Venezuela, une nouvelle tentative de révolution de couleur

Le mécanisme du coup de force contre le Venezuela porte dans sa moelle la stratégie du choc

-969.jpg« A l’instar du tableau de Goya “Duel à coups de gour­din », nous nous échar­pons dans de vains com­bats tan­dis qu’à chaque coup de gour­din, l’un et l’autre, nous enfon­çons dans les sables mou­vants. Ces sables mou­vants, c’est notre Monde… » (Michel Serres)

Quand la dis­so­nance dis­pa­raît, quand les titres et les conte­nus se res­semblent et se mul­ti­plient à toute vitesse de Média­part au Monde ou de France-Inter à El Pais, on peut rai­son­na­ble­ment soup­çon­ner que nous entrons dans l’ère des gour­dins de la pro­pa­gande. Le jour­na­liste qui expli­que­rait que le Vene­zue­la est une démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive assié­gée par une droite aus­si vio­lente que celle du coup d’Etat de San­tia­go en 1973 ou de Cara­cas en 2002 (dont de toutes manières per­sonne ne se sou­vient) ou que cette droite agit aujourd’hui dans la rue pour four­nir les images néces­saires aux grands groupes média­tiques, serait l’objet de sar­casmes, trai­té de fou, de pro-tota­li­taire, ris­que­rait de perdre sa place, ses amis. Pour vivre heu­reux, vivons gris sur gris.
Tous les médias ne disent-ils pas la même chose ? Comme disait Charles Cha­plin dans Mon­sieur Ver­doux : « le nombre sanc­ti­fie ». Et le consom­ma­teur d’actu euro­péen trou­ve­ra presque sym­pa l’amiral Kurt W. Tidd, chef du Sou­thern Com­mand des Etats-Unis qui vient de sug­gé­rer une « inter­ven­tion régio­nale car l’instabilité du Vene­zue­la affecte les pays voi­sins ».

Thier­ry Deronne, Vene­zue­la, 9 avril 2017

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Appuyer sur l’accélérateur, pré­ci­pi­ter le coup de force.

Une nou­velle ten­ta­tive de révo­lu­tion de couleur

Au point où se trouve le conflit, il n’y a plus aucun doute sur com­ment s’organise, s’élabore et s’exécute le calen­drier du coup de force contre le Vene­zue­la. Il n’est plus temps, non plus, d’y mettre les formes. S’il est quelque chose que dévoilent les faits vio­lents per­pé­trés ces jours-ci à Cara­cas, c’est que les auteurs du coup de force réa­li­sé de l’intérieur atten­daient impa­tients le coup de pouce de l’OEA. La réso­lu­tion adop­tée par 17 pays de l’OEA le 3 avril a été le coup de sif­flet du départ de la ten­ta­tive d’ouvrir un nou­veau cycle de vio­lence et d’affrontement dans la rue, dan­ge­reu­se­ment sem­blable à celui qui débu­ta en février 2014.

La bous­sole de cet épi­sode indique le Nord

Le point de départ de la série d’actions qui ont ren­du pos­sibles les évè­ne­ments vio­lents du 4 avril se situe, la veille, à Washing­ton, siège de l’OEA.

La stra­té­gie du choc ins­ti­tu­tion­nel uti­li­sée par les États-Unis et leurs pions sur l’échiquier de l’OEA a été rapi­de­ment reprise par les diri­geants anti-cha­vistes ; ceux-ci ont uti­li­sé la menace de des­ti­tuer illé­ga­le­ment les magis­trats du Tri­bu­nal Suprême de Jus­tice (TSJ) comme prin­ci­pale rai­son de l’appel à mani­fes­ter, grâce au dis­cours géné­ra­li­sé du coup d’État contre l’Assemblée Natio­nale (AN).

