Carte Blanche : Une insulte au peuple de gauche
Dans un texte paru le 29 avril dernier dans le quotidien le Soir, Yvon Toussaint, ancien rédacteur en chef du journal, énonce une définition du populisme qui lui est propre. Celui-ci devient « une même rhétorique à la fois brutale et gouailleuse de dénoncer des élites arrogantes, des immigrés mi-exploiteurs, mi-terroristes, ou des supranationaux apatrides qui polluent les identités nationalistes, voire même régionalistes », soit la définition de l’extrême droite.
Partant de cette interprétation vicieuse, monsieur Toussaint ose établir un parallèle entre des figures de l’extrême droite xénophobe européenne, notamment Marine Le Pen, et le coprésident du Parti de gauche et figure du Front de gauche en France, Jean-Luc Mélenchon. Nous dénonçons avec la plus grande force cet amalgame indigne et diffamant qui en rappelle un autre, celui entre communisme et fascisme, qui sert de prétexte au dogmatisme aveugle et sourd de tous les libéraux d’Europe.
Pour nourrir son amalgame, monsieur Toussaint reprend le titre d’un récent ouvrage de Jean-Luc Mélenchon, Qu’ils s’en aillent tous ! prenant grand soin d’en omettre la seconde partie (« Vite, la révolution citoyenne ») et surtout d’en travestir le sens. Cette expression, mot d’ordre des révoltes citoyennes d’Amérique du Sud, n’a rien à voir avec un quelconque populisme droitier mais est au contraire le cri de ralliement de divers mouvements populaires de contestation de celui-ci et des logiques ultralibérales imposées notamment par le Fonds monétaire international (FMI) et relayées par des oligarchies locales. En Amérique comme ici, ceux qui défendent l’intérêt général du peuple souverain sont la cible de ceux qui craignent cette souveraineté.
Que propose l’ouvrage de monsieur Mélenchon ? Un nouveau partage des richesses et la construction de pôles publics dans les domaines tels que l’énergie, la finance, les transports et l’éducation. La planification écologique de l’économie. La sortie du traité de Lisbonne qui nous condamne aux politiques ultralibérales. La paix, notamment par le retrait de l’Otan d’Afghanistan. L’abandon des logiques prédatrices de la dérégulation commerciale mondiale qui condamne le monde aux compétitions meurtrières.
Nous, hommes et femmes de gauche, affirmons notre droit à défendre un tel programme sans être voués aux gémonies et mis sur le même pied que les ennemis de la démocratie de la droite xénophobe, auxquels tout nous oppose (quiconque, doté d’un minimum d’esprit d’analyse et de conscience politique, en conviendra d’ailleurs aisément : une telle assimilation est dénuée de tout fondement et intellectuellement malhonnête). Nous affirmons notre droit à dénoncer les orientations et les conséquences d’une Union européenne ultralibérale, antisociale et anti-écologique. Une Union européenne autoritaire servie par des gouvernements qui ne respectent plus même le vote du peuple souverain. Pensons aux non au TCE (traité pour une Constitution européenne), exprimés en France, aux Pays-Bas et en Irlande, qui ont été niés par les pouvoirs en place.
Notre combat est celui de la fraternité, de l’égalité et de la solidarité entre les peuples et non de l’égoïsme identitaire. De la solidarité internationale et non du racisme d’État.
S’il est une cause à l’échec actuel de la construction européenne dont s’attriste Yvon Toussaint, c’est précisément sa nature essentiellement économique et droitière, son absolu déficit démocratique. La meilleure manière de combattre les replis identitaires et la droite xénophobe, c’est de construire une autre Europe, sociale, solidaire et démocratique. Pour cela, plutôt que de les caricaturer ou de les insulter, il conviendrait de soutenir celles et ceux qui se battent pour une Europe libérée de la dictature des marchés et de l’argent roi.
(*) Premiers signataires : Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne ; Yannick Bovy, journaliste ; Didier Brissa, membre du collectif Le Ressort ; Fabrizio Bucella, conseiller communal PS, Ixelles ; Jean-Marie Chauvier, journaliste ; Jean Cornil, ancien parlementaire PS ; Nico Cué, secrétaire général des métallos Wallonie-Bruxelles FGTB ; Vincent Decroly, ancien parlementaire Écolo ; Céline Delforge, députée bruxelloise Écolo ; Paul Delmotte, enseignant ; Jean Delval, Éditions du Cerisier ; Jean-Marie Dermagne, avocat ; Egidio Di Panfilo, secrétaire général du Setca Liège ; Josy Dubié, sénateur honoraire ; Xavier Dupret, chercheur en économie ; Pascal Durand, professeur d’université ; Pierre Eyben, porte-parole du PC Wallonie-Bruxelles ; Corinne Gobin, politologue ULB ; Giovanni Lentini, FGTB wallonne ; Gilles Martin, Éditions Aden ; Jean-Pierre Michiels, président de l’ACCJ ; Jean-Pierre Nossent, président de l’Ihoes ; Daniel Richard, secrétaire régional FGTB Verviers ; François Schreuer, militant de gauche ; Claude Semal, artiste ; Olivier Starquit, Amis du Monde diplomatique Liège ; Christiane Stefanski, chanteuse ; Annick Stevens, professeur de philosophie et militante anarchiste ; Alain Van Praet, militant syndical CSC.