Dans « DSK, Hollande, etc. », nous dénoncions cette imposture des médias français consistant à nous présenter ces deux candidats aux Présidentielles comme des « hommes de gauche ». Nous n’étions pas visionnaires, juste lucides.
Durant la dernière campagne présidentielle française, avec Pierre Carles, Julien Brygo et Nina Faure, nous démontrions dans notre documentaire « Hollande, DSK, etc. »i l’imposture médiatique qui consistait à nous présenter François Hollande comme le candidat « de la gauche ». Aujourd’hui, sa côte de popularité est la plus basse enregistrée par un président de la République dix mois après sa prise de fonction depuis Charles de Gaulle. Et la presse française de se demander s’il est véritablement socialiste ? Trop tard.
Au Bourget, le 22 janvier 2012 dans une tirade qu’il voulait Mitterrandienne, François Hollande affirmait : « Je vais vous dire qui est mon adversaire. Mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance ». Dans « Hollande, DSK, etc. », François Ruffin, journaliste à France Inter et fondateur du journal Fakir, démontait brillamment cette déclaration « pleine d’ambigüités ». Ruffin analysait : « Il dit que cet adversaire n’a pas de visage. Mais c’est faux. Il en a cent des visages. C’est Marc Ladreit de Lacharrière, président de Fitch Ratings, c’est Jean-Charles Naouri, président du Groupe Casino qui a libéré la finance, c’est Michel Pébereau, PDG de BNP-Paribas qui a été conseiller occulte detous les ministères de l’économie depuis quinze ans. […] Il dit que cet adversaire n’a pas de parti. Mais si ! Cet adversaire a eu, au moins, deux partis : l’UMP et le Parti Socialiste qui ont gouverné en accord sans heurter le monde de la finance depuis trente ans […] Or, dans le discours du Bourget, il n’y a pas de plan d’action pour combattre la finance ».
De fait ! Sur France2, le 28 mars dernier, lors de son allocution, Hollande avouait enfin : « Je ne suis maintenant plus président socialiste ». L’a‑t-il jamais été ? Depuis son entrée en fonction, tout en mettant en garde contre l’austérité, il se plie aux dictats de la Commission européenne et de Merkel. Aux oubliettes, l’imposition d’une taxe à 75% qui devait toucher temporairement les plus hauts revenus (au-delà d’un million d’euros). ! Elle sera finalement payée par les entreprises. François s’est rendu compte que le monde de la finance avait des visages et qu’il valait mieux s’en faire des alliés pour préserver ses privilèges. Surtout, surtout, ne pas leur demander de contribuer…
Dans notre documentaire, nous rétorquions à Renaud Dely, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, que la politique d’Hollande pouvait être qualifiée de « droite » et celle de Sarkozy, classée à l’ « extrême-droite ». Or, force est de constater que « Flamby » n’a rien à envier en la matière à « Sarko ». L’incarnation parfaite de ce constat étant Manuel Valls, actuel Ministre de l’Intérieur. Dernièrement, dans Le Parisien, il déclarait : « Les démantèlements de camps Roms se poursuivront ».iii Prolongeant ainsi la politique discriminatoire mise en place sous l’ère sarkozyste. Mais Valls ne s’arrête pas là. Il affiche un soutien inconditionnel à la politique criminelle d’Israël et se dit hostile à la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU. Seul l’autre pseudo-socialiste Dominique Strauss-Kahn avait osé une allégeance aussi extrême vis-à-vis d’un État étranger.
Rayon laïcité et « égalité », le 23 septembre 2012, Valls affirmait que les juifs de France « pouvaient porter avec fierté leur kippa ! ». Alors qu’en 2002, il s’opposait à l’installation, dans sa ville, d’un magasin Franprix qui avait choisi de ne vendre que des produits hallal ; en 2009, lorsqu’il était député-maire socialiste d’Evry, il prenait position contre le port du voile d’une employée de la crèche privée Baby Loup qui avait pourtant bénéficié d’un avis favorable de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) … Manuel n’a foi qu’en une laïcité à géométrie variable et défend le deux poids, deux mesures made in France avec un culot peu étonnant.
En parallèle, Valls soulignait, en septembre 2012, qu’il ferait preuve d’une « très grande fermeté » envers ceux qui oseraient manifester contre le film islamophobe (« Innocence of Muslims »)iv et les caricatures du prophète Mohamed. Par ailleurs, il déclarait, début de cette année, que « l’islam est un défi pour l’Europe »v et plaidait pour l’ordre. La sortie de la crise économique, n’est-ce pas là un véritable défi pour l’Europe ? Retour au bon vieux classique du bouc-émissaire : « Cachez-moi cet absence de pouvoir d’achat que je ne saurais voir, parlons plutôt des musulmans ! ».
