Au moment de son arrestation, Assange est sorti avec un livre entre les mains, un titre éloquent qui pourrait être une déclaration silencieuse.
Julian Assange a été arrêté à la résidence de l’ambassade de l’Equateur à Londres, après avoir passé près de 7 ans à y chercher asile et protection.
Comme on le sait, Assange a commencé à être sollicité par les autorités fédérales des États-Unis à la suite de la fuite de documents classifiés en rapport avec les offensives militaires de ce pays en Afghanistan et en Iraq, toutes deux lancées au début du XXIe siècle. Avec l’aide du soldat Bradley Manning (qui a changé son sexe et son nom pour Chelsea Manning), Assange a publié cette information sur le site WikiLeaks, à partir duquel il a été accusé de complot par le système judiciaire américain.
L’arrestation a eu lieu après que le gouvernement équatorien eut révoqué son droit d’asile politique, sous prétexte qu’Assange violait à plusieurs reprises les accords qui lui permettaient jusqu’alors de vivre à l’ambassade. Dès que cette décision a été prise, la police de Londres s’est empressée de retirer le journaliste de la scène, en réponse, à son tour, à un ordre d’extradition émis par le gouvernement étasunien.
Lors de son arrestation, Assange a quitté l’ambassade avec un livre entre les mains, alors qu’il était menotté. Plus tard, au tribunal de première instance de Westminster, où le journaliste a été emmené pour sa première audience, il a passé du temps à attendre en lisant les pages du dit livre.
Le livre a été rapidement identifié : Histoire de l’État de la sécurité nationale, de l’écrivain Gore Vidal, particulièrement apprécié dans l’histoire littéraire des États-Unis et qui, pendant une grande partie de sa carrière, s’est distingué par ses critiques sévères des traditions de la société américaine ainsi que de la politique militaire du gouvernement, qui à son avis avait entraîné le déclin de la culture américaine.
Le livre a été publié à l’origine en 2014, quelques années après la mort de l’auteur. Il s’agit d’une compilation posthume de l’échange entre Vidal et l’éditeur et essayiste Paul Jay sur l’établissement d’une “présidence impériale”, terme que Vidal a donné au gouvernement contemporain des États-Unis, où une combinaison d’intérêts militaires et industriels a abouti à une forme très subtile d’autoritarisme.
“Les gens n’ont pas de voix parce qu’ils n’ont pas d’information “, a dit Vidal à un moment donné dans cette conversation, ce qui explique peut-être pourquoi Assange avait ce livre entre ses mains.
Comme dans “Le jardin aux sentiers qui bifurquent”, nouvelle de Borges, il faut parfois, pour faire passer un message, recourir à des formes de communication moins prévisibles.