Dexia : changer radicalement de cap !

A croire que le politique ne peut rien faire pour empêcher que les citoyens paient la facture de ces sauvetages bancaires à répétition. Pourtant, des alternatives existent.

Nous repro­dui­sons (avec l’ai­mable auto­ri­sa­tion des auteurs) leur carte blanche parue dans le jour­nal belge LE SOIR (page 27); nous y ajou­tons le lien qui ren­voie vers l’ap­pel à sous­crip­tion au film DEXIA, Démo­cra­tie confis­quée car
mal­heu­reu­se­ment Le Soir a cou­pé le lien en note de bas de page. 

CARTE BLANCHE

Mar­di 13 mai 2014

L’AG de Dexia se déroule à Bruxelles ce mer­cre­di. Les col­lec­tifs CADTM et ATTAC sai­sissent l’occasion de rap­pe­ler que les citoyens conti­nuent de payer la fac­ture des sau­ve­tages ban­caires et qu’il est impé­ra­tif d’exiger l’annulation de ces dettes « illégitimes ».

Ce mer­cre­di 14 mai se tient l’Assemblée géné­rale de Dexia, cette banque qui a déjà été sau­vée trois fois par le gou­ver­ne­ment depuis 2008 alors qu’elle n’abrite aucun dépôt d’épargnant (Bel­fius ne fait plus par­tie de Dexia). L’Etat qui est le prin­ci­pal action­naire a déjà injec­té 9 mil­liards d’euros dans cette banque mori­bonde et ce n’est pas près de s’arrêter. Son direc­teur géné­ral, Karel De Boeck, décla­rait en avril der­nier qu’« il est pos­sible que Dexia rede­mande 1 à 2 mil­liards d’euros à l’Etat. »

Alors que le gou­ver­ne­ment applique des mesures d’austérité qui frappent la popu­la­tion, cette décla­ra­tion n’a pour­tant sus­ci­té aucune réac­tion de la part des can­di­dats aux élec­tions. A croire que le poli­tique ne peut rien faire pour empê­cher que les citoyens paient la fac­ture de ces sau­ve­tages ban­caires à répé­ti­tion. Pour­tant, des alter­na­tives existent. Elles passent par l’annulation de la garan­tie accor­dée par la Bel­gique aux dettes de Dexia. En effet, cette garan­tie sert de pré­texte aux diri­geants de la banque et au gou­ver­ne­ment pour jus­ti­fier les reca­pi­ta­li­sa­tions de Dexia.

Com­ment en est-on arri­vé là ? En 2011 et 2012, le gou­ver­ne­ment a pris en toute illé­ga­li­té deux arrê­tés enga­geant la Bel­gique à garan­tir avec la France les dettes de Dexia juqu’en 2031. La part sup­por­tée par la Bel­gique est de 43,7 mil­liards d’euros, l’équivalent de 20 % du bud­get de l’Etat fédé­ral ! Pour com­pa­rai­son, les allo­ca­tions de chô­mage ne repré­sentent que 3 % des dépenses publiques. De plus, cet enga­ge­ment a été pris sans consul­ta­tion du Par­le­ment fédé­ral en vio­la­tion de la Consti­tu­tion. Cette illé­ga­li­té avait alors conduit le CADTM et ATTAC (rejoints ensuite par deux dépu­tés Eco­lo-Groen) à atta­quer le gou­ver­ne­ment devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de cette garan­tie. Un docu­men­taire de Zin TV sur ce sujet inti­tu­lé « Dexia ou la démo­cra­tie confis­quée » est en cours de réalisation.

Mais il y a tout juste un an, la majo­ri­té des par­le­men­taires fédé­raux a déci­dé de blan­chir le gou­ver­ne­ment en votant une loi qui valide de façon rétro­ac­tive les arrê­tés illé­gaux du gou­ver­ne­ment, envoyant ain­si un mes­sage clair aux mar­chés finan­ciers qui peut se résu­mer ainsi :

« Vous pou­vez prê­ter les yeux fer­més à Dexia car la popu­la­tion sera tou­jours là pour vous rem­bour­ser si Dexia ne paye pas ses dettes. L’Etat vous les régle­ra dans les cinq jours ouvrables qui suivent votre demande même si ces dettes ont été contrac­tées de façon illé­gale et même si Dexia a pris des risques en conti­nuant à spé­cu­ler. C’est écrit noir sur blanc à l’article 2 de la Conven­tion de garan­tie signée par le ministre des Finances le 24 jan­vier 2013. Ce der­nier a d’ailleurs les pleins pou­voirs pour trai­ter avec vous, en ver­tu des deux arrê­tés royaux que nous avons régu­la­ri­sés a pos­te­rio­ri. Grâce à ce vote, nous vous avons aus­si débar­ras­sés du recours du CADTM et d’ATTAC puisque désor­mais, la vio­la­tion de la Consti­tu­tion qui pré­voit la consul­ta­tion du Par­le­ment sur les matières bud­gé­taires ne peut plus être invo­quée. Vous ne pre­nez donc aucun risque en prê­tant à Dexia. Vous pou­vez même accor­der des prêts à des taux d’intérêt variables. Si Dexia se retrouve pié­gé par une aug­men­ta­tion des taux d’intérêt et s’avère inca­pable de vous rem­bour­ser, on le fera à sa place et on dira à l’opinion publique que nous n’avions pas le choix. »