Néanmoins, le discours démagogique du « blairiste » Valls est tellement grossier qu’on pourrait penser qu’il constitue l’exception droitarde du gouvernement Ayrault. Que nenni ! L’anti-libéral Arnaud Montebourg, désigné « aile gauche du Parti » n’est pas en reste. Le ministre de l’Industrie s’est tu, face à l’adoption du traité d’austérité par son gouvernement, tenu par la solidarité gouvernementale. Par ailleurs, après une offensive énergique contre Lakshmi Mittal, le patron du groupe sidérurgique ArcelorMittal, dont il ne voulait plus en France, Montebourg s’est finalement incliné et n’a pas, comme annoncé, démissionné. Devant ce retournement de veste, Gérard Grunbert (Cevipol) a déclaré : « Il a perdu sa crédibilité gouvernementale et n’est plus qu’un ministre de la parole ». « Le volontarisme anti-mondialisation a prouvé ses limites », a‑t-il ajouté.
Autre homme de droite du gouvernement français : Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, depuis juin 2012, au sein du gouvernement Jean-Marc Ayrault II. Assurément, Moscovici est le digne héritier des réseaux patronaux mis en place par Dominique Strauss-Kahn. De fait, il est le vice-président du lobby « Le Cercle de l’Industrie », groupe de 33 multinationales, créée par DSK en 1993, dont les membres (Total, L’Oréal, Vivendi, Lafarge, France Télécom, Air Liquide, Areva, EDF, etc.) totalisent un chiffre d’affaires de plus de 800 milliards d’euros …
Au ministère des Affaires Etrangères, on retrouve Laurent Fabius, autre incarnation du libéralisme au sein du PS français depuis qu’il fut Premier ministre en 1984. Lors de son passage au Ministère de l’Économie et des Finances, une de ses premières initiatives fut d’abaisser la tranche maximale de l’impôt sur le revenu sacrifiant ainsi l’aspect social de sa politique. Plus « socialiste » que moi, tu meurs !
Cerise sur le gâteau de cette mascarade dite « de gauche » : les conseilleurs et proches du Président. L’un des amis intimes de François Hollande n’est autre que Jean-Pierre Jouyet, ex-secrétaire d’État du gouvernement Fillon-Sarkozy, nommé par ce dernier à la tête de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Et parmi les conseillers d’Hollande, on retrouve Philippe Aghion, professeur à Harvard. Même Margaret Thatcher n’aurait aucun mal à trouver en lui un fils spirituel. « Appréciez la modération de son propos : « Le président doit engager des réformes radicales de l’Etat, des retraites, de l’assurance-maladie et de la fiscalité. Pour redresser la France, il doit agir en chef de guerre. Comme au Mali, il ne doit pas tergiverser et doit affirmer son cap. Il a la chance d’être en début de mandat. »vi. Et de donner son kit de survie néolibéral au Président : « […] Il y a un modèle à suivre, c’est celui de la retraite à points tel qu’il a été instauré en Suède : c’est un système par répartition, qui incite à travailler plus longtemps en modulant les pensions selon le nombre d’années de cotisation ». Pour conclure sur l’idée qu’une taxe à 75% imposée aux très hauts revenus doit être abandonnée, car « inutile et contre-productive » … Avec des conseillers pareils, la lutte contre lla finance promise par Hollande n’est pas prête de voir le jour.
Dans « DSK, Hollande, etc. », nous dénoncions cette imposture des médias français consistant à nous présenter ces deux candidats aux Présidentielles comme des « hommes de gauche ». Nous n’étions pas visionnaires, juste lucides. La droite est encore et toujours au pouvoir en France, avec la complaisance – pour ne pas dire la complicité – d’une presse généraliste aussi soumise qu’amnésique.
Aurore Van Opstal.
3 avril 2013
Source : Femmes de Chambre.
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Le documentaire peut être visionné gratuitement à l’adresse suivante : www.pierrecarles.org
http://www.leparisien.fr/politique/valls-les-demantelements-de-camps-roms-se-poursuivront-14 – 03-2013 – 2640169.php
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120916.FAP8365/film-islamophobe-valls-juge-inacceptable-la-manifestation-parisienne.html
http://www.lalibre.be/actu/international/article/799439/l‑islam-defi-pour-l-europe-selon-valls.html
http://www.challenges.fr/economie/20130327.CHA7648/retraite-fonctionnaires-secu-fiscalite-les-idees-choc-de-philippe-aghion-l-economiste-qui-conseille-hollande.html