Les Indignés bruxellois sont-ils à la hauteur de leurs ambitions ?

La seule possibilité de permettre à ce mouvement de grandir et de s'épanouir réside dans sa capacité à appliquer ce qu'il défend

26 juin 2011, par Badi Baltazar

Source : le Buvard Bavard

Ces der­nières semaines, j’ai consa­cré une dizaine d’ar­ticles à l’ac­tua­li­té du mou­ve­ment dit des “Indi­gnés”. Pour ce faire, je me suis dépla­cé à Bruxelles, à Paris et à Bar­ce­lone avec comme objec­tif d’al­ler à leur ren­contre, mais sur­tout d’ob­ser­ver, d’a­na­ly­ser et de m’im­pré­gner de ce pour quoi ces citoyens se mobilisent. 

Parce qu’il est clair que voir des gens des­cendre dans les rues, se ras­sem­bler spon­ta­né­ment et paci­fi­que­ment, prendre déli­bé­ré­ment le risque d’être les vic­times de coups de matraques, de gaz lacry­mo­gène ou de subir des arres­ta­tions arbi­traires, est tout sauf ano­din. Les voir assu­mer publi­que­ment leur véri­té pro­fonde et leur colère, plan­ter leur tente sur des places publiques, y implan­ter une cui­sine et des ate­liers, y orga­ni­ser des assem­blées popu­laires, des biblio­thèques, des com­mis­sions et des acti­vi­tés est tout sauf inin­té­res­sant. Si le Buvard absorbe si fidè­le­ment les cou­leurs de leurs actions, c’est parce qu’en tant qu’être humain, je ne peux m’i­so­ler dans l’in­dif­fé­rence. Et je me dois donc d’as­su­mer moi aus­si mon rôle, au même titre que tous ceux qui refusent défi­ni­ti­ve­ment de res­ter pas­sif et de se ter­rer dans l’i­gno­rance ou la victimisation.

Néan­moins, j’ai à coeur de pré­ser­ver ma posi­tion d’ob­ser­va­teur. Mais je ne la conçois qu’im­pli­quée au coeur du sujet. Cela peut paraître para­doxal ou contra­dic­toire à pre­mière vue, mais je m’en explique par la véri­té sui­vante : on ne peut réel­le­ment com­prendre un phé­no­mène que si on le vit de l’in­té­rieur tout en s’a­mé­na­geant la capa­ci­té et le recul néces­saire que pour le vivre de l’ex­té­rieur. Se limi­ter à l’une des deux pos­tures ne peut qu’a­bou­tir aux résul­tats désas­treux et ridi­cu­le­ment dénoués de fon­de­ment qu’ob­tiennent cer­tains jour­na­listes ou chro­ni­queurs tels que Fran­çois De Smet et son “Indi­gnez-vous bande de moules” récem­ment publié sur le site de la RTBF. Dans le but de contri­buer à com­bler cet énorme fos­sé qui sépare le monde des médias de la réa­li­té qui est la nôtre, j’ai donc pris l’i­ni­tia­tive de m’in­for­mer, de me dépla­cer, de dia­lo­guer, de com­prendre et de suivre l’é­vo­lu­tion du mou­ve­ment des “Indi­gnés” tout en le relayant, le com­men­tant et en le par­ta­geant à tra­vers mes écrits.

Main­te­nant que le décor est plan­té et que les pré­sen­ta­tions d’u­sage sont faites, per­met­tez-moi de vous faire part de mon ana­lyse sur ce mouvement.

Quelles ont été les prin­ci­pales actions menées par le mou­ve­ment depuis sa naissance ?

