Le FACIR a épluché la nouvelle réforme du statut de l’artiste (décembre 2013), et évalué les conséquences que cette dernière a sur le secteur de la culture.
POSITION DU FACIR SUR LA REFORME DU STATUT D’ARTISTE (mai 2014):
“Ceci n’est pas un statut, mais un hold-up social”
Le FACIR , la Fédération des Auteurs, Compositeurs et interprètes Réunis, a épluché la nouvelle réforme du statut de l’artiste (décembre 2013), et évalué les conséquences que cette dernière a sur le secteur de la culture. Ces conséquences sont, selon le FACIR et l’ensemble des acteurs culturels, désastreuses, et cette réforme engendre exactement les effets inverses de ceux qu’avancent l’ONEM et les porteurs de ce texte.
Pour le FACIR, la réforme du statut de décembre 2013 ne clarifie pas la réglementation, ne facilite pas une plus grande égalité entre les travailleurs du secteur artistique, mais plonge les créateurs et techniciens dans une pauvreté structurelle, handicape le secteur économique de la culture, fragilise l’emploi culturel et encourage le travail au noir, sacrifie les jeunes artistes et précarise les artistes confirmés.
Ce statut est le seul régime de travail de la grande majorité des créateurs, interprètes et techniciens, et sa réforme constitue un formidable hold-up social. Le FACIR s’étonne du silence de la Ministre de la Culture sur une question qui concerne pourtant toute l’organisation professionnelle de son secteur.
1) En rendant l’accès au statut encore plus difficile (18.000 euros bruts au lieu de 12.000 en 21 mois), la réforme sacrifie toute une génération de jeunes créateurs et techniciens. Gagner un tel montant est impensable dans la réalité financière d’un jeune artiste en FWB. Ce « statut social » est devenu maintenant hors de portée des nouveaux artistes, et laissera les étudiants des écoles artistiques sans perspectives de futur.
2) La nouvelle règle de l’article 48bis (qui défini des périodes non-indemnisables en fonction des cachets perçus) a des conséquences particulièrement douloureuse dans la création. Au lieu de « réaliser une plus grande égalité » entre les secteurs, elle pénalise fortement les musiciens et les plasticiens qui travaillent « à la tâche » en comparaison de leurs collègues qui travaillent dans un cadre institutionnel protégé. Avec ce nouveau système, impossible en effet de gagner plus de 1100 ou 1200 euros maximum par mois. Pour chacun de nous, cela représentera une perte de revenus de 20 à 40 %. C’est la plus violente attaque contre les salaires d’un métier en Belgique depuis 50 ans. Ceci n’est pas “un statut professionnel”, mais un hold-up social.
Cette réforme va plonger une partie importante de ces artistes travaillant sous le statut d’artiste dans une pauvreté structurelle, souvent au dessous du seuil de pauvreté.
Le secteur économique de la culture, dynamique et en pleine croissance, ne peut être qu’asphyxié par cette fragilisation de ses créateurs qui lui fournissent la matière première pour fonctionner.
Cet article 48bis risque par ailleurs de stimuler la pratique du travail au noir, et de démotiver l’artiste à travailler. La réforme annihile également tous les efforts des artistes plus expérimentés qui obtenaient jusqu’aujourd’hui un meilleur cachet : artistes ‘confirmés’ ou populaires, projets ambitieux nécessitant un investissement en temps de préparation, travail de qualité exceptionnelle, etc…
Comme autre effet pervers, cette nouvelle réforme incite les employeurs à limiter les cachets artistiques (au-delà desquels nous « perdrions des jours d’allocations »), alors que les créateurs sont déjà les parents pauvres du secteur culturel.
C’est bien la tendance actuelle que de sous-évaluer le travail des artistes, pour lesquels il n’existe pas de barèmes ni d’indexation des rémunérations, mais plutôt une diminution lente et incontrôlable des revenus.
De ce point de vue, la réforme s’articule mal avec la lutte contre le chômage, ou la consolidation de l’emploi (artistique) en FWB.
3) Pour le FACIR et les autres associations fédérant les secteur artistiques, le statut d’artiste ne doit pas être associé au chômage, mais bien à UN REGIME DE TRAVAIL adéquat à nos professions. Les mesures de contrôle de l’ONEM sont jusqu’à cette heure, totalement inadaptées à nos multiples réalités.
Cette réforme dans l’ensemble de ses moutures depuis 1992, répète la même erreur de conception de ce qu’est l’intermittence. L’intermittence concerne des gens travailleurs, passionnés, exigeants et extrêmement compétents dans leur domaine. Mais qui ne perçoivent des rémunérations que pour une partie infime du travail fourni, puisque tous ces jours de travail rémunérés sont précédés de nombreux jours, parfois des mois de répétition, de création, d’enregistrement. L’intermittence du travail artistique, ce ne sont pas des artistes qui travaillent en dilettante, mais des travailleurs à plein temps qui sont rémunérés par intermittence.
Par ailleurs, on peut s’étonner de ce que tout le poids des contrôles, des justifications et des éventuelles sanctions pèsent sur les créateurs de la culture eux-mêmes, alors qu’il serait plus simple et plus efficace d’exiger des employeurs eux-mêmes qu’ils appliquent la loi.
4) Cette réforme est le reflet d’une vision d’un secteur de la culture sans créateurs. Les intermittents (créateurs, interprètes et techniciens) sont les chevilles ouvrières du secteur économique de la culture. Ce sont pourtant eux, et eux seuls, qui sont victimes de cette réforme. C’est aussi la réalité d’une classe politique qui peine à reconnaitre le secteur culturel comme un secteur économique dynamique, en croissance, et qui génère des emplois nombreux et non-délocalisables. A ce titre, le FACIR s’etonne du silence de la Ministre de la Culture sur une question qui concerne pourtant toute l’organisation professionnelle de son secteur.
5) Le FACIR constate que, sous prétexte de “respecter les remarques du Conseil National du Travail” (structure paritaire syndicats/employeurs), Mesdames Onkelinx (pour les Affaires Sociales) et De Coninck (pour l’Emploi) ont en fait fui et contourné toute concertation réelle et préalable avec les organisations professionnelles et syndicales des différents secteurs culturels. Et contrairement à ce qui a été annoncé par Mesdames Onkelinkx et De Coninck (à une exception près du côté néerlandophone) l’écrasante majorité du secteur culturel rejette cette réforme. A l’évidence, la concertation a fait également défaut entre les deux signataires citées plus haut, cristallisant des divergences de vues des deux communautés auxquelles elles appartiennent. Le FACIR considère cette réforme profondément néfaste et, entre autres actions, se joint à d’autres pour tenter de prouver son inconstitutionnalité devant le Conseil d’Etat.
6) Une grave méconnaissance du fonctionnement du secteur culturel, et une absence de consultations des personnes concernées ne pouvait que déboucher sur une réponse inadéquate à un statut obsolète. Sans une concertation avec les différents représentants du secteur, les multiples variations de nos professions ne pourront être prises en compte dans la rédaction d’un statut d’artiste plus proche de la réalité. La réalité d’un comédien de théâtre est autre que celle d’un musicien freelance, d’un plasticien, ou d’un technicien de cinéma. Ces différences sont pourtant compréhensibles et définissables, pour qui s’y penche de manière consciencieuse et professionnelle. Comment cette réforme pourrait-elle être une ‘adaptation à l’évolution des métiers artistiques’ ?
7) Selon nos juristes spécialistes, cette réforme est un travail bâclé, introduisant des notions aux contours juridiques flous. Il n’y a par exemple aucune liaison terminologique entre le volet sécurité sociale (où l’on parle tantôt d’oeuvres de ‘nature artistique’, de ‘caractère artistique’), et le volet chômage (oeuvre ‘d’ordre artistique’, ou ‘oeuvre de l’esprit’) et aucun renvoi d’une texte à l’autre. De l’avis de tous, cette réforme est en plusieurs points moins clair et moins bien rédigé que sa version antérieure. Ce texte ne clarifie pas la réglementation, et de graves problèmes d’interprétations sont à craindre.
LA REFORME DU STATUT DE L’ARTISTE 2014 #1 starring Monica De Coninck & Laurette Onkelinx from FACIR on Vimeo.