Arcelor-Mittal : Apocalypse du capitalisme wallon selon saint Marx

Foi de bruxelloise, j’ai toujours eu un boentje journalistique pour la sidérurgie. _ Par Linda Mondry.

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Foi de bruxel­loise, j’ai tou­jours eu un boentje jour­na­lis­tique pour la sidé­rur­gie. A mes débuts dans la presse tra­di, c’est tout bête­ment le pre­mier sujet dont j’ai eu à trai­ter. Comme je ne m’intéressais ni trop aux syn­di­cats ni trop aux divi­dendes, ma rédac’chef m’avait envoyée à la ren­contre des gens. Et ça tom­bait bien : à cette époque de la faillite des Forges de Cla­becq, y’en avait car­ré­ment des dizaines de mil­liers à l’occasion de la marche mul­ti­co­lore. Les uns espé­raient le main­tien de l’activité tan­dis les autres se rési­gnaient à sa dis­pa­ri­tion mais, quoiqu’il en soit, la Bel­gique entière sem­blait concer­née par le sort de cette indus­trie his­to­rique. J’étais ensuite retour­née dans ce monde lorsque les vies de deux ouvriers avaient été souf­flées par une explo­sion à l’aciérie de Cher­tal. Là, dans un café, j’y avais ren­con­tré un de leurs col­lègues noyant son cha­grin dans sa bière. C’est lui, entre autres, qui avait décou­vert leurs corps inani­més par­mi les décombres. Alors aujourd’hui, à l’heure où un plan Renault est négo­cié dans le bas­sin sidé­rur­gique lié­geois, j’ai eu envie de revoir ces haut-four­neaux qui ne se ral­lu­me­ront pas. J’ai pris un ticket de train pour Pont de Seraing. Jemeppe, Scles­sin, Ougrée… J’avais envie de prendre une Jup’ avec les Rouches. De retour­ner, à pieds, jusqu’aux Guillemins.

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Faut dire… Z’en avaient fou­tu un de ces bor­dels, à l’époque, le Rober­to d’Orazio et ses troupes rebelles ! Toute la nation en avait car­ré­ment été secouée. Pas un seul jour ne pas­sait sans que les ouvriers, et leurs familles, n’engagent des actions de pro­tes­ta­tion mais aus­si de soli­da­ri­té. Y’avait fran­che­ment matière à voir et scri­bouiller, à Cla­becq. Car­ré­ment 50 milles belges, tous milieux sociaux et même lin­guis­tiques confon­dus, étaient des­cen­dus dans les rues de la petite ville indus­trielle bra­ban­çonne pour dire « Non, déjà, au pou­voir de l’argent. » Lors des assem­blées géné­rales, les enfants se trou­vaient exhi­bés à titre de bou­clier social tan­dis que le curé local n’hésitait pas à tem­pé­rer les harangues révo­lu­tion­naires par ses prêches enga­gés. Les immenses han­gars grouillaient de confrères et consoeurs, sou­vent sin­cè­re­ment tou­chés par l’angoisse des sidé­rur­gistes, et il suf­fi­sait de poin­ter le bout de son bic pour se faire invi­ter dans les cafés par une famille métal­lo, sommes toutes, ras­sé­ré­née par ce sou­tien appa­rent. Les bières s’échangeaient autant que les tour­nées et, fran­che­ment, ce n’était pas pour lais­ser retom­ber la mousse : il n’y a pas que les flics qui se sou­viennent de leurs véhi­cules retour­nés sur l’autoroute, ni Alain Zen­ner de la dérouillée infli­gée par le très bouillant, expres­sion média­tique désor­mais consa­crée, lea­der syndical.


