Le député arabe israélien Ahmed Tibi a bien dit lorsqu’il a déclaré qu’«Israël est en effet un Etat juif et démocratique : il est démocratique pour les Juifs et juif pour tout le reste. »
C’est plus vrai que jamais après que la Haute Cour de Justice d’Israël a rejeté hier (à nouveau) une requête contre la loi sur la citoyenneté, l’une des premières mesures pour faire de la discrimination raciale à l’encontre de la minorité arabe non pas seulement une pratique courante, mais une partie du code juridique d’Israël.
La Haute Cour a rejeté les requêtes contre la loi sur la citoyenneté. Le chef de la Haute Cour, le juge Asher Grunis, a écrit dans la décision que « les droits de l’homme ne doivent pas être une recette pour un suicide national. » Vous pouvez lire le verdict complet ici [en hébreu, PDF]. Le juge Edmond Levy, un juge religieux et plutôt conservateur, a critiqué sévèrement Grunis pour son langage, affirmant qu’il induit en erreur le public quant à la nature de la loi sur la citoyenneté.
La loi sur la citoyenneté, qui est techniquement une ordonnance temporaire, est entrée en vigueur en 2003. Elle détermine que les non-citoyens palestiniens qui épousent des citoyens israéliens ne seront pas admissibles à la résidence ou la citoyenneté israélienne. Le couple ne pourra se réunir qu’à l’extérieur des frontières d’Israël.
La signification pratique de la loi est que les citoyens arabes d’Israël qui épousent des non-citoyens palestiniens — quelque chose qui arrive assez souvent, puisque ce sont les membres d’une même nation et parfois des mêmes communautés — ne seront pas capables de vivre avec leur épouse ou mari. S’ils veulent se réunir, ils devront quitter le pays. Ce faisant, la loi réalise deux objectifs (racistes) contre des membres de la minorité arabe : (a) elle empêche les non-Juifs d’entrer dans le pays et d’effectuer une demande de résidence permanente ou de citoyenneté et (b) elle rend plus difficile pour les citoyens arabes israéliens de construire des familles dans leur propre communauté ou dans leur propre pays, les encourageant ainsi à quitter Israël. Les Arabes palestiniens représentent environ 20 % de la population d’Israël.
Il est important de noter que ce n’est pas le droit de la femme non-citoyenne ou du mari qui est violé (puisque l’Etat n’a aucune obligation légale envers eux), mais celui du/de la citoyen(e), qui devrait avoir la possibilité de former une famille et vivre avec sa/son bien-aimé(e) dans sa propre communauté.
Lorsque la loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur, pendant la seconde Intifada, un prétexte de sécurité a été utilisé pour la justifier, en affirmant que les terroristes palestiniens pourraient utiliser le mariage pour devenir des citoyens israéliens. Pourtant, cet argument ne tient pas : même sans la loi, l’appareil de sécurité peut opposer son veto à toute demande de citoyenneté ou de résidence. Il est clair — et le débat public autour de la loi ne cherche même pas à dissimuler ce fait — que les questions démographiques ont été le véritable motif de la législation et, plus spécifiquement, la volonté de limiter et, finalement même, réduire le nombre de citoyens non-juifs dans l’état.
Jusqu’à la loi de la citoyenneté, la seule pièce majeure de la législation israélienne qui a fait une distinction claire entre Arabes et Juifs a été la loi du retour, qui rend possible pour les Juifs d’immigrer en Israël et de devenir des citoyens instantanément, tandis que les non-juifs ne sont pas autorisés à le faire, même si leurs familles est originaire de cette terre. La loi de 2003 marque peut-être une nouvelle ère, où la discrimination contre la minorité arabe n’est pas seulement une pratique courante — par exemple, dans l’interdiction pour les Palestiniens d’acheter ou de construire sur les terres de l’État, grâce à des organismes d’État tels que le FNJ — mais une partie explicite de l’ensemble des lois qui s’appliquent aux citoyens de l’Etat.
La nouvelle loi Nakba, qui permet à l’Etat de pénaliser les établissements qui commémorent la catastrophe nationale palestinienne de 1948, est une preuve supplémentaire de ce fait. La Haute Cour a également rejeté les requêtes contre le projet Nakba [[le projet Nakba : http://972mag.com/high-court-dismisses-petition-against-law-penalizing-nakba-commemoration/32186/]], la semaine dernière.
Noam Sheizaf, jeudi 12 janvier 2012
Source de l’Article en FR : Association belgo-palestinienne
Source originale : 972mag