Venezuela : dépendre de l’Etat ou opter pour la gestion communale.

La Commune est la traduction d’un niveau d’organisation populaire qui cristallise l’ensemble des acquis émanant des luttes du peuple pour son émancipation

« C’est ici qu’on a retrou­vé Alber­to Love­ra » : une com­mune qui a de la mémoire.

Publié par Vene­zue­la infos

Octobre 1965. Côtes de Lechería. Etat d’Anzoategui.

lecheria.jpg Comme tou­jours, le tra­vail com­mence tôt. Le pêcheur a pré­pa­ré un par un cha­cun des outils dont il aura besoin. Il a d’ores et déjà appa­reillé, jeté ses filets à la mer. A l’instant pré­cis, il s’apprête à décou­vrir le fruit de son tra­vail : des pagres, des seiches , des pois­sons-per­ro­quets et peut-être quelques petits poulpes. Sauf qu’aujourd’hui, le filet remonte à la sur­face les restes d’une dépouille. Celle d’un être humain : pieds, mains, bras seront de ceux-ci ; une tête éga­le­ment, mécon­nais­sable du fait des coups reçus. Mêlés à quelques pois­sons résul­tant de cette pêche bien par­ti­cu­lière, les doigts tran­chés et ce qui sub­siste de la colonne ver­té­brale du corps d’Alberto Love­ra, sont res­ti­tués par la mer. Plus per­sonne n’avait de ses nou­velles depuis une semaine.

En fait, l’océan s’est fait le com­plice de ce retour, puisque le corps rete­nu par la chaîne de l’ancre a été récu­pé­ré par les filets. C’est ain­si que le cadavre d’Alberto fut rame­né sur la terre ferme. Pour ses proches, et pour ses cama­rades du Par­ti com­mu­niste du Vene­zue­la (PCV), Alber­to, c’était déjà une vieille connais­sance lorsqu’après son arres­ta­tion, il sera traî­né jusque dans une cel­lule qui s’apparentera en réa­li­té à une oubliette. Tout cela est dû à cet « orga­nisme de bien­fai­sance » qu’est la Dige­pol (Direc­tion géné­rale de la Police), la force spé­ciale de répres­sion ser­vant le gou­ver­ne­ment, que Raul Leo­ni diri­geait à cette époque. Celui-là même qui s’était enga­gé à réunir les condi­tions poli­tiques d’une « paix démocratique ».

Mai 2014. Leche­ria. Cos­ta d’Anzoategui.

lecheria2.jpg Comme à l’accoutumée, le tra­vail com­mence tôt. Désor­mais, ce sont les mains d’Henry qui pré­parent minu­tieu­se­ment le maté­riel de pêche néces­saire. Il met tou­te­fois au point un engin impro­vi­sé, que l’on nomme « canard » du fait de sa res­sem­blance avec le vola­tile. A l’horizon, des dégra­dés de rose et d’orange font la toile de fond du pay­sage. A ce moment pré­cis du le lever du jour, le froid pénètre jusqu’aux os le corps du pêcheur pas bien réveillé. C’est mal­gré tout sur ce tableau res­plen­dis­sant que ce der­nier pose son regard. Désor­mais, il n’est plus seul face à la mer. Il est l’un de ces « sol­dats », l’un des maillons de la Com­mune « Alber­to Love­ra » qui a adop­té le nom du dis­pa­ru de 1965. Depuis 40 ans, la pêche est l’activité prin­ci­pale. Tout com­mence avec elle.

Chaque matin, le savoir-faire et les connais­sances acquises s’imposent sur le ter­rain, bien avant le lever du soleil. Hen­ry Qui­ja­da et ses cama­rades com­mu­nards ne font qu’un. Ils ne sont pas tous pêcheurs. Cela ne les empêche pas de par­ta­ger une pré­oc­cu­pa­tion com­mune : faire de leurs com­mu­nau­tés, une seule et même force. Celle qui pré­ci­sé­ment, trans­forme Lechería ‑com­mune Urba­ne­ja- en l’une de ces zones où l’on construit le socia­lisme. Tout cela, sur le ter­ri­toire de « l’une des com­munes les plus déshé­ri­tées du pays », comme le rap­pelle Pan­cho, de son vrai nom José Vas­quez. On ne sera pas éton­né d’apprendre que lors des der­nières élec­tions, c’est au total 70% des suf­frages qui se repor­te­ront sur le repré­sen­tant du MUD (Mesa de la Uni­dad Demo­crá­ti­ca, qui regrou­pait ini­tia­le­ment 16 orga­ni­sa­tions dont les prin­ci­paux par­tis de droite), le maire actuel.

