de ce pro­jet trans­at­lan­tique, dan­gers car il pro­meut la concur­rence déloyale qui menace la pro­duc­tion locale, les soins de san­té… Ce jour-là, les slo­gans des mani­fes­tants dénon­çaient l’as­pect néfaste de ce pro­jet qui s’at­taque aus­si à l’environnement et au cli­mat. Si le CETA voyait le jour, il balaye­rait par exemple les res­tric­tions sur l’utilisation des pol­luants et favo­ri­se­rait la pro­duc­tion de masse à moindre coût, oubliant défi­ni­ti­ve­ment le bilan car­bone. Une menace aus­si pour le tra­vail, car la régle­men­ta­tion sociale du CETA favo­ri­se­rait la délo­ca­li­sa­tion de la pro­duc­tion et la pré­ca­ri­sa­tion de l’emploi. Dans ce pro­jet, notre démo­cra­tie est clai­re­ment mena­cée par la mise en place du méca­nisme de coopé­ra­tion régle­men­taire et des tri­bu­naux d’arbitrage inves­tis­seurs-États qui visent à réduire le pou­voir des par­le­ments élus démocratiquement.

Les camé­ras de ZIN TV étaient témoins de ces fortes mobi­li­sa­tions qui avaient pour but de sau­ve­gar­der nos démo­cra­ties contre un pro­jet néo­li­bé­ral qui s’im­po­sait, ce jour-là, à coups de matraques, de vio­lences poli­cières et d’ar­res­ta­tions arbitraires.

Tho­mas Michel et Maxime Lehoux fil­maient l’ar­res­ta­tion des mani­fes­tants et mal­gré avoir expli­qué aux agents de police qu’ils étaient repor­ters pour ZIN TV, ils se sont fait embar­quer, enfer­mer, puis relâ­cher (bien plus tard dans la soi­rée) dans le quar­tier de la Porte de Hal, à Bruxelles. Une fois libé­rés, ils filment les autres mani­fes­tants arrê­tés qui sortent du bus. C’est là, que leur camé­ra a été sai­sie par un des poli­ciers qui s’est iso­lé pour vision­ner les images dans le but de les effa­cer : il refor­mate la carte mémoire détrui­sant en quelques secondes une jour­née de travail.

En jan­vier 2017, après une plainte dépo­sée auprès du comi­té P, celui-ci avait réagi, affir­mant qu’un poli­cier ne peut pas sup­pri­mer ou impo­ser la sup­pres­sion d’i­mages à une per­sonne qui filme l’ac­tion poli­cière (jour­na­liste ou non) : “En ce qui concerne la sai­sie et la sup­pres­sion des images de la camé­ra, l’enquête a per­mis de rele­ver un dys­fonc­tion­ne­ment tant orga­ni­sa­tion­nel qu’individuel, qui a mené le chef de corps de la zone de police Bruxelles Capi­tale-Ixelles à dif­fu­ser à l’ensemble de son per­son­nel une ins­truc­tion géné­rale rela­tive à la ges­tion des per­sonnes pri­vées de liber­té. Y figure notam­ment une fiche pré­ci­sant qu’un poli­cier ne peut pas sup­pri­mer lui-même ou impo­ser la sup­pres­sion des images à la per­sonne les ayant réa­li­sées”, avait com­men­té le Comi­té P.

Le 14 novembre 2017 débute l’action en jus­tice de ZIN TV et ATTAC Bruxelles qui se joignent pour por­ter plainte contre la police fédé­rale et se consti­tuer par­tie civile devant un juge d’instruction. Les incul­pés étant néer­lan­do­phones, le par­quet a deman­dé que l’affaire soit jugée par la chambre du conseil néer­lan­do­phone. Le par­quet deman­dait un non lieu pour l’une des poli­ciers et un ren­voi en cor­rec­tion­nel pour son col­lègue avec pour motif de s’être intro­duit dans un sys­tème infor­ma­tique et avoir effa­cé les don­nées, en l’occurrence nos images.

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Arres­ta­tion d’une mani­fes­tante et de l’un des repor­ters de ZIN TV

La déci­sion a été ren­due ce ven­dre­di 22 février 2019 et les deux poli­ciers sont fina­le­ment ren­voyés en cor­rec­tion­nelle pour vol d’u­sage et pour avoir effa­cé illé­ga­le­ment des don­nées vidéo.

Dans un contexte où se bana­lise la vio­lence poli­cière, il est plus que néces­saire de rap­pe­ler qu’il n’existe aucune inter­dic­tion géné­rale de pho­to­gra­phier ou fil­mer les actions de la police. Hor­mis cer­tains cas excep­tion­nels et limi­tés, des citoyen·ne·s et jour­na­listes ont le droit de fil­mer ou pho­to­gra­phier les inter­ven­tions poli­cières, que ce soit pour infor­mer ou récol­ter des preuves du dérou­le­ment des événements.

Les forces de l’ordre doivent consi­dé­rer comme nor­male l’attention que des citoyen.ne.s ou des médias portent a leur mode d’action. Le fait d’être pho­to­gra­phiés ou fil­més durant une inter­ven­tions ne devrait consti­tuer en aucun cas une gêne pour des poli­ciers sou­cieux du res­pect des règles déontologiques.

Le col­lec­tif ZIN TV