1. Créa­tions spon­ta­nées de cam­pe­ments sur le Car­ré de Mos­cou à Saint-Gilles et sur la Place Sainte-Croix à Ixelles. D’autres cam­pe­ments ont éga­le­ment vu le jour à Uccle, Namur, Liège…


2. Orga­ni­sa­tions d’as­sem­blées popu­laires
quo­ti­diennes au sein des cam­pe­ments et ailleurs.

3. Ras­sem­ble­ments et marches de pro­tes­ta­tion, dont les plus impor­tants ont été ceux du :

11 juin, du Car­ré de Mos­cou à la place Fla­gey, triste théâtre de vio­lences poli­cières incon­trô­lées sur des citoyens paci­fiques dont le crime fût de vou­loir se réunir en assem­blée popu­laire sur la place :

19 juin, de la Place Fla­gey au Par­le­ment Euro­péen, pour dénon­cer le vote du paquet légis­la­tif dit “Euro Plus” et l’ins­tau­ra­tion d’une poli­tique d’aus­té­ri­té géné­rale sous contrôle des ins­ti­tu­tions euro­péennes que sont le Conseil, la Com­mis­sion, le Par­le­ment, la Banque Cen­trale et le FME. En un mot un cadre légis­la­tif aux ser­vices des banques et de l’ul­tra­li­bé­ra­li­sa­tion des mar­chés dans lequel les appa­reils poli­tiques natio­naux et par consé­quent les citoyens n’au­ront plus la moindre pos­si­bi­li­té de faire entendre leur voix et encore moins d’in­fluer sur les déci­sions prises par la nou­velle “gou­ver­nance Euro­péenne”, qui se veut supra­na­tio­nale et hégé­mo­nique, et ce, grâce à la suc­ces­sion des trai­tés qui consti­tuent aujourd’­hui son ADN.

Assem­blée populaire :
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Le sang d’un citoyen paci­fiste sur la visière aveu­glante d’un sys­tème répres­sif et insen­sible, tout un symbole.

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L’é­qua­tion fatale :

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Assem­blée popu­laire dans le hall de la Gare du Luxem­bourg, au pied du Par­le­ment Européen :

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Excellent docu­men­taire signé Démo­cra­tie Réelle Main­te­nant ! Bel­gium sur la mobi­li­sa­tion du 19 juin :

:: MANIF :: Bruxelles 19 JUIN — Réelle Démo­cra­tie Main­te­nant from DV8 Pro­duc­tion on Vimeo.

Un par­le­men­taire euro­péen pas comme les autres ?

22 juin, du rond-point Schu­man (face à la Com­mis­sion et au Conseil Euro­péen) au Par­le­ment Euro­péen (Place du Luxem­bourg) pour les mêmes rai­sons. La déci­sion de cer­tains Indi­gnés de pas­ser la nuit sur l’es­pla­nade du Par­le­ment a rapi­de­ment été avor­tée et la soi­rée s’est clô­tu­rée par un déploie­ment de police, des vio­lences poli­cières mais aus­si des vio­lences géné­rées par cer­tains troubles-faits exté­rieurs au mou­ve­ment. Le fil des vidéos prises tout le long de cet après-midi et de cette soi­rée est acces­sible ici.

23 juin, ten­ta­tive de se rendre au siège du jour­nal Le Soir (rue Royale) pour dénon­cer le manque d’in­for­ma­tions et la dés­in­for­ma­tion des médias tra­di­tion­nels. Cette der­nière s’est sol­dée par une qua­ran­taine d’ar­res­ta­tions pré­ven­tives tota­le­ment arbi­traires, sui­vies de trai­te­ments poli­ciers inac­cep­tables. Voi­ci le rap­port des faits publié par les admi­nis­tra­teurs du groupe Face­book Démo­cra­tie Réelle Main­te­nant ! Belgium.

23 juin, orga­ni­sa­tion d’un assem­blée popu­laire au Par­le­ment Euro­péen qui elle s’est vue dis­per­sée par les réac­tions répres­sives et vio­lentes de la police :

:: MANIF :: Bruxelles — 23 Juin from DV8 Pro­duc­tion on Vimeo.

