Derrière l’attaque contre la Libye : les stratégies de la guerre économique

Un de leurs objectifs est de couler les organismes financiers de l’Union africaine, dont la naissance a été rendue possible en grande partie par les investissements libyens...

Image_4-23.pngLIBYE : DERRIÈRE L’ATTAQUE DE L’OTAN CONTRE LA LIBYE : LES STRATÉGIES DE LA GUERRE ÉCONOMIQUE

Un de leurs objec­tifs est de cou­ler les orga­nismes finan­ciers de l’Union afri­caine, dont la nais­sance a été ren­due pos­sible en grande par­tie par les inves­tis­se­ments libyens : la Banque afri­caine d’investissement, avec siège à Tri­po­li ; la Banque cen­trale afri­caine, siège à Abu­ja (Nige­ria) ; le Fond moné­taire afri­cain, siège à Yaoun­dé (Came­roun).

Man­lio Dinuc­ci (Il Manifesto)

L’agression occi­den­tale contre la Libye n’a pas eu pour but de s’emparer du pétrole local que des com­pa­gnies occi­den­tales avaient déjà été auto­ri­sées à exploi­ter depuis la nor­ma­li­sa­tion des rela­tions diplo­ma­tiques. Il ne s’agit donc pas d’une guerre de res­sources. Par contre, relate Man­lio Dinuc­ci, cette guerre, la recon­nais­sance pré­ci­pi­tée par la France du Conseil natio­nal de tran­si­tion (10 mars) et le som­met de Londres (30 mars), ont per­mis aux mul­ti­na­tio­nales occi­den­tales de modi­fier les termes de leurs contrats et de ne plus payer que des droits d’exploitation sym­bo­liques. De ce point de vue, il s’agit donc d’une guerre colo­niale classique.

L’OTAN a concen­tré ses inter­ven­tions de “sup­port aérien” aux rebelles armés autour
de la raf­fi­ne­rie de Ras-Lanouf, qui concentre les 2/3 des capa­ci­tés de raf­fi­nage du pays.

L’invasion de la Libye, contrai­re­ment à ce qui se dit, a déjà com­men­cé. Les uni­tés d’assaut qui, opé­rant depuis long­temps sur le ter­ri­toire libyen, ont pré­pa­ré la guerre sont en train de l’effectuer : ce sont les puis­santes com­pa­gnies pétro­lières et les banques d’investissement éta­su­niennes et européennes.

Quels sont les inté­rêts en jeu ? Ceci émerge d’un article du Wall Street Jour­nal, le répu­té quo­ti­dien d’affaires et de finance [1]. Après l‘abolition des sanc­tions en 2003, les com­pa­gnies pétro­lières occi­den­tales ont afflué en Libye avec de grandes attentes, mais ont été déçues. Le gou­ver­ne­ment libyen, sur la base d’un sys­tème connu sous le nom d’Epsa‑4, concé­dait les licences d’exploitation aux com­pa­gnies étran­gères qui lais­saient à la com­pa­gnie éta­tique (Natio­nal Oil Cor­po­ra­tion of Libya, NOC) le pour­cen­tage le plus éle­vé du pétrole extrait : étant don­née la forte com­pé­ti­tion, ce pour­cen­tage arri­vait à envi­ron 90 %. “Les contrats Epsa‑4 étaient ceux qui, à l’échelle mon­diale, conte­naient les termes les plus durs pour les com­pa­gnies pétro­lières”, dit Bob Fryk­lund, aupa­ra­vant pré­sident de la socié­té éta­su­nienne Cono­co Phil­lips en Libye.

En 2005-06, après la nor­ma­li­sa­tion des rela­tions de la Libye avec l’Occident, la NOC a réa­li­sé trois appels d’offres inter­na­tio­naux pour l’exploration et l’exploitation de ses réserves pétro­lières, les plus impor­tantes d’Afrique. Cepen­dant, les contrats pas­sés avec les mul­ti­na­tio­nales étran­gères ont pris la forme de joint-ven­ture par­ti­cu­liè­re­ment favo­rables à la nation libyenne. C’est pour “libé­ra­li­ser” ce sys­tème que le Conseil natio­nal de tran­si­tion a créé la LOC et que les “volon­taires” lui ont recon­nu le droit d’exporter le pétrole libyen, lors du som­met de Londres, le 29 mars 2011. La ges­tion de la LOC a été confiée au Qatar qui, en échange, a mis Al-Jazee­ra à dis­po­si­tion des “volon­taires” pour désta­bi­li­ser la Syrie.

