Au-delà de la guerre des chiffres, l’annonce est confirmée et fait trembler le secteur ferroviaire : le groupe SNCB devra économiser 2,127 milliards d’euros en l’espace de cinq ans ! Dans le même temps, le Gouvernement fédéral ferme les yeux sur une mesure d’économie structurelle favorable à la mobilité, à l’environnement et à la santé des citoyens : la réforme du système fiscal des voitures de société. En jeu : 3,5 milliards d’euros d’économies par an, soit 17,5 milliards sur les cinq années de disette imposée à nos chemins de fer…
La Déclaration de politique générale présentée il y a quelques semaines par le Gouvernement fédéral apparaissait plutôt favorable à la mobilité avec notamment de potentielles avancées sur le rail (principe des chaînes de déplacements, nouveau Plan Transport prévu en 2017…). Les déclarations annonçant des coupes strictes – mais non affectées précisément – dans le budget du groupe SNCB tuent toutefois ces espoirs dans l’œuf et laissent au contraire présager des heures sombres, non seulement pour ce secteur mais pour l’ensemble de la mobilité de notre pays.
Exiger plus de clarté dans les dépenses publiques du groupe ferroviaire est un objectif louable. Mais assigner des coupes à l’aveugle, sans aucune référence à une politique globale de déplacements et alors que la SNCB a déjà subi un plan d’économies fin 2011 est pour le moins léger. Car les défis dans le secteur ferroviaire sont nombreux.
En matière d’investissements, notamment, il faut rattraper le retard accumulé dans le renouvellement des composantes de l’infrastructure, augmenter la capacité du matériel roulant pour pouvoir accueillir correctement les navetteurs aux heures de pointe, créer et rénover de nombreux points d’arrêts ou encore accélérer et optimiser la mise en œuvre du RER. Le Plan Pluriannuel d’Investissements 2013 – 2025, défini dans une enveloppe de 25 milliards d’euros, a déjà été jugé insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins. Reporter à plus tard des investissements fondamentaux pour une exploitation optimale du réseau, c’est accepter une dégradation de notre patrimoine ferroviaire et payer plus cher demain des travaux de réhabilitation urgents.
La réflexion sur le transport ferroviaire doit s’inscrire dans le cadre d’une politique globale de mobilité, intégrant l’offre (tous les modes de transport), la demande (citoyens et monde économique) et les moyens d’assurer durablement l’adéquation de l’une à l’autre. L’exécutif fédéral semble négliger dans son approche un élément politique fondamental : le régime fiscal très particulier des voitures de société et la perte qu’il représente pour les finances publiques. Un régime dans lequel trois effets s’additionnent : le versement de « cotisations de solidarité » par les employeurs en lieu et place de cotisations ONSS ; l’absence de cotisations ONSS employés ; le mode de calcul de cet avantage de toute nature (ATN). Inter-Environnement Wallonie (IEW) a quantifié ces effets en termes de manque à gagner pour l’État sur l’année 2011. Ils sont respectivement de 1, 0,74 et 1,8 milliard d’euros soit un total de près de 3,5 milliards d’euros !
L’Organisation de coopération et de Développement économiques (OCDE) a quant à elle récemment chiffré l’effet ATN à 1,995 milliard d’euros pour l’année 2012, ce qui conforte les estimations d’IEW. Il importe en outre de noter que, selon l’OCDE, les coûts environnementaux et sociaux de la sous-taxation des voitures de société sont élevés, notamment au niveau des changements climatiques, de la pollution de l’air, de la congestion et des accidents de la route. Ainsi, selon les chiffres du Beci (Chambre de commerce & Union des entreprises de Bruxelles), les coûts externes liés à la congestion, seulement à Bruxelles, se monteraient à 511 millions d’euros par an uniquement pour Bruxelles.
Le statut spécial des voitures de société est souvent justifié en tant que palliatif à une fiscalité sur le travail particulièrement élevée. Dès lors que la déclaration gouvernementale met clairement en exergue la volonté de « diminuer le coût du travail », il semblerait logique de supprimer le palliatif et d’enfin appliquer les recommandations de l’OCDE et du Conseil supérieur des Finances pour lequel « il faut aller progressivement vers la suppression du régime fiscal particulier des voitures de société et aligner la taxation de l’avantage de toute nature sur celle des salaires, tant dans le chef de l’employeur que dans le chef du salarié ».
Par-delà les gains évoqués plus haut, une telle approche permettrait de supprimer le manque criant d’équité du système : alors que 17 % des ménages belges ne disposent pas de voiture, les ménages dont les revenus sont supérieurs à 4 000 euros par mois concentrent plus de la moitié des voitures de société.