Lettre ouverte aux journalistes “professionnels”

Aucune démocratie digne de ce nom n’est en santé sans une saine information.

Bon­jour chers jour­na­listes professionnels,

Je vous implore de prendre quelques minutes pour lire mon message.

Mes­dames et Mes­sieurs les jour­na­listes, vous êtes tous des per­sonnes pour qui je vouais le plus grand res­pect. Votre métier est un des plus impor­tants métiers du monde. Les méde­cins nous gardent en san­té et vous, les jour­na­listes, vous avez le pou­voir de gar­der notre démo­cra­tie en santé.

Aucune démo­cra­tie digne de ce nom n’est en san­té sans une saine information.

Mes­sieurs et Mes­dames les jour­na­listes, je ne vous com­prends pas.

Vous êtes pour moi un mystère.

Un mys­tère sérieux et profond !

Vous savez, sans être jour­na­liste, sans être grand His­to­rien, on peut tout de même lire l’actualité de façon assez pré­cise. Il suf­fit de mettre un peu de temps pour ana­ly­ser l’Histoire, l’actualité et les dis­cours pour sai­sir le monde dans lequel nous vivons.

Vous pour qui le métier est de déco­der les mou­vances des puis­sances mon­diales, tant poli­tique qu’économique ou qu’énergétique, vous sem­blez être inca­pable de voir et d’entendre les mul­tiples indices et para­mètres de l’actualité au tra­vers des­quels nous pou­vons dres­ser un por­trait assez fidèle de cette réa­li­té qui nous entoure.

Vos repor­tages (sic) sont deve­nus des dis­cours de per­ro­quet qui répètent inlas­sa­ble­ment un ser­mon qui élude la réa­li­té ambiante et flagrante.

Pour­quoi ?

Pour­quoi ?

Pour­quoi ?

La ter­rible et humai­ne­ment hon­teuse expé­rience libyenne n’a‑t-elle pas suffi ?

Qu’est-ce qui vous motive donc à fer­mer cri­mi­nel­le­ment les yeux sur ce qui s’est pas­sé en Libye et sur ce que cette Libye, jadis la Suisse de l’Afrique, est devenue ?

Expli­quez-moi votre inad­mis­sible comportement.

De plus en plus, la popu­la­tion voit vos com­por­te­ments criminels.

Cri­mi­nels dans le sens que vous n’apportez aucun secours aux per­sonnes en danger.

Cri­mi­nels dans le sens que vous faites la pro­mo­tion du militaire.

Cri­mi­nels dans le sens que pen­dant dix longs mois vous avez fait la pro­mo­tion des bom­bar­de­ments inhu­mains sur la Libye et que vous avez caché ces villes « lit­té­ra­le­ment » rasées, ces villes que vous nous cachez toujours.

Cri­mi­nels dans le sens que vous n’avez pas ver­te­ment dénon­cé ces crimes racistes qui ont fait dis­pa­raître plu­sieurs com­mu­nau­tés noires libyennes.

Je ne m’explique pas votre com­por­te­ment criminel.

Je ne m’explique pas que vous pié­ti­niez ain­si votre noble métier.

Je ne m’explique pas.

Je vous invite, ici, à prendre une petite pause dans cette lec­ture déplai­sante et à écou­ter Sté­phane, ce Fran­çais d’origine syrienne dont plu­sieurs parents vivent à Hama :


Un audi­teur clash Bour­din sur la Syrie par Super_Resistence

Ce témoi­gnage, bien sen­ti, n’est qu’un par­mi tant d’autres.

Il y a des mul­ti­tudes de gens qui dénoncent votre per­ro­quisme (néo­lo­gisme signi­fiant faire comme un per­ro­quet, c’est-à-dire, répé­ter sans la moindre nuance ni vérification).

Comme ici le 15 juin 2011 :

Des cen­taines de mil­liers de syriens defilent contre l’in­ge­rence et les mensonges

On peut les voir ici :


Thou­sands attend pro-Assad ral­ly par tvn­por­tal

ou ici

http://www.dailymotion.com/video/xltds6_thousands-attend-pro-assad-rally_news

ou encore ici

http://www.dailymotion.com/video/xmnblw_pro-assad-supporters-protest-sanctions_news

Plu­sieurs énormes mani­fes­ta­tions ont eu lieu.

Et étran­ge­ment, pour vous, jour­na­listes pro­fes­sion­nels (?), elles semblent ne jamais avoir exis­té, elles semblent être une vue de l’esprit !

Pour­tant, tous ces témoi­gnages, toutes ces mani­fes­ta­tions sont suf­fi­sam­ment élo­quents et élo­quentes pour sus­ci­ter un ques­tion­ne­ment sur ce qui se passe réel­le­ment en Syrie.

Mal­gré de telles démons­tra­tions et de tels dis­cours, vous demeu­rez des per­ro­quets qui dif­fusent un dis­cours agres­sif, bel­li­queux embal­lé dans l’étoffe “huma­ni­taire” et démocratique (!).