Les rai­sons appa­raissent ain­si clai­re­ment —par une opé­ra­tion déci­dée non pas à Ben­gha­zi mais à Washing­ton, Londres et Paris— de la créa­tion par le Conseil natio­nal de tran­si­tion de la “Libyan Oil Com­pa­ny” : une coquille vide, sem­blable à une des socié­tés clé en mains, prêtes pour les inves­tis­seurs dans les para­dis fis­caux [2]. Elle est des­ti­née à se sub­sti­tuer à la NOC, quand les “volon­taires” auront pris le contrôle des zones pétro­li­fères. Sa mis­sion sera de concé­der des licences à des condi­tions extrê­me­ment favo­rables pour les com­pa­gnies éta­su­niennes, bri­tan­niques et fran­çaises. Seraient par contre péna­li­sées les com­pa­gnies qui, avant la guerre, étaient les prin­ci­pales pro­duc­trices de pétrole en Libye : avant tout l’italienne ENI qui a payé en 2007 un mil­liard de dol­lars pour s’assurer les conces­sions jusqu’en 2042, et l’allemande Win­ter­shall qui venait au deuxième rang. Plus péna­li­sées encore seraient les com­pa­gnies russes et chi­noises, à qui Kadha­fi a pro­mis le 14 mars (2011) de don­ner les conces­sions pétro­lières reti­rées aux com­pa­gnies euro­péennes et éta­su­niennes. Les plans des « volon­taires » pré­voient aus­si la pri­va­ti­sa­tion de la com­pa­gnie d’État, qui serait impo­sée par le Fond Moné­taire Inter­na­tio­nal en échange d’ « aides » pour la recons­truc­tion des indus­tries et infra­struc­tures détruites par les bom­bar­de­ments des “volon­taires” mêmes.

Il appa­raît aus­si clai­re­ment pour­quoi a été créée, en même temps, à Ben­ga­zi, la “Cen­tral Bank of Libya”, autre coquille vide mais avec une mis­sion future impor­tante : celle de gérer for­mel­le­ment les fonds sou­ve­rains libyens —plus de 150 mil­liards de dol­lars que l’État libyen avait inves­ti à l’étranger— quand ils seront “dége­lés” par les États-Unis et par les plus grandes puis­sances euro­péennes. Qui les gère­ra effec­ti­ve­ment est démon­tré par le colosse ban­caire bri­tan­nique HSBC, prin­ci­pal “gar­dien” des inves­tis­se­ments libyens “conge­lés” au Royaume Uni (envi­ron 25 mil­liards d’euros) : une équipe de hauts cadres d’HSBC est déjà au tra­vail à Ben­ga­zi pour lan­cer la nou­velle “Cen­tral Bank of Libya” [3]. Il sera facile pour HSBC et d’autres grandes banques d’investissement d’orienter les inves­tis­se­ments libyens en fonc­tion de leurs stratégies.

Un de leurs objec­tifs est de cou­ler les orga­nismes finan­ciers de l’Union afri­caine, dont la nais­sance a été ren­due pos­sible en grande par­tie par les inves­tis­se­ments libyens : la Banque afri­caine d’investissement, avec siège à Tri­po­li ; la Banque cen­trale afri­caine, siège à Abu­ja (Nige­ria) ; le Fond moné­taire afri­cain, siège à Yaoun­dé (Came­roun). Ce der­nier, avec un capi­tal pro­gram­mé à plus de 40 mil­liards de dol­lars, pour­rait sup­plan­ter en Afrique le Fond moné­taire inter­na­tio­nal, qui a jusqu’à pré­sent domi­né les éco­no­mies afri­caines en ouvrant la voie aux mul­ti­na­tio­nales et aux banques d’investissement éta­su­niennes et euro­péennes. En atta­quant la Libye, les “volon­taires” essaient de cou­ler les orga­nismes qui pour­raient un jour rendre pos­sible l’autonomie finan­cière de l’Afrique.

Auteur : Man­lio Dinuc­ci — vol­tai­re­net Tra­duc­tion : Marie-Ange Patrizio

Notes :

[1] “For West’s Oil Firms, No Love Lost in Libya “, par Guy Cha­zan, The Wall Street Jour­nal, 15 avril 2011.
[2] “Le par­tage de la Libye a com­men­cé à Londres”, Réseau Vol­taire, 30 mars 2011.
[3] “La rapine du siècle : l’assaut des volon­taires sur les fonds sou­ve­rains libyens”, par Man­lio Dinuc­ci, Réseau Vol­taire, 22 avril 2011. ENGLISH, ITALIANO

Article publié le 2 mai 2011 : “Der­rière l’attaque contre la Libye : les stra­té­gies de la guerre éco­no­mique” Ori­gi­nal : Il Mani­fes­to (Ita­lie) Source : http://www.ilmanifesto.it/archivi/fuoripagina/anno/2011/mese/05/articolo/4553/


Image_5-15.png25 avril 2011

LIBYE : KADHAFI LIBÈRE L’AFRIQUE DE SES CHAÎNES

[Une autre] des vraies rai­sons de la guerre en Libye

Jean-Paul Pou­ga­la est un écri­vain d’origine came­rou­naise, direc­teur de l’Institut d’Etudes Géos­tra­té­giques et pro­fes­seur de socio­lo­gie à l’Université de la Diplo­ma­tie de Genève en Suisse

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1‑Premier satel­lite Afri­cain RASCOM 1

C’est la Libye de Kadha­fi qui offre à toute l’Afrique sa pre­mière vraie révo­lu­tion des temps modernes : assu­rer la cou­ver­ture uni­ver­selle du conti­nent pour la télé­pho­nie, la télé­vi­sion, la radio­dif­fu­sion et de mul­tiples autres appli­ca­tions telles que la télé­mé­de­cine et l’enseignement à dis­tance ; pour la pre­mière fois, une connexion à bas coût devient dis­po­nible sur tout le conti­nent, jusque dans les zones rurales grâce au sys­tème par pont radio WMAX.

