Blocage du Sommet Européen + Texte suite aux arrestations qui se sont déroulées à la suite… Que penser de certains policiers ayant adressé un salut nazi dans la caserne ?
Communiqué de Presse : Blocage du Sommet Européen
Il y a une semaine, lors du récent sommet européen nous étions environ 2000 à lancer un mouvement de convergence de luttes à Bruxelles, pour combattre le TSCG et le traité Transatlantique Etats-Unis / Europe, pour mieux continuer à défendre et propager les alternatives à l’Europe de l’argent.
Voici le communiqué de l’Alliance D19-20 faisant suite aux mobilisations des 18,19 et 20 décembre, à la suite vous trouverez également un texte de Julien Artoisenet, chercheur doctorant en sociologie, qui partage ses impressions suite aux arrestations qui ont suivi la mobilisation.
En attendant l’assemblée de rentrée pour poursuivre la lutte, nous vous invitons à continuer à faire passer le message sur l’Alliance, à faire tourner l’appel à signer et les contenus/articles produits sur cette journée de mobilisation.
Site Web de l’Alliance mis à jour avec vidéos, photos, communiqués et nouvelles :
> www.d19-20.be
Playlist des vidéos en rapport avec l’Alliance D19-20 :
> https://www.youtube.com/watch?list=UU-2G-Eo5_ZrVOAiWJQTw9GA&v=HDyFYt1Yn0A
Toute l’actualité nationale et internationale sur l’Alliance D19-20 :
> http://www.rebelmouse.com/D1920
L’information vu par Indymedia Bruxelles :
https://bxl.indymedia.org/spip.php?page=theme&id_mot=56
L’Alliance D19-20 vous souhaite une bonne fin d’année 2013 et une année 2014 pleine de solidarité et de luttes
Solidairement
— L’Alliance D19-20
Plus de 2000 personnes se sont donné rendez-vous à cinq carrefours du quartier européen ce jeudi 19 décembre à l’initiative de l’Alliance D19-20, plateforme non partisane de citoyen-ne‑s, d’agriculteurs-rices, d’associations, de collectifs militants et de syndicats qui portent les deux revendications suivantes : l’abandon des mesures prônées dans le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance (TSCG) comme solution de sortie de crise et l’arrêt des négociations du traité de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis (TTIP)[[https://www.rebelmouse.com/ttip/]], menées à huis-clos et sans que les citoyen-ne‑s européen-ne‑s ne puissent se prononcer sur la question.
Des centaines d’articles, photos et vidéos sur cette journée de mobilisation circulent déjà sur internet et sont disponibles via le site web de l’alliance : www.d19-20.be.
Pourquoi cibler ces deux traités ?
L’UE a décidé de faire payer la crise à la population plutôt qu’aux banques qui l’ont causée. Elle a opté pour des politiques d’austérité en évitant les consultations populaires, les débats et en ignorant les protestations. Depuis lors le temps a montré la nocivité de ces mesures. Des chercheurs-euses, des citoyen-ne‑s et même le FMI[[« Aide à la Grèce, le FMI reconnait des ‘échecs notables’ », sur Le Monde.fr, 06 juin 2013.]] et l’OCDE[[« l’OCDE met en garde la zone euro contre l’austérité », dans Le Nouvel Observateur, 28 mars 2013.]] en pointent les limites et le caractère destructeur : contraction de l’activité économique, pertes massives d’emploi, paupérisation et précarisation de la population, etc. De plus, ces politiques rappellent les plans d’ajustement structurel, imposés par le FMI à la plupart des pays du « Sud » dès les années 1980. Les conséquences socio-économiques désastreuses de ces politiques ne sont plus à démontrer. Ratifier le TSCG revient à entériner les politiques d’austérité, en s’obligeant, sous peine de sanctions, à réduire le déficit budgétaire public à 0,5% du PIB, ce qu’aucun État-membre n’est en mesure d’accomplir dans la situation actuelle.