L’extorsion poli­tique appli­quée au Vene­zue­la n’est pas der­rière le rideau, mais devant

Le méca­nisme du coup de force contre le Vene­zue­la porte dans sa moelle la stra­té­gie du choc contre tout soup­çon de léga­li­té natio­nale ou inter­na­tio­nale qui ne lui serait pas favo­rable ; ceci, en pla­çant ses opé­ra­teurs sur le ter­rain de sorte qu’ils suivent tou­jours la même trame dans leurs acti­vi­tés poli­tiques ou ins­ti­tu­tion­nelles, en par­tie pour évi­ter l’usure du dis­cours « coup d’État » contre l’Assemblée Natio­nale (qui deman­de­rait selon ce cal­cul une réponse du même genre), en par­tie pour pro­duire un point d’inflexion qui vise­rait à écar­ter peu à peu et à court terme tout méca­nisme de pour­par­lers entre dif­fé­rents pou­voirs de l’État et des forces poli­tiques. Blo­quer le jeu pour ne pas refu­ser de le résoudre poli­ti­que­ment au moyen du dialogue.

Car, mesu­rer le front inté­rieur à l’aune du dis­cours de rup­ture et d’affrontement que l’on a ali­men­té depuis l’OEA contre l’État véné­zué­lien, revient à res­pec­ter l’objec­tif de posi­tion­ner l’Assemblée Natio­nale comme le seul moyen d’évaluation (et d’extorsion poli­tique) pour vali­der ou refu­ser la per­ma­nence du Vene­zue­la dans le sys­tème inter­amé­ri­cain domi­né par l’élite finan­cière des États-Unis.

Fon­da­men­ta­le­ment, la rai­son de l’étau et de l’isolement diplo­ma­tique contre le pays (pour le moment) est la déci­sion du Vene­zue­la d’empêcher que soient vio­lées ses ins­ti­tu­tions. Il faut dyna­mi­ter l’État véné­zué­lien, devant l’exigence de l’OEA et logi­que­ment de ses alliés inté­rieurs pour que soit recon­nue une situa­tion de pou­voir vacant (cau­sée par leurs propres actions) comme l’on a plu­sieurs fois ten­té de ren­ver­ser Nico­las Madu­ro. On pro­pose comme seule option valable que les ins­ti­tu­tions véné­zué­liennes se tirent une balle dans la tête pour entrer effi­ca­ce­ment tel un cadavre de plus dans le cime­tière de l’OEA, soit : une espèce de troc pour être recon­nu et être à nou­veau le bien­ve­nu dans les sché­mas des ins­ti­tu­tions nord-amé­ri­caines. Et der­rière toute stra­té­gie, de même que dans les bud­gets de finan­ce­ment qui, par le biais des ONG, abou­tissent dans le camp anti-cha­viste, se trouve le dépar­te­ment d’État des États-Unis, qui une fois encore, met tous ses moyens poli­tiques et finan­ciers pour faire un autre essai de révo­lu­tion de cou­leur au Venezuela.

En rem­plis­sant son rôle d’opérateur dans l’organigramme de l’intervention, l’AN a annon­cé qu’elle met­tra en marche un pro­ces­sus de des­ti­tu­tion des magis­trats du TSJ mer­cre­di 5 avril, mon­trant à son tour son désir de mettre toutes ses actions ins­ti­tu­tion­nelles au ser­vice du coup de force. De cette façon, elle cher­che­ra à ren­for­cer la situa­tion d’état de siège et de ten­sion au niveau inté­rieur, pour suivre la mesure don­née par l’OEA.

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Depuis l’appel à la mani­fes­ta­tion, celle-ci a com­men­cé à ne pas être pacifique

La stra­té­gie de « vente » de l’appel réa­li­sé prin­ci­pa­le­ment par les par­tis d’extrême-droite Volun­tad Popu­lar et Pri­me­ro Jus­ti­cia pro­po­sait dif­fé­rentes images mais sous un seul angle : celui de « mani­fes­tants paci­fiques » ten­tant de rompre les cor­dons de police dont ils savaient qu’ils seraient pos­tés sur le par­cours de leur mobilisation.

Leur pro­messe, ils l’ont bien tenue : des dizaines d’agitateurs vio­lents ont com­men­cé à har­ce­ler les forces de police dans l’Avenue du Liber­ta­dor (puis ensuite sur l’autoroute Fran­cis­co Fajar­do), cher­chant l’affrontement. La vidéo et la série de pho­to­gra­phies (prises par le pho­to­re­por­ter de l’AFP et AP) que nous pré­sen­te­rons ci-des­sous mettent en évi­dence l’inexistence de « mani­fes­tants pacifiques ».