L’histoire démarre en 1992 lorsque 45 pays afri­cains créent la socié­té RASCOM pour dis­po­ser d’un satel­lite afri­cain et faire chu­ter les coûts de com­mu­ni­ca­tion sur le conti­nent. Télé­pho­ner de et vers l’Afrique est alors le tarif le plus cher au monde, parce qu’il y avait un impôt de 500 mil­lions de dol­lars que l’Europe encais­sait par an sur les conver­sa­tions télé­pho­niques même à l’intérieur du même pays afri­cain, pour le tran­sit des voix sur les satel­lites euro­péens comme Intel­sat. Un satel­lite afri­cain coû­tait juste 400 mil­lions de dol­lars payable une seule fois et ne plus payer les 500 mil­lions de loca­tion par an. Quel ban­quier ne finan­ce­rait pas un tel pro­jet ? Mais l’équation la plus dif­fi­cile à résoudre était : com­ment l’esclave peut-il s’affranchir de l’exploitation ser­vile de son maître en sol­li­ci­tant l’aide de ce der­nier pour y par­ve­nir ? Ain­si, la Banque Mon­diale , le FMI, les USA, l’Union Euro­péenne ont fait miroi­ter inuti­le­ment ces pays pen­dant 14 ans.

C’est en 2006 que Kadha­fi met fin au sup­plice de l’inutile men­di­ci­té aux pré­ten­dus bien­fai­teurs occi­den­taux pra­ti­quant des prêts à un taux usu­raire ; le guide Libyen a ain­si mis sur la table 300 mil­lions de dol­lars, La Banque Afri­caine de Déve­lop­pe­ment a mis 50 mil­lions, la Banque Ouest Afri­caine de Déve­lop­pe­ment, 27 mil­lions et c’est ain­si que l’Afrique a depuis le 26 décembre 2007 le tout pre­mier satel­lite de com­mu­ni­ca­tion de son his­toire. Dans la fou­lée, la Chine et la Rus­sie s’y sont mises, cette fois en cédant leur tech­no­lo­gie et ont per­mis le lan­ce­ment de nou­veaux satel­lites, Sud-Afri­cain, Nigé­rian, Ango­lais, Algé­rien et même un deuxième satel­lite afri­cain est lan­cé en juillet 2010. Et on attend pour 2020, le tout pre­mier satel­lite tech­no­lo­gi­que­ment 100% afri­cain et construit sur le sol afri­cain, notam­ment en Algé­rie. Ce satel­lite est pré­vu pour concur­ren­cer les meilleurs du monde, mais à un coût 10 fois infé­rieur, un vrai défi.

Voi­là com­ment un simple geste sym­bo­lique de 300 petits mil­lions peut chan­ger la vie de tout un conti­nent. La Libye de Kadha­fi a fait perdre à l’Occident, pas seule­ment 500 mil­lions de dol­lars par an mais les mil­liards de dol­lars de dettes et d’intérêts que cette même dette per­met­tait de géné­rer à l’infini et de façon expo­nen­tielle, contri­buant ain­si à entre­te­nir le sys­tème occulte pour dépouiller l’Afrique.

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2. Fond Moné­taire Afri­cain, Banque Cen­trale Afri­caine, Banque Afri­caine des Investissements

Les 30 mil­liards de dol­lars sai­sis par M. Oba­ma appar­tiennent à la Banque Cen­trale Libyenne et pré­vu pour la contri­bu­tion libyenne à la fina­li­sa­tion de la fédé­ra­tion afri­caine à tra­vers 3 pro­jets phare :

* la Banque Afri­caine d’Investissement à Syrte en Libye,
* la créa­tion dès ce 2011 du Fond Moné­taire Afri­cain avec un capi­tal de 42 mil­liards de dol­lars avec Yaoun­dé pour siège,
* la Banque Cen­trale Afri­caine avec le siège à Abu­ja au Nige­ria dont la pre­mière émis­sion de la mon­naie afri­caine signe­ra la fin du Franc CFA grâce auquel Paris a la main mise sur cer­tains pays afri­cains depuis 50 ans.

On com­prend dès lors et encore une fois la rage de Paris contre Kadha­fi. Le Fond Moné­taire Afri­cain doit rem­pla­cer en tout et pour tout les acti­vi­tés sur le sol afri­cain du Fond Moné­taire Inter­na­tio­nal qui avec seule­ment 25 mil­liards de dol­lars de capi­tal a pu mettre à genoux tout un conti­nent avec des pri­va­ti­sa­tions dis­cu­tables, comme le fait d’obliger les pays afri­cains à pas­ser d’un mono­pole publique vers un mono­pole pri­vé. Ce sont les mêmes pays occi­den­taux qui ont frap­pés à la porte pour être eux aus­si membres du Fond Moné­taire afri­cain et c’est à l’unanimité que le 16 – 17 décembre 2010 à Yaoun­dé les Afri­cains ont repous­sé cette convoi­tise, ins­ti­tuant que seuls les pays afri­cains seront membres de ce FMA.

