Message de Paul-Emile Dupret, conseiller politique sur les questions du commerce international auprès du groupe parlementaire Gauche Unie Européenne. Militant des droits de l’homme, altermondialiste engagé et actif dans la solidarité avec le Venezuela dès la tentative de coup d’état de 2002.
Merci aux organisateurs de m’inviter à parler à cet hommage auquel j’aurais bien voulu assister, car comme vous je ressens très fortement la mort du président Chavez, comme peut le faire la perte d’un proche. Mais les sinistres représentants de la droite n’offrent pas de répit. Cet après-midi même, au Parlement européen à Strasbourg où je me trouve, une délégation de cette même droite vénézuélienne qui a tenté à plusieurs reprises de perpétrer un coup d’état‑, est invitée par les groupes PPE et par la délégation espagnole du groupe socialiste, à utiliser à nouveau le Parlement européen comme plate-forme pour déstabiliser le pays, et pour faire campagne électorale avec des arguments qu’ils n’osent même pas utiliser au Venezuela même tant ils sont faux.
Et pourtant.… alors qu’au Venezuela, la pauvreté a diminué de moitié, en Espagne la pauvreté des enfants s’est multipliée par deux. Alors qu’en Espagne et en Europe le chômage atteint plus de 20 %, au Venezuela il est de 6,9%. Alors qu’en Espagne et ailleurs en Europe on chasse les gens de leurs maisons et on favorise ces mêmes banques qui ont provoqué crise, au Venezuela 700.000 logements ont été créés. et certaines banques ont été nationalisées… Alors qu’en Espagne les pauvres sont privés de service de santé, au Venezuela, elle est universelle.
En réalité, le projet bolivarien est pour eux un exemple très subversif, puisqu’il s’agit de freiner l’appétit des entreprises transnationales, et d’utiliser les ressources du pays pour le bien-être de ses habitants. Nationaliser les secteurs clefs de l’économie, comme par exemple la banque, la sidérurgie, les télécommunication c’est subversif, et cela pourrait donner de mauvaises idées aux peuples latino-américains, — et européens.
Hugo Chavez a longtemps tenté de coopérer avec l’Europe, mais de l’establishment européen, celui-là même qui a fait assassiner Lumumba, Sankara et bien d’autres, il n’a reçu que des coups bas. La présidence espagnole de l’Union européenne avait clairement avalisé le coup d’Etat de 2002, et a appuyé ensuite toutes les tentatives de déstabilisation, et notamment celle qui est en cours.
Après cela, Chavez s’est tourné vers Cuba, dont il a reçu une coopération spectaculaire : les “misiones”. Lors d’une des émissions TV “Alo Presidente” auxquels j’ai pu assister, il a raconté comment il avait eu cette idée en parlant avec Fidel. “Que faire pour briser la colonne vertébrale des secteurs putschistes ?” s’étaient-ils demandés et Fidel avait proposé d’envoyer des milliers de médecins. Peu après, des avions remplis de médecins ont atterri clandestinement, chaque nuit, pendant des semaines, expliquait Chavez. Des bus les attendaient pour emmener les médecins directement dans les quartiers populaires, ni vu ni connu. Parfois des bus manquaient, et ils dormaient alors au palais, pour ne pas être repérés. Après un mois, un journaliste a publié un petit article dénonçant qu’il semblait qu’il y avait quelques médecins cubains dans les quartiers pauvres. le gouvernement a répondu immédiatement. “Oui, ils sont dix mil ” Cela montre combien la classe dirigeante ignore ce qui se passe dans les quartiers populaires.
La perte du Président Chavez est irréparable. Nous manquera toujours sa joie de vivre, sa clarté politique, con caractère informel et irrévérent, son contact chaleureux avec la population, sa décision politique, son entièreté, son humour.
Mais heureusement, son travail s’est greffé sur un peuple mobilisé qui déjà en 1989, avait effectué la première rébellion contre les institutions financières internationales. Chavez a donné une structuration idéologique à cette rébellion, l’a inscrite dans l’héritage de Simon Bolivar, l’émancipateur de l’Amérique latine, de Ezéquiel Zamora, et sa lutte pour la réforme agraire et la justice sociale, de Simon Rodriguez, le professeur, qui a ouvré pour le développement endogène plutôt que la dépendance.
Après le passage et le travail assidu de Chavez, le Venezuela et l’Amérique latine ont durablement changé, dans le sens de l’espoir retrouvé, la dignité, l’émancipation des peuples, la solidarité internationale.
Nul doute que la lutte de Chavez et du peuple vénézuélien continuera à insuffler l’espoir et à inspirer les luttes, non seulement en Amérique latine, mais aussi ailleurs dans le monde, et notamment en Europe.
BRUXELLES, LE 12 MARS 2013