Faut-il faire sauter Bruxelles ?
L’Europe surveille les déficits, contrôle les budgets, établit des centaines de directives et des milliers de règlements. Elle gère la monnaie, en appelle à la compétitivité et à la modération salariale, mais personne ne sait rien sur elle. Sur un ton humoristique, l’auteur invite le lecteur à la découverte de ses institutions.
Ça y est : Fakir sort un nouveau T’chio, un quatre pages intitulé « Faut-il faire sauter Bruxelles ? » à diffuser massive dans les manifs, aux repas de famille, dans les concours de boules. Pour qu’à quelques semaines des élections européennes, la réalité de cette Union soit dévoilée. On raconte ainsi l’histoire d’une plaque, à l’entrée du Parlement, qui unit dans l’amitié les lobbies et les députés européens… On interviouve un universitaire belge, Geoffrey Geuens, qui démontre la fusion entre le projet européiste et les intérêts financiers, et ça, depuis l’origine, depuis le traité de Rome… On révèle, aussi, comment le Front national a viré sa cuti, hier farouchement europhile et désormais adversaire de Bruxelles…
On parie que avec vous, grâce à vous, ce T’chio Fakir sera diffusé dans une centaine de villes, le jeudi 1er mai, distribué par des fakiriens et fakiriennes qui porteront la mauvaise parole – quand les médias vont prôner durant un mois l’amour du drapeau aux douze étoiles.
Comment le recevoir ? Le temps nous est compté, alors envoyez-nous dès que possible un message avec le nombre de Tchios que vous voulez recevoir ainsi qu’une adresse postale d’expédition par mail à : diffusion@fakirpresse.info.
Ne tardez pas, on envoie tout le 25 avril !
Vous pouvez retrouver, pour vous motiver, le PDF du tout nouveau Tchio, dans toute sa splendeur, sur le site de Fakir en cliquant ici.
Un petit rappel de la participation aux frais d’envoi, selon les quantités :
50 ex > 12 €
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Pour le règlement deux solutions. Soit un chèque dans une enveloppe à renvoyer chez nous :
Fakir Diffusion
1er Mai 2014
303, rue de Paris
80000 Amiens
Soit un virement bancaire. On vous ai mis le RIB ci-dessous. (Vous pouvez aussi glisser un billet dans une enveloppe, mais ne le dites pas au chef, on achètera de la bière avec.)
Voilà, à vous de jouer.
Pour les novices, le Tchio Fakir se distribue massivement, gratuitement, dans un élan de générosité irrépressible.
A tous, un énorme MERCI.
Parce que sans vous, on n’est rien. Mais avec vous, on peut beaucoup.
Fakirement,
Eric & toute l’équipe.
© Journal Fakir. 303, route de Paris 80000 Amiens.
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à propose du livre : “Faut-il faire sauter Bruxelles ?” , voici une opinion de Jean Gadrey (Alternatives économiques)
Jean Gadrey, né en 1943, est Professeur honoraire d’économie à l’Université Lille. Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères). S’y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques), réédité en 2012 avec une postface originale. Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.
Ce petit livre du journaliste François Ruffin (Fakir éditions, 128 pages, 7 euros) est à mettre entre toutes les mains, à l’approche des élections européennes ou après. C’est du journalisme d’investigation prenant la forme d’une visite « touristique » des hauts lieux non pas de Bruxelles, mais du kilomètre carré de son « quartier européen ».
Bien entendu, le tourisme de François Ruffin n’est pas principalement dédié à l’observation des lieux (avec une exception pour une plaque formidable inscrivant dans le marbre du Parlement le rôle officiel des lobbies d’affaires). C’est un tourisme d’entretiens, aussi bien avec des hauts dignitaires de cette Europe-là qu’avec des personnes critiques. On a aussi de bons moments de provocation où le journaliste autorisé trouble des conférences de presse convenues par des questions aussi saugrenues dans un tel cadre que pertinentes ailleurs.
Et comme tout touriste consciencieux, l’auteur a préparé son voyage en révisant son histoire de la « construction européenne ». On y trouve des bijoux de citations plus vraies que vraies.
