Il ne s’agit pas seulement de l’Institut Robert-Koch : d’autres établissements de premier plan de la recherche médicale et épidémiologique comme l’Université Johns-Hopkins et la Charité de Berlin ne reconnaissent pas non plus eux-mêmes leurs crimes passés – les informations viennent d’ailleurs.
« Aux temps du colonialisme, il était habituel que des chercheurs sans scrupules, et en premier lieu, des Allemands, fassent des expériences sur des Africains. Robert Koch aussi a enfermé des malades dans des camps de concentration et testé sur eux de nouveaux antidotes. Les horreurs de la médecine tropicale coloniale font aujourd’hui encore sentir leurs effets ». Ainsi commence l’émission « Robert Koch et les crimes des médecins en Afrique », diffusée le 26-12-2020, et réalisée par Julia Amberger.
Koch est allé en Afrique dès le début des guerres coloniales de l’Empire allemand en 1883 ; c’était alors un médecin de 39 ans. Ses expériences eurent lieu dans le cadre de la conquête militaro-économique des colonies, c’est-à-dire de l’exploitation des hommes et des ressources naturelles. Il était aussi en relations d’échanges avec des médecins coloniaux britanniques, qui avaient déjà plus d’expérience. Il alla avec eux jusque dans la plus importante colonie anglaise, l’Inde. Sur l’ordre du gouvernement impérial allemand, il fit des expériences sur des indigènes en Afrique du Sud et dans l’Afrique Orientale allemande. Là, on devait avant tout combattre la maladie du sommeil, pour que la mort enlève le moins possible de main-d’œuvre aux entrepreneurs allemands.
Expériences mortelles dans des camps de concentration : aucune confrontation critique avec le passé du côté de l’Institut Robert-Koch
« Il testa comme médicament l’Atoxyl, un produit à l’arsenic. On savait qu’à dose élevée c’était un poison. Malgré cela, il augmentait progressivement la dose… estimant que les souffrances, la cécité et la mort de milliers d’hommes étaient un prix raisonnable à payer », dit-on dans l’émission. Et plus loin : « Afin de faire des recherches sur environ 1000 patients par jour, il isola de prétendus malades dans ce qu’on appelait des camps de concentration : on y manquait de tout. Nul ne sait combien d’hommes y moururent rien qu’à cause de ces conditions de vie ». [L’expression « camp de concentration », inventée par les Britanniques pour l’internement de Boers en Afrique du Sud, était alors habituelle dans la pratique coloniale, surtout des Britanniques. Elle fut traduite en allemand par les Allemands dans le Sud-Ouest africain, où les résistants hereros et namas furent enfermés dans des camps et soumis à des expériences par le « généticien » Eugen Fischer, futur professeur du Dr Joseph Mengele, le sinistre « généticien » d’Auschwitz]
La médecine coloniale ne devait pas aider des hommes en difficulté. Elle servait à la prospérité économique de la colonie – et à produire de nouvelles connaissances pour la science et l’industrie pharmaceutique allemandes. « Après l’Empire et la défaite lors de la première Guerre Mondiale, les Alliés prirent à l’Allemagne ses colonies. Mais elle allait maintenir la tradition : « Les médecins allemands ont ainsi essayé sur des Africains ce qu’ils perfectionnèrent plus tard sur des Juifs, des homosexuels et des opposants politiques ».
Cette histoire du médecin qui lui a donné son nom n’a pas été et n’est pas activement et publiquement reconnue par le RKI, pas plus que l’histoire de la médecine subventionnée par l’Etat.
Même chose pour l’Université Johns-Hopkins : aucune mise à plat des crimes médicaux
Il en est de même pour la principale fondation de l’Occident capitaliste pour la recherche médicale et les pandémies, l’Université d’élite privée Johns-Hopkins à Baltimore (USA). Bon nombre de ses instituts spécialisés sont financés depuis la première Guerre Mondiale par l’Etat en même temps que par de riches fondations d’entrepreneurs privés comme, aujourd’hui, par exemple, les fondations des multimilliardaires Michael Bloomberg, Stavros Niarchos (qui soutint le putsch militaire en Grèce en 1967) et Bill Gates. Le Global Health Security Institute de l’Université a, comme on sait, dans l’édition de 2019 de sa publication de référence, le Global Health Security Index, désigné comme « les mieux préparés » face aux pandémies parmi les 193 États membres de l’ONU, les systèmes de santé des USA et de la Grande-Bretagne – c’est sur eux que se sont alignés non seulement les gouvernements US et du Royaume-Uni sous Donald Trump et Boris Johnson, mais aussi les gouvernements de l’UE. [Les USA ont le système de santé le plus sûr du monde – L’Université Johns-Hopkins et la gestion globale des pandémies]
Des médecins de l’Université Johns-Hopkins ont participé après la IIe Guerre Mondiale, de 1946 à 1953, à des expériences mortelles : au Guatemala, ils ont inoculé, à leur insu, des maladies vénériennes à 1500 prisonniers, prostituées, simples soldats et enfants venant de foyers religieux. But : maintenir au plus bas niveau possible les maladies vénériennes des boys US employés dans le monde entier dans de nouvelles guerres et préserver leur aptitude au combat. Ces crimes non plus n’ont pas été reconnus par l’Université elle-même, et continuent jusqu’à aujourd’hui à être occultés.
C’est en 2010 seulement que l’historienne Susan Reverby, sans les chercher, tomba par hasard sur des documents. Les demandes d’indemnisation fondées sur ceux-ci présentées par des centaines de victimes et leurs descendants contre l’Université, la Fondation Rockfeller qui la finance, et le trust pharmaceutique Bristol Myers Squibb se trouvent toujours en attente de décision à Washington. Aucun des accusés ne conteste les faits, mais ils écartent toute responsabilité et n’ont pas présenté d’excuses.