Cha­cun est bien conscient du poten­tiel que recèle une zone lit­to­rale, géné­reuse en enso­leille­ment et pour­vue de plages consé­quentes. Il est par consé­quent aisé de poin­ter l’ensemble des dif­fi­cul­tés aux­quelles on est confron­té. Il ne faut pas avoir de scru­pules à les énu­mé­rer. A lui seul, un bateau qui évo­lue dans le sec­teur, a la capa­ci­té de rame­ner plus d’une tonne de pois­sons dans ses cales. C’est un tra­vail de longue haleine. Dif­fi­cile. Mal­heu­reu­se­ment comme Pan­cho le sou­ligne : « rien n’est fait pour doter sys­té­ma­ti­que­ment les équi­pages de pêcheurs d’un petit bateau pour­vu d’un moteur. Certes, on conti­nue à pêcher, mais il n’y a pas de chaîne du froid, et pas d’organisation per­met­tant la com­mer­cia­li­sa­tion des pro­duits de la pêche ». Para­doxa­le­ment, l’halieutique est de moins en moins la clé de voûte d’une com­mune dont les acti­vi­tés semblent être a prio­ri tour­nées vers la mer. Tou­risme y com­pris. Il s’agit-là d’une carence, qui résulte de la sous-exploi­ta­tion, mais aus­si d’une absence de prise en compte des atouts carac­té­ri­sant ce territoire.

La voie d’un déve­lop­pe­ment éco­no­mique alternatif.

deveco.jpg Jorge Ser­ra­no, porte-parole du sec­teur Trans­port : « Comme Cha­vez en par­lait dans l’émission « Alo Pré­si­dente » (Allo, Pré­sident) de février 2010, les Com­munes doivent pré­fi­gu­rer ce que seront le futur, les ter­ri­toires de l’avenir. Or, pour regar­der en avant, il ne faut pas se conten­ter de repro­duire des expé­riences que l’on connaît. Il faut explo­rer cha­cune des pos­si­bi­li­tés en ges­ta­tion que nous offrent les ter­ri­toires concer­nés. Sans oublier les gens qui y vivent. En sui­vant cette voie, on a pu ‑à par­tir de la mise en œuvre d’une série d’expérimentations- recou­rir concrè­te­ment à des alter­na­tives pour accé­der à de nou­velles res­sources finan­cières, que l’on a réin­ves­ti. Il en est ain­si du domaine des trans­ports qui a par ailleurs, fait l’objet d’un finan­ce­ment éma­nant des auto­ri­tés gou­ver­ne­men­tales. A ce jour, trois véhi­cules sont en acti­vi­té. On en sera très pro­chai­ne­ment à quatre. Ce seront ain­si les ter­ri­toires pour­vus de 3 Conseils com­mu­naux qui seront reliés entre eux : « Sec­teur cen­tral », « Sec­teur San­ta Rosa » et « Pun­ta Caraïbes ». Jorge Ser­ra­no s’exprime à bord de l’un de ces auto­cars, qui sillonnent le sec­teur « Cas­co Central ».

De sa voix traî­nante, Jorge met à nu l’ensemble de la trame orga­ni­sa­tion­nelle et admi­nis­tra­tive ayant trait à la ges­tion des reve­nus déri­vés du sec­teur rou­tier. Les 86 mille boli­vars d’excédents ont été réin­ves­tis dans la construc­tion d’une bou­lan­ge­rie socia­liste. Avec sa mise en acti­vi­té, une aug­men­ta­tion des res­sources maté­rielles sur laquelle on pour­ra comp­ter, est atten­due. Cha­cun a bien com­pris que les sur­plus finan­ciers doivent éga­le­ment ser­vir à la conso­li­da­tion de ce qui a d’ores et déjà été acquis. Jorge : « Il en est ain­si des uni­tés de trans­port et de leur main­te­nance. Le reste va aux col­lec­ti­vi­tés ». Pour sa part, le Conseil com­mu­nal « San­ta Rosa » pour­voit au bon entre­tien d’un CDI (Centre de diag­nos­tic inté­gral de san­té) mais aus­si d’un centre de soins den­taires et d’un Simon­ci­to, c’est-à-dire, une école mater­nelle. L’autobus que conduit Jorge, emprunte l’avenue se situant entre la plage de Sota­ven­to et Barlovento.