236 mil­lions d’euros en droits d’émission carbone

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Le com­bat avait pour­tant moyen­ne­ment por­té ses fruits, le haut-four­neau parais­sait sau­vé et 824 emplois sur un total de 1800 furent pré­ser­vés, en 1998, par l’offre de reprise du groupe Dufer­co. Pour­tant, le pou­cet ita­lo-suisse ne sem­blait guère peser lourd face à l’acquisition de l’industrie sidé­rur­gique lié­geoise, en 2002, par le groupe Arce­lor. L’OPA réus­sie, en 2006, par Laksh­mi-Mit­tal sur le conglo­mé­rat fran­co-luxem­bou­geois per­met­tait, en outre, de pré­ser­ver une phase à chaud jusqu’alors mena­cée. Le gou­ver­ne­ment wal­lon allant jusqu’à se fendre de 236 mil­lions d’euros en droits d’émission car­bone afin de satis­faire aux exi­gences du magnat indien. Les condi­tions de tra­vail n’allèrent pour­tant guère en s’améliorant et, de flexi­bi­li­té en contrat pré­ca­ri­sés, les acci­dent se mul­ti­plièrent jusqu’à me faire débar­quer, pour une pre­mière fois, dans les rues de Seraing. Comme d’hab, la foule des micros et des camé­ras à l’entrée du site m’a un peu dépi­tée, je ne voyais guère ce qu’apporter à la meute, alors je me suis plu­tôt per­due en bord de Meuse. A m’époustoufler de la plus com­plète imbri­ca­tion de la ville dans la struc­ture indus­trielle. Bien sûr, ce n’est pas très dif­fé­rent d’une ville comme Char­le­roi mais ça reste tou­jours éton­nant de contem­pler des mamans cir­cu­ler, avec leurs pous­settes, entre des façades noir­cies et des tuyaux gigan­tesques. Y’avait même un comp­teur ember­li­fi­co­té de toiles d’araignées affi­chant, près d’une vieille porte désaf­fec­tée, le nombre sinistre des vic­times ouvrières.

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L’histoire était bien simple, à force de sous-trai­tance, de tou­jours plus nom­breux inté­ri­maires oeu­vraient sur les lieux tan­dis que le per­son­nel expé­ri­men­té se fai­sait de plus en plus rare. Une mau­vaise étin­celle au mau­vais endroit et… Voi­là. Sous les regards déso­lés de la patronne, mon homme oscil­lait entre révolte et culpa­bi­li­té de n’avoir pas su les pro­té­ger. Hor­mis les infos à la télé, le vieux café demeu­rait sur­tout silen­cieux. Qui aurait pu croire les pro­messes de péren­ni­té du site alors que les usines se concur­rencent tou­jours davan­tage entre elles au sein d’un même groupe ? Que la direc­tion allume et éteint les hauts four­neaux à la guise des caprices finan­ciers ? Que les sacri­fices deman­dés en matière de flexi­bi­li­té et, donc, de sécu­ri­té se révèlent tou­jours plus nom­breux ? Et que les mesures d’assainissements pro­mises aux rive­rains tardent tou­jours davan­tage ? Fina­le­ment aujourd’hui, les haut-four­neaux lié­geois, à l’arrêt depuis plus d’un an, n’ont pas davan­tage résis­té à la crise que ceux de Flo­range, condam­né en France, ou celui de Cla­becq qui vient de s’effondrer sous nos yeux. On connait la musique : la concur­rence bré­si­lienne ou chi­noise, le coût du trans­port des matières pre­mières à l’intérieur des terres, les avan­tages indé­niables des sites mari­times… Et quel serait l’intérêt éco­no­mique d’un Etat à s’opposer à cette logique impla­cable, terme éga­le­ment consa­cré, des mar­chés ? A moins d’un miracle, ces vieux tas de rouilles deve­nus inutiles dis­pa­raî­tront de notre paysage.


Tout, ici, ne semble conçu qu’au pro­fit de l’industrie

Rrrrrrrrou.jpg « Quand on a pas­sé le lieu appe­lé la Petite-Fle­malle, la chose devient inex­pri­mable et vrai­ment magni­fique. Toute la val­lée semble trouée de cra­tères en érup­tion. Quelques-uns dégorgent der­rière les taillis des tour­billons de vapeur écar­late étoi­lée d’étincelles, d’autres des­sinent lugu­bre­ment sur un fond rouge la noire sil­houette des vil­lages, écri­vait Vic­tor Hugo, dès 1843, face à la vision noc­turne du sillon indus­triel liégeois. 