Il est donc évident qu’après la Libye la coa­li­tion occi­den­tale décla­re­ra sa pro­chaine guerre à l’Algérie, parce qu’en plus des ses res­sources éner­gé­tiques énormes, ce pays a une réserve moné­taire de 150 mil­liards d’Euros. Ce qui devient la convoi­tise de tous les pays qui bom­bardent la Libye et qui ont tous quelque chose en com­mun, ils sont tous finan­ciè­re­ment en qua­si faillite, les USA à eux seuls ont 14.000 Mil­liards de dol­lars de dettes, La France, la Grande Bre­tagne et l’Italie ont cha­cun envi­ron 2.000 mil­liards de dettes publiques alors que les 46 pays d’Afrique Noire ont au total moins de 400 mil­liards de dol­lars de dettes publiques. Créer des fausses guerres en Afrique dans l’espoir de trou­ver de l’oxygène pour conti­nuer leur apnée éco­no­mique qui ne fait que s’empirer ne fera qu’enfoncer les Occi­den­taux dans leur déclin qui a pris son envol en 1884, lors de la fameuse Confé­rence de Ber­lin. Car comme l’avait pré­dit l’économiste Amé­ri­cain Adams Smith en 1865, dans son sou­tient à Abra­ham Lin­coln pour l’abolition de l’esclavage, « l’économie de tout pays qui pra­tique l’esclavage des noirs est en train d’amorcer une des­cente vers l’enfer qui sera rude le jour où les autres nations vont se réveiller ».

3- Unions régio­nales comme frein à la créa­tion des Etats Unis d’Afrique

Pour désta­bi­li­ser et détruire l’union Afri­caine qui va dan­ge­reu­se­ment (pour l’Occident) vers les Etats-Unis d’Afrique avec la main de maître de Kadha­fi, l’Union Euro­péenne a d’abord ten­té sans y par­ve­nir la carte de la créa­tion de l’UPM (Union Pour la Médi­ter­ra­née) Il fal­lait à tout prix cou­per l’Afrique du Nord du reste de l’Afrique en met­tant en avant les mêmes thèses racistes du 18 – 19ème siècle selon les­quelles les popu­la­tions afri­caines d’origine Arabes seraient plus évo­luées, plus civi­li­sées que le reste du conti­nent. Cela a échoué parce que Kadha­fi a refu­sé d’y aller. Il a com­pris très vite le jeu à par­tir du moment où on par­lait de la Médi­ter­ra­née en asso­ciant quelques pays afri­cains sans en infor­mer l’Union Afri­caine, mais en y invi­tant tous les 27 pays de l’Union Européenne.

L’UPM sans le prin­ci­pal moteur de la fédé­ra­tion afri­caine était foi­rée avant même de com­men­cer, un mort-né avec Sar­ko­zy comme Pré­sident et Muba­rack, le vice-pré­sident. Ce que Alain Jup­pé tente de relan­cer, tout en misant sur la chute de Kadha­fi, bien sur. Ce que les diri­geants Afri­cains ne com­prennent pas est que tant que ce sera l’Union Euro­péennes à finan­cer l’Union Afri­caine, on sera tou­jours au point de départ, car dans ces condi­tions, il n’y aura pas d’effective indé­pen­dance. C’est dans le même sens que l’Union Euro­péenne a encou­ra­gé et finan­cé les regrou­pe­ments régio­naux en Afrique. Il était évident que la CEDEAO qui a une Ambas­sade à Bruxelles et qui tire l’essentiel de son finan­ce­ment de l’UE, est un obs­tacle majeur contre la fédé­ra­tion afri­caine. C’est ce que Lin­coln avait com­bat­tu dans la guerre de séces­sion aux Etats-Unis, parce qu’à par­tir du moment où un groupe de pays se retrouvent autour d’une orga­ni­sa­tion poli­tique régio­nale, cela ne peut que fra­gi­li­ser l’organe cen­tral. C’est ce que l’Europe vou­lait et c’est ce que les Afri­cains n’ont pas com­pris en créant coup sur coup, la COMESA, l’UDEAC, la SADC et le Grand Magh­reb qui n’a jamais fonc­tion­né encore une fois grâce à Kadha­fi qui lui l’avait très bien compris.

4‑Kadhafi, l’A­fri­cain qui a per­mis de laver l’hu­mi­lia­tion de l’Apartheid

UAKadha­fi est dans le coeur de presque tous les Afri­cains comme un homme très géné­reux et huma­niste pour son sou­tien dés­in­té­res­sé a la bataille contre le régime raciste d’Afrique du Sud. Si Kadha­fi avait été un homme égoïste, rien ne l’obligeait à atti­rer sur lui les foudres des occi­den­taux pour sou­te­nir finan­ciè­re­ment et mili­tai­re­ment l’ANC dans sa bataille contre l’apartheid.

C’est pour cela que à peine libé­ré de ses 27 ans de pri­sons, Man­de­la décide d’aller rompre l’embargo des Nations Unis contre la Libye le 23 Octobre 1997. A cause de cet embar­go même aérien, depuis 5 longues années aucun avion ne pou­vait atter­rir en Libye. Pour y arri­ver, Il fal­lait prendre un avion pour la Tuni­sie ; arri­ver à Djer­ba et conti­nuer en voi­ture pen­dant 5 heures pour Ben Gar­dane, pas­ser la fron­tière et remon­ter en 3 heures de route par le désert jusqu’à Tri­po­li. Ou alors, pas­ser par Malte et faire la tra­ver­sée de nuit, sur des bateaux mal entre­te­nus jusqu’à la côte libyenne.