Au moment pré­cis où les forces de police ont ini­tié les mesures nor­males pour conte­nir la situa­tion, des indi­vi­dus pré­pa­rés avec des masques à gaz, des objets conton­dants et des gants pour repous­ser les bombes lacry­mo­gènes, entrai­nés à la mise en place de bar­ri­cades et à l’improvisation d’armement arti­sa­nal, ont répon­du auto­ma­ti­que­ment, de façon très coor­don­née et organisée.

Les « mani­fes­tants paci­fiques » évo­qués dans la presse inter­na­tio­nale et locale, qui ont agi de manière spon­ta­née contre la « répres­sion », n’ont jamais exis­té. En revanche, une mani­fes­ta­tion arti­cu­lée et pré­pa­rée d’agitateurs vio­lents qui savaient bien ce qu’ils allaient faire ce jour-là a bel et bien exis­té, avec le sou­tien qui leur était dû de la part des diri­geants anti-cha­vistes qui n’ont jamais condam­né leurs actions.

Il faut sou­li­gner, entre autres détails, à pro­pos de cette jour­née : qu’un membre de la Garde Natio­nale a été dépouillé de son arme par les « mani­fes­tants paci­fiques » , qu’il y a eu 7 membres de la Police Natio­nale Boli­va­rienne bles­sés par ces acteurs vio­lents , que des bou­cliers de poli­ciers ont été arra­chés, que la prin­ci­pale voie de cir­cu­la­tion de Cara­cas a été blo­quée , que trois para­mi­li­taires ont été cap­tu­rés à Ara­gua en pos­ses­sion d’un lance-grenades.

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La Direc­tion de la Magis­tra­ture du Tri­bu­nal Suprême de Jus­tice après le pas­sage des com­man­dos « paci­fiques » de l’opposition, le 8 avril 2017, à Caracas.

« Les col­lec­tifs cha­vistes » nous agressent : alors qu’il s’agit seule­ment d’un élé­ment de leur stra­té­gie de « vente » de la répression

De Lilian Tin­to­ri en pas­sant par Gaby Arel­la­no et jusqu’à la dizaine de médias et jour­na­listes qui cou­vraient les échauf­fou­rées, tous se sont asso­ciés pour mettre en place le sché­ma selon lequel les « col­lec­tifs cha­vistes » ont éga­le­ment par­ti­ci­pé à la répres­sion « en tirant des coups de feu contre les mani­fes­tants ». C’est alors que sur­git le doute : com­ment se fait-il que d’une mani­fes­ta­tion qui a béné­fi­cié d’une immense cou­ver­ture média­tique, on ne nous ait pas mon­tré une seule pho­to qui mette en évi­dence cette accu­sa­tion ? La jour­na­liste Made­lein Gar­cia a démon­tré que ces accu­sa­tions étaient fausses dans une vidéo publiée sur Ins­ta­gram. Même la dénon­cia­tion du fait qu’une per­sonne avait été bles­sée par l’impact d’une balle tirée par un « col­lec­tif » n’a pas été cor­ro­bo­rée jusqu’à présent.

Ces accu­sa­tions sans rap­port avec la réa­li­té nous ren­voient à une opé­ra­tion « sous fausse ban­nière » diri­gée par Pri­me­ro Jus­ti­cia et Lilian Tin­to­ri en novembre 2015, décrite par Mision Ver­dad. Á ce moment-là et par la suite, dif­fé­rents acteurs poli­tiques (Hen­rique Capriles, Miguel Pizar­ro, entre autres) ont éta­bli un lien entre « les col­lec­tifs » et les sup­po­sées agres­sions per­pé­trées, jamais prou­vées, accu­sant direc­te­ment de hauts diri­geants du cha­visme de les avoir préparées.

