Pourquoi ZINDEEQ (2009) ne sort-il en Belgique (et en France) que le 3 Octobre 2012 ? Khleifi : « J’ai dans le milieu la réputation d’être pro-palestinien. Et on me le fait chèrement payer. »
- Le journal Le soir : Datant de 2009, pourquoi ZINDEEQ ne sort-il en Belgique (et en France) que le 3 October 2012 (Belgium) ?
- Khleifi : « J’ai dans le milieu la réputation d’être pro-palestinien. Et on me le fait chèrement payer, depuis le film que j’ai réalisé en 2003 avec un cinéaste israélien (Eyan Sivan). »
Source : Le Soir
Route 181, le nom du documentaire qui fait alors controverse, est en avril 2004 violemment attaqué par Claude Lanzmann, le réalisateur de Shoah, qui demande qu’il soit retiré de la programmation du festival parisien Cinéma du réel, à Beaubourg. D’autres artistes, tels que Sollers, BHL ou Arnaud Desplechin, se rangent derrière la colère de Lanzmann, à laquelle Jean-Luc Godard, Todorov, Maspero ou Banks réagissent tout aussi virulemment, en signant une contre-pétition. (…) L’objet de la controverse ? Le documentaire revenait sur le plan de partage de la Palestine, décidé en 1947 par la résolution 181 de l’ONU, en s’appuyant sur des témoignages d’Israéliens et de Palestiniens. Sujet inlassablement sensible. (…) .
- Khleifi : « C’est bien simple : depuis, je suis sur liste noire. Les portes se sont fermées. Je ne trouve plus d’argent… même à Arte. Et même les distributeurs qui hier encore étaient amis me tournent le dos. »
Reste la CNC, petit distributeur indépendant installé à Schaerbeek, qui a eu le courage mais surtout l’intelligence de sortir Zindeeq : un film paradoxalement moins politique qu’existentiel, qui s’inscrit dans la tradition des films d’errance d’Antonioni, le maître du cinéma italien. Dans Zindeeq, Khleifi aborde une nouvelle fois la question des origines. Et revient sur l’héritage de 1948, au regard de la transformation de la société palestinienne d’aujourd’hui. (…)
Nota bene : il y a un excellent compte-rendu en anglais du film, qui avait été présenté au Festival de Chicago du Film palestinien en 2010, sur le site : The Electronic Intifada : Surreal Stuggle in Michel Khleifi’s Zindeeq, de Maureen Claire Murphy.
Zindeeq, de Michel Khleifi — Digne Palestine
Source : africiné
Le cinéma palestinien est bien vivant. Le mot juste serait : digne. Une nouvelle génération a repris le flambeau et crée un renouveau,une nouvelle vitalité, comme Nasri Hajjaj, Bissam Ali Jarbawi, Bilal Youssef, Muayad Alayam… Mais le cinéma palestinien s’enorgueillit toujours de pouvoir compter sur les anciens réalisateurs, les valeurs sûres comme Rachid Masharawi et Michel Khleifi.
Michel Khleifi est sans doute le plus célèbre. Il y a quelques années, le public enthousiaste de la Cinémathèque d’Alger découvrait Noces de Galilée, Mémoire Fertile, Le Cantique des pierres. Route 181, long documentaire de Michel Khleifi, reste cependant inédit en Algérie. Tout comme Zindeeq, son dernier long métrage fiction, grand prix du festival de Dubai 2009.
Zindeeq est une très belle surprise. C’est un regard juste et fort sur la terrifiante situation actuelle de la Palestine. Un récit singulier où l’on voit le grand acteur Mohamed Bakri dans le rôle d’un cinéaste palestinien vivant en Europe et de retour en Palestine, à Ramallah et Nazareth, dans le but de filmer les témoins de la Nakba de 1948, le grand exode des Palestiniens chassés de leur pays.
Mais le récit, dont le style frôle le documentaire, témoigne en fait de la situation actuelle. M (le cinéaste) croise des gens, regarde autour de lui mais ne reconnaît plus rien. C’est la nuit, une longue aventure l’emporte dans ce qui était son pays et où il se sent maintenant perdu.
Michel Khleifi parle de l’exil, du déracinement, de ceux qui sont partis et de ceux qui sont restés. De l’affrontement des clans, des rivalités entre le Fatah et le Hamas. Se sentant étranger dans la terre qui l’a vu naître, M est doublement malheureux. Malheureux d’être parti en Europe, d’avoir quitté la Palestine. Et malheureux d’être revenu sans pouvoir retrouver ses souvenirs de la Palestine qu’il a laissée. Il retrouve sa maison dans un état de délabrement lamentable. Sa soeur le conjure de repartir parce qu’il y a une vendetta dans la famille.
L’insoutenable question de ce film magnifique : pourquoi on est parti de Palestine ? Et il y a quelque chose de très beau, d’impressionnant dans la manière dont Michel Khleifi tente d’éclaircir un sujet bien sombre. Il filme toute une nuit Nazareth, une ville déserte, fantôme, au milieu d’un monde en guerre.
Zindeeq impose un climat de peur, d’insécurité. L’insoutenable, l’intolérable occupation sioniste est tout autour, omniprésente. À l’image du comportement grossier des veilleurs de nuit dans le hôtels israéliens de Nazareth qui refusent d’accueillir M épuisé et de plus en plus étranger dans le monde qui l’entoure.
Mohamed Bakri exprime bien cet effet de malaise, de rejet dont il est constamment l’objet. Et la rigoureuse sobriété du travail de mise en scène de Michel Khleifi fait de Zindeeq, ce film désespéré, une oeuvre difficilement oubliable.
Azzedine Mabrouki
Autres critiques :
Le Grand Soir : Zindeeq, de Michel Khleifi, ou : L’Etranger.
Le Monde : “Zindeeq” : un film mêlant politique et exaltation poétique
Critikat : Taxi Driver en Galilée — Zindeeq