De plus, vous sem­blez imper­méable au ter­rible ensei­gne­ment que nous a livré et nous livre tou­jours la tra­gé­die libyenne. Votre com­por­te­ment est incroyable, ren­ver­sant et même hon­teux ! Comme une insulte à l’intelligence humaine, comme un acte cri­mi­nel envers la réa­li­té des gens qui souffrent main­te­nant ou de ceux qui se sont fait mas­sa­crer sous des pré­textes mensongers.

Une honte envers votre devoir de bien infor­mer. Un irres­pect mar­quant des nobles valeurs de votre métier.

Votre com­por­te­ment est incom­pré­hen­sible. Comme si on vous avait ampu­té de votre éthique et pire, comme si on vous avait lit­té­ra­le­ment déshu­ma­ni­sé ! Com­ment peut-on faire ain­si la pro­mo­tion des armes et des conflits ? Com­ment peut-on deve­nir des ins­tru­ments de propagande ?

Mes­sieurs et mes­dames les jour­na­listes, chaque jour vous salis­sez de plus en plus visi­ble­ment votre noble pro­fes­sion et cha­cune de vos réputations.

Vous savez, on peut, pour un temps, maquiller la réa­li­té, mais celle-ci est comme de la mau­vaise (sic) herbe, elle finit tou­jours par s’imposer.

On a beau répé­ter sans cesse un men­songe pour lui don­ner l’apparence d’une véri­té dans l’esprit des gens, tôt ou tard, le men­songe sera mis en lumière.

Vous savez, lorsque Col­lin Powel bran­dis­sait ses éprou­vettes à l’ONU ou nous mon­trait des pho­tos satel­lites de sup­po­sé trans­port d’armes de des­truc­tion mas­sive en Irak, il était convain­cant, mais la réa­li­té a eu le der­nier mot.

Vous savez, lorsqu’une belle jeune femme s’est expri­mée au Congrès US en décla­rant que l’armée de Sad­dam tuait des bébés nais­sants dans des cou­veuses au Koweït, elle nous a tous ému, mais la réa­li­té a eu le der­nier mot.

Vous savez, lorsqu’on disait que les par­ti­sans de Chá­vez tuaient des gens du haut du pont Lla­gu­no, on croyait que c’était vrai, mais la réa­li­té a eu le der­nier mot.

Vous savez, lorsqu’on disait que Kadha­fi avait bom­bar­dé avec des avions de chasse une foule ou des quar­tiers, la réa­li­té nous montre que c’était faux.

Tout comme ces osse­ments de cha­meaux dont vous vous êtes ser­vis pour nous faire croire à des char­niers secrets du gou­ver­ne­ment Kadhafi !

La réa­li­té a tou­jours le der­nier mot.

La réa­li­té qui s’impose aujourd’hui, c’est la ter­rible des­truc­tion de la Libye.

Ce sont ces plaies libyennes béantes que vous vous effor­cez de nous cacher.

La réa­li­té c’est qu’aucune popu­la­tion ne mérite la guerre comme celle qu’on a hon­teu­se­ment faite en Libye.

La réa­li­té c’est que vous nous condi­tion­nez à accep­ter une autre inac­cep­table guerre. Une guerre qui, si elle a lieu, ce pour quoi vous tra­vaillez acti­ve­ment, sera encore plus ter­rible que celle de Libye.

J’implore donc ce qui vous reste de sens du devoir et ce qui vous reste d’humain en vous, pour que vous met­tiez votre arme média­tique au ser­vice de la véri­té et au ser­vice de la Paix et de la Jus­tice dans le monde.

La fin des mas­sacres du Viet­nam a été ren­due en grande par­tie pos­sible grâce à l’apport des jour­na­listes qui ont eu le cou­rage de dénon­cer les atrocités.

Par votre cou­rage vous pou­vez évi­ter un bain de sang et aider à mettre fin aux vio­lences qui pré­valent actuellement.

Je vous implore donc d’être plus res­pec­tueux des faits et de ces­ser de faire du jour­na­lisme de mots, c’est-à-dire, de ces­ser de répé­ter le dis­cours qu’on vous met en bouche.

Vous avez le pou­voir d’épargner la pre­mière vic­time de la guerre.

Vous avez le pou­voir de faire res­sor­tir la réalité.

Vous avez le pou­voir de nous trans­mettre les élé­ments et les indices nous per­met­tant de déce­ler à quoi res­semble la vérité.

Confron­tez les dis­cours avec les faits.

Mon­trez les deux côtés de la médaille du monde mal­sain dans lequel nous nous trouvons.

Éclai­rez les enjeux, éclai­rez les luttes de pou­voir supranational.

Si vous ne le faites pas, d’autres le feront (et le font déjà) à votre place.

Si vous per­sis­tez à ser­vir le men­songe et la cupi­di­té, vous fini­rez par perdre le peu de cré­di­bi­li­té et de noto­rié­té qui vous reste.

Si vous per­sis­tez à être les ins­tru­ments ser­viles d’un pou­voir abject, vous fini­rez un jour par être pour­sui­vi pour com­pli­ci­té de ces crimes contre l’Humanité.

par Serge Charbonneau

Source de l’ar­ticle : presse toi à gauche