Sur la ligne droite, la vitesse du véhi­cule, mais aus­si le débit de paroles aug­mentent au même rythme. Une émo­tion que Jorge ne cherche pas à dis­si­mu­ler. Tout le tra­vail accom­pli jusqu’à ce jour, en est l’origine. Il sou­ligne le fait que sur le ter­ri­toire du « Centre Colo­nial » on a inves­ti pas loin de 84 mille boli­vars pour la créa­tion d’un autre CDI, dont l’édifice qu’il occupe reçoit éga­le­ment la cel­lule locale de for­ma­tion de base. Mais aus­si, la Salle de Bataille Sociale ?

¨Il nous fau­drait 5 bonnes années pour obte­nir une pièce de rechange en pas­sant par les voies admi­nis­tra­tives nor­males. Alors qu’à notre niveau, nous réglons immé­dia­te­ment la question¨.

mar.jpg Jorge : « nous repre­nons à notre compte cette charge ini­tia­le­ment dévo­lue à la fon­da­tion Bar­rio Aden­tro et au minis­tère de tutelle ». Cepen­dant, par delà le sou­tien appor­té à l’Etat, c’est sur­tout une ten­ta­tive visant à la bonne réso­lu­tion de pro­blèmes pen­dants et récur­rents : « l’inertie bureau­cra­tique fera en sorte que si l’on demande le rem­pla­ce­ment d’un élé­ment de car­ter cas­sé, il nous fau­dra 5 bonnes années pour en obte­nir un autre, en pas­sant par les voies admi­nis­tra­tives nor­males. Alors qu’à notre niveau, nous réglons immé­dia­te­ment la ques­tion ». L’argent dis­po­nible a éga­le­ment ser­vi à répa­rer les faux-pla­fonds de l’immeuble du Centre de Diag­nos­tic Inté­gral. Quant aux cli­ma­ti­seurs, et aux bran­cards pour malades , ils ont été pure­ment et sim­ple­ment rem­pla­cés. Le pas­sage en revue ne s’arrête pas là, puisque comme Jorge le déclare : « nous avons ins­tal­lé une nou­velle porte sécu­ri­sée, et répa­ré toutes les chaises et bancs qui en avaient besoin. Sans oublier la pein­ture des locaux qui a été refaite ».

Le bus à l’arrêt, Jorge se détend. Arpen­tant la rue, il tra­verse le sec­teur des­ti­né à béné­fi­cier d’aménagements, et d’un déve­lop­pe­ment digne de ce nom. Un ter­rain fai­sant face à la bou­lan­ge­rie en voie de construc­tion, est appe­lé à rece­voir les ins­tal­la­tions rela­tives à la venue de l’eau potable, et à sa des­serte ; mais aus­si les cana­li­sa­tions des­ti­nées à l’évacuation des eaux usées. Ces réa­li­sa­tions ont vu le jour grâce au concours du Minis­tère de l’alimentation et des 86 mille boli­vars dont on a par­lé aupa­ra­vant. Orga­ni­sa­tion, pla­ni­fi­ca­tion et convic­tion sont les maîtres-mots qui sous-tendent les actions entre­prises : d’abord, deux chauf­feurs sont déta­chés auprès de chaque uni­té de trans­port. Ils se par­tagent l’emploi du temps qui leur est attri­bué. Pour cela, ils per­çoivent res­pec­ti­ve­ment 200.000 et 300.000 boli­vars par semaine. (La rému­né­ra­tion varie­ra en fonc­tion du tra­vail plus ou moins long accom­pli en alter­nance, par l’un et par l’autre). Tou­te­fois, en lieu et place du terme habi­tuel­le­ment usi­té, on par­le­ra ici d’une col­la­bo­ra­tion rétri­buée. Telle est l’expression que l’on emploie au sein de la Com­mune. Parce que pour engen­drer du neuf sur le plan poli­tique, il est impé­ra­tif de recou­rir à des termes nou­veaux, afin de carac­té­ri­ser un mode de rela­tion qui rompt avec le passé.

