UBT-UBER : déchirez l’accord secret !

L’UBT a conclu un accord secret avec la mul­ti­na­tio­nale amé­ri­caine UBER, un accord fai­sant miroi­ter l’illu­sion d’une pos­sible concer­ta­tion sociale avec la mul­ti­na­tio­nale . Ce pacte révé­lé à la presse le 21 octobre, a sur­pris tout le monde, à com­men­cer par les livreurs et les chauf­feurs LVC qui se battent sur le ter­rain depuis plu­sieurs années.

Le mar­di 25 octobre 2022, L’UBT était pré­sente à un ras­sem­ble­ment devant le Par­le­ment euro­péen où avait lieu l’au­di­tion de Mark Mac­Gann, ancien lob­byiste et lan­ceur d’a­lerte à l’o­ri­gine des Uber files. L’ob­jec­tif était de dénon­cer les conni­vences poli­tiques de la mul­ti­na­tio­nale qui a su impo­ser ses propres règles au détri­ment des droits sociaux les plus basiques.  La pré­sence des pro­pa­gan­distes de l’UBT a sus­ci­té la colère des chauf­feurs LVC et des livreurs pré­sents à l’ac­tion ! L’UBT pré­tend triom­pha­le­ment que l’ac­cord est un pre­mier pas vers la « concer­ta­tion sociale » dans le sec­teur, mais rien n’est moins vrai. Depuis deux ans, Les pla­te­formes s’ef­forcent de léga­li­ser leur mode opé­ra­toire. Les docu­ments “Uber files” révé­lés cet été prouvent que cette com­pa­gnie a bâti ses opé­ra­tions et ses pro­fits sur le viol des droits sociaux les plus essen­tiels. Elle a subi de nom­breux pro­cès qui lui ont valu mau­vaise presse.  Elle a infli­tré des groupes what­sapp et face­book de chauf­feurs et de cour­siers qui s’or­ga­ni­saient pour défendre leurs droits. Elle a cor­rom­pu des poli­ti­ciens dans plu­sieurs pays pour favo­ri­ser des légis­la­tions en sa faveur. Depuis un an, Uber — Uber Eats et tous les autres acteurs qui s’en­ri­chissent grâce au capi­ta­lisme de pla­te­forme comme Deli­ve­roo,  Frich­ti… tentent éga­le­ment de ral­lier les appa­reils syn­di­caux à leur cause en pro­po­sant un « dia­logue social » bidon. Voi­là dans quoi s’en­gage UBT qui admet devoir main­te­nant affi­lier des chauf­feurs, des cour­siers pour avoir une base représentative.

Nous publions ici une lettre dont voi­ci les signataires :

Col­lec­tif des cour­sier-ere‑s (Bel­gique), UCLB, Union des Chauf­feurs de Limou­sines belge (Bel­gique), VIDA, cen­trale des trans­ports de l’OGB, CTT, Col­lec­tif des Tra­vailleurs de Taxis (Bel­gique), CLAP — Col­lec­tif des livreurs auto­nomes à Paris (France), Bra­him Ben Ali — Syn­di­cat INV (France), Ni un repar­ti­dor Menos / Ni una repar­ti­dor menos, col­lec­tifs des coursier.ère.s (Argen­tine, Boli­vie,  Bré­sil, Colom­bie, Chi­li, Equa­teur, Para­guay, Pérou, Uruguay),Observatorio de Pla­ta­for­ma (Equa­teur), Riders­Col­lec­tive (Autriche),SiTraRepa (Argen­tine)


Lettre à Frank Moreels, Pré­sident de l’UBT, cen­trale des trans­ports de la FGTB
Le 21 octobre 2022, vous étiez très fier d’annoncer par voie de presse avoir signé avec Uber un accord pré­ten­du­ment his­to­rique. Si on recon­naît ici les méthodes bru­tales d’Uber qui a déci­dé de s’attaquer au syn­di­ca­lisme, on peut se poser la ques­tion de vos inten­tions et de celles de votre syn­di­cat, l’UBT.