Un cal­vaire pour tout un peuple, juste pour punir un seul homme. Man­de­la déci­da de rompre cette injus­tice et répon­dant a l’ex Pré­sident Amé­ri­cain Bill Clin­ton, qui avait jugé cette visite « mal­ve­nue », il s’insurgea : « Aucun Etat ne peut s’ar­ro­ger le rôle de gen­darme du monde, et aucun Etat ne peut dic­ter aux autres ce qu’ils doivent faire ». il ajou­ta : « ceux-là qui hier étaient les amis de nos enne­mis, ont aujourd’hui le tou­pet de me pro­po­ser de ne pas visi­ter mon frère Kadha­fi, ils nous conseillent d’être ingrats et d’oublier nos amis d’hier ». En effet, pour l’Occident, les racistes d’Afrique du Sud étaient leurs frères qu’il fal­lait pro­té­ger. C’est pour cela que tous les membres de l’Anc étaient consi­dé­rés des dan­ge­reux ter­ro­ristes, y com­pris Nel­son Man­de­la. Il fau­dra attendre le 2 Juillet 2008, pour que le Congrès Amé­ri­cain vote une loi pour rayer le nom de Nel­son Man­de­la et de ses cama­rades de l’ANC de cette liste noire, pas parce qu’ils ont com­pris la bêtise d’une telle liste, mais parce qu’on vou­lait faire un geste pour les 90 ans de Nel­son Man­de­la. Si les Occi­den­taux sont aujourd’hui repen­tis de leur sou­tient d’hier aux enne­mis de Man­de­la et sont vrai­ment sin­cères lorsqu’on lui donnent des noms de rue et de places, com­ment conti­nuer à faire la guerre à celui qui a per­mis la vic­toire de Man­de­la et son peuple, Kadhafi ?

B- Ceux qui veulent expor­ter la démo­cra­tie sont ils des démocrates ?

Et si la Libye de Kadha­fi était plus démo­cra­tique que les USA, la France, la Grande Bre­tagne et tous ceux qui font la guerre pour expor­ter la démo­cra­tie en Libye ? Le 19 Mars 2003, le Pré­sident Georges Bush lance les bombes sur la tête des Ira­quiens avec le pré­texte d’y expor­ter la démo­cra­tie. Le 19 Mars 2011, c’est-à-dire 8 ans plus tard et jour pour jour, c’est le Pré­sident Fran­çais qui lance ses bombes sur la tête des Libyens avec le même pré­texte de leur offrir la démo­cra­tie. Mon­sieur Oba­ma , Prix Nobel de la Paix 2009 et pré­sident des Etat Unis d’Amérique, pour jus­ti­fier qu’il pro­cède à un défer­le­ment de mis­siles Cruise de ses sous-marins sur la tête des Libyens a dit que c’était pour chas­ser le dic­ta­teur Kadha­fi du pou­voir et y ins­tau­rer la démocratie.

La ques­tion que tout être humain doté de la moindre capa­ci­té intel­lec­tuel de juge­ment et d’appréciation ne peut s’empêcher de se poser est : ces pays comme la France, l’Angleterre, les USA, l’Italie, la Nor­vège, le Dane­mark, la Pologne dont la légi­ti­mi­té pour aller bom­bar­der les Libyens se base sur le seul fait de s’être auto­pro­cla­més « pays démo­cra­tiques » sont-ils réel­le­ment démo­cra­tiques ? Si oui, sont-ils plus démo­cra­tiques que la Libye de Kadha­fi ? La réponse, sans équi­voque est NON, pour la simple et bonne rai­son que la démo­cra­tie n’existe pas. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais celui-là même dont la ville natale, Genève abrite l’essentiel du com­man­de­ment des Nations Unies. Il s’agit bien enten­du de Jean-Jacques Rous­seau né à Genève en 1712 qui affirme dans le cha­pitre IV du Livre III de son très célèbre « Contrat Social » que : « il n’a jamais exis­té de véri­table démo­cra­tie, et il n’en exis­te­ra jamais ». Pour qu’un état soit véri­ta­ble­ment démo­cra­tique Rous­seau pose 4 condi­tions selon les­quelles la Libye de Kadha­fi est même de loin plus démo­cra­tique que les Etats-Unis d’Amérique, la France et tous les autres qui pré­tendent lui expor­ter la démo­cra­tie à savoir :

* Dimen­sion de l’Etat : plus un état est grand, moins il peut être démo­cra­tique, pour Rous­seau l’Etat doit être très petit pour que le peuple soit facile à ras­sem­bler et que chaque citoyen puisse aisé­ment connaître tous les autres. Avant donc de faire voter les gens, il faut s’assurer que cha­cun connaisse tous les autres sans quoi voter pour voter est un acte dénué de tout fon­de­ment démo­cra­tique, c’est un simu­lacre de démo­cra­tie pour élire un dic­ta­teur. La struc­ture de l’organisation de l’Etat Libyen se fonde sur une base tri­bale qui regroupe par défi­ni­tion le peuple en de petites enti­tés. Le sen­ti­ment démo­cra­tique est plus pré­sent dans une tri­bu, dans un vil­lage que dans une grande Nation, parce que le fait que tout le monde se connaisse et que la vie tourne autour des mêmes points com­muns apporte une sorte d’autorégulation, d’autocensure même pour peser à chaque ins­tant, la réac­tion ou la contre-réac­tion des autres membres pour ou contre les opi­nions qu’on peut avoir. Sous cet angle, c’est la Lybie qui répond le mieux aux exi­gences de Rous­seau, ce qu’on ne peut pas dire de même pour les Etats-Unis d’Amérique, la France ou la Grande Bre­tagne , des socié­tés for­te­ment urba­ni­sées où la majo­ri­té des voi­sins ne se disent même pas bon­jour et donc ne se connaissent pas, même vivant cote-à-cote pen­dant 20 ans.

