VENDREDI 27 AVRIL 2012
AU PIED DU MUR
Un officier qui frappe brutalement un manifestant avec son fusil-mitrailleur, quoi de plus banal dans cette contrée de non-droit que sont les territoires palestiniens occupés ? Pourtant, le lieutenant-colonel Shalom Eisner, commandant adjoint de la brigade de la vallée du Jourdain, vient d’être suspendu de ses fonctions par le chef d’état-major et interdit de commander une unité militaire pendant deux ans.
La brutalité est inscrite dans le code génétique de l’occupation coloniale : tout y est violence, depuis la présence imposée d’une armée étrangère depuis plus de quatre décennies, jusqu’au pillage des ressources naturelles – l’eau en particulier –, en passant par la mainmise sur plus de 40% des terres de Cisjordanie. Sans parler de la violence dite « illégale », quand certains colons en font encore plus que ce que leur autorise formellement leur statut de maîtres des lieux.
Les colons sont presque toujours gagnants, même lorsqu’ils anticipent les décisions gouvernementales, ou s’installent sur des terres dûment inscrites au cadastre comme propriétés privées palestiniennes. C’est le cas de la nouvelle colonie de Migron. Le droit à la propriété étant sacré pour Israël, bien plus d’ailleurs que le droit à la vie, le gouvernement vient d’annoncer qu’il se plierait, le cas échéant, à la décision des tribunaux qui examinent le bien-fondé de l’appel interjeté par les propriétaires palestiniens… et relogerait ces colons dits « sauvages » quelques centaines de mètres plus loin.
C’est dans un tel contexte de non-droit absolu qu’il faut comprendre ce que l’affaire de Shalom Eisner a de particulier : sanctionner un officier supérieur pour avoir frappé un manifestant ? S’attaquer à des Palestiniens qui protestent contre des confiscations de terres ou des agressions de colons, cela arrive au moins une fois par semaine, avec des conséquences souvent beaucoup plus graves et, bien évidemment, personne n’est puni. En réalité, si Eisner a été sanctionné, c’est pour sa bêtise et non pas pour son acte : frapper un Palestinien n’est pas une déviation des normes de l’occupation coloniale, même devant des caméras.
Frapper un international qui manifeste dans les territoires occupés n’est pas non plus une violation des normes courantes, à condition de le faire discrètement. Or le lieutenant-colonel en question, connu pour ses positions d’extrême droite, a frappé un jeune Danois, blond aux yeux bleus, devant une caméra. Morale de l’histoire : c’est bien pour sa stupidité que le lieutenant-colonel Shalom Eisner a été sanctionné.
Michel Warschawski
Source : le courrier