Où sont les 6.000 victimes de Kadhafi ?

Mais de quels éléments disposons-nous vraiment pour juger de la réalité de cette répression ?

Où sont les 6.000 vic­times de Kadhafi ?

Source : http://lepetitblanquiste.hautetfort.com/archive/2011/03/24/ou-sont-les‑6 – 000-victimes-de-kadhafi.html

La jus­ti­fi­ca­tion de l’intervention mili­taire occi­den­tale en Libye a repo­sé sur un seul argu­ment : pro­té­ger les popu­la­tions civiles de la répres­sion des forces du colo­nel Kadhafi.

Et il faut bien avouer que — même chez ceux qui sont plu­tôt hos­tiles aux croi­sades cou­tu­mières des Etats-Unis et de leurs alliés — l’argument a porté.

Mais de quels élé­ments dis­po­sons-nous vrai­ment pour juger de la réa­li­té de cette répres­sion ? Qui, en France, sait exac­te­ment ce qui se passe en Libye ?

Har­deep Singh Puri, repré­sen­tant per­ma­nent de l’Inde au Conseil de sécu­ri­té de l’ONU a, pour sa part, affir­mé qu’il « n’existait pra­ti­que­ment aucune infor­ma­tion cré­dible sur la situa­tion sur place » qui puisse jus­ti­fier la déci­sion d’établir une zone d’exclusion aérienne. En fonc­tion de quoi, il n’a pas approu­vé le pro­jet de réso­lu­tion. Serait-il un incon­di­tion­nel de Kadhafi ?

Les Fran­çais qui pensent que Kadha­fi est l’auteur de crimes contre son peuple doivent admettre qu’ils se sont for­gés leur opi­nion d’après ce qu’en ont dit les médias et le gou­ver­ne­ment. Si ce n’est pas le cas qu’ils four­nissent des sources alter­na­tives et cré­dibles. [1]

D’où vient ce nombre de 6.000 morts ? D’un porte-parole de la « Ligue libyenne des droits de l’Homme » — Ali Zei­dan vivant en exil aux Etats-Unis [2] ; lequel, le 1er mars à Paris, a décla­ré que les vio­lences liées à la répres­sion de l’in­sur­rec­tion en Libye avaient fait 6.000 morts, dont 3.000 dans la seule ville de Tri­po­li, 2.000 à Ben­gha­zi, et 1.000 dans d’autres villes.

De quels moyens dis­po­sait-il sur place pour éta­blir ce sinistre décompte ? On ne le sau­ra jamais.

Mais, dès le len­de­main, la machine était lan­cée. Tous les quo­ti­diens fran­çais, sans excep­tion, ont fait leur titre sur cette « infor­ma­tion », sans se poser de ques­tions. Les plus hon­nêtes d’entre eux ont mis des guille­mets ou uti­li­sé le condi­tion­nel. Mais pour la plu­part cette pré­oc­cu­pa­tion élé­men­taire a été négligée.

Image_2-42.png Titres de Sud-Ouest, de Libé­ra­tion et de La Cha­rente Libre

Aus­si­tôt, la Cour pénale inter­na­tio­nale, qui ne s’est jamais inquié­tée des crimes avé­rés des amé­ri­cains en Irak et en Afgha­nis­tan ou de ceux des Israé­liens en Pales­tine, s’est sai­sie du pro­blème : « Kadha­fi est un cri­mi­nel », il doit « être jugé », a décla­ré un conseiller auprès de la CPI qui semble igno­rer la pré­somp­tion d’innocence.

La pho­to­gra­phie ci-des­sous, publiée par L’Hu­ma­ni­té (hélas !), donne le ton. Image_3-23.png

De son côté, la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des droits de l’Homme (FIDH) a immé­dia­te­ment cau­tion­né le nombre de 6.000 vic­times alors qu’une semaine aupa­ra­vant elle en annon­çait dix fois moins, 640 exactement.

Elle a éga­le­ment deman­dé une inter­dic­tion de sur­vol du ter­ri­toire libyen, « pour évi­ter que des civils soient mas­sa­crés par l’aviation libyenne et pour empê­cher de faire venir des mer­ce­naires sup­plé­men­taires char­gés d’accomplir les basses besognes du colo­nel Kadha­fi ».

Notons que la FIDH n’avait pas cru utile de deman­der la même inter­dic­tion à l’en­contre de l’aviation israé­lienne lorsque celle-ci pilon­nait les Pales­ti­niens de la bande de Gaza.

Désor­mais tout était en place pour l’intervention « Aube de l’Odyssée » : Oba­ma, prix Nobel de la Paix, pou­vait mena­cer Kadha­fi de ses foudres, tan­dis que Sar­ko­zy, dans un numé­ro de « chef de guerre », entraî­nait la France et son armée dans un com­bat plus que douteux.

Aujourd’­hui, l’im­po­si­tion d’une zone d’ex­clu­sion aérienne [no-fly zone] sur la Libye est chose faite. Mais les bom­bar­de­ments conti­nuent quand même, ajou­tant leurs lots de vic­times mili­taires et civiles. Pour­quoi ? Jus­qu’à quand ? Jus­qu’où ? A quel prix humain ?

JPD

[1] Lun­di der­nier, sur le pla­teau de « Ce soir ou jamais » de France 3, le jour­na­liste belge Michel Col­lon, évo­quant la répres­sion en Libye, décla­rait : « Ceux qui disent qu’ils ont un chiffre pré­cis sont pour moi des char­la­tans ». Il ajou­tait : « Avec Google, je peux savoir qu’elle est la cou­leur de vos chaus­sures quand vous êtes dans votre jar­din, et les Etats-Unis [avec leurs réseaux de satel­lites] ne seraient pas capables de nous mon­trer le mas­sacre de 6.000 per­sonnes ? ».

[2] Ali Zei­dan est aus­si le porte-parole en Europe du « Conseil natio­nal de tran­si­tion » et cer­tai­ne­ment appe­lé à faire par­tie du futur gou­ver­ne­ment si la rebel­lion triom­phait. On com­prend mieux qu’il n’hé­site pas à citer des chiffres qui accablent Kadhafi.