Dépendre de l’Etat ou opter pour la ges­tion communale.

gestcom.jpg La Com­mune est la tra­duc­tion d’un niveau d’organisation popu­laire qui cris­tal­lise l’ensemble des acquis éma­nant des luttes du peuple pour son éman­ci­pa­tion ; qui recueille l’ensemble des expé­riences propres à la remise en ques­tion récur­rente ‑aux fins d’amélioration- des formes orga­ni­sa­tion­nelles dont elle se dote. Ce que l’on attend de l’Etat c’est l’impulsion ini­tiale. En retour, c’est une forme de « prise de dis­tance » qua­li­ta­tive vis-à-vis de lui, qui doit se concré­ti­ser. Ce pro­ces­sus devant in fine, débou­cher sur la trans­for­ma­tion effec­tive de l’État traditionnel.

Les aides telles que celles que la com­mu­nau­té de San­ta Rosa a reçu, sont les bien­ve­nues. Pas moins de 48 loge­ments ont ain­si été créés, par le tru­che­ment de la Grande Mis­sion Loge­ment Vene­zue­la (GMVV). Ce com­plexe est la pre­mière étape d’un pro­jet plus large, qui ver­ra l’aménagement d’un abri de pêche (l’infrastructure de base existe déjà), auquel l’on adjoin­dra un centre de sto­ckage pour le pois­son pêché. Ce n’est pas tout. En effet, l’activation d’un module dépen­dant du pro­gramme de san­té inté­grale Bar­rio Aden­tro et l’amélioration du réseau rou­tier déjà exis­tant com­plè­te­ront le tableau. La porte-parole de la com­mu­nau­té ‑Ludy Figue­roa- insiste sur le fait que la géné­ra­li­sa­tion de la ges­tion com­mu­nale met à mal le pater­na­lisme de tou­jours. La créa­tion locale d’un cam­pe­ment de pion­niers ‑futurs (auto-)constructeurs de leur propres loge­ments- en est l’une des illus­tra­tions. On a en effet déter­mi­né que 600 familles de la com­mune ont besoin d’accéder à un loge­ment décent. (C’est le cas de Ludy elle-même).

« La droite locale veut s’approprier toutes ces plages et conver­tir l’ensemble en baie privée ».

playa.jpg On a d’ores et déjà pré­vu que 300 de celles-ci béné­fi­cie­raient de ces loge­ments dans le cadre du nou­veau pro­jet. Ce sont les ménages les plus dému­nis qui ont fait l’objet d’une dési­gna­tion prio­ri­taire. Ils par­ti­ci­pe­ront acti­ve­ment aux trans­for­ma­tions pro­gram­mées. « Il s’agit d’une lutte col­lec­tive ». Cette réflexion tout emplie d’espoir, ce sera le porte-dra­peau expli­ci­tant la nature du labeur en voie d’accomplissement : « tous ceux qui le veulent, ont voca­tion à nous accom­pa­gner dans la lutte ». Il en a bel et bien été ain­si. Ils ont gros­si les rangs du Conseil com­mu­nal ; ils tra­vaillent avec la muni­ci­pa­li­té ; ils par­ti­cipent à la ges­tion de l’une des uni­tés de trans­port et du CDI du sec­teur. C’est à la plage du Lido que se trouve Aliya­bor Baez, porte-parole du Conseil des tra­vailleurs de Playa. Ce der­nier est en charge de la ges­tion et des ques­tions orga­ni­sa­tion­nelles ayant trait au pôle tou­ris­tique de la com­mu­nau­té. Le dénom­mé bou­le­vard Eneas Per­do­mo ‑qui longe le lit­to­ral-est une zone sur laquelle la droite sou­haite depuis long­temps jeter son dévo­lu. « Ils veulent s’approprier toutes ces plages et conver­tir l’ensemble en une baie pri­vée ». Le Conseil se doit de prendre posi­tion sur ce dos­sier. Car il s’agit de pré­ser­ver l’activité de tous ceux qui s’occupent de la pro­pre­té des plages, de ceux qui vendent de la nour­ri­ture ; de ceux qui s’occupent de la sécu­ri­té des esti­vants et des bai­gneurs. Car ce sont autant de per­sonnes qui pour­voient ain­si aux besoins de leurs familles. Et ce, à tra­vers l’autre grand pôle d’activités spé­ci­fiant la com­mune : le tourisme.