Ce spec­tacle de guerre est don­né par la paix, cette copie effroyable de la dévas­ta­tion est faite par l’industrie. Vous avez tout sim­ple­ment là sous les yeux les hauts four­neaux de M. Cocke­rill. » J’dois dire que j’étais à nou­veau impres­sion­née, en des­cen­dant du train la semaine der­nière, de me sou­ve­nir à quel point tout, ici, ne semble conçu qu’au pro­fit de l’industrie. Les rares com­merces et les écoles s’immiscent entre les friches tan­dis que les corons ser­pentent entre les struc­tures métal­liques. Les pié­tons, quant à eux, sont relé­gués sur quelques trot­toirs inégaux ou, misé­ra­ble­ment, cendrés.
Place aux trans­ports ! Che­mins de fers et voies navi­gables, bien sûr, mais aus­si auto­routes. J’ai donc eu un mal fou à me repé­rer dans cette val­lée encais­sée. Où seul un gigan­tesque mur de béton, endi­guant la Meuse, m’a per­mis de rejoindre pru­dem­ment les ruelles seré­siennes par un che­min de halage plu­tôt heu… Désaffecté.

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Je n’ai, par contre, éprou­vé aucune dif­fi­cul­té à me faire inter­pel­ler alors que je ten­tais de repé­rer le haut-four­neaux entre les toits. Je n’avais guère remar­qué ces deux simi­lis clo­dos qui siro­taient non pas des Jup’ mais quelques Cara pils, sur le seuil de leur domi­cile. Ils y orga­ni­saient un concours de beau­té, à mon pas­sage dans leur quar­tier plus que miteux, auquel j’étais conviée en tant que pré­si­dente du jury. Je me suis donc accou­dée sur leur petite bar­rière pour jau­ger leurs sil­houettes, tout en les ques­tion­nant pour juger de leurs ori­gi­na­li­tés intel­lec­tuelles. Ca ne parais­sait pas par­ti­cu­liè­re­ment aisé de vivre ici : leur gîte ne pos­sé­dait aucu­ne­ment les dimen­sions d’un palais mais ils n’en abri­tait, pour­tant, pas moins de quinze per­sonnes. Les allu­sions à peine voi­lées fusent au pas­sage, haus­sant les épaules, d’une de leur colo­ca­taire de galère. Les 300 euros men­suels de loyer, par tête de pipe, ont beau repré­sen­ter un tarif, sinon social, avan­ta­geux pour tous, leur coexis­tence n’en demeure pas moins ardue : « Tout le monde, même le pro­prio, est soit camé soit alcoo­lique sinon les deux. » J’suis res­tée son­geuse en contem­plant la petite école pri­maire, juste en face. Tout comme en consta­tant la dis­pro­por­tion entre la pau­vre­té des offres d’embauches, au ser­vice de l’emploi local, et le nombre incal­cu­lable d’établissements sco­laires envi­ron­nants. Faut dire, en gra­vi­tant entre les cours de récrés, j’avais été assez émue de décou­vrir que les locaux d’un des lycées avaient été uti­li­sés par la résis­tance, lors du der­nier conflit mon­dial, pour édi­ter pas moins de seize jour­naux clan­des­tins grâce aux com­pé­tences tech­niques de la popu­la­tion. En tant que jour­na­liste res­ca­pée des camps mass­mé­dia­tiques, ça ne pou­vait que m’épater.


