Tentative d’arrestation d’un chef militaire israélien à Bruxelles

Ce matin, j’ai tenté d’arrêter un stratège militaire israélien coupable de développer des armes destinées à tuer des Palestiniens.

Par David CRONIN, jour­na­liste auprès de The Guar­dian, The Wall Street Jour­nal Europe, Euro­pean Voice, the Inter Press Ser­vice, The Irish Times et The Sun­day Tri­bune, il est éga­le­ment l’au­teur d’un ouvrage Europe’s Alliance With Israel : Aiding the Occupation 

Yitzhak_Ben-Israel.png Yitz­hak Ben-Israel, ancien cher­cheur dans l’armée d’Israël et au Minis­tère de la défense se tenait devant la salle de réunion d’un hôtel de luxe bruxel­lois quand je suis arri­vé. Je suis pas­sé devant lui et me suis diri­gé vers le bureau pour m’enregistrer afin d’assister à une confé­rence inti­tu­lée « Tech­no­lo­gie et ter­ro­risme » que ce per­son­nage devait animer.

« Bon­jour, dis-je à la femme der­rière le bureau, mon nom est Cronin. »

- Cro­nin ?, dit un homme en cos­tume sombre qui venait de s’approcher, vous êtes David ? (Je n’avais pas don­né mon prénom).

- C’est juste, répondis-je. »

La femme et lui jetèrent un coup d’œil rapide sur la liste et m’affirmèrent que mon nom n’y figu­rait pas. Quand j’ai expli­qué que j’avais envoyé un e‑mail expri­mant le sou­hait d’être pré­sent à la confé­rence, ils m’ont répon­du qu’il s’agissait d’un évé­ne­ment privé.

« Mais cela est finan­cé par l’Union euro­péenne. Et cela a été annon­cé publi­que­ment sur Inter­net, » insistai-je.

La conver­sa­tion conti­nua inuti­le­ment pen­dant un moment jusqu’à ce que l’homme me dise :

« Vous vou­lez la police ? La police est là. » (Je n’avais nul­le­ment deman­dé la police). Je me suis retour­né et deux hommes venaient d’arriver.

« Faites-vous par­tie de la sécu­ri­té de l’hôtel ? », demandai-je.

- Non, nous sommes les ser­vices de ren­sei­gne­ment belges, me répon­dit l’un des deux fonctionnaires.

- Cet homme, juste là, c’est Ben-Israel, lan­çai-je en le mon­trant du doigt, je suis venu pour lan­cer une arres­ta­tion citoyenne à l’encontre de cet homme. M. Ben-Israel, vous êtes accu­sé de crimes contre l’humanité. Je vous demande de vous rendre par vous-même aux deux offi­ciers de police ici présents. »

Un des offi­ciers me deman­da de m’identifier. « Mon nom est David Cro­nin, je suis jour­na­liste indé­pen­dant, dis-je, je crois sin­cè­re­ment que M. Ben-Israel a déve­lop­pé des armes dont le but est de tuer des Palestiniens. »

J’ai essayé d’entrer dans les détails, mais les deux poli­ciers était déjà en train de me faire des­cendre les esca­liers. Dans le hall de l’hôtel, ils m’ont deman­dé mes papiers et ont noté mes coor­don­nées. Je leur ai deman­dé qu’ils enre­gistrent une décla­ra­tion de ma part où j’aurais pu expli­quer pour­quoi Ben-Israel devait être arrê­té. Bien qu’ils aient accep­té d’écouter mes argu­ments, ils ont refu­sé de prendre une décla­ra­tion for­mel et à la place ils vou­laient me faire visi­ter le poste de police.

QUI EST BEN-ISRAEL ?