La cri­mi­na­li­sa­tion et la dia­bo­li­sa­tion à laquelle sont sou­mis les col­lec­tifs, dans ce contexte spé­ci­fique, peut plu­tôt rendre compte de com­ment ces opé­ra­tions « sous fausse ban­nière » (per­pé­trer une agres­sion phy­sique contre des diri­geants de l’opposition, réa­li­sée par eux-mêmes, pour ensuite incri­mi­ner le cha­visme) peuvent être avan­cées dans l’éventail d’options et de pos­si­bi­li­tés ; fabri­quer un ou plu­sieurs faits sai­sis­sants contre des diri­geants de l’opposition ou des « mani­fes­tants » appa­ren­tés à la MUD afin de pro­vo­quer l’escalade dans les mani­fes­ta­tions et aug­men­ter la pres­sion inter­na­tio­nale à un moment où le Vene­zue­la se trouve à l’affiche, repré­sente une voie pas du tout mépri­sable pour atteindre leurs objec­tifs immédiats.

La sur­ex­ploi­ta­tion média­tique des prin­ci­pales figures d’opposition « agres­sées » par des gaz et des bombes lacry­mo­gènes, consé­quence de la vio­lence géné­rée par leurs par­ti­sans, pour­rait bien mon­trer leurs pré­pa­ra­tifs, au-delà du fait que sur le moment, les images ont été uti­li­sées pour dévier l’attention et faire por­ter la res­pon­sa­bi­li­té des faits de vio­lence sur les forces de sécurité.

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La ques­tion économique

L’élargissement des Comi­tés Locaux d’Approvisionnement et Pro­duc­tion à plus de 6 mil­lions de familles et l’inclusion sociale de plus de 8 mil­lions de per­sonnes dans le Plan du Car­net de la Patrie (conçu pour la dis­tri­bu­tion directe des ser­vices aux per­sonnes), rendent compte de la conten­tion des effets de la guerre éco­no­mique sur les couches sociales les plus vul­né­rables, une mesure qui, tout comme le dia­logue poli­tique, selon la firme de son­dage pri­vée Hin­ter­laces, est approu­vée à plus de 50%. De la même façon, la réor­ga­ni­sa­tion d’une par­tie impor­tante de la carte éco­no­mique véné­zué­lienne met en évi­dence qu’un impor­tant sec­teur entre­pre­neu­rial (natio­nal et étran­ger) prend une grande dis­tance par rap­port aux car­tels éco­no­miques res­pon­sables des agres­sions éco­no­miques, Fede­ca­ma­ras et Consecomercio.

Ceci se pro­duit dans le cadre d’une stra­té­gie de réor­ga­ni­sa­tion éco­no­mique inté­rieure, dans laquelle entrent éga­le­ment le nou­veau Dicom et les alliances public-pri­vé dans les domaines stra­té­giques de l’économie natio­nale au moment où s’achève l’Expo Vene­zue­la Poten­cia 2017, visant le mar­ché finan­cier inter­na­tio­nal dans le but d’attirer les inves­tis­se­ments au sein d’un nou­veau cadre règlementaire.

L’entrée du Vene­zue­la dans la Banque Asia­tique d’investissement et d’Infrastructure (impor­tant pro­jet géoé­co­no­mique du bloc de pou­voir anti-Washing­ton au niveau mon­dial) et le der­nier rap­port de la banque Bar­clays sur la forte pro­ba­bi­li­té que le Vene­zue­la ne se trouve pas en situa­tion de défaut de paie­ment en avril, repré­sentent des élé­ments impor­tants qui montrent com­ment ces mesures réper­cutent posi­ti­ve­ment sur le mar­ché finan­cier inter­na­tio­nal et com­ment le pays élar­git ses alliances pour sur­mon­ter le blo­cus impo­sé depuis les États-Unis.

Ce scé­na­rio de récu­pé­ra­tion éco­no­mique et poli­tique, qui a des inci­dences posi­tives sur la pro­gres­sion de l’approbation du pré­sident Nico­las Madu­ro selon des enquêtes pri­vées, impose une pres­sion pour accé­lé­rer le coup de force, avant que ne se conso­lide cette récu­pé­ra­tion. En uti­li­sant l’Assemblée Natio­nale comme res­source inté­rieure pour illé­ga­li­ser des inves­tis­se­ments et le Dépar­te­ment du Tré­sor pour appuyer la per­sé­cu­tion, dans le cadre d’un affron­te­ment géo­po­li­tique entre de grands blocs de pou­voir par­mi les­quels se trouve le Vene­zue­la ; cela revient à conte­nir géo­po­li­ti­que­ment les adver­saires directs de l’élite finan­cière occidentale.

