L’arbitraire s’étend peu à peu à toute l’Atlantique-Nord

Au moment de pro­cé­der à l’enregistrement à Paris, les employées d’Air Cana­da m’ont dit qu’elles ne pou­vaient pas m’autoriser à mon­ter dans l’avion…

-303.jpg Ce dimanche, 20 Mars, en qua­li­té de conseiller poli­tique sur les ques­tions de com­merce inter­na­tio­nal, j’aurais dû accom­pa­gner Lola San­chez Cal­den­tey, dépu­tée euro­péenne du groupe GUE/NGL pour PODEMOS au sein d’une délé­ga­tion offi­cielle du Par­le­ment euro­péen (Com­mis­sion INTA) au Cana­da (Otta­wa et Mont­réal) pour y trai­ter du CETA, cet accord dévas­ta­teur, le grand frère du TTIP.

Au moment de pro­cé­der à l’enregistrement à Paris, les employées d’Air Cana­da m’ont dit qu’elles ne pou­vaient pas m’autoriser à mon­ter dans l’a­vion. Après une heure d’at­tente, elles m’ont signi­fié que les res­pon­sables de la sécu­ri­té cana­dienne avaient consul­té leurs homo­logues des États-Unis, et que, puisque les États-Unis m’ont inclus dans leur NO-FLY-LIST, les auto­ri­tés cana­diennes appli­que­raient auto­ma­ti­que­ment cette mesure contre moi.

J’ai été pri­vé de séjour aux États-Unis à par­tir de 2004, semble-t-il à cause des actions d’opposition démo­cra­tiques, amples et paci­fiques au très mili­ta­riste Plan Colom­bie des États-Unis, puis à la pré­sence du Pré­sident Uribe à Bruxelles et au Par­le­ment euro­péen à Stras­bourg. Deux mois plus tard, le nom de ma com­pagne et le mien figu­raient sur un site Web des para­mi­li­taires colom­biens, et, avec les mêmes mots, dans les fichiers de la très illé­gale Opé­ra­tion Euro­pa de la police admi­nis­tra­tive DAS dont on sait depuis qu’elle abri­tait des agents amé­ri­cains dans ses bureaux, et qu’elle payait des gens à Bruxelles, depuis lors démas­qués par le juge d’instruction bruxel­lois Leroux.

Aujourd’­hui, il est plus que démon­tré que nous avions rai­son, que le gou­ver­ne­ment Uribe a appuyé les esca­drons de la mort. Nombre de ses ministres et des dépu­tés de son par­ti sont empri­son­nés pour cette rai­son, ain­si que son frère San­tia­go, qui a été accu­sé fin février 2016 de faire par­tie d’un groupe de pro­prié­taires ter­riens appe­lés « Les douze apôtres » qui com­man­di­taient les assas­si­nats et les mas­sacres contre les syn­di­ca­listes ou simples pay­sans qui ten­taient de défendre leurs terres et leurs droits.

Mais peu importe. Le Consu­lat amé­ri­cain à Bruxelles en refu­sant de me don­ner un visa à la demande du Par­le­ment euro­péen en 2007 pour motif (par écrit) d’ « actions ter­ro­ristes » m’a pré­ci­sé que l’ad­mi­nis­tra­tion amé­ri­caine ne dit jamais quelles sont les rai­sons, qu’il n’y a pas de recours judi­ciaire pour contes­ter cette déci­sion, et que c’est pour toute la vie. Peu importe que la per­sonne ne fasse l’objet d’aucune accu­sa­tion ou pour­suite dans quelque pays que ce soit.

Voi­ci donc le bel espace de libre-échange et d’arbitraire que l’on nous pré­pare en accom­pa­gne­ment des dévas­ta­teurs accords de libre-échange CETA et TTIP, tout en nous répé­tant que l’Union euro­péenne, les États-Unis et le Cana­da par­tagent les même valeurs. Les­quelles au juste ?

Tan­dis que les auto­ri­tés doua­nières du Cana­da suivent les États-Unis aveu­glé­ment (mal­gré tous les agis­se­ments arbi­traires bien connus à Guan­ta­na­mo, etc…) et cen­surent notre pré­sence dans leur pays à cause de nos actions pour les droits humains, elles semblent s’accommoder par contre fort bien de l’arrivée aujourd’­hui sur leur ter­ri­toire de Marine Le Pen et de son mari. A ça au moins j’aurai échappé…

La ques­tion qui se pose­ra bien­tôt est de savoir si les auto­ri­tés cana­diennes vont appli­quer ces mêmes mesures arbi­traires aux par­ti­ci­pants et par­ti­ci­pantes au Forum Social Mon­dial du 9 au 14 Août 2016 à Montréal…

par Paul-Emile Dupret

Paul Émile Dupret est conseiller poli­tique sur les ques­tions du com­merce inter­na­tio­nal auprès du groupe par­le­men­taire Gauche Unie Euro­péenne. Mili­tant des droits de l’Homme et alter­mon­dia­liste engagé.

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