Géné­ral en retraite, Ben-Israel, est impli­qué dans le déve­lop­pe­ment des armes les plus hor­ribles de l’arsenal israé­lien. Il y a des preuves fla­grantes qu’il a four­ni son exper­tise à une équipe israé­lienne qui a adap­té les armes éta­su­nienne DIME (Dense Inert Metal Explo­sive) pour une uti­li­sa­tion sur Gaza. En 2006, Ben-Israel a indi­qué qu’il était au cou­rant des test de DIME, une arme qui arrache les membres et cause de sévères bru­lures. Il fit l’éloge de cet arme dans une inter­view à la télé­vi­sion ita­lienne, décla­rant : « une des idées est de per­mettre de frap­per les cibles sans entraî­ner de dom­mages sur d’autres personnes. »

Des témoi­gnages, ras­sem­blés dans les hôpi­taux de Gaza que Israël a atta­qué fin 2008-début 2009, affirment la pré­sence de métaux inha­bi­tuels dans les corps des vic­times de bom­bar­de­ments. Ceci indique que le DIME a pu être uti­li­sé durant cette assaut qui a duré trois semaines, l’opération plomb durci.

Ben-Israel a reçu trois récom­penses en Israël pour avoir aidé à inven­ter des armes. En 1972, il a été hono­ré pour son rôle dans la réa­li­sa­tion du sys­tème de bombe de l’avion F‑4E four­ni à Israël par l’entreprise d’armement McDon­nell Dou­glas. Quatre ans plus tard, il gagna un prix simi­laire pour sa contri­bu­tion à l’élaboration d’une nou­velle tech­no­lo­gie pour l’armée israé­lienne : le sys­tème C4 conçue pour per­mettre au com­man­de­ment mili­taire de diri­ger plu­sieurs opé­ra­tion en même temps. Et en 2002, il rem­por­ta le Prix de la défense d’Israël pour un « pro­jet intro­dui­sant un nou­veau concept de conflit armé ».

LA REJOUISSANCE D’ASSASSINER

Membre de la Knes­set (par­le­ment israé­lien) entre 2007 et 2009, il a été un fervent sup­por­teur de l’Opération plomb dur­ci. Dans un article d’opinion, paru en 2009 sur le site Ynet, il s’est réjoui de la manière dont Israël s’était pas­sé des règles du com­bat armé qu’il avait l’habitude de jouer (selon lui) : « Avant, c’était comme si le côté faible (Hamas, Hez­bol­lah) pou­vait atta­quer les citoyens de manière inin­ter­rom­pue, pen­dant qu’Israël hési­tait à uti­li­ser sa puis­sance mili­taire sub­stan­tiel (avion de chasse, tank et mis­siles gui­dés) par peur de bles­ser des civils. Mais l’opération récente a mon­tré que même les mos­quées uti­li­sées par les groupes ter­ro­ristes ne sont plus un obs­tacle pour Israël. »

Il est écœu­rant de voir que quelqu’un qui se réjouit de l’assassinat mas­sif de civils puisse être un invi­té à une confé­rence spon­so­ri­sée par l’Union européenne.

Comme je l’ai écrit il y a quelques jours, un autre crime com­mis par Ben-Israël est qu’il siège au conseil d’administration de l’Université Ariel située dans une colo­nie en Cis­jor­da­nie. Les repré­sen­tants euro­péens savent que ces éta­blis­se­ments violent la 4ème conven­tion de Genève de 1949 qui inter­dit à une puis­sance occu­pante de trans­fé­rer ses popu­la­tions civiles dans des ter­ri­toires qu’elle occupe.

Ben-Israel parut quelque peu per­plexe quand je me suis confron­té à lui aujourd’hui. Il n’a cer­tai­ne­ment jamais ren­con­tré telle ten­ta­tive aupa­ra­vant qui le décla­rait res­pon­sable de ses crimes. Hé bien, il fau­drait qu’il s’habitue à ce genre d’action ! Lui ou d’autres membres de la poli­tique d’Israël et de son élite mili­taire doivent s’attendre à faire face à la jus­tice. Par­tout où qu’ils aillent.

David CRONIN

Tra­duit de l’anglais par Cédric Rutter

Source : [Elec­tro­nic Intifada
->http://electronicintifada.net/blog/david/my-attempt-arrest-israeli-weapons-chief]