Cet accord, absurde et néfaste, s’est fait dans le dos des col­lec­tifs de cour­siers et de chauf­feurs et des autres syn­di­cats actifs sur le ter­rain. Dans un exer­cice de com­mu­ni­ca­tion sur­réa­liste frô­lant l’hypocrisie, vous nous expli­quez que, grâce à cet accord, les cour­siers et les chauf­feurs auront l’assistance d’un repré­sen­tant syn­di­cal dans le local d’Uber alors que jusque-là ils étaient obli­gés de se repré­sen­ter eux-mêmes !

Vous faites fi de l’historique de la lutte des tra­vailleurs des applis.

Pri­mo, vous oubliez tout le tra­vail réa­li­sé, entre autres, par le col­lec­tif des cour­siers depuis 2016 sur le ter­rain, dans le froid et dans la pluie, afin d’informer les tra­vailleurs de leurs droits et de les assis­ter dans leurs éven­tuelles démarches auprès des syn­di­cats, et en par­ti­cu­lier de la CSC-Uni­ted Free­lan­cers, sec­tion d’indépendants né en 2019. Et les chauf­feurs ne vous ont pas non plus  atten­du pour se mobi­li­ser en Bel­gique. Secun­do, vous oubliez que la FGTB et la CSC repré­sentent actuel­le­ment une tren­taine de cour­siers dans un pro­cès contre Deli­ve­roo, sans qu’aucun accord préa­lable n’ait été néces­saire pour défendre leurs droits. Dans le com­mu­ni­qué d’annonce, vous décla­rez qu’il ne faut pas se divi­ser, alors même que l’UBT signe un accord secret dans le dos de tous, rom­pant ain­si le front com­mun et tom­bant dans le piège gros­sier que lui a ten­du Uber qui consiste à divi­ser pour mieux régner.

Dès lors, quelle légi­ti­mi­té don­ner à un accord « his­to­rique » où per­sonne n’a été consul­té si ce n’est l’employeur Uber ? De quel dia­logue social par­lons-nous lorsque Uber au grand dam des tra­vailleurs locaux impose son syn­di­cat, comme il l’a fait avec GMB en Angle­terre ? On voit ici que ce sont les pla­te­formes qui dictent leurs condi­tions, en signant un accord avec l’UBT, décon­nec­tée des réa­li­tés des tra­vailleurs et ne repré­sen­tant plus qu’elle-même. Alors quel est l’intérêt de signer un tel accord, coquille vide ne repre­nant pas les prin­ci­pales reven­di­ca­tions sur la rému­né­ra­tion et sur le sta­tut pour les­quelles les cour­siers et les chauf­feurs se battent corps et âme depuis 2018 ? Pour­quoi signer un tel accord, fai­sant peu de cas des tra­vailleurs que vous pré­ten­dez défendre et qui sert les inté­rêts d’Uber en lui per­met­tant de s’acheter une vir­gi­ni­té sociale, jus­te­ment à un moment cru­cial de déter­mi­na­tion de la direc­tive euro­péenne et de la loi belge sur le tra­vail de pla­te­forme ? N’est-ce pas essen­tiel­le­ment pour faire un coup de com­mu­ni­ca­tion et être les pre­miers à signer avec Uber en Europe, sur la base de l’accord de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des trans­ports (ITF) [1] ? Mon­sieur Moreels, avant de signer cet accord, vous auriez mieux fait de gar­der en tête la morale du lièvre et de la tor­tue : « Rien ne sert de cou­rir, il faut par­tir à point ». Car atten­tion, à force de jau­nir, vous ris­quez de finir par rire … jaune* !

*Syn­di­cat jaune : Hist. Syn­di­cat qui arbo­rait pour insigne un gland jaune et un genêt et défen­dait un type d’ac­tion fon­dé sur la col­la­bo­ra­tion avec la classe diri­geante (cf. JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 88). Auj. Syn­di­cat oppo­sé à une grève, à une action reven­di­ca­tive, à l’in­dé­pen­dance du mou­ve­ment ouvrier, et sou­vent très lié au patro­nat. Il s’op­pose au syn­di­cat « rouge », c’est à‑dire proche des socia­listes ou communistes.

[1] Sur l’accord ITF-Uber et sur le labo­ra­toire bri­tan­nique, voir Dufresne Anne, La stra­té­gie poli­tique d’Uber : lob­bying et
dia­logue social, Gre­sea, octobre 2022, https://mirador-multinationales.be/textes/secteurs/article/la-strategie-politique-d-
uber-lob­bying-et-dia­logue-social

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