Une bonne nouvelle arrive de Turquie ce week-end. Le HDP, émanation du PKK, a réalisé presque 13 % de suffrages aux élections législatives turques, envoyant ainsi plus de 80 députés au parlement contre vingt-neuf auparavant.
Le HDP se veut le parti de toutes les minorités (LGBT, Arméniens, Kurdes …), il est porteur d’une idéologie de gauche féministe et de transformation sociale.
Lors de la campagne électorale, Erdogan, le leader islamo-conservateur de l’AKP, a traité le leader du HDP Selahattin Demirtas d’« infidèle » parce qu’il a proposé de supprimer les cours de religion obligatoires à l’école.
Attaque sans surprise de la part de l’hypocrite Erdogan qui arme les djihadistes de DAESH d’un côté et sert fidèlement l’impérialisme américain en maintenant la Turquie dans l’OTAN de l’autre.
Pour la première fois la gauche kurde a pu mener une campagne à l’échelle du pays, proposant son projet politique à l’ensemble des Turcs. Le résultat est là, dans les urnes. Malgré la fraude institutionnelle de l’État turc, près de 13 % des voix se sont portées sur une organisation qui a dû faire face à la violence étatique, mais aussi celle des nationalistes, de la bourgeoisie et des islamistes conservateurs.
Tout au long de la campagne le HDP et ses militants ont subi les attaques des organisations nationalistes, des organisations islamo-conservatrices mais aussi celles des services de sécurité de l’État turc. De nombreux militants du HDP ont été confrontés à la virulence de la répression dans cette campagne où les passages à tabac, les intimidations et les arrestations ont été le pain quotidien des cadres et des militant.e.s du HDP.
Parmi les nombreux incidents de campagne, deux sympathisants du HDP ont été tués vendredi 5 juin à Diyarbakir, dans le sud-est du pays, dans des explosions survenues lors d’un meeting du HDP.
Le 18 avril c’est le siège du HDP à Ankara qui a été attaqué à l’arme de guerre, déclenchant une fusillade en plein cœur d’Ankara, tandis que les militants assurant la sécurité de l’immeuble ont riposté et mis en fuite les assaillants.
Le HDP est représenté par Selahattin Demirtas. Ce dernier a été la cible de nombreuses attaques de la part des nationalistes et des conservateurs. Il a été particulièrement attaqué sur le fait que ses sœurs portent le voile ou que son frère Nurettin combat dans les rangs de la résistance kurde en Syrie et en Irak. Il a notamment participé à la défense de Kobane.
Nurettin Demirtas a été condamné à vingt-deux ans de prison par les tribunaux turcs pour son appartenance au PKK. Lors de la campagne, les conservateurs et les nationalistes turcs ont essayé de mettre Selahattin Demirtas en difficulté en raison des engagements de son frère. Il a répondu avec astuce, assurance et fierté que son frère « combat en Irak du nord les jihadistes de l’État islamique en partie armés par l’actuel pouvoir turc ».
Selahattin Demirtas, comme de nombreux cadres et militants du HDP, incarne par son parcours, ses engagements et ses liens familiaux une Turquie progressiste et lucide sur son histoire impériale et religieuse. En somme, tout ce qui fait peur aujourd’hui à l’impérialisme américain et à ses moutons en occident et en orient.
Depuis plus de 50 ans, la gauche kurde est le creuset où de nombreux militants se forment et acquièrent des expériences militantes qui vont de la lutte politique dans des espaces démocratiques restreints jusqu’à la lutte armée. Quelles que soient les écoles de militantisme au sein de cette mouvance, la gauche kurde produit des cadres et des militant.e.s qui, en Turquie comme en Europe, peuvent devenir le fer lance de tout projet de transformations sociale.
Jaurès exposait clairement il y a plus d’un siècle que « Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage ».
Il faut retenir les leçons de l’histoire. La séquence historique que nous vivons, qui mélange dans un cocktail détonnant crise économique et racisme cultuel et culturel, ne peut déboucher nécessairement que sur la guerre, le fascisme ou la révolution sociale.
Dans cette perspective historique l’expérience des camarades kurdes est précieuse comme l’a été dans les années 30 celle des Italiens, des Espagnols ou des Juifs d’Europe de l’est qui ont été les fers de lance de la lutte par leur engagement dans la Main d’Œuvre Immigré (MOI) face aux fascistes français et à l’occupation nazie.
La communauté kurde est présente dans nombre de nos quartiers, il est possible de tisser des liens avec elle et de se mobiliser avec ses militant.e.s sur des combats communs : l’anti-impérialisme , l’histoire de l’immigration et de ses luttes pour la dignité et l’égalité, mais aussi celle des luttes sociales du quotidien (travail logement …).
Ces liens de fraternité et de lutte commune avec la gauche kurde permettent de construire un avenir qui ne soit pas celui du fascisme et de la guerre.
La marche contre le fascisme qui s’est déroulée ce week-end en hommage à Clément Meric à laquelle étaient présentes des organisations kurdes est en cela un signe porteur d’avenir.
Source de l’article : Quartiers libres
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Intervention Manifestation Antifa 6 Juin 2015->https://soundcloud.com/afa-paris-banlieue]