Si vous avez la chance d’être inscrit chez Actiris comme demandeur d’emploi, vous avez sans doute reçu le mail reproduit ci-dessous :
Actiris, aidé par la RTBF et une boite privée, se lance dans la télé-réalité et fait un casting de candidats chômeurs qui cherchent désespérément un emploi.
On peut se demander à quel titre Actiris et la RTBF se lancent dans une telle entreprise. Ou dans quelle mesure cela relève du service public.
Bien entendu, nous ne saurons jamais qui a été à l’initiative de cette brillante idée. Tout ce que l’on peut dire, en lisant le mail envoyé, c’est que le concept, foireux d’avance, risque de donner un résultat affligeant.
Surtout quand on lit :
“Il faut parfois employer tous les moyens pour intéresser un chef d’entreprise et trouver le travail de ses rêves”.
Quels moyens exactement ils ont en tête, et comment cela pourra se traduire à la sauce téléréalité est un exercice laissé au lecteur. Nabila chez Caterpillar ? Mario chez Mital ? Jean-Pascal à la maison communale ?
Ou encore :
“Nous recherchons donc avant tout des personnalités : hommes et femmes, de tout âge, dans tous les secteurs d’activité. Ce qui est primordial, c’est la motivation et l’ambition.”
Ah, effectivement, hommes et femmes, de tout âge et de tout secteur est une excellente définition de la personnalité. De toute façon, ce qui compte surtout, c’est la motivation et l’ambition. C’est à dire avoir les dents bien longues et bien aiguisées pour se défendre dans l’arène de la recherche d’emploi.
Et enfin : “Cette nouvelle émission s’intéressera au destin de deux candidats”. Ou comment avouer à demi-mots que la recherche d’emploi est dorénavant une affaire de chance, de destin, de hasard en somme.
Quel message fait-on passer avec ce genre de projet ? Il y en a plein, et il n’y en a aucun qui me plait :
- Actiris sort complètement de ses missions en devenant partenaire d’un projet télévisuel qui crée de la confusion en mélangeant réalité et fiction. Passe encore quand il s’agit de faire du karaoké ou de glander dans un loft, mais quand l’enjeu c’est de faire jouer la comédie de la recherche d’emploi dans un contexte complètement bouché, la pilule ne passe pas.
- Une boite privée arrive à convaincre un service public de jouer avec la précarité des gens dans un climat de recherche d’emploi plus que tendu.
- Ce même service public semble trouver tout à fait normal d’utiliser sa base de donnée pour faire un mailing qui propose un casting pour participer à une émission télé.
- Le produit est tellement sous traité que ni la rtbf, ni actiris ne vont se salir les mains à faire le casting, ce sont les employés de la boite privée qui vont s’en charger, ils ont l’habitude.
- Et enfin, la rengaine habituelle mais néanmoins consternante : la rtbf n’est plus capable (depuis longtemps) de produire elle même des émissions de qualité. Elle sous-traite, avec comme résultat probable des sous-produits.
Alors que le climat est de plus en plus difficile pour les chercheurs d’emploi, qu’Actiris va reprendre les missions de contrôle de l’onem, cette décision de lancer une émission de téléréalité est particulièrement de mauvais goût.
Philippe Jardin
Source http://www.philippejadin.be/node/4171