Les por­tions en boite, comme dans les camps de réfu­giés extra-européens

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Les presses écrites et télé­vi­suelles locales, en cette période élec­to­rale, n’hésitent pas non plus à lever le coude pour célé­brer la recon­ver­sion éco­no­mique de la ville. Les scri­bouillards viennent même de péné­trer, images oppor­tu­né­ment à l’appui, dans la future cité admi­nis­tra­tive éri­gée sur la place Kuborn. Pas moins de 220 employés com­mu­naux devraient, très bien­tôt, ré-insuf­fler une dyna­mique posi­tive à ce petit centre urbain. Un Quick, flam­bant neuf, et une sta­tion Q8 trônent en bonnes places pour atti­rer le cha­land. Au même titre qu’un bâti­ment, très prin­ci­pau­tai­re­ment his­to­rique, recon­ver­ti en salle de jeux de hasards. La réno­va­tion de l’espace public per­met­tra sans aucun doute aux com­merces, actuel­le­ment qua­si-déser­tés, de retrou­ver un second souffle. Ce cafe­tier, chez qui je me suis atta­blée, semble bien­heu­reux de l’espérer, même s’il ne se fait guère d’illusion sur le sort de ses conci­toyens : « Si j’étais une femme comme vous, avec la drogue et les bagarres, j’hésiterais à m’aventurer dans l’arrière-quartier après 22h. » Ce der­nier, ayant émi­gré durant quelques années à l’étranger, occu­pait une place pri­vi­lé­giée pour obser­ver, à son retour, la rapi­di­té de la déli­ques­cence éco­no­mique de sa ville natale. Quand je lui glisse le taux de chô­mage offi­ciel de 25%, il hausse les épaules. 40%, plu­tôt ? Il lève encore les yeux au ciel. Ce n’est pas pour rien que ses confrères com­mer­çants se sont mobi­li­sés, pour pal­lier à la défi­cience des ser­vices sociaux, en dis­tri­buant une aide ali­men­taire aux habi­tants néces­si­teux. Pro­ve­nant, en droite ligne, de stocks de l’Union euro­péenne ayant ten­dance, selon lui, à se tarir… Siss­si, les por­tions en boite, tout comme dans les camps de réfu­giés extra-européens.

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Y’aurait au moins deux types d’affaires qui marchent dans le coin, pour le moment. Pri­mo : ouvrir un snack à dürums. Avec la crise, comme par­tout, le cours de la mitraillette semble bien plus avan­ta­geux que celui du plat du jour, tan­dis que l’ancienne immi­gra­tion ita­lienne cède chaque jour davan­tage la place à des pri­mo-arri­vants pakis­ta­nais et sub-saha­riens. Y’a pas de bou­lot, bien sûr, mais des loyers sans doute bien plus acces­sibles qu’au coeur la cité ardente. Y’aurait tou­jours moyen de trou­ver du taf, deuxio, grâce aux sys­tème des tickets-ser­vices. Le Forem local regorge même de ce type de pro­po­si­tion d’emploi à l’intention, éga­li­té des sexes oblige, des « aide-ména­gers. » Contrats à l’essai avec, peut-être à la clé, l’octroi d’un Cdi. En me diri­geant vers Scles­sin, je croise l’une de ces employées, panier à linge sous le bras, qui me le confirme sou­rire aux lèvres : « Oui, ça marche super bien ici. » Alors que, les cou­lées à peine refroi­dies, les poli­ti­ciens locaux polé­miquent sur l’opportunité de réha­bi­li­ter le haut-four­neau seré­sien en pôle tou­ris­tique, c’est assu­ré­ment le foot qui attire le plus de visi­teurs et génère le plus impor­tant chiffre d’affaire dans la région. La moder­ni­té du stade du Stan­dard, et la pro­pre­té de ses par­kings, tranche réso­lu­ment avec la sale­té de la cathé­drale d’acier d’Ougrée, juste de l’autre côté du fleuve, et la vétus­té de ses corons. Un pont et quelques voies rapides plus loin, je déniche un petit café où devaient s’engouffrer les métal­los dès la sor­tie de l’usine. Grillant une cibiche sous un échan­geur auto­rou­tier, j’y observe quelques mines pati­bu­laires… Assez sur­prises de m’y voir com­man­der une bière. Un jeune gars impro­vise, fis­sa, la mise en perce d’un fût en écla­bous­sant abon­dam­ment un bar style heu… Ikea. Je me rafraî­chis le gosier, sous l’oeil gla­cial de patrons, sici­lien et alba­nais, ins­tal­lés sur des sièges heu… pliables. Z’auraient repris ce com­merce lors de la déser­tion des ouvriers et heu… Y vivraient de la clien­tèle de non-pas­sage, vu le prix de non-bien­ve­nue de la pils à heu… 2,50 euros.