Essayer d’accélérer le coup de force par la voie de la confron­ta­tion vio­lente et de la pres­sion étran­gère est une réac­tion qui vise à enrayer ces mesures, en atten­dant le moment pour inten­si­fier le blo­cus finan­cier et empê­cher ain­si la conso­li­da­tion de la récu­pé­ra­tion éco­no­mique. Avec cela, ils cherchent à ren­for­cer les dif­fi­cul­tés de la popu­la­tion et par là-même la pres­sion poli­tique et sociale leur cal­cul étant que, de cette manière, le cha­visme souf­fri­ra une défaite cui­sante ou qu’au moins ils pren­dront un avan­tage impos­sible à retour­ner. La cible de cette guerre conti­nue et conti­nue­ra d’être la population.

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Révo­lu­tion de cou­leur et néces­si­té que le front inté­rieur ne reste pas à la traîne

Révo­lu­tion de cou­leur, c’est le nom de la méthode selon laquelle les États-Unis et l’OTAN (au moyen de leurs médias, hommes poli­tiques et ONG) ont lan­cé les coups d’État et les pré­pa­ra­tifs d’intervention étran­gère dans des pays comme La Ser­bie, la Géor­gie, la Syrie, l’Egypte, la Tuni­sie et l’Ukraine. La doc­trine et le cadre opé­ra­tion­nel d’une révo­lu­tion de cou­leur vise à ce que le gou­ver­ne­ment qui doit être ren­ver­sé soit affai­bli et iso­lé au niveau inter­na­tio­nal, ébran­lé au niveau de l’ordre inté­rieur par des mani­fes­ta­tions vio­lentes (qui seront ensuite pré­sen­tées dans les médias comme paci­fiques) ; il doit être dia­bo­li­sé et cri­mi­na­li­sé par les médias inter­na­tio­naux, atta­qué sur ses points faibles éco­no­miques, poli­tiques et finan­ciers, rava­gé à tel point qu’il ne lui reste qu’une solu­tion : aban­don­ner le pouvoir.

A cet égard, en ce qui concerne le Vene­zue­la, ils ont déjà fait quelques pas sur le pre­mier point (ten­ter d’affaiblir inter­na­tio­na­le­ment le gou­ver­ne­ment qui doit être ren­ver­sé). Par le biais des médias, on pré­pare une nou­velle vague de mani­pu­la­tions dans le dos­sier de cri­mi­na­li­sa­tion du Vene­zue­la (un autre point clé). Ces deux élé­ments sont tous les deux néces­saires, et ils arrivent en même temps, pour déclen­cher direc­te­ment des mani­fes­ta­tions vio­lentes qui aug­men­te­raient l’intensité du conflit jusqu’à son point de rup­ture. Et ce n’est pas un fruit du hasard si des grandes enti­tés média­tiques comme El Pais, ABC, The Washing­ton post, Reu­ters, AFP, AP, entre autres médias de grande audience en anglais et en espa­gnol, ont évo­qué les mani­fes­ta­tions au Vene­zue­la comme s’ils étaient en train de par­ler d’un État voyou. En agis­sant comme s’ils étaient le bureau de pro­pa­gande du Dépar­te­ment d’État des États-Unis, cette agence qui met ses res­sources douces (les ONG) et diplo­ma­tiques (extor­sion finan­cière des pays des Caraïbes à l’OEA) à dis­po­si­tion de cette nou­velle étape de coup de force contre le Vene­zue­la. En appli­quant une tac­tique de contrôle de ce qui se passe dans la rue et dans l’arène inter­na­tio­nale, ils sont les véri­tables opé­ra­teurs poli­tiques de pre­mière ligne du fond d’investissement d’entreprises et de grandes socié­tés au Venezuela.

