Aboubakar, on se lève pour toi

Le 11 mai 2025, plu­sieurs cen­taines de per­sonnes se sont réunies pour rendre hom­mage à Abou­ba­kar Cis­sé, un jeune homme vic­time d’un meurtre raciste en France. Ce ras­sem­ble­ment por­tait un mes­sage plus large : en France comme en Bel­gique, l’islamophobie tue.

Un mois après le meurtre d’Aboubakar, en France, Hichem Miraoui, un homme d’origine tuni­sienne, est abat­tu par son voi­sin. Les moti­va­tions du tueur sont expli­ci­te­ment racistes.

Quelques jours après l’assassinat d’Aboubakar Cis­sé, en Bel­gique cette fois, plu­sieurs cen­taines d’hooligans bru­geois mènent un raid raciste d’une grande vio­lence à Molen­beek. Ils défilent d’abord tran­quille­ment à Jette avant d’arriver Molen­beek, où ils agressent phy­si­que­ment des habi­tants tout en scan­dant des slo­gans racistes. La police reste pas­sive. Ce sont alors les jeunes du quar­tier qui ont dû mettre en place leur propre autodéfense.

Peu après ces évé­ne­ments, est publié, en France, un rap­port offi­ciel inti­tu­lé « Frères musul­mans et isla­misme poli­tique », com­man­di­té par le gou­ver­ne­ment. De nombreux.ses expert.es, uni­ver­si­taires, socio­logues, juristes, dénoncent une métho­do­lo­gie ban­cale, des sources par­tiales et des conclu­sions racistes et com­plo­tistes. Pour­tant, ce rap­port est lar­ge­ment repris en Bel­gique par de nom­breux res­pon­sables poli­tiques, sans le moindre recul cri­tique, contri­buant ain­si à légi­ti­mer des thèses pro­fon­dé­ment stig­ma­ti­santes et à nor­ma­li­ser une isla­mo­pho­bie d’État.

Depuis plu­sieurs semaines, des ras­sem­ble­ments paci­fiques ont lieu devant la Bourse de Bruxelles pour dénon­cer le géno­cide en cours en Pales­tine. Ces mani­fes­ta­tions ont été répri­mées par les auto­ri­tés bruxel­loises avec une vio­lence inouïe. Là encore, ce ne sont pas des débor­de­ments iso­lés, mais un usage assu­mé de la force pour faire taire des voix jugées indésirables.

Comme le résume avec force Nor­dine Saï­di, de Bruxelles Pan­thères (un des col­lec­tifs à l’origine du ras­sem­ble­ment en hom­mage à Abou­ba­kar Cis­sé), il ne s’agit pas d’une série de faits divers. Ces évé­ne­ments forment un tout cohé­rent : ils révèlent la dimen­sion sys­té­mique, pro­fon­dé­ment enra­ci­née et mor­ti­fère de l’islamophobie. En France comme en Bel­gique, elle tra­verse les dis­cours, les lois, les pra­tiques poli­cières, les médias.

Au sujet du terme « ratonnades » 

Pour qua­li­fier les vio­lences racistes sur­ve­nues à Molen­beek, beau­coup ont eu recours au terme de « raton­nade ». Nous choi­sis­sons de ne pas l’utiliser et nous invi­tons toutes celles et ceux qui sou­haitent dénon­cer ces agres­sions à s’en détour­ner également.

Ce mot a été for­gé par les agres­seurs eux-mêmes, notam­ment par les colons et les forces de répres­sion fran­çaises, pour dési­gner les expé­di­tions puni­tives contre les popu­la­tions algé­riennes colo­ni­sées. Le terme « raton­nade » pro­vient de « raton », une insulte raciste cou­ram­ment uti­li­sée à l’époque pour dési­gner les per­sonnes d’origine nord-afri­caines. Employer ce mot, même pour dénon­cer la vio­lence, revient à reprendre une ter­mi­no­lo­gie déshu­ma­ni­sante, créée pour jus­ti­fier les vio­lences coloniales.

Uti­li­ser ce voca­bu­laire, c’est ris­quer de per­pé­tuer l’imaginaire raciste qu’il véhi­cule : celui qui com­pare des êtres humains à des nuisibles.

 

 

 

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