Tu passes en bagnole mais tu emmé­nages par­tout, sauf ici

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Il existe de ces cafés si fami­liaux qu’on a l’impression immé­diate, en y péné­trant, que la baisse de leur chiffre d’affaire doit se res­sen­tir au décès du moindre de leurs clients. Je l’avais, d’abord, cru fer­mé mais un fumeur sur le pas de la porte m’avait détrom­pée. Seuls le bar, le bin­go et le jack­pot semblent, tout natu­rel­le­ment, se dépous­sié­rer par la pré­sence des habi­tués. On y négo­cie des cou­teaux suisses à manche en plas­tique pour la modique somme de 15 euros, « on trouve les mêmes moins chers au Makro, » tout en s’étonnant de voir René s’y mettre au coca dès cette heure si peu cré­pus­cu­laire. 1,50 euros la choppe, c’est vrai, y’a pas de quoi chi­ca­ner, même si ce tarif ami­cal ne suf­fit pas à renou­ve­ler la clien­tèle. Cela coûte, une fois de plus, bien moins cher de vider une canette à la rue et les clients s’en sou­viennent una­ni­me­ment : « Ca fait, au moins, un bail qu’on a salué le der­nier métal­lo. Quand t’as la chance d’avoir un job et un salaire, tu passes en bagnole mais tu vas emmé­na­ger par­tout, à Liège ou ailleurs, sauf par ici. » Quand je leur demande com­ment Ougrée vit la dis­pa­ri­tion de la phase à chaud, on me ren­voie la balle : « Com­ment être encore sen­sibles aux der­niers coups de mas­sue ? » Tan­dis que René, cédant au chan­tage, veut bien l’admettre… S’il boit de la limo­nade, c’est parce qu’il est déjà mort bourré.

« Le jeune homme pre­nait son balu­chon et sor­tait, grand et droit. Il ne refu­sait pas, il ne vou­lait pas déso­bli­ger qui vous offre un verre, et il payait lui aus­si sa tour­née. Mais pas plus : il avait sa route à faire. Il pas­sait le pont, vers Jemeppe. L’air vif frap­pait son visage. Et ses idées s’éveillaient, l’escortaient en foule. C’était en 1846, quand Antoine, fils d’ouvrier qui se révé­la pro­phète et gué­ris­seur reve­nait du tra­vail : Dans la nuit, l’ouvrier ren­trait, le cer­veau han­té de ces étin­celles qui l’accompagnaient tout au long de la route. Les étoiles du ciel se met­taient elles aus­si à dan­ser, si bien qu’elles se mêlaient dans sa tête aux étoiles de la forge. Elles le sui­vaient jusqu’à la petite mai­son des hau­teurs, elles entraient avec lui dans son som­meil. » Thé­rèse ne sem­blait rien gagner à secouer, depuis des heures, son ban­dit man­chot. Peut-être les gains exces­sifs aux jeux, dans les buis-buis, sont-ils inter­dits par la loi ? J’ai vidé mon verre et, moi aus­si, je suis ren­trée alors qu’il était temps de reprendre mon train. A l’heure bisé­cu­laire de la fer­me­ture des hauts-four­neaux, j’ai clai­re­ment res­sen­ti cette vie s’éteindre tan­dis que s’éloignaient, dans mon dos, les lueurs du vieux café. Je me suis per­due, un peu, dans la nuit tom­bante… Jusqu’à ce qu’un afri­cain, sapé comme un prince, m’indique le che­min de la gare. Pour­tant, mal­gré sa galan­te­rie, j’ai pris peur. Peur que les graf­fi­tis que vous pou­vez voir, juste ici à droite de ce para­graphe, ne soient bien réels. Je les avais pour­tant pris en pho­to, dès mon arri­vée, juste der­rière le coin de la rue : à dix mètres de mes deux clo­dos et juste devant les fenêtres de la petite école primaire.

Texte et pho­tos : Lin­da Mon­dry (Musique du géné­rique : Jacques Duvall)

Sources : Coming Out