camioneta.jpg Pour Pan­cho, tout le monde n’a pas encore atteint un niveau de conscience qui per­met à ceux qui en sont les pro­ta­go­nistes de par­ta­ger équi­ta­ble­ment entre eux, les béné­fices de ces acti­vi­tés. Et de s’acquitter par la suite, des impôts à ver­ser à la com­mune. Tou­te­fois, selon lui, bien que sub­sistent encore ces dif­fé­rences, on va dans le bon sens. Tous ensemble. « Nous ne cher­chons pas à nous dif­fé­ren­cier. Nous recher­chons la sym­biose ». C’est un sen­ti­ment lar­ge­ment par­ta­gé. « De tout cela, émane la force du pou­voir popu­laire. Être unis. C’est ce qui ras­semble mal­gré tout, l’ensemble des gens. Nous visons par ailleurs à pla­cer toutes nos acti­vi­tés et les uni­tés pro­duc­tives qui en sont issues, sous le signe de la pro­prié­té sociale ». (Empre­sas de Pro­prie­dad Social). Cepen­dant, la réa­li­té ne concorde pas tou­jours avec les dési­rs. Il en est ain­si d’Insopesca (Ins­ti­tut socia­liste de la pêche et de l’aquaculture). Cette struc­ture n’a pas répon­du aux néces­si­tés opé­ra­tion­nelles des com­mu­nau­tés de pêcheurs de la zone. Par­mi celles-ci, il faut noter la pré­sence des habi­tants de l’île La Bor­ra­cha. Ces der­niers s’étant réunis en Conseil communal.

enfants.jpg Les enfants de la com­mu­nau­té sont blonds pour la plu­part. En fait, ils paraissent l’être. Il existe une expli­ca­tion à cet état de fait. José Cor­do­ba, que nous donne le porte-parole du Conseil comu­nal : « comme on ne peut pas accé­der à l’eau douce après s’être bai­gné, ‑le taux de sali­ni­té étant ce qu’il est- il en résulte que les che­veux virent au clair ». Tout cela ne pour­rait rele­ver que du sou­ci esthé­tique. C’est pour­tant l’un des signes mani­festes d’un sec­teur qui a été négli­gé. En effet, les ins­tal­la­tions élec­triques adé­quates font encore défaut. (On recourt ici et là, à des géné­ra­teurs qui sont lar­ge­ment insuf­fi­sants par rap­port aux besoins effec­tifs). Mal­gré sa situa­tion encore pré­caire, La Bor­ra­cha a récem­ment adhé­ré à cette forme orga­ni­sa­tion­nelle qu’est la Com­mune. Car les membres de la com­mu­nau­té sont convain­cus que ce type d’organisation pour­ra peser posi­ti­ve­ment sur leur vie, et inver­ser le cours des choses en leur faveur. Ils s’inspirent de l’exemple don­né par les autres Com­munes, qui ont su, à par­tir de cela, concré­ti­ser de nom­breux pro­jets qui auront amé­lio­ré la vie de tous. Les habi­tants de La Bor­ra­cha conti­nuent à se tour­ner vers la mer. Car la pêche, c’est leur unique savoir-faire. Pour l’instant.

vivienda.jpg Suivre le che­mi­ne­ment qui relève de l’expérience com­mu­nale, c’est aus­si parier sur l’ouverture de nou­veaux espaces, de nou­veaux hori­zons, qui leur per­met­tront de com­bler les lacunes aux­quels ils sont confron­tés. Ils en ont conscience. C’est pour­quoi José insiste sur le fait qu’ils ont jeté les bases d’un pro­jet à voca­tion tou­ris­tique qui amé­lio­re­ra leurs propres condi­tions de vie : « il ver­ra enfin le jour, alors qu’il a végé­té durant de nom­breuses années à l’état d’ébauche ». La concré­ti­sa­tion de cette belle aven­ture passe par la mise en place d’une EPS (Empre­sa de Pro­prie­dad Social/Entreprise de pro­prié­té sociale), qui sera en charge de la plage El Gua­ro, mais aus­si d’une zone que l’Inparques (Ins­ti­tut Natio­nal des Parcs) a clas­sé dans la caté­go­rie « loi­sirs récréa­tifs » ; et qui jusqu’à pré­sent, n’a jamais fait l’objet d’un amé­na­ge­ment appro­prié. Ses atouts essen­tiels : des eaux peu pro­fondes, que longe une belle plage de sable. Des paillotes, des tentes à voca­tion tou­ris­tique, mais aus­si un ser­vice de res­tau­ra­tion sont autant de points forts du pro­jet en voie de réa­li­sa­tion. Les habi­tants de La Bor­ra­cha, entendent bien ain­si, appor­ter leur concours à la dyna­mique com­mu­nale glo­bale. Ils pour­ront éga­le­ment écou­ler les pro­duits de leur labeur. José : « nous pour­rons ain­si, vendre aux tou­ristes le pois­son que nous aurons pêché ». José est confiant. Car il per­çoit désor­mais clai­re­ment que la vie de la com­mu­nau­té dont il est le porte-parole, va s’améliorer sen­si­ble­ment. Dans un proche avenir.