4. Mise en place d’ou­tils de com­mu­ni­ca­tion tels que sites inter­net, connexions et échanges d’in­for­ma­tions avec les autres villes impli­quées dans le mou­ve­ment, groupes et pages Face­book, blogs, hash­tags Twit­ter, vidéo­thèques vir­tuelles, gale­ries pho­tos, retrans­mis­sions strea­ming, comptes-ren­dus, pro­cès-ver­baux d’as­sem­blée, orga­ni­sa­tions d’é­vè­ne­ments ponc­tuels ou régu­liers, ana­lyses et cri­tiques des dépêches de presse trai­tant du mou­ve­ment, publi­ca­tions d’ar­ticles d’o­pi­nion ou d’ar­ticles basés sur des faits dans les médias citoyens par­ti­ci­pa­tifs, mon­tages de petits docu­men­taires vidéo, d’in­ter­views, de témoi­gnages. Il est à noter que la qua­si-tota­li­té des infor­ma­tions cir­culent au sein du mou­ve­ment à tra­vers la Toile. Pour ceux qui sou­haitent appro­fon­dir la ques­tion des liens entre inter­net et la notion de démo­cra­tie, je vous invite à lire ce buvard.

Quels sont à ce jour les résul­tats de ces actions ? En quoi ont-elles été utiles et/ou contreproductives ?

1. Les cam­pe­ments ont été soit levés, soit détruits, soit éva­cués par la police et les ser­vices com­mu­naux. Les rai­sons s’ex­pliquent tan­tôt par des déci­sions per­son­nelles des cam­peurs, tan­tôt par des plaintes de com­mer­çants ou des déci­sions poli­tiques. Ceux qui sub­sis­te­raient encore ne tar­de­ront vrai­sem­bla­ble­ment pas à subir le même sort. A noter qu’il n’y a, semble-t’il, aucune volon­té mar­quée de remon­ter un cam­pe­ment à Bruxelles. La qua­si-tota­li­té des acteurs que j’ai pu entendre ou lire à ce sujet déplorent la dépense d’éner­gie que repré­sente une telle entre­prise. Les res­sources maté­rielles, sani­taires, juri­diques et les effort humains qu’un cam­pe­ment néces­site ont eu rai­son de la moti­va­tion et de la capa­ci­té actuelle d’au­to-ges­tion des Indi­gnés bruxel­lois. En cela, l’ex­pé­rience espa­gnole n’a pas trou­vé son équi­va­lant à Bruxelles, c’est un fait.

En revanche, je me dois de recon­naître et de sou­li­gner que l’ex­pé­rience des cam­pe­ments a énor­mé­ment appor­té au mou­ve­ment. Son ori­gine spon­ta­née, son carac­tère d’u­ni­ver­sa­li­té et de soli­da­ri­té. Espace de ren­contres et de par­tages, ils ont per­mis à une mul­ti­tude de citoyens de se retrou­ver phy­si­que­ment autour d’un pro­jet com­mun et non des moindres puis­qu’il s’a­git comme vous le savez de repen­ser les fon­de­ments d’une nou­velle socié­té, d’une réelle démo­cra­tie. En soi, l’é­pi­sode des cam­pe­ments est por­teur d’un res­sen­ti­ment pro­fon­dé­ment ancré dans notre socié­té : c’est à nous, le peuple, qu’il revient de chan­ger les choses. Si nous comp­tons sur nos repré­sen­tants poli­tiques, nous n’ob­tien­drons rien, les faits nous le rap­pellent sans cesse. La prise de conscience col­lec­tive que les cam­pe­ments incarnent a été selon moi l’élé­ment déclen­cheur de ce mou­ve­ment en Bel­gique. Le fait que des citoyens décident de phy­si­que­ment se réap­pro­prier l’es­pace public rend visible leur volon­té de chan­ge­ment. D’au­tant plus visible qu’ils y ont déve­lop­pé une sorte de micro­cosme de démo­cra­tie. En cela, les cam­pe­ments auront été une révo­lu­tion dans les men­ta­li­tés de cer­tains. Car en fili­grane, c’est un autre monde qui paraît possible.

