Un prêtre en mission à Guayaquil analyse le racisme en Équateur
Les manifestations des noirs aux États-Unis à propos du meurtre d’un noir par la police révèlent le vrai visage du pays : il y a encore beaucoup de racisme et beaucoup d’esclavage aux États-Unis. Ces manifestations nationales ont suscité une grande solidarité dans le monde entier. Ces événements sont une bonne occasion d’analyser notre racisme en Équateur par rapport aux noirs et aux Indiens : il est globalement assez profondément enraciné.
Malheureusement, c’est l’homme blanc qui est devenu la référence dans nos familles : le nouveau-né est « bien blanc : comme il est beau ! », les mannequins doivent être blancs, à la télévision, la question ne se pose même pas : les présentateurs et présentatrices sont tous si blancs, et ne nous demandons même pas combien de temps positif ils consacrent chaque jour aux Indiens et aux noirs ; et dans les publicités, les cuisiniers et les blanchisseuses sont forcément noirs, et ceux qui portent d’énormes sacs lourds doivent être Indiens. Ne parlons pas de l’école… qui accorde si peu de valeur à la culture noire et à la vision du monde des Indiens. Il en va de même pour les Églises : pendant des siècles, les Indiens et les noirs ne pouvaient pas être prêtres… Malgré le fait que les blancs du Nord ont apporté la mort, la violence, le viol, le pillage, la religion au service de la conquête et de l’esclavage… Comment ne pas être naturellement raciste avec tout cela ?
Quelle surprise et quel rejet produisent les informations des scientifiques qui nous disent que la race humaine, une et unique, est née en Afrique et qui affirment que nous sommes tous « noirs » ou de descendance noire ! Le sang de tous les humains actuels le révèle. Nous peignons toujours un Jésus à la peau blanche, aux yeux bleus et aux cheveux clairs alors qu’il avait la peau foncée, les yeux bruns et les cheveux noirs… Pourquoi ceux d’entre nous qui se disent chrétiens sont-ils si malhonnêtes à propos de l’histoire et de la réalité de Jésus ? Nous faisons peu de cas de l’homme noir qui a aidé Jésus à porter la croix, Simon de Cyrène, c’est-à-dire de Tunisie en Afrique du Nord. Une autre curiosité catholique est celle des anges : qui a déjà vu des anges noirs ? Peut-être avons-nous été frappés par le groupe musical chilien du même nom, « Los Angeles Negros », qui dans les années 70 chantait : « Peintre né sur ma terre avec un pinceau étranger, / pourquoi méprises-tu ma couleur ? / tu n’as jamais pensé à peindre un ange noir ! / Peins-moi des anges noirs ! »
Faisons un pas de plus : si la race humaine est née en Afrique et si, comme le dit le livre de la Genèse, Dieu nous a « faits à son image et à sa ressemblance », de quelle couleur serait la peau de Dieu ? Heureusement, une chanson connue nous donne une orientation et nous rassure un peu : « Papa, de quelle couleur est la peau de Dieu ? J’ai répondu : elle est noire, jaune, rouge et blanche. Nous sommes tous égaux aux yeux de Dieu. »
Avons-nous entendu parler de la théologie noire de la libération et de son principal porte-parole, James Cone ? Pourtant il ne vient pas de n’importe quel pays perdu d’Afrique, mais des États-Unis eux-mêmes ! James Cone a écrit sa Théologie noire de la libération vers 1970, il y a 50 ans, sous le titre provocateur : La Négritude de Dieu… environ deux ans avant le célèbre livre du prêtre péruvien Gustavo Gutiérrez : Théologie de la libération, qui marque le début de cette théologie en Amérique latine et dans l’Église catholique.
Autres questions : Avez-vous vu dans un livre ou sur Internet le nombre de noirs qui ont quitté l’Afrique, conduits comme esclaves aux Amériques, ou cet autre nombre, ceux qui sont morts dans les fermes au long de plusieurs siècles ? Ce sont plus de 30 millions de noirs esclaves et le même nombre qui sont morts pendant les voyages ou dans les fermes. La raison pour laquelle le peuple noir a été amené ici est que les Indiens de ce continent mouraient des suites de l’invasion dévastatrice, des maladies venues d’Europe, des mauvais traitements dans les mines d’or et d’argent et dans les plantations d’exportation… Nous avons à juste titre honte de ce commerce inique pratiqué par des pays, des personnes et des rois très catholiques. Le développement de l’Europe s’est appuyé sur l’esclavage, le sang et le pillage des Amériques et de ses habitants millénaires… C’est pourquoi quand on parle de « dette extérieure », il est légitime de se demander : qui doit à qui ?
Plus que d’avoir honte, il s’agit de demander pardon et d’apprendre à être solidaires et fraternels avec les noirs et les Indiens… Mais il y a plus : pour être pardonnés, il faut reconnaître le mal fait, réparer les dommages causés et s’engager à ne plus être aussi raciste. Serons-nous capables d’entendre le cri, de comprendre les protestations des noirs des États-Unis, d’Équateur, des Amériques et des pays de toute la planète ? Est-ce que ce ne serait pas le cri même de Dieu qui se fait noir avec les noirs et indien avec les Indiens ?
A cette réflexion, nous ajoutons deux chansons latino-américaines qui traitent la question de la race de Dieu.
Paroles (traduites) de la chanson de Robert Angleró "Si Dios fuera negro" Refrain : Si Dieu était noir - mon pote - tout changerait Ce serait notre race - ma pote - qui commanderait Noir serait le président et le gouverneur le Lys serait noir et la craie noire Noir Blanche-Neige et La Joconde Noir serait le jour Noir le soleil Noir le matin Noir le coton Noir serait le Pape et Noir serait les ministres Les anges seraient noirs et noir serait Jésus
La rap cubain s’est également emparé cette question avec le groupe Reyes de la calle — 1998 “Dios es Negro Benbom”