« ZINTV est un outil qui donne à entendre la parole des invisibles et à voir la réalité des quartiers d’ici et d’ailleurs. Notre mission est de valoriser intellectuellement, culturellement, socialement et politiquement le potentiel créatif d’une population souvent exclue des médias classiques. Mettre en relation l’intelligence, la créativité populaire et les mouvements sociaux enrichit les analyses et structure les engagements respectifs ».
Nous sommes allés à la rencontre d’un des fondateurs de ZinTv, Ronnie Ramirez, pour un zoom sur ce projet à l’avenir prometteur, laboratoire d’idées et de pratiques de personnes engagées autour de la conviction d’une nécessité de réinventer les médias.
Une télé basée sur la participation citoyenne
Télévision d’action collective, ZinTv est une initiative lancée il y a 4 ans et propose un média qui donne la parole aux citoyens tout en leur en offrant les moyens par des formations et un espace de diffusion. « Les militants sociaux, les citoyens engagés et les personnes appartenant à une structure associative sont des participants fréquents à qui l’on propose un apprentissage en trois niveaux : une initiation sous forme d’ateliers, une application grâce à des stages et un perfectionnement à travers l’élaboration de projets ».
Au-delà de la critique des médias centraux, sur laquelle beaucoup de personnes s’entendent, l’équipe de ZinTv a pour ambition de passer à l’action, en réinventant ce qui ne lui convient pas dans les médias, en proposant autre chose. Le principal objectif est de donner la parole à la population, et les moyens de l’exprimer :
« On fera tous la même analyse, y compris les professionnels des médias eux-mêmes. Par exemple, les émissions diffusées à la télé qui critiquent la télé existent depuis longtemps. Mais pour nous la question n’est pas là. Si les médias sont devenus un “4e pouvoir”, ils sont clairement sans contre-pouvoir. Presque tout leur est permis. De traiter de dictateur un président démocratiquement élu tout simplement parce que sa politique ne correspond pas à celle de Washington par exemple. Pour l’équipe de ZinTv, plutôt que de nous définir par rapport aux médias commerciaux et publics, qui se sont tous agenouillés devant le système de l’audimat, nous nous envisageons comme un espace d’oxygène où l’on peut essayer des choses, inventer un nouveau média sur une base qui ne soit pas commerciale mais bien axée sur la participation citoyenne car nous pensons que la population possède une forme d’intelligence collective qui doit être mise à profit et valorisée. Il faut donc la travailler. C’est pour cela que ZinTv se propose à travers ses formations des citoyens, de les familiariser au langage audiovisuel, pour qu’ils créent eux-mêmes leur propre outil d’expression et que ZinTv soit un outil d’expression au service des gens ».
Assumer un point de vue
ZinTv se veut un outil d’expression axé sur l’engagement social. On y défend un modèle de formation qui s’adresse aux citoyens, militants sociaux, journalistes engagés, médiactivistes et s’oppose à l’individualisme cultivé dans les écoles de cinéma. « Ce qui nous intéresse c’est de rééduquer nos militants, qu’ils aient un autre imaginaire que celui de la télévision dominante et d’Hollywood. Nous avons d’autres ressources. L’histoire de l’émancipation des peuples est nourrie d’œuvres qui ont marqué l’humanité. A ZinTv, on se situe dans une filiation d’héritages cinématographiques. Nous avons un panthéon de cinéastes qui nous ont éclairés, qui eux aussi ont tenté de créer des médias. Roberto Rossellini, Santiago Alvarez, et Jean-Luc Godard par exemple. Ce sont des références qui nourrissent nos pratiques ».
ZinTv, c’est également un réseau élargi de personnes réunies autour d’un même objectif, la proposition d’un média qui soit réellement démocratique. Un réseau de projets similaires dans le monde, d’une part : « on essaye de prendre position dans l’époque où l’on vit, c’est l’air d’Internet, des technologies qui font qu’on peut être connecté avec le monde très facilement. On a donc par exemple développé cet aspect de relations internationales avec des gens qui font la même chose que nous, parce qu’on n’est pas les seuls ni les premiers à proposer ce genre d’initiative ». D’autre part, c’est un réseau de personnes travaillant bénévolement pour que le projet puisse grandir. C’est enfin un ancrage profond dans le tissu citoyen et militant de la population, gagné par un travail de fond qui se fait dans l’anonymat. ZinTv s’attache à être un trait d’union entre les médias et les militants sociaux en cultivant une attitude fédératrice, en développant des coproductions et des partenariats. En effet, la réinvention des médias nécessite un engagement sincère et actif de nombreuses personnes pour qu’une proposition puisse voir le jour, évoluer et grandir.
Les fondements du projet sont amenés à être constamment remis en question. Espace d’oxygène, laboratoire de mise en pratique d’idées créatives, ZinTv n’entend pas être la solution toute trouvée à la machinerie des médias centraux mais se bat pour une diversité dans l’information en proposant des formes nouvelles d’organisation, de diffusion, et de production de l’information.
Une vision de médias qui montre de l’espoir
Qu’est-ce qu’un bon média ? C’est la question que l’on peut se poser suite à une réflexion sur le traitement médiatique de l’information et que nous avons voulu inciter à se poser à travers ce dossier spécial. La vision de Ronnie Ramirez est celle d’un média « qui est politiquement incorrect, avec vitalité, qui représente la vraie vision de la citoyenneté, qui se vit avec humour, avec érotisme avec intelligence. Qui ne se focalise pas sur la partie lamentable des gens mais sur la partie intelligente. La partie lamentable on la connaît. Et aussi, qui montre des gens qui cherchent des solutions, qui montre de l’espoir ».
Alors, si dans le coin de nos têtes, nous nous demandons ‘est-ce possible de mettre en place de réelles alternatives médiatiques ?’, le projet ZinTV est un exemple que l’on peut mettre en place des choses concrètes qui vont dans le sens d’une amélioration des médias, qui constituent une proposition de redéfinition, un langage propre. « Mais il faut assumer que rien ne dure et je pense qu’un élément crucial est la capacité à se refonder sans cesse, c’est ce qui manque le plus actuellement ».
Sans oublier que les choix politiques sont un aspect déterminant des perspectives possibles également. Ronnie Ramirez le rappelle, « par exemple, en Argentine, des politiciens courageux ont divisé le spectre hertzien en trois : un tiers pour les télévisions commerciales, un tiers pour les télévisions publiques et un 3e pour les communautaires. Ça a permis à l’Argentine de créer une chaîne spécialement pour diffuser du cinéma argentin. Quelle formidable soutien et valorisation de leurs artistes dans leur pays, en leur offrant des débouchées ! ».
Avec de la créativité, de l’engagement et du travail, beaucoup de choses deviennent possibles. Les médias suivent un schéma très complexe, il est parfois difficile d’y voir clair, difficile de savoir quoi faire face aux constats. Mais s’il fallait une conclusion à tout ceci, elle serait peut-être que rien ne sert de s’opposer et de rejeter ce qui ne nous convient pas dans notre société, et qu’il importe de mobiliser cette belle créativité dont l’homme est capable afin d’utiliser ce qui existe, d’en tirer les meilleures potentialités pour construire un avenir qui se redéfinisse sans cesse vers un mieux.
Lynn Dewitte
Source de l’article : Causes Toujours
juin 9, 2014 / Dominance et Médias, Dossier / No Comments