2. Les assem­blées popu­laires
sont indé­nia­ble­ment les actions les plus impor­tantes et les plus révé­la­trices de ce qu’est le mou­ve­ment des Indi­gnés bruxel­lois aujourd’­hui. De plus en plus nom­breuses et de plus en plus orga­ni­sées, elles sont l’ex­pres­sion vivante de cette prise de conscience col­lec­tive qui est l’es­sence même du mou­ve­ment. Si elles conti­nuent à entre­te­nir, déve­lop­per et amé­lio­rer leur effec­ti­vi­té et leur effi­ca­ci­té, elles arri­ve­ront peut-être à assu­rer leur péren­ni­té. Elles sont ouvertes à tous, cha­cun y a droit à la parole et à l’é­coute. Si ces assem­blées popu­laires ont eu besoin de la créa­tion de cam­pe­ments pour prendre forme, elles ont aujourd’­hui leur propre sens et leur propre ave­nir. Nul doute que c’est en y par­ti­ci­pant, en en par­lant, en les uti­li­sant comme des leviers de col­la­bo­ra­tion, de tra­vail et de com­mu­ni­ca­tion qu’elles pour­ront four­nir tout leur potentiel.

3. Si l’on tra­çait une courbe de l’é­vo­lu­tion de la vio­lence poli­cière au fil des ras­sem­ble­ments, on pour­rait consta­ter de manière claire que celle-ci suit la courbe de l’é­vo­lu­tion du mou­ve­ment citoyen des Indi­gnés. Le fait est que la volon­té gran­dis­sante de se faire entendre coïn­cide avec la volon­té tout aus­si gran­dis­sante de le faire taire. La ques­tion qui se pose me semble évi­dente : quel inté­rêt ont les Indi­gnés à conti­nuer dans cette voix ? Pen­sez-vous vrai­ment que la solu­tion doit pas­ser par une confron­ta­tion per­ma­nente et de fait impro­duc­tive avec le sys­tème dénon­cé ? En d’autres mots, que res­sen­tez-vous le plus ? Le besoin de consa­crer votre éner­gie à com­battre votre adver­saire ou celui de mettre en pra­tique cet idéal de socié­té qui vous anime ? La grande majo­ri­té, je l’es­père, pense que la réponse est à mi-che­min entre les deux pro­po­si­tions. Une intel­li­gence col­lec­tive est par défi­ni­tion rela­tive, vu que cha­cun y contri­bue en culti­vant son intel­li­gence indi­vi­duelle. La plu­part des confron­ta­tions avec la police ont été le théâtre de coups de matraque, de vio­lences phy­siques, d’u­sage de gaz lacry­mo­gènes sur des citoyens paci­fistes, d’ar­res­ta­tions mus­clées et arbi­traires. Sans comp­ter les articles lacu­naires, récu­pé­rés, redi­ri­gés ou tout sim­ple­ment pro­duits par des imbé­ciles incom­pé­tents qui consi­dèrent encore ce mou­ve­ment comme apo­li­tique ou violent.

Vous aurez pro­ba­ble­ment com­pris où je veux en venir. Je suis aujourd’­hui per­sua­dé et inti­me­ment convain­cu que la seule pos­si­bi­li­té de per­mettre à ce mou­ve­ment de gran­dir et de s’é­pa­nouir réside dans sa capa­ci­té à appli­quer ce qu’il défend, à mon­trer l’exemple et sur­tout, à se mettre au tra­vail, sur le ter­rain, dans la rue et au sein de la col­lec­ti­vi­té mais aus­si dans sa propre vie, dans son intime véri­té, dans sa conscience. L’or­ga­ni­sa­tion de marches et de ras­sem­ble­ments citoyens est une néces­si­té que je ne remet­trai jamais en ques­tion, mais je pense en revanche que s’at­te­ler à en faire un moyen de pas­ser un mes­sage est pri­mor­dial. Le but d’une telle action, du moins dans les contextes qui sont les nôtres, ne réside pas dans la confron­ta­tion phy­sique au sys­tème, qui à tous les coups aura des effets défa­vo­rables sur l’ac­tion du citoyen. Je pense qu’il est urgent de repen­ser l’or­ga­ni­sa­tion et l’en­ca­dre­ment de telles ini­tia­tives par les citoyens eux-mêmes, pour leur inté­rêt com­mun, que ce soit par la média­tion, la créa­tion d’une com­mis­sion ou d’un pôle évo­lu­tif qui pour­rait assu­rer la sécu­ri­té de ces mobi­li­sa­tions pro­tes­ta­taires, non seule­ment pour garan­tir l’in­té­gri­té des par­ti­ci­pants mais avant tout pour pré­ser­ver l’in­té­gri­té de leur mes­sage commun. 

