Madame Milquet,
Le 15 mars prochain aura lieu la journée internationale contre les violences policières, des centaines voire des milliers de personnes victimes de violences policières manifesteront dans les rues pour essayer de se faire entendre par le gouvernement et plus spécialement par vous Madame Milquet qui êtes ministre de l’intérieur, et par conséquent responsable de la police. L’occasion de vous rappeler la situation désastreuse dans notre plat pays. Cette année, le comité P a enregistré pour 2012 un nombre record de plaintes mais seulement 20% de celles-ci sont analysées et environ à peine 3% mènent finalement à une sanction. Ces sanctions sont en réalité dans la plupart des cas des congés payés par le contribuable ou un sursit enlevant rarement le droit d’exercer. Résultat, une impunité constante pour les agents qui se comportent comme de vrais criminels alors qu’ils devraient théoriquement servir à protéger la population.
Je suis étudiant en sociologie et en communication à l’Université de Saint-Louis, un garçon sans problème, un casier entièrement vierge. Et pourtant en juillet 2013, j’ai été victime pendant la nuit de violences policières sans précédent sur ma personne alors que je rentrais accompagné de mes amis en direction de mon domicile. Une vingtaine d’agents intervenaient pour une dispute entre deux jeunes une dizaine de mètres plus loin. Un policier nerveux en gilet par-balles est arrivé de nulle part et s’en est directement pris à moi en me poussant et en me traitant de “connard”. Lorsque je lui ai demandé calmement pourquoi il s’en prenait à moi, il s’est élancé en donnant des coups de poing en ma direction, très vite rejoint par une dizaine de collègues, ils me mirent au sol et me rouèrent de coups. Une fois menotté, je fus jeté dans la voiture comme un chien et emmené au commissariat où ces derniers m’ont maintenu pendant plus d’une heure sur une chaise pour me faire subir des tortures physiques et psychologiques sans que je ne puisse faire valoir mes droits à savoir : Disposer d’un avocat, être emmené à l’hôpital et enfin être mis au courant du motif de mon arrestation. J’ai été jeté hors du commissariat sans signer de dé- position aux environs de 6 heures du matin, le visage gonflé et le nez en sang. J’ai ensuite fait constater mes blessures et j’ai porté plainte au comité P. Depuis, le Comité P a jeté mon dossier à la poubelle comme 80% des plaintes déposées par les victimes aujourd’hui. Trouvez-vous cela normal Madame Milquet ?
Etant futur sociologue, je ne vous interpelle non pas pour mon cas individuel, mais bien pour soulever un fait de société qu’est devenu la violence policière aujourd’hui. Certains agents terrorisent la population sans jamais être réprimandés par la loi qui est pourtant normalement la même pour tous en cas de violence illégitime et gratuite. Depuis que j’ai rejoint la campagne Stop Répression à la JOC de Bruxelles avec mon histoire, il ne se passe pas une semaine sans que je ne reçoive de messages de personnes qui ont vécu une histoire similaire à la mienne. Et la campagne stop répression veut mettre en avant les réalités vécues par toutes ces victimes et exiger la vérité et la justice pour tous. Ma plainte nous permet de mettre en avant cette réalité. Mais la plupart ont aujourd’hui peur de parler, peur des représailles et ne rentrent donc même pas dans les statistiques.
Si mes souvenirs sont bons, en Octobre dernier, vous avez entendu les policiers victimes de violences en vous basant sur une étude plus que douteuse qui ne précise en rien ce à quoi elle fait référence (données statistiques réelles, critique des sources, objectivité scientifique) et avez promis des mesures strictes pour les combattre. Qu’allez-vous faire ? Armer les policiers de fusils à pompe ? Remplacer les auto-pompes par des chars d’assaut ? Augmenter les peines déjà lourdes et ex- presses pour les auteurs de violences envers les agents ?
Aujourd’hui le budget pour la police est déjà lourd puisqu’en moyenne, un citoyen paye environ annuellement 280 euros pour armer la police. Nous nous inquiétons réellement pour notre avenir et rejetons le tout sécuritaire dont nous sommes, nous peuple, victime. Il ne faut pas remonter loin dans l’actualité pour trouver : des sans-abris victimes d’une année entière de tortures de la part de 14 agents de police, le jeune Moad tabassé à 14 ans par des policiers alors qu’il faisait simplement son jogging, des policiers accusés d’harcèlement sexuel sur leurs collègues, des vidéos circulant montrant de l’ultra violence de la part d’agents sur des citoyens pourtant déjà neutralisés et mis au sol et encore il y a à peine 10 jours, un jeune de 14 ans maltraité dans le même commissariat que moi, sur la même chaise, ayant subit sans raison valable les mêmes coups et les mêmes insultes que moi. Sans oublier les afghans et autres manifestants gazés et matraqués alors qu’ils manifestaient pacifiquement.
Et TOUS aujourd’hui ont encore la possibilité d’exercer leur métier et donc de bénéficier d’une violence légitimée par le pouvoir mis en place. Nous nous retrouvons totalement désarmés face à cette violence et nous vous demandons, en vue des élections, de bien vouloir répondre à la demande d’un peuple qui demande justice et réparation.
Nous voulons :
- De réelles sanctions pour les policiers auteurs de violence et d’abus. — Un comité P autonome et non entièrement constitué de policiers ou ex voire futurs policiers car nous pensons avec évidence qu’ils manquent ainsi d’objectivité
- Que l’entièreté des dossiers soient analysés avec profondeur et sérieux afin d’identifier les responsables.
- Une formation des agents plus longue et plus axée sur la communication et la gestion de conflit et non à l’usage excessif de la matraque et du gaz lacrymogène.
- Une révision du statut que l’on donne aux policiers aujourd’hui, leur rappelant que l’objectif de leur métier est d’assurer la protection de toute la population et non de la classe privilégiée.
C’est un cri du cœur lancé par un peuple victime d’injustice, nous vous prions d’en tenir compte et de faire de votre possible pour entendre ceux qui aujourd’hui ont mal. Mal au corps, mal à la tête, mal au cœur, car la violence symbolique et physique s’exerce en chacun de nous.
Léonis Arno.
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