Le Vene­zue­la a déjà vécu sa propre et tra­gique expé­rience de ce mode opé­ra­tion­nel en 2014, avec les consé­quences et les dis­po­si­tifs mis en œuvre que nous connais­sons tous. Sauf que, main­te­nant ils ont, pour les encou­ra­ger, le pou­voir légis­la­tif et un meilleur cadre de coor­di­na­tion avec le front que consti­tuent l’étranger et ses grandes entre­prises. Le besoin de renou­ve­ler cette expé­rience, à toute vitesse, main­te­nant, avec ces nou­veaux outils, est mar­qué par la pres­sion qu’impose le moment et leur propre calen­drier. L’OEA a déjà avan­cé tant qu’elle a pu et pour faire le pro­chain pas, elle a besoin que le front inté­rieur fasse valoir l’invitation for­mu­lée dans la réso­lu­tion du 3 avril et qui sti­pule que le Vene­zue­la revienne à l’ordre démo­cra­tique. Cette stra­té­gie doit avan­cer rapi­de­ment et elle doit pro­gres­ser immé­dia­te­ment pour s’approcher de l’objectif final qui est d’accélérer un coup d’État contre le Vene­zue­la, pro­fi­tant du temps limi­té durant lequel le Vene­zue­la sera en vitrine. Son exten­sion repose sur une entorse réelle dans le conflit interne. Le cadre d’immunité qu’établissent 17 pays au nom de l’OEA non seule­ment impose un rythme mais fixe éga­le­ment les limites de l’appui diplo­ma­tique à des actions vio­lentes sem­blables et plus impor­tantes que celles qui ont eu lieu le 4 avril.

Peu avant que ne com­mencent les fêtes de Pâques et que cette période ne fasse le pont avec la fête du mer­cre­di sui­vant 19 avril, on accé­lère contre le Vene­zue­la. C’est une semaine qui contri­bue habi­tuel­le­ment à décon­ges­tion­ner for­te­ment la conjonc­ture et à faire bais­ser la ten­sion poli­tique. Que le conflit véné­zué­lien s’envenime avant que n’arrive cette semaine c’est le rythme qu’elle impose, car, il y en a autant qui sont dis­po­sés à ris­quer le tout pour le tout qu’à attendre, mais eux, ils ne veulent (ni ne peuvent) attendre. Les auteurs de ce plan leur disent d’avancer et eux ils sont de trop bons employés pour leur man­quer de respect.

Jusqu’à pré­sent, les diri­geants poli­tiques les plus en vue de l’anti-chavisme et de Volun­tad Popu­lar (qui sou­haite ren­ta­bi­li­ser au maxi­mum le coup de pouce de l’OEA) main­tiennent l’appel à mani­fes­ter pour per­pé­trer de nou­veau les mêmes faits, jeu­di pro­chain, 6 avril, car ils pré­voient que l’agitation se ren­for­ce­ra et que s’aggraveront les dégâts et dom­mages humains. Pen­dant ce temps, ils cherchent à pro­vo­quer des débuts d’échauffourées à Meri­da et dans d’autres états du pays, dans leur ten­ta­tive déses­pé­rée de don­ner une image fausse, celle d’un pays entiè­re­ment en proie à la vio­lence. Luis Alma­gro, de son côté, en omet­tant super­be­ment les évè­ne­ments vio­lents géné­rés par la mobi­li­sa­tion, redonne une impul­sion pour que l’on conti­nue de res­pec­ter le calen­drier qu’il tient de concert avec Volun­tad popu­lar ; ils risquent trop et trop rapidement.

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Dans le centre de Cara­cas, alors que se dérou­laient des épi­sodes vio­lents, une mani­fes­ta­tion cha­viste inon­dait les rues. Dans la joie, sans semer le désordre ou la peur autour d’eux. Elle ne repré­sen­tait qu’un quart du mou­ve­ment qui est en marche et qu’elle peut par­ve­nir à mobi­li­ser, aus­si bien à Cara­cas qu’à l’intérieur du Vene­zue­la. Élé­ment impor­tant à prendre en compte si le rythme qu’ils veulent nous impo­ser se joue dans la rue. 

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Source : blog de Thier­ry Deronne

Tra­duc­tion : Syl­vie Carrasco