Pre­nons l’exemple du 22 juin, les Indi­gnés se sont ren­du au Par­le­ment Euro­péen pour faire entendre leur désac­cord et dénon­cer les effets per­vers et l’ap­pli­ca­tion uni­la­té­rale du Pacte de l’ Euro. Mal­heu­reu­se­ment, cer­tains indi­vi­dus ont per­tur­bé l’é­vè­ne­ment et ont four­ni ain­si le pré­texte aux poli­ciers d’in­ter­ve­nir vio­lem­ment pour dis­per­ser la foule et faire tour­ner la mobi­li­sa­tion en une pathé­tique course-pour­suite dans les rues d’Ixelles, à grand ren­fort de bou­cliers, de gaz lacry­mo­gène et d’au­to­pompe. Je pense qu’il est impor­tant de trou­ver des solu­tions pour évi­ter que ce genre de débor­de­ment ou d’in­tru­sion ne se réitère. En Espagne, ils appliquent l’au­to-ges­tion de leurs assem­blées lors de leurs actions ciblées éga­le­ment. L’in­di­vi­du per­tur­ba­teur est immé­dia­te­ment iden­ti­fié, pho­to­gra­phié, cana­li­sé et éjec­té, afin d’à la fois réaf­fir­mer la non-vio­lence du mou­ve­ment mais aus­si sa capa­ci­té à s’au­to-gérer et à don­ner l’exemple. En un mot, il faut tout faire pour évi­ter la vio­lence. Et si l’on prend la déci­sion de s’y confron­ter par la voix paci­fique, il faut tout mettre en oeuvre pour s’as­su­rer qu’au­cun débor­de­ment ne puisse la décré­di­bi­li­ser aux yeux du reste de la popu­la­tion. Le pire enne­mi se pro­file à l’in­té­rieur du mou­ve­ment, il s’in­filtre, sème la ziza­nie, agi­ta­teur, il n’est pas là pour por­ter les idées du mou­ve­ment. Qu’il soit de mèche avec les auto­ri­tés ou aveu­glé­ment anti-sys­tème, il doit être l’ob­jet d’une atten­tion réflé­chie et pro-active. Il y a de ce côté-là, du tra­vail à faire. De nom­breux ouvrages, manuels, tech­niques sont acces­sibles et cir­culent sur inter­net. Je ne peux qu’es­pé­rer que les inté­res­sés sau­ront en faire bon usage.

4. Sur le sujet des moyens de com­mu­ni­ca­tion internes et externes, je pense qu’il est accep­té par tout le monde que ceux-ci sont essen­tiels et qu’ils repré­sentent un com­plé­ment indis­pen­sable aux assem­blées popu­laires, dont ils tendent à être le pro­lon­ge­ment pour cer­tains, le reflet pour d’autres ou bien encore une porte d’en­trée pour le reste de la popu­la­tion. Si les assem­blées, qui je le répète sont à la fois le coeur et le pou­mon du mou­ve­ment, per­durent et prennent de l’am­pleur, les outils de com­mu­ni­ca­tion vir­tuels sui­vront de fac­to le pas, eux-mêmes pro­ta­go­nistes et vec­teurs de la prise de conscience col­lec­tive. Par contre, s’il y a un domaine dans lequel les outils de com­mu­ni­ca­tion doivent abso­lu­ment s’a­dap­ter, c’est dans la ges­tion des infor­ma­tions et dans la coor­di­na­tion de celles-ci entre les dif­fé­rentes struc­tures et les acteurs du mou­ve­ment qui les animent.

