Andalousie : l’occupation de la finca « Las Turquillas »

EN LIEN :

Mardi 24 juillet 2012 les ouvriers agricoles, menés par leur syndicat SOC-SAT (1), occupent la finca «Las Turquillas» au cœur de l'Andalousie à quelques kilomètres seulement de Marinaleda dans la région de Sevilla.

Mar­di 24 juillet 2012 les ouvriers agri­coles, menés par leur syn­di­cat SOC-SAT (1), occupent la fin­ca « Las Tur­quillas » au cœur de l’An­da­lou­sie à quelques kilo­mètres seule­ment de Mari­na­le­da dans la région de Sevil­la. Par cette occu­pa­tion, les ouvriers ne cherchent pas à pos­sé­der cette ferme de 1200 hec­tares, pro­prié­té du minis­tère de la défense, mais seule­ment à la trans­for­mer en coopé­ra­tive agri­cole per­met­tant à des familles entières de vivre du fruit de leur travail.

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Les mili­taires n’u­ti­lisent que 20 hec­tares seule­ment de la fin­ca pour la repro­duc­tion des che­vaux ; le reste des terres est en friche. Dans la Comar­ca, le can­ton où se situe la ferme, le chô­mage atteint 40 % de la popu­la­tion active ! La situa­tion n’est guère meilleure dans les autres can­tons de l’An­da­lou­sie et dans toute l’Es­pagne. Face à cette ter­rible crise éco­no­mique qui ravage tout le corps social espa­gnol, les jour­na­liers agri­coles anda­lous agissent et renouent avec les occu­pa­tions des terres. Juste après la mort de Fran­co, les occu­pa­tions des domaines appar­te­nant à des familles aris­to­cra­tiques espa­gnoles se sont mul­ti­pliées. L’exemple le plus célèbre et le plus réus­si reste celui de Mari­na­le­da (2). C’est cet exemple que les occu­pants de la fin­ca « las Tur­quillas » veulent suivre. Car il ne s’a­git pas seule­ment d’oc­cu­per des terres, mais de construire un pro­jet col­lec­tif viable de créa­tions d’emplois et de jus­tice sociale grâce aux coopé­ra­tives ouvrières. L’oc­cu­pa­tion de « las Tur­quillas » s’ins­crit donc dans la durée.

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Mais cette action et ce pro­jet col­lec­tif ne dépendent pas seule­ment de la volon­té des jour­na­liers agri­coles et de leur syn­di­cat, ils dépendent éga­le­ment du rap­port de force enga­gé avec le gou­ver­ne­ment et les mili­taires pro­prié­taires de la fin­ca. Les hommes et les femmes qui occupent en per­ma­nence la ferme sont déter­mi­nés à tra­vailler, à irri­guer et à faire fleu­rir cette fin­ca anda­louse. Ils sont sou­te­nus par la plu­part des habi­tants des com­munes alen­tours dont les maires (de Mari­na­le­da, de Pedre­ra, de Lan­te­jue­la notam­ment) sont sou­vent pré­sents à las « Tur­quillas ». Mari­na­le­da par exemple mobi­lise toute la popu­la­tion de la com­mune et met à la dis­po­si­tion de l’en­semble des mili­tants et sym­pa­thi­sants des bus pour aller sou­te­nir leurs cama­rades en lutte. Cette com­mune est prête éga­le­ment à mettre à la dis­po­si­tion des occu­pants de la fin­ca « Las Tur­quillas » son savoir-faire tech­nique et agro­no­mique, comme elle le fait déjà avec la fin­ca Somon­té à Pal­ma de Rio occu­pée elle aus­si par les tra­vailleurs agri­coles du SAT depuis le 4 mars 2012. Les poi­vrons de Somonte par exemple seront trans­for­més dans les coopé­ra­tives indus­trielles de Mari­na­le­da. L’in­gé­nieur agro­nome de la com­mune met ses connais­sances scien­ti­fiques à la dis­po­si­tion des ouvriers agri­coles qui occupent la fin­ca Somonte.