Le traité transatlantique, négocié en chambre et sans contrôle démocratique, représente lui aussi une menace pour les populations européennes, pour l’environnement et pour la démocratie. Ce traité favorisera les pratiques de dumping, portant préjudice à l’environnement, aux consommateurs et aux producteurs européens. Déjà en difficulté, ces derniers seront mis en concurrence avec les producteurs nord-américains, qui suivent des normes environnementales et sociales bien inférieures à leurs équivalentes européennes. De plus, un tel traité permettrait aux entreprises transnationales de traîner devant des tribunaux extra-judiciaires les Etats dont les réglementations (économique, sociale, environnementale, de régulation de la finance ou de santé publique) seraient jugées comme entravant le commerce ou empêchant la réalisation de « futurs profits espérés ». Les lobbyistes qui, eux, ont un accès privilégié aux négociations ont déjà exprimé leur espoir de voir ce traité faire disparaitre les limitations européennes à l’importation de produits comme les OGM ou les viandes gonflées aux hormones et nettoyées au chlore[[Wallach, Lori M., « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens », dans Le Monde Diplomatique, novembre 2013.]].
Déroulement des mobilisations [[CADTM, « Alliance D19-20, une étape réussie pour la convergence des luttes contre l’austérité en Belgique et en Europe », http://cadtm.org/Alliance-D19-20-une-etape-reussie]]
Avec un public d’environ 300 personnes, le meeting du 18 décembre fut un grand succès. Organisé en partenariat avec le réseau Alter Summit, il a compté sur la participation de Susan Georges du réseau ATTAC, mais aussi de sept Européen-ne‑s venu-e‑s témoigner de la situation sociale et politique de leurs pays et secteurs de travail respectifs. L’ambiance du meeting était dynamique et combative, laissant augurer de bonnes choses pour le lendemain, ainsi que pour des actions futures…
Et de fait, l’action du 19 fut un grand succès. L’Alliance a, comme prévu, bloqué à partir de 7h du matin cinq carrefours stratégiques grâce à des tracteurs et autres véhicules, mais surtout grâce à la présence de près de 2000 personnes pour l’ensemble de la mobilisation. Les nombreuses forces policières mobilisées ont réussi à nous interdire l’accès à plusieurs zones ; le Sommet n’a pas été bloqué en tant que tel. Cependant, les objectifs ont été atteints : rassembler différents secteurs de la population pour apprendre à travailler ensemble et organiser une action commune, poser une action d’ampleur plus radicale que ce à quoi nous avons participé ces dernières années et sensibiliser un public de plus en plus large sur des sujets peu connus et pas débattus, malgré leurs conséquences catastrophiques. L’énergie de la veille était bien présente aux différents piquets, ainsi que lorsque l’ensemble des manifestants a formé un cortège pour rejoindre le point de blocage le plus proche du Sommet, à côté du parc du Cinquantenaire.
Peu après, des policiers ont arrêté des activistes qui souhaitaient poursuivre pacifiquement le blocage et empêcher l’arrivée des dirigeants au Sommet. Les médias les ont désignés comme faisant partie de la « mouvance anarchiste ». Or, il s’agissait essentiellement de jeunes – membres d’organisations ou non – préoccupés par leur avenir. Par ailleurs, d’autres personnes ont également été arrêtées alors que certaines venaient voir ce qu’il se passait, manifester leur solidarité avec les arrêté-e‑s ou encore passaient par là, sachant qu’il était prévu et autorisé que la manifestation de disloque dans le parc du Cinquantenaire.
Les membres de l’Alliance D19-20 sont très préoccupés par la manière dont se sont déroulées ces arrestations. Des policiers en civil ne portant pas de signe distinctif permettant de les identifier ont arrêté – parfois de manière très violente – certains militants. Pour l’instant, la collecte des témoignages est en cours. Une des personnes arrêtées, Julien Ardoisenet, doctorant en sociologie, partage ses impressions sur ce qu’il a vécu et la façon dont le sujet a été traité par la presse (pièce jointe).