Mes conclu­sions

Pour clô­tu­rer cette ana­lyse per­son­nelle, je vou­drais reve­nir sur un point dont j’ai fait état pré­cé­dem­ment, mais sur lequel je n’ai pas vrai­ment insis­té. Il s’a­git de la notion de tra­vail. Et par­ti­cu­liè­re­ment du tra­vail qu’il est néces­saire de four­nir pour maté­ria­li­ser les reven­di­ca­tions pre­mières du mou­ve­ment, à savoir la créa­tion d’a­go­ras citoyennes à laquelle tout pas­sant est invi­té à se joindre, où les pro­blèmes seraient débat­tus, où des pro­po­si­tions seraient émises et où fina­le­ment des déci­sions seraient prises. Je pense que le moment est venu de pas­ser à l’é­tape sui­vante. Je pense que l’ex­pé­rience qui est celle des Indi­gnés aujourd’­hui doit leur per­mettre d’à la fois décen­tra­li­ser leur modèle d’as­sem­blée popu­laire au sein des autres quar­tiers, mais aus­si de com­men­cer véri­ta­ble­ment à tra­vailler. En ima­gi­nant que le sché­ma espa­gnol des com­mis­sions inté­grées à un cam­pe­ment ne soit pas envi­sa­geable, la créa­tion de pôle de tra­vail ou de toute struc­ture simi­laire s’im­pose. Se limi­ter à la prise de conscience n’est pas une option. Il faut aller de l’a­vant. Les citoyens dis­posent de la plus grande richesse qui soit : leur savoir et leur exper­tise. On pour­rait très bien ima­gi­ner de créer un pôle juri­dique à Poe­laert, édu­ca­tion et culture à Fla­gey, immi­gra­tion à Sta­lin­grad, infor­ma­tion et com­mu­ni­ca­tion à la place Ago­ra, san­té à Sainte-Cathe­rine, nucléaire au Car­ré de Mos­cou, etc… de sorte que cha­cun pour­rait faci­le­ment se rendre au pôle d’as­sem­blées qui l’in­té­resse pour y appor­ter son exper­tise ou tout sim­ple­ment pour s’y infor­mer. Outre la décen­tra­li­sa­tion des assem­blées et la néces­si­té de mettre en place des pôles de tra­vail thé­ma­tiques, il est un autre défi qu’il va fal­loir rele­ver, celui de la coor­di­na­tion de ces assem­blées, de ces pôles et des actions qu’ils déci­de­ront d’entreprendre.

Voi­là. J’es­père que cette grille de lec­ture vous aura éclai­ré et qu’elle vous aura don­né envie de tra­cer la vôtre. D’une manière plus glo­bale, je sou­hai­te­rais néan­moins insis­ter sur le fait qu’il est impé­ra­tif aujourd’­hui de réflé­chir à la stra­té­gie et aux outils/structures opé­ra­tion­nels qui per­met­tront au mou­ve­ment de prendre de l’am­pleur. Car comme les Indi­gnés d’i­ci ou d’ailleurs, ce qui me pré­oc­cupe pro­fon­dé­ment, c’est la péren­ni­té de ce mou­ve­ment citoyen paci­fiste, poli­tique, apar­tiste et prô­nant une démo­cra­tie réel­le­ment hori­zon­tale que j’ob­serve, côtoie, et réflé­chi depuis sa nais­sance, c’est le déve­lop­pe­ment de cette petite lumière d’es­poir qui est appa­rue dans nos coeurs à tous, c’est l’in­ten­si­fi­ca­tion de cette irré­sis­tible force qui nous tire vers le haut pour nous per­mettre de voir l’ho­ri­zon, de mieux com­prendre notre monde et de ten­ter d’in­fluer sur son inexo­rable marche, c’est la défense et la pour­suite de notre but com­mun qui ne pour­ra être atteint que si le plus grand nombre d’entre nous en font leur but premier.

Badi BALTAZAR

Pho­to­gra­phies de la jour­née du 19 juin : Quen­tin BRUNO