Dans ces pays, on est pas­sé direc­te­ment à l’étape sui­vante : « le vote » qu’on a mali­gne­ment sanc­ti­fié afin de faire oublier que ce vote est inutile à par­tir du moment où je m’exprime sur l’avenir d’une nation sans en connaitre ses membres. On est ain­si arri­vé jusqu’à la bêtise du vote des citoyens vivant à l’étranger. Se connaitre et se par­ler est la condi­tion essen­tielle de la com­mu­ni­ca­tion pour le débat démo­cra­tique qui pré­cède toute élection.

* Il faut la sim­pli­ci­té des mœurs et des com­por­te­ments pour évi­ter que l’on passe l’essentiel du temps à par­ler de jus­tice, de tri­bu­nal pour trou­ver des solu­tions aux mul­ti­tudes que­relles d’intérêts divers qu’une socié­té trop com­plexe fait naitre natu­rel­le­ment. Les Occi­den­taux se défi­nis­se­ment comme des pays civi­li­sés, donc aux mœurs com­plexes et la Libye comme pays dit pri­mi­tif, c’est-à-dire aux meurs simples. Sous cet angle, encore une fois, c’est la Libye qui répon­drait mieux aux cri­tères démo­cra­tiques de Rous­seau que tous ceux qui pré­tendent lui don­ner des leçons de démo­cra­tie. Dans une socié­té com­plexe, les trop nom­breux conflits sont réso­lus par la loi du plus fort, puisque celui qui est riche évite la pri­son parce qu’il peut se per­mettre un meilleur avo­cat et sur­tout, orien­ter l’appareil répres­sif de l’état contre celui qui vole une banane dans un super­mar­ché, plu­tôt que le délin­quant finan­cier qui fait crou­ler une banque. Dans une ville comme New York où 75% de la popu­la­tion est blanche, 80% des postes de cadres sont occu­pés par des Blancs et ils ne sont que 20% des per­sonnes en prison.

* L’égalité dans les rangs et dans les for­tunes. Il suf­fit de voir le clas­se­ment FORBES 2010 pour voir quels sont les noms des per­sonnes les plus riches de cha­cun des pays qui jette la bombe sur la tête des Libyens et voir la dif­fé­rence avec le salaire le plus bas dans cha­cun des pays et faire de même pour la Libye pour com­prendre qu’en matière de redis­tri­bu­tion de la richesse du pays, c’est à la Libye d’exporter son savoir faire à ceux qui la com­battent et non le contraire. Même sous cet angle, selon Rous­seau, la Libye serait plus démo­cra­tique que ceux qui veulent pom­peu­se­ment lui expor­ter la pré­ten­due démo­cra­tie. Aux Etats-Unis 5% de la popu­la­tion pos­sèdent 60% de la richesse natio­nale. C’est le pays le plus dés­équi­li­bré, le plus inégal du monde.

* PAS DE LUXE. Pour Rous­seau pour qu’il y ait la démo­cra­tie dans un pays, il ne faut pas qu’il y ait de luxe parce que selon lui, le luxe rend néces­saire la richesse et cette der­nière devient la ver­tu, l’objectif à atteindre à tout prix et non le bon­heur du peuple, « le luxe cor­rompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la pos­ses­sion, l’autre par la convoi­tise ; il vend la patrie à la mol­lesse, à la vani­té ; il ôte à l’E­tat tous ses citoyens pour les asser­vir les uns aux autres, et tous à l’o­pi­nion ». Ya-t-il plus de luxe en France ou en Libye ? Ce rap­port d’asservissement des employés qui sont pous­sés jusqu’au sui­cide les employés mêmes des entre­prises publiques ou semi-publique, pour des rai­sons de ren­ta­bi­li­té et donc de pos­ses­sion de luxe d’une des par­ties est-il plus criant en Libye ou en Occident ?

Le socio­logue Amé­ri­cain C. Wright Mil­ls a décrit en 1956 la démo­cra­tie amé­ri­caine comme « la dic­ta­ture des élites ». Selon Mil­ls, les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas une démo­cra­tie parce qu’en défi­ni­tive, c’est l’argent qui y parle dans les élec­tions et non le peuple. Le résul­tat de chaque élec­tion y est l’expression de la voix de l’argent et non la voix du peuple. Après Bush-père et Bush-fils, pour les pri­maires répu­bli­caines de 2012, on parle déjà de Bush-ben­ja­min. En plus, si le pou­voir poli­tique se base sur la bureau­cra­tie, Max Weber fait remar­quer qu’il y a 43 mil­lions de fonc­tion­naires et mili­taires aux Etats-Unis qui com­mandent effec­ti­ve­ment le pays, mais qui n’ont été votés par per­sonne et qui ne répondent pas direc­te­ment au peuple de leurs acti­vi­tés. Une seule per­sonne (un riche) est donc votée mais le vrai pou­voir sur le ter­rain est tenue par une seule caste de riches qui ne résulte pure­ment et sim­ple­ment que de nomi­na­tions comme les ambas­sa­deurs, les géné­raux de l’armée etc…