Cette situa­tion scan­da­leuse n’a cepen­dant rien d’inéluctable puisque cette garan­tie peut très bien être annu­lée par les déci­deurs poli­tiques s’ils en ont la volon­té. Bien que deve­nue légale, cette garan­tie conserve en effet son carac­tère illé­gi­time tout comme les 33 mil­liards d’euros de dettes publiques issues des sau­ve­tages de For­tis, Dexia Bel­gique (deve­nue Bel­fius), KBC et Ethias. Ces dettes sont illé­gi­times car elles ne pro­fitent pas à la popu­la­tion pour au moins quatre raisons.

Pre­miè­re­ment, l’Etat a payé trop cher ces sau­ve­tages ban­caires. Même Didier Reyn­ders a décla­ré récem­ment à pro­pos de For­tis qu’« on aurait aus­si pu se deman­der si au lieu de payer 4,7 mil­liards on n’aurait pas dû payer 1 euro symbolique ».

Deuxiè­me­ment, l’Etat ne récu­pé­re­ra jamais la tota­li­té de l’argent injec­té dans ces sau­ve­tages. Seule­ment la moi­tié de cet argent a été rem­bour­sée par les banques mais sur­tout ces 33 mil­liards d’euros emprun­tés par la Bel­gique pour sau­ver ces banques n’incluent pas les inté­rêts que l’Etat va devoir payer à ses créan­ciers ni les pro­chains sau­ve­tages ban­caires comme celui de Dexia si les poli­tiques ne changent pas radi­ca­le­ment de cap.

Troi­siè­me­ment, aucune mesure sérieuse de régu­la­tion ban­caire n’a été prise depuis la crise alors que le gou­ver­ne­ment aurait pu pro­fi­ter de ces sau­ve­tages pour rendre le sec­teur ban­caire plus sûr et au ser­vice de la popu­la­tion. Le cré­dit aux ménages et aux petites et moyennes entre­prises n’a pas aug­men­té ; la banque Bel­fius (pour­tant à 100 % publique) fonc­tionne comme n’importe quelle banque pri­vée ; les licen­cie­ments au sein des banques se mul­ti­plient ; il n’y a tou­jours pas de sépa­ra­tion des acti­vi­tés ban­caires (banque de dépôt d’un côté et banque d’investissement de l’autre) tan­dis que les acti­vi­tés spé­cu­la­tives ont repris de plus belle ain­si que les bonus et les salaires miro­bo­lants des dirigeants.

Enfin, ces sau­ve­tages ne sont pas démo­cra­tiques car tous les repré­sen­tants des par­tis membres du gou­ver­ne­ment ont affir­mé, avant de se faire élire, qu’ils met­traient fin aux com­por­te­ments inac­cep­tables des banques. Ces par­tis ont donc clai­re­ment abu­sé de la confiance de l’électorat.

Ce n’est pas aux citoyens de payer la fac­ture des sau­ve­tages ban­caires à tra­vers les coupes dans les bud­gets sociaux, les licen­cie­ments, le déman­tè­le­ment du code du tra­vail, les baisses de salaires, la chasse aux chô­meurs, etc. En revanche, il est logique que les res­pon­sables de la crise (dont les banques) ne soient au mini­mum pas remboursés.

Dès lors, la garan­tie accor­dée aux créan­ciers de Dexia et les dettes illé­gi­times résul­tant des sau­ve­tages ban­caires doivent être annu­lées. Cette annu­la­tion doit évi­dem­ment pro­té­ger les petits épar­gnants qui ont pla­cé leurs éco­no­mies dans des titres de la dette belge, s’accompagner d’autres mesures taxant le capi­tal et d’une socia­li­sa­tion du sec­teur ban­caire. Ce type de poli­tique ne pour­ra être prise que sous la pres­sion popu­laire avant et sur­tout après les élections.

Renaud Vivien

Comi­té pour l’An­nu­la­tion de la Dette du Tiers Monde

Fred Mawet

ATTAC Bruxelles 2

Chris­tine Pagnoulle

ATTAC Liège