La réus­site de l’oc­cu­pa­tion de cette ferme donne beau­coup d’es­poir aux occu­pants de « Las Tur­quillas ». La déter­mi­na­tion , le sou­tien popu­laire et l’aide pré­cieuse de la com­mune de Mari­na­le­da sont des armes effi­caces dont se servent les ouvriers et les ouvrières qui occupent la fin­ca « Las Tur­quillas » contre le gou­ver­ne­ment qui, pour l’ins­tant, ne songe pas à uti­li­ser la force envers les occu­pants. Quoi qu’il en soit, les jour­na­liers agri­coles n’ont pas d’autres choix que d’oc­cu­per cette ferme s’ils ne veulent pas subir les souf­frances et la misère du chô­mage. Et si jamais on décide de les expul­ser, ils revien­dront autant de fois que néces­saire jus­qu’à ce que le gou­ver­ne­ment cède cette terre aux tra­vailleurs : « si nos expul­san, vol­ve­re­mos y lo hare­mos has­ta que el gobier­no ceda esas tier­ras a los tra­ba­ja­dores » (3).

Si le pou­voir poli­tique ne sait que pro­duire des chô­meurs par mil­lions, les ouvriers agri­coles, eux, savent créer des emplois qui font vivre des familles entières en occu­pant et en tra­vaillant la terre sou­vent lais­sée en friche ou dédiée comme ici à « Las Tur­quillas » à l’é­le­vage et à la repro­duc­tion des che­vaux. Fabri­ca­tion du chô­mage et des chô­meurs d’un côté, créa­tion d’emplois de l’autre !

Les poli­tiques éco­no­miques pour­sui­vies par les gou­ver­ne­ments espa­gnols suc­ces­sifs et la crise du capi­ta­lisme ont pro­duit la situa­tion désas­treuse que connaît l’Es­pagne aujourd’­hui. Mais elles ont pro­duit en même temps des hommes et des femmes qui se battent pour vivre digne­ment du fruit de leur tra­vail et non de la spé­cu­la­tion ou de l’ex­ploi­ta­tion du tra­vail d’au­trui. C’est le cas des jour­na­liers agri­coles anda­lous qui mènent un com­bat admi­rable pour que la terre serve celles et ceux qui la tra­vaillent. Ils ne cherchent nul­le­ment à pos­sé­der la terre (au sens de pro­prié­té pri­vée), mais seule­ment son uti­li­sa­tion : « No que­re­mos la pro­pie­dad de la tier­ra, que­re­mos su uso » disait Die­go Caña­me­ro porte-parole natio­nal du SAT le jour de l’oc­cu­pa­tion de « Las Tur­quillas » (4).

El Humo­so de Mari­na­le­da hier, Somonte et « Las Tur­quillas » aujourd’­hui sont des exemples de com­bats d’ou­vriers et d’ou­vrières sans terre contre les injus­tices de classes et pour que la terre appar­tienne à celles et à ceux qui la tra­vaillent. D’autres fermes seront peut-être occu­pées demain dans cette Anda­lou­sie rava­gée par le chô­mage de masse. Le SOC-SAT a déjà lan­cé un appel à tous les tra­vailleurs sans terre les encou­ra­geant et les inci­tant à mener des actions d’oc­cu­pa­tion des terres dans toute l’An­da­lou­sie. Seuls le tra­vail et la sueur des hommes et des femmes sont capables de faire fleu­rir cette terre anda­louse et redon­ner à des mil­liers de tra­vailleurs espoir et digni­té. Et comme l’é­cri­vait le grand poète espa­gnol Miguel Hernández :

« Dites, anda­lous de Jaen,

qui a fait naître l’olivier ?

O anda­lous de Jaen

Ce ne fut pas le néant

Ni l’argent, ni le Seigneur,

Mais la terre silencieuse,

Le tra­vail et la sueur ».

Moha­med Belaali
http://www.belaali.com/

(1) Sin­di­ca­to de Obre­ros del Cam­po-Sin­di­ca­to Anda­luz de Trabajadores

(2) http://www.belaali.com/article-un-village-andalou-55816840.html

(3) http://www.sindicatoandaluz.org/?q=node/1004

(4) http://www.sindicatoandaluz.org/?q=node/1004