Com­bien de per­sonnes dans les pays auto­pro­cla­més « démo­cra­tiques »savent qu’au Pérou la consti­tu­tion inter­dit un deuxième man­dat consé­cu­tif au pré­sident de la répu­blique sor­tant ? Com­bien de per­sonnes savent qu’au Gua­te­ma­la, non seule­ment le pré­sident sor­tant ne doit plus jamais se pré­sen­ter comme can­di­dat à cette fonc­tion, mais qu’en plus à aucun degré de paren­té, aucun membre de sa famille ne pour­ra plus pré­tendre à cette fonc­tion ? Com­bien savent que le Rwan­da est le pays qui intègre poli­ti­que­ment le mieux les femmes au monde avec 49% de par­le­men­taires femmes ? Com­bien savent que dans le clas­se­ment de la CIA 2007, sur 10 pays les mieux gérés au monde, 4 sont Afri­cains ? Avec la palme d’or à la Gui­née équa­to­riale dont la dette publique ne repré­sente que 1,14% de son PIB.

La guerre civile, les révoltes, les rebel­lions sont les ingré­dients d’un début de démo­cra­tie sou­tient Rous­seau. Parce que la démo­cra­tie n’est pas une fin, mais un pro­ces­sus per­ma­nent pour réaf­fir­mer les droits natu­rels des humains que dans tous les pays du monde (sans excep­tion) une poi­gnée d’hommes et de femmes, confis­quant le pou­voir du peuple, l’oriente pour se main­te­nir aux affaires. On trouve ici et là des formes de castes qui usurpent le mot « démo­cra­tie » qui doit être cet idéal vers lequel tendre et non un label à s’approprier ou un refrain à van­ter parce qu’on est juste capable de crier plus fort que les autres. Si un pays est calme comme la France ou les Etats-Unis, c’est-à-dire sans aucune révolte, pour Rous­seau cela veut tout sim­ple­ment dire que le sys­tème dic­ta­to­rial est suf­fi­sam­ment répres­sif pour empê­cher toute ten­ta­tive de rébel­lion. Si les Libyens se révoltent, ce n’est pas une mau­vaise chose. C’est pré­tendre que les peuples acceptent stoï­que­ment le sys­tème qui les opprime par­tout dans le monde sans réagir qui est très mau­vais. Et Rous­seau de conclure : « Malo per­icu­lo­sam liber­ta­tem quam quie­tum ser­vi­tium ‑tra­duc­tion : S’il y avait un peuple de dieux, il se gou­ver­ne­rait démo­cra­ti­que­ment. Un gou­ver­ne­ment si par­fait ne convient pas à des hommes ». Dire qu’on tue les Libyens pour leur bien est un leurre.

C- Quelles leçons pour l’Afrique ?

Après 500 ans de rela­tions de domi­na­teur et de domi­né avec l’Occident, il est dès lors prou­vé que nous n’avons pas les mêmes cri­tères pour défi­nir le bon et le méchant. Nous avons des inté­rêts pro­fon­dé­ment diver­gents. Com­ment ne pas déplo­rer le Oui de 3 pays afri­cains au sud du Saha­ra, Nige­ria, Afrique du Sud et Gabon pour la réso­lu­tion 1973 inau­gu­rant la nou­velle forme de colo­ni­sa­tion bap­ti­sée « pro­tec­tion des peuples », vali­dant la théo­rie raciste que les Euro­péens véhi­culent depuis le 18ème siècle selon laquelle l’Afrique du Nord n’a rien à par­ta­ger avec l’Afrique Sub­sa­ha­rienne, l’Afrique du nord serait ain­si plus évo­luée, plus culti­vée et plus civi­li­sée que le reste de l’Afrique. Tout se passe comme si la Tuni­sie, l’Egypte, la Libye, l’Algérie ne fai­saient pas par­tie de l’Afrique. Même les Nations Unies semblent igno­rer la légi­ti­mi­té de l’Union Afri­caine sur ses états membres. L’objectif est d’isoler les pays d’Afrique sub­sa­ha­rienne afin de mieux les fra­gi­li­ser et les tenir sous contrôle. En effet, dans le capi­tal du nou­veau Fond Moné­taire Afri­cain (FMA), l’Algérie avec 16 mil­liards de dol­lars et la Libye avec 10 mil­liards de dol­lars contri­buent à eux tous seuls pour près de 62% du capi­tal qui est de 42 mil­liards de Dol­lars. Le pre­mier pays d’Afrique sub­sa­ha­rienne et les plus peu­plés, le Nige­ria sui­vi de l’Afrique du Sud arrivent très loin der­rière avec 3 mil­liards de dol­lars chacun.

C’est très inquié­tant de consta­ter que pour la pre­mière fois de l’histoire des Nations Unies, on a décla­ré la guerre à un peuple sans avoir explo­ré au préa­lable la moindre piste paci­fique pour solu­tion­ner le problème.