Le plan du livre prend donc la forme d’une carte du quartier visité : le Parlement (« l’influence des lobbies gravée dans le marbre »), la Commission (« quand la finance réforme la finance »), le bâtiment Jacques Delors (« le partenaire des firmes »), la Confédération européenne des syndicats (« la faiblesse tranquille »), la DG environnement (« pollution, béton, camion »), et un lieu dont j’ignorais l’existence, la Sofina.
Nous savons que les « lobbies » sont influents à « Bruxelles ». Mais avec ce livre on saisit les modes opératoires de cette influence, les étapes de la mise au point d’un projet de traité, de directive, de stratégie, etc. Point essentiel : les parcours de certains grands décideurs de la « construction européenne » depuis plus de trente ans montrent que cette histoire de lobbies, si importante soit-elle, a peut-être moins de poids sur ce qui nous tombe sur le dos que ce que j’appellerais les « lobbies internes ». Ce sont souvent les mêmes personnages qu’on retrouve à de hauts postes européens et — avant, après et parfois pendant — à de hauts postes dans des banques ou des multinationales. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.
Les constats sont implacables. Ils doivent être connus. Si j’ai des réserves sur certaines conclusions, c’est qu’il manque des bouts de constats, sans doute parce que le mode d’investigation choisi a beaucoup d’intérêt mais aussi des limites. Il ne saisit pas en particulier certaines tensions internes.
MES PROPRES CONSTATS
Moi aussi, j’ai pratiqué une forme de tourisme bruxellois des années 1990 à 2007. J’ai été invité à des réunions ou pour des expertises de projets par certaines DG (directions générales) de la Commission, dont la DG environnement, épinglée dans le livre, mais aussi la DG emploi et affaires sociales et celle de la recherche. J’ignore ce qu’elles sont devenues depuis le milieu des années 2000. J’imagine que cela ne s’est pas arrangé (selon mes critères).
J’y ai trouvé une espèce absente du livre de Ruffin : une minorité active de fonctionnaires, dont certains à des postes de direction, résistant à la vague néolibérale, parfois avec succès. Des alliés dans la place, non pas pour les milieux d’affaires, mais pour des adversaires de la concurrence érigée en principe de stratégie européenne, ou pour des causes écologiques. C’était par eux que j’étais invité, avec d’autres chercheurs non moins critiques de l’eurolibéralisme, dont Pierre Bourdieu aux côtés duquel je me suis retrouvé à « Bruxelles » pour dénoncer la stratégie de flexibilisation du marché du travail.
Quant à la DG environnement, dont il est question dans le chapitre le moins convaincant du livre, elle m’avait sollicité pour mettre au point en 2007 une conférence internationale « au-delà du PIB ». Cette direction – quel contraste avec les pratiques françaises des commissions d’experts, dont la commission Stiglitz sur le même sujet ! – avait prévu que des ONG coorganisent cette conférence avec elle et avec des chercheurs hétérodoxes, dont je faisais partie.
S’agissant de l’époque Delors (1985 – 1994) et du rôle déjà décisif du patronat européen à l’époque, les preuves avancées par Ruffin sont sérieuses et m’ont impressionné. Mais je me souviens qu’en 2005, alors que je faisais campagne avec beaucoup d’autres contre le projet de constitution, j’avais publié un article « Les fonds structurels européens minés par le néo-libéralisme depuis la fin des années 1990 ». J’y montrais que, pendant une période allant en gros des années 1980 à la fin des années 1990, et en particulier pendant l’époque Delors, ces fonds (FEDER et FSE) avaient permis d’affecter des moyens très conséquents à des régions et pays souffrant de handicaps économiques, mais que cela avait pratiquement pris fin ensuite, l’injonction à la compétitivité, donc au dumping social et fiscal, prenant le relais de ce qui relevait de la solidarité.
Enfin, j’ai été invité à plusieurs reprises par des responsables de la CES et en particulier par leur institut syndical européen (ETUI, European Trade Union Institute), et ce n’était pas particulièrement pour y célébrer les recettes libérales ni le culte de la croissance… Je n’ai pas fait dans ces circonstances le constat d’une « faiblesse tranquille », même si je ne conteste pas la validité globale des arguments de François Ruffin sur la CES.