Et après…
Le 20 décembre, les parlements wallon et bruxellois ont ratifié à l’arrachée le TSCG. Des actions symboliques portées par l’Alliance D19-20 y ont également eu lieu. Deux membres de l’Alliance ont notamment pris la parole au parlement bruxellois, afin de confronter les parlementaires à la gravité de leur vote[[Une abstention au Parlement wallon. Dix votes contre à Bruxelles, dont une au PS (Sfia Bouarfa), deux à Ecolo (dont Jean-Claude Defossé) et quatre Spa.]].
Tous-tes les participants-es à ces actions ont affirmé leur volonté de marquer un premier pas dans la longue bataille qui s’annonce contre ces politiques européennes qui nuisent à la population. L’Alliance D19-20 a prouvé qu’une convergence des luttes est possible en Belgique et donne rendez-vous à toute personne souhaitant la rejoindre en 2014. En attendant, elle invite à continuer à signer l’appel et à s’informer sur son site web.
Texte rédigé par Julien Artoisenet, chercheur doctorant en sociologie, qui partage ses impressions suite aux arrestations qui ont suivi la mobilisation du 19 décembre dans le parc du Cinquantenaire
Parlons aussi des arrestations arbitraires : beaucoup de presses parlent
de « mouvance anarchiste ».
Pour une défense collective du D19-20 : nous sommes tous concernés.
Je suis chercheur doctorant en sociologie et je suis venu au blocage dans le cadre de ma recherche sur les organisations agricoles. J’ai terminé la journée comme citoyen de seconde zone. Plusieurs points méritent d’être soulevés :
Ces arrestations arbitraires sont le résultat d’un déni d’existence et de démocratie.
Un des buts de l’action D19-20 était de se faire entendre auprès des dirigeants. Aucun des trois sollicités (Di Rupo, De Gucht, Van Rompuy) n’a accepté de nous rencontrer. Ce déni d’existence et de démocratie explique la volonté de ceux qui auraient voulu bloquer pacifiquement les voitures de certains dirigeants qui arrivaient encore après 14h. Au lieu de recevoir les citoyens, c’est la police qui nous a finalement accueillis. Une partie des arrestations ont aussi été le résultat d’actes de solidarité de citoyens venus soutenir les premiers arrêtés.
Certaines presses se font l’écho de l’idéologie sécuritaire des forces de l’ordre
Il faut dénoncer les tentatives de stigmatisation qui sont faites par la police et reproduites par beaucoup de médias (La Libre, Le Soir, L’avenir, Rtl…) notamment en utilisant l’étiquette « mouvance anarchiste » qui fait peur à beaucoup de gens et qui a pour effet de nous disqualifier auprès de ces personnes, le terme d’ « anarchie » étant très souvent perçu comme synonyme de désordre et de danger plutôt que comme un ensemble d’idées politiques. Nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone et personne ne l’est. L’absence de débat public avec les dirigeants sur les deux traités remis en cause explique les actions menées. La voix qui a été portée ce jour-là mérite d’être entendue et pas d’être réprimée.
Pour répondre à cette stigmatisation, il faut absolument montrer la diversité des profils des personnes qui ont été arrêtées. Ca permet de grandir la cause et de la crédibiliser en montrant que tout le monde est concerné par cet événement.
Dénoncer des comportements liberticides
A côté de la presse stigmatisante, c’est la liberté de la presse indépendante qui est aussi en jeu ici. La volonté manifeste de ne pas laisser filmer cet événement arbitraire est anti-démocratique et liberticide. Un cameraman qui voulait nous filmer s’est vu empêcher de le faire par un fourgon qui s’est tout de suite interposé entre nous et la caméra. Les comportements de certains policiers doivent aussi nous inquiéter : que penser de celui qui nous a adressé un salut nazi dans la caserne ?
Ne pas se laisser impressionner et refuser la division parce que l’enjeu en vaut la peine
Si ce type d’arrestation crée sûrement plus de cohésion et de détermination chez les manifestants directement concernés, c’est aussi un signal clair envoyé au reste de la population : contentez-vous de ce qu’on vous donne sinon on vous privera de liberté. Cette volonté de dissuasion et de division doit être aussi dénoncée comme stratégie utilisée pour perpétuer la domination en cours.