Ce qu’annonce l’activité halieu­tique : un nou­veau cycle. ¨Parce que de nos jours, il n’est plus impos­sible car dan­ge­reux de s’engager sur le plan politique¨

pancho.jpg Pan­cho s’explique sur son choix de « pri­vi­lé­gier l’engagement poli­tique par rap­port à la pêche ». Il pré­cise éga­le­ment qu’il sou­haite consa­crer sa vie à la Com­mune. « Je dis­pa­raî­trai peut-être avant l’aboutissement des pro­jets qui nous tiennent à cœur. Mais je sou­haite vrai­ment que tout cela abou­tisse ». Il se réfère ici, à une com­mu­nau­té qui serait par­fai­te­ment orga­ni­sée, qui serait l’actrice prin­ci­pale de son propre déve­lop­pe­ment, parce com­po­sée de gens désor­mais pour­vus d’une haute conscience et convain­cus que c’est dans l’union que l’on peut arriver.

Peu à peu le jour prend congé. Entre deux chan­sons, José Monas­te­rio ‑com­mu­nard et chan­teur invé­té­ré- évoque le pro­jet de pêche récréa­tive, éga­le­ment à l’ordre du jour. L’idée géné­rale consiste à impli­quer des per­sonnes qui savent très pré­ci­sé­ment ce qu’est pêcher. Il en est ain­si parce que comme le sou­ligne Pan­cho, il n’est pas ques­tion de se conten­ter d’un tou­riste qui se dit « je sou­haite venir ici, me bai­gner, me dorer au soleil sur la plage, m’enivrer et repar­tir chez moi ». Il faut pro­po­ser aux esti­vants, une approche des vacances dif­fé­rant des lieux com­muns cou­rants. Les uns et les autres sou­hai­te­raient que l’on prenne conscience du fait que les milieux natu­rels ‑la mer, la plage- sont des éco­sys­tèmes, qui doivent être éga­le­ment res­pec­ter. Alors que ceux qui ont pris la parole se taisent, leurs cama­rades com­mu­nards pour­suivent leur tour de chant improvisé.

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A l’horizon, du côté de Leche­ria, le soleil cou­chant brille de ses der­niers feux. « C’est ici que l’on a retrou­vé Alber­to Love­ra ». Tout en s’exprimant, Pan­cho montre du doigt un groupe de récifs qui affleurent à la sur­face de l’eau. Tou­te­fois, l’espoir d’une vie meilleure illu­mine son visage. Ce qui est cer­tain, c’est qu’aujourd’hui, on ne reti­re­ra pas de cadavre muti­lé de la mer. Parce que de nos jours, il n’est plus impos­sible car dan­ge­reux de s’engager sur le plan poli­tique. Long­temps, trop long­temps, la lumière du soleil a sem­blé inac­ces­sible aux plus pauvres, aux plus dému­nis. Désor­mais, la pêche telle qu’elle est pra­ti­quée ici, démontre que ces der­niers ont su enfin s’unir sous l’égide de la Commune.

En défi­ni­tive, le sacri­fice du mili­tant Alber­to Love­ra n’aura pas été vain.

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Texte : Juan Sebas­tián Ibar­ra. Pho­tos : Milan­ge­la Galea

Source : http://www.mpcomunas.gob.ve/la-pesca-de-alberto-lovera-una-comuna-con-memoria/

Tra­duc­tion : Jean-Marc del Percio