On peut me rétorquer : ces tensions internes n’ont pas la moindre importance, dès lors que le poids des lobbies patronaux internes et externes est sans commune mesure avec celui de ces réseaux plus ou moins résistants. Donc Ruffin a raison, il met le doigt là où ça fait mal. OK, mais mettre aussi le doigt là où ça fait un peu de bien est-il dénué d’importance ?
En aucun cas, l’existence de ces contradictions internes ne me conduit à penser que l’Europe serait « réformable », sauf à la marge, sur la base de ses institutions actuelles, de ses traités actuels, de sa Commission et de sa BCE, etc. Je rejoins l’auteur sur ce point : on ne risque pas de faire avancer vraiment une « Europe sociale et écologique » sans « faire sauter » ces institutions, pour reprendre le titre du livre. C’est probablement ce qui explique l’échec du projet de « traité de l’Europe sociale », que j’avais signé en 2004 sans me faire d’illusions sur sa probabilité de succès, mais qui avait fourni une occasion de débats sur ce que devrait être un projet européen et sur d’autres « critères de convergence » que ceux de Maastricht.
DE BRUXELLES A PARIS
Donc oui, il faut « faire sauter » (je dirais : refonder radicalement) ces institutions qui sont des dénis de démocratie et qui ont été mises en place justement pour cela : tenir les citoyens à l’écart, comme c’est à nouveau le cas aujourd’hui avec le projet de grand marché transatlantique sur lequel je me suis déjà exprimé. Mais je ne crois pas qu’on les fera sauter plus aisément si on présente l’histoire et le présent sous l’angle unilatéral d’un rouleau compresseur néolibéral qui emporte tout sur son passage en ne suscitant aucune résistance interne, aucune décision politique où « Bruxelles » fait parfois mieux (dans le bon sens) que notre gouvernement actuel. Ce qui n’est pas un exploit, certes, mais amène à penser que ce n’est pas seulement « Bruxelles » qu’il faut « faire sauter », mais, tout autant, des verrous nationaux qui ne sont pas moins nocifs.
Les « liaisons dangereuses » entre la finance et certains dignitaires des institutions publiques sont-elles moins marquées à Bercy que Rue de la Loi (siège de la Commission) ? La façon bruxelloise de confier un rapport sur la finance à un financier diffère-t-elle de la méthode qui consiste à demander à Louis Gallois de définir la politique « de compétitivité » de la France ? Le Gouverneur de la Banque de France est-il moins copain avec les banques que Mario Draghi ? Pierre Moscovici (voir mon billet sur le Cercle de l’Industrie) a‑t-il moins de liens forts avec les grands patrons et banquiers et est-il plus écolo que le très sarkozyste Commissaire au marché intérieur Michel Barnier ?
Comment expliquer sur la base des constats de François Ruffin que la Rue de la Loi soit actuellement nettement plus avancée que Bercy aussi bien sur la taxation des transactions financières que sur la « séparation » bancaire ? Que la mise en œuvre en France du rapport Liikanen de 2012 qui inspire la Commission, bien qu’il n’aille pas assez loin, aurait permis de cantonner 20 ou 30 fois plus d’activités spéculatives que la minable loi bancaire votée en France ?
La situation inverse existe évidemment, où la Commission est en mesure de faire passer des directives de libéralisation et d’autres régressions sociales adressées à des Etats membres. Mais comme le fait justement remarquer Geoffrey Guens, interviewé dans le livre, « les « diktats » de la Commission ne s’imposent pas, de l’extérieur, à des Etats victimes… On pourrait très bien avoir la même domination de la finance, les mêmes politiques libérales et autoritaires sans l’Europe et sans l’euro ».
François Ruffin cite Alain Touraine : « En France, le mot libéralisme était imprononçable, alors on en a trouvé un autre : Europe ». C’est un peu court pour moi. Un même mot, y compris celui de « liberté », peut recouvrir d’un voile aimable un projet ultra-libéral ou refléter un espoir de coopération et de paix entre des peuples. Suis-je vraiment un de ces « doux alter-européistes » que l’auteur critique dans sa conclusion ? Peut-on être convaincu que l’Europe actuelle va dans le mur, nous prépare des crises aggravées, et penser à une possible refondation plutôt qu’au retour aux Etats-Nations ? J’aurai bientôt l’occasion de m’en expliquer à propos du retour au Franc, préconisé par certains, dont d’excellents et talentueux amis.