L’Afrique a‑t-elle encore sa place dans une telle orga­ni­sa­tion ? Le Nige­ria et l’Afrique du Sud sont dis­po­sés à voter OUI à tout ce que l’Occident demande, parce qu’ils croient naï­ve­ment aux pro­messes des uns et des autres de leur don­ner une place de membre per­ma­nent au Conseil de Sécu­ri­té avec le même droit de veto. Ils oublient tous les deux que la France n’a aucun pou­voir de leur attri­buer le moindre poste. Si elle l’avait, il y a belle lurette que Mit­ter­rand l’aurait faite pour l’Allemagne de Hel­mut Kohl. La reforme des Nations Unies n’est pas à l’ordre du jour. La seule manière de comp­ter, est la méthode chi­noise : tous les 50 pays afri­cains doivent quit­ter les Nations Unies. Et s’ils doivent y retour­ner un jour, ne le faire que s’ils ont obte­nu ce qu’ils demandent depuis long­temps, un poste pour toute la fédé­ra­tion afri­caine, sinon rien.

Cette méthode de la non-vio­lence est la seule arme de jus­tice dont dis­posent les pauvres et les faibles que nous sommes. Nous devons tout sim­ple­ment quit­ter les Nations Unies, car cette orga­ni­sa­tion de par sa confi­gu­ra­tion, de par sa hié­rar­chie est aux ser­vices des plus forts.

Nous devons quit­ter les Nations Unies afin de mar­quer notre répro­ba­tion de cette concep­tion du monde basée uni­que­ment sur l’écrasement du plus faible. Tout au moins ils seront libres de conti­nuer de le faire, mais pas avec notre signa­ture, pas en rap­pe­lant que nous sommes d’accord alors qu’ils savent très bien qu’ils ne nous ont jamais inter­ro­gés. Et même quand nous avons don­né notre propre point de vue, comme la ren­contre de same­di 19/3 à Nouak­chott avec la décla­ra­tion sur la contra­rié­té à l’action mili­taire, ceci a été pas­sé tout sim­ple­ment sous silence pour aller accom­plir le for­fait de bom­bar­der le peuple africain.

Ce qui arrive aujourd’hui est le scé­na­rio déjà vu aupa­ra­vant avec la Chine. Aujourd ’hui, on recon­naît le gou­ver­ne­ment Ouat­ta­ra, on recon­naît le gou­ver­ne­ment des insur­gés en Libye. C’est ce qui s’est pas­sé à la fin de la deuxième guerre mon­diale avec la Chine. La soit disante com­mu­nau­té inter­na­tio­nale avait choi­si Tai­wan comme unique repré­sen­tant du peuple Chi­nois en lieu de place de la Chine de Mao. Il fau­dra attendre 26 ans, c’est-à-dire le 25 octobre 1971 avec la réso­lu­tion 2758 que tous les Afri­cains devraient lire, pour mettre fin à la bêtise humaine. La Chine est admise, sauf qu’elle a pré­ten­du et obte­nue d’être membre per­ma­nent avec doit de veto, si non elle n’entre pas. Cette exi­gence satis­faite et la réso­lu­tion d’admission entrée en vigueur, il fau­dra attendre un an pour que le 29 sep­tembre 1972, le Ministre Chi­nois des Affaires Etran­gères donne sa réponse avec une lettre au Secré­taire Géné­ral des Nations Unies pas pour dire Oui ou Mer­ci, mais pour faire des mises au point, en garan­tie de sa digni­té et de sa respectabilité.

Qu’est-ce que l’Afrique espère obte­nir des Nations Unies sans poser un acte fort pour se faire res­pec­ter ? On a vu en Cote d’Ivoire un fonc­tion­naire des Nations Unies se consi­dé­rer au des­sus d’une ins­ti­tu­tion consti­tu­tion­nelle de ce pays. Nous sommes entrés dans cette orga­ni­sa­tion en accep­tant d’être des serfs et croire que nous serons invi­tés à table pour man­ger avec les autres dans les plats que nous avons lavés est tout sim­ple­ment cré­dule, pire, stu­pide. Quand l’UA recon­naît la vic­toire de Ouat­ta­ra sans même tenir compte des conclu­sions contraires de ses propres obser­va­teurs envoyés sur le ter­rain, juste pour faire plai­sir à nos anciens maîtres, com­ment peut-on nous res­pec­ter ? Lorsque le pré­sident Sud-Afri­cain Zuma déclare que Ouat­ta­ra n’a pas gagné les élec­tions et change à 180° après un tour à Paris, on peut se deman­der ce que valent ces diri­geants qui repré­sentent et parlent au nom de 1 mil­liard d’Africains.

La force et la vraie liber­té de l’Afrique vien­dront de sa capa­ci­té à poser des actes réflé­chis et en assu­mer les consé­quences. La digni­té et la res­pec­ta­bi­li­té ont un prix. Sommes-nous dis­po­sés à le payer ? Si non, notre place reste à la cui­sine, aux toi­lettes pour garan­tir le confort des autres.

Jean-Paul Pou­ga­la

Source : “les-vraies rai­sons de la guerre en Lybie”
Date de paru­tion de l’ar­ticle ori­gi­nal : 20/04/2011
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