ZIN TV est un centre de formation qui a la particularité, dans le paysage de la pédagogie audiovisuelle belge, de disposer d’une plate-forme de diffusion : ceci lui donne d’emblée une certaine ouverture sur le monde. En effet, au-delà de l’apprentissage du processus de production, il est selon nous, indispensable que le cinéaste-apprenti puisse aussi confronter son travail à une diffusion, car nous considérons qu’un film n’a pas de raison d’être s’il n’est pas vu par un public. Cela est possible chez ZIN TV : via notre site internet, par le satellite de nos partenaires ou encore via les écrans des milieux associatifs, l’étudiant pourra se confirmer ou se corriger, il sera en tous cas confronté à la critique, ainsi qu’aux questions éthiques et morales engendrées par toute diffusion, et développera du coup une dynamique de réveil au monde.
ZIN TV est le fruit de la fusion de différentes expériences dans le domaine de la pédagogie audiovisuelle, porté par des cinéastes engagés, composé de professionnels confirmés, d’artistes et de citoyens actifs dans la construction d’un projet commun : un modèle de communication de participation citoyenne.
Présents depuis une quinzaine d’années dans les quartiers populaires à Bruxelles et ailleurs à travers différentes structures d’ateliers de formation dans les milieux associatifs, nous avons pu voir émerger des centaines d’œuvres et de jeunes talents. Or, dans les médias publics, la diffusion d’œuvres issues d’ateliers n’est jamais garantie : elles sont refusées sous prétexte qu’elles ne correspondent pas au format conventionnel. D’une manière générale, les œuvres indépendantes sont condamnées à rester marginales, confinées à des ghettos de diffusion ou à demeurer tout simplement aux oubliettes. Ces films cherchent des espaces de liberté.
Le cinéaste brésilien Glauber Rocha déclarait déjà en 1970 : « Nous ne croyons pas à cette affirmation qui prétend qu’il y a des films que le public comprend et d’autres qu’il ne comprend pas. En réalité, le public est éduqué par un langage. Comme si nous étions éduqués en allemand, et qu’après, on nous montre un livre en anglais. Il lui sera impossible de comprendre car il est éduqué par une structure, par un langage. Godard parle même de dictature esthétique et économique du cinéma nord-américain. Cette esthétique nord-américaine est liée à l’économie nord-américaine, il s’agit d’un complexe idéologico-linguistique. Nous ne pouvons pas faire des films avec le langage nord-américain pour exprimer un contenu brésilien, latino-américain. Il s’agit d’une contradiction très grande, car il est nécessaire aussi de désaliéner la forme culturelle. »
Les paroles de Rocha semblent être encore d’actualité, elles invitent les progressistes d’aujourd’hui à formuler de nouvelles propositions et non pas à reproduire les méthodes, l’idéologie et le langage des médias dominants. ZIN TV est un espace de résistance où l’on se propose d’apprendre à générer des nouvelles formes, à raconter des contenus de manière attractive et intelligente, un outil d’expression, un moteur de réflexion et d’émancipation. Tout cela passe par la formation de citoyens décomplexés, qui acquièrent des capacités d’analyse critique et deviennent des créateurs de messages en construisant un nouveau langage qui nous parle. Informer n’est alors plus le monopole des journalistes !
ZIN TV est aussi un média laboratoire, où se combinent l’éducation permanente et le renouvellement continu. Mais en aucun cas il exclurait de cohabiter avec les autres structures existantes, car ZIN TV n’accepte pas les attitudes hégémoniques : il ne prétend ni monopoliser l’espace, ni concurrencer avec les autres médias associatifs. Nous aspirons au contraire à stimuler et à soutenir l’émergence de nouveaux médias associatifs, car c’est seulement ainsi que l’on pourra rebâtir un véritable service public de la télécommunication et de la culture, pluraliste et diversifiée. N’est-ce pas aussi le meilleur moyen de renforcer à l’avenir le pôle public face aux tentatives de privatisation, monopoles et concentration de certains capitaux dans le secteur ?
Autant dire que notre démarche s’apparente plus au travail anonyme de la fourmi, à l’action collective et généreuse qu’à l’alimentation d’un ego en manque de reconnaissance. Ce que nous mettons en place, c’est un système de communication qui s’articule avec la vie sociale, les initiatives citoyennes et les préoccupations des mouvements sociaux. Une maison pour ceux qui cherchent des solutions, pour ceux qui veulent d’une culture politique large et unitaire. Une fenêtre qui s’enracine dans le savoir et la culture populaire, une télévision qui propose la connexion sociale, la stimulation des mobilisations. En somme, bien plus qu’une simple télévision…
Illustration : Glauber Rocha