D19-20 : Nous sommes tous concernés
Enfin, avec cet événement, l’alliance D19-20 est peut-être mise à l’épreuve d’elle-même. La volonté de convergence et de détermination annoncée au départ doit prendre le pas sur le potentiel de division qu’une telle situation peut engendrer. Nous sommes tous concernés : la démocratie ne peut être réalisée sans possibilité de manifester en dehors des autorisations légales lorsque les citoyens ne sont pas entendus et sont niés dans leurs préoccupations politiques.
L’alliance D19-20 se justifie d’autant plus que ces arrestations ont eu lieu : elles sont le symptôme d’un système politique aveugle et non adapté à la construction d’un espace public digne de ce nom. La police doit être un service public qui défend l’ordre démocratique et pas le joker d’une classe dirigeante incapable de justifier certaines de leurs positions.
Doit-on accepter que ces dirigeants élus ne nous rendent pas des comptes, aucun de ceux interpellés n’ayant accepté la demande du D19-20 ? Comment nous faire entendre dans un contexte où une certaine presse stigmatise, tout comme la police, des militants qui cherchent à s’adresser aux dirigeants ? Ce n’est pas l’affaire de quelques personnes appartenant à “la mouvance anarchiste” comme le prétendent certains, mais bien celle de tous ceux préoccupés par notre avenir.
Ces arrestations totalement illégitimes doivent être dénoncées collectivement par l’alliance D19-20. Une des toutes premières positions courageuses de l’alliance D19-20 était qu’on ne bougerait pas tant qu’on ne serait pas reçu. Il faut recréer de la solidarité autour de ce point. C’est la crédibilité et la détermination de l’alliance qui sont aussi en jeu.
Sur la presse concernée (La Libre, Le Soir, L’avenir, Rtl, la DH) :
Énormément d’articles de presse ont relayé la même information : les personnes concernées appartenaient toutes à “la mouvance anarchiste”. On a affaire à une entreprise de stigmatisation et de disqualification de certains qui ont voulu porter des idées politiques s’opposant à l’Europe néolibérale productrice d’austérité. D’après ces médias, les ‘gentils manifestants’ seraient ceux qui ont respecté la règle de la dislocation du cortège prévue à 14h, ceux qui ont voulu continuer pacifiquement l’action sont des méchants “anarchistes”. Cette étiquette est clairement utilisée comme stigmate, l’idéologie dominante ayant contribué à en faire un symbole de désordre et de danger. Aucune de ces presses n’étaient présentes sur place pendant ces arrestations et elles ont toutes prises pour argent comptant les dires de la police qui nous qualifiait d’anarchistes. Ces pratiques anti-journalistiques font de ces médias les porte-paroles des forces de l’ordre et de l’idéologie sécuritaire. Le nombre de presses concernées confirme à nouveau un manque de pluralisme plus qu’inquiétant. Ce déni de reconnaissance de citoyens en tant que tels, d’une part, et la lutte symbolique qui vise à dissuader quiconque voudrait porter des idées politiques en dehors du cadre imposé par les autorités pour pouvoir manifester, d’autre part, sont tous deux l’ennemi de la démocratie.
Quelques liens éloquents d’articles :
• http://www.lalibre.be/actu/international/sommet-europeen-dislocation-du-cortege-des-manifestants-52b2fe733570105ef7d80f66 (“activistes de la mouvance anarchiste”) ;
• http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20131220_00407250 (“activistes de la mouvance anarchiste”);
• http://www.dhnet.be/regions/bruxelles/sommet-europeen-79-arrestations-dans-la-mouvance-anarchiste-52b31d3d35701baedaa46865 (“arrestations dans la mouvance anarchiste”)
• http://www.lesoir.be/385144/article/actualite/fil-info/fil-info-belgique/2013 – 12-20/sommet-europeen-79-arrestations-administratives-et-3-arrestations (“activistes de la mouvance anarchiste”)
• http://www.rtl.be/info/monde/europe/1056506/sommet-europeen-79-arrestations-administratives-et-3-arrestations-judiciaires (“activistes de la mouvance anarchiste”)