L’institut Robert-Koch travaille en étroite collaboration avec l’Université Johns-Hopkins et ne s’est jamais prononcé sur les crimes de son partenaire et collaborateur.
La Charité : la reconnaissance des crimes n’est pas le fait de la Charité elle-même
La Charité est, à côté de l’Institut exécutant Robert-Koch, l’institution de premier plan en Allemagne pour la virologie et les pandémies. Placée sous égide publique, elle est en même temps le plus grand hôpital complètement privatisé d’Allemagne – peut-être grâce à l’externalisation de nombreuses activités vers sa filiale à bas coût Charité Facility Management GmbH. [Les démolisseurs. Non-droit du u travail et lutte syndicale professionnelle] La Charité fait de la recherche et entretient des liens dans le monde entier – particulièrement intensifs avec l’Université Johns-Hopkins.
La Charité poursuit depuis 2013 le projet « GedenkOrt.Charité — Wissenschaft in Verantwortung » [ La Charité.Lieu de mémoire – Une science responsable]. Le financement provient entre autres de la Fondation Springer. (Le Prix annuel Axel Springer a été décerné en 2020 au Corona-négateur et anti-vaccin Elon Musk ; l’orateur, lors de la remise du Prix, était justement le Ministre de la Santé allemand Jens Spahn : il cita quelques déclarations de Musk et recommanda ce qu’il refuse par principe aux autres : il faut rester « dans le dialogue ». Ce qui réjouit les grosses légumes, représentants du Trust Springer et entrepreneurs allemands, rassemblés, sans masque, dans la salle des fêtes de la Tour Springer de Berlin).
Dans le projet de reconnaissance « La Charité.Lieu de mémoire », on rappelle dûment que, durant la période nazie, la direction de l’hôpital licencia des collaborateurs juifs. Lors de l’inauguration, le Président du Comité directeur de la Charité, le Professeur Karl Max Einhäupl, s’exprima ainsi : « Des collègues femmes et hommes non-aryens et mal vus pour raison politique furent bannis, licenciés et chassés ».
Femmes exécutées de Plötzensee : « une précieuse matière première »
C’est seulement en 2019 qu’on a abordé un crime médical particulier : l’utilisation des corps des résistants exécutés par le régime nazi, dans le service d’anatomie de la Charité : mais la reconnaissance a été alors et est toujours limitée à un domaine tout à fait restreint.
De 1933 à 1945, on a surtout exécuté dans la prison berlinoise de Plötzensee plus de 2.800 résistants et autres personnes victimes de discrimination politique. Ils furent en majorité livrés à l’Institut anatomique de la Charité pour une utilisation scientifique, à des fins de recherche et d’enseignement.
Cette utilisation ne se fit pas sous la contrainte, mais selon les vœux précis de la Charité, qui demandait que les exécutions n’aient pas lieu le soir après 20 heures, afin que les raids aériens nocturnes ne gênent pas « le traitement des corps à des fins de recherche. » Les « médecins concernés » devaient pouvoir rentrer à la maison » à temps avec les transports publics.
Une reconnaissance étroitement limitée
Le 9 mai 2018, la Charité organisa le symposium « Le service d’anatomie sous le nazisme ». Les deux exposés spécialisés du Professeur Andreas Winkelmann et du Professeur Johannes Tuchel s’intéressèrent uniquement au Professeur Hermann Stieve, du service d’Anatomie de la Charité, qui utilisa seulement quelque 300 corps de Plötzensee.
Stieve s’était spécialisé dans la recherche sur le comportement de l’ovaire chez les femmes dans des circonstances de stress – par exemple une exécution. « Grâce aux exécutions, l’Institut d’Anatomie et de biologie anatomique obtint une matière première précieuse, comme aucun autre Institut du monde n’en possédait », s’enthousiasmait Stieve. Même après la guerre, il publia sur ce sujet, dans la revue Das deutsche Gesundheitswesen [ L’hygiène publique en Allemagne ].
Un des 300 cadavres destinés à Stieve fut celui d’Elfriede Remarque, guillotinée le 16-12-1943. La sœur du célèbre écrivain et amant de Marlène Dietrich, Erich Maria Remarque, qui s’était réfugié aux USA, était restée en Allemagne. « 30 minutes exactement après son exécution, elle fut transférée à la Charité, où son corps était déjà attendu par une équipe médicale à trois têtes, par deux étudiants, une infirmière et deux infirmiers dans la salle de dissection brillamment éclairée de l’Institut d’Anatomie ».
Pourquoi, Monsieur le Professeur Drosten ?
La reconnaissance par la Charité se réduit à « l’affaire Stieve » . [Exécutions dans la prison berlinoise de Plötzensee en 1933 – 1945 et l’anatomiste Hermann Stieve, publié par le Mémorial de la Résistance allemande] Ce qui est arrivé aux autres 2000 corps de personnes exécutées arrivés de Plötzensee à la Charité, par qui ils ont été utilisés en tant que « précieuse matière première » — ne fait toujours pas l’objet d’études.
Pourquoi, Monsieur le Professeur Drosten [directeur de l’Institut de virologie de la Charité, « découvreur » du virus SRAS en 2003, NdE], ne prenez-vous pas quelques centaines de milliers de dollars sur la généreuse donation de la Fondation Bill et Melinda Gates à la Charité pour cette recherche